Annonce

Réduire
Aucune annonce.

Pourquoi l'Europe et l'USA ne doivent pas intervenir en Syrie

Réduire
X
 
  • Filtre
  • Heure
  • Afficher
Tout nettoyer
nouveaux messages

  • Pourquoi l'Europe et l'USA ne doivent pas intervenir en Syrie

    N’écoutez pas les experts qui veulent attirer les États-Unis dans un nouveau bourbier au Moyen-Orient. La stratégie d’Obama en Syrie fonctionne déjà.

    Ne les écoutez pas. Le temps de culpabiliser les États-Unis pour les pousser dans des interventions militaires chères et mal pensées est révolu. En effet, les raisons d’intervenir en Syrie—l’espoir de désamorcer un conflit religieux et politique sanglant et d’asséner aux mollahs iraniens un coup mortel—ne sont tout bonnement pas assez impérieuses pour compenser les risques et les inconnues.

    La rengaine «Il faut en faire plus» s’est intensifiée à la lumière des événements spectaculaires et tragiques d’Alep, où l’armée syrienne semble une fois de plus être en train de dévaster une grande ville dans l’espoir d’en extirper ses opposants.

    Fin juillet, le Washington Post a de nouveau appelé à une série de démarches—donner des armes aux rebelles et mettre sur pied des plans d’urgence de zones d’exclusion aérienne—sans la moindre analyse pour savoir si de telles mesures affecteraient de façon sensible la situation sur le terrain, sans parler de la moindre considération des coûts engendrés au cas où elles ne serviraient à rien.

    Aucune force sur le terrain capable d'imposer l'ordre

    La danse macabre du président syrien Bachar al-Assad et de son régime est une histoire à la fois longue et complexe, et il est fort probable qu’elle se poursuive encore un peu. Il se peut qu’Assad se retire dans une enclave alaouite sur la côte nord-ouest de la Syrie, où il pourrait faire front à ses opposants encore un bon moment. Dans l’intervalle, le conflit entre un régime meurtrier et une opposition qui ne voudra pas abandonner—mais qui n’est pas encore en mesure de gagner—se poursuit.

    La réalité est que la Syrie est au cœur d’une lutte interne complexe où figurent une opposition divisée, des acteurs régionaux dont chacun a des objectifs distincts et des grandes puissances en compétition. Il n’existe aucune force sur le terrain—ni de constellation de puissances extérieures—capable d’imposer l’ordre.

    Que les États-Unis entrent dans l’arène en tant que quasi-combattants ne ferait que compliquer les choses. Certes, le président américain Barack Obama pourrait renverser les Assad par la force—mais il ferait de gros dégâts au passage et finirait obligé de rebâtir le pays. Vous connaissez la règle Pottery Barn [celui qui casse doit payer]? C’est bien la dernière chose dont l’Amérique a besoin.

    Pourtant, certains semblent déjà déterminés à reprocher à l’Amérique le chaos qui règne en Syrie. La crise syrienne n’en serait jamais arrivée là si les États-Unis n’avaient pas été si passifs, a formulé le Wall Street Journal fin juillet. En ne prenant pas la tête d’une coalition de nations volontaires, le pays est responsable d’une pagaille qui sera plus difficile à nettoyer.

    L’arrogance d’un tel argument est aussi stupéfiante qu’irresponsable. L’idée que les États-Unis auraient pu arranger la situation en Syrie relève de la même logique tordue qui a produit la débâcle irakienne. En outre, elle foule aux pieds l’esprit d’autonomie qui a fait des révoltes populaires du monde arabe des phénomènes si sincères et authentiques.

    Si ce que l’on appelle le Printemps arabe produit réellement de meilleurs gouvernements, ce sera précisément parce que les États-Unis ont gardé leurs distances et que les citoyens ont assumé la responsabilité de leur avenir politique. Quelle cruelle ironie que l’unique pays où l’Amérique est lourdement intervenue, l’Irak, soit celui dans lequel un homme fort arabe agisse encore de façon arbitraire et répressive.

    L’idée de rassembler une coalition de pays volontaires est quant à elle dépassée. Certains pensent encore qu’une alliance peut être constituée pour sauver la situation en fournissant des armes et une couverture aérienne à n’importe quel groupe d’opposition qui signerait un genre d’engagement de bonne conduite

    Mais qui voudrait y participer, et que seraient-ils prêts à faire précisément? Ces derniers mois, nous avons plutôt vu une coalition des pays réfractaires, opposés et hésitants. Aucun degré d’implication américaine n’aurait poussé les Européens à envisager des options militaires risquées, particulièrement après que les opérations dirigées par l’Otan en Libye ont démontré les limites de leurs ressources. Et oubliez l’aide de la Russie—le Kremlin semble disposé à défendre Assad jusqu’à la dernière goutte de sang.

    En ce qui concerne la Turquie, sur qui les pro-intervention misent le plus gros de leurs espoirs, il y a une raison si Ankara n’a jusqu’ici fait qu’aboyer au lieu de mordre. La Turquie aura recours à la force des armes si elle voit ses militants kurdes profiter de la vacance de pouvoir en Syrie pour s’y établir une base, mais elle n’incite pas de façon agressive à l’établissement d’une «zone de sécurité» en territoire syrien à cause la méfiance de son opinion envers la guerre et des complications possibles avec l’Iran et la Russie. Vous rappelez-vous de la politique «zéro problème» du Premier Ministre Recep Tayyip Erdogan? Il veut que tout le monde l’aime.

    Rester circonspect avec la Syrie reste la meilleure approche pour l’administration Obama, et voici pourquoi.

    Mais l’idée que les États-Unis—plongés dans les affres d’une crise économique, déjà éprouvés par une décennie de coûteuses guerres à l’étranger et au beau milieu d’une saison électorale—puissent faciliter cette transition de façon substantielle étire les limites de la crédibilité jusqu’à leur point de rupture

    Après la mort de milliers de soldats américains en Irak et en Afghanistan et des milliards de dollars dépensés, seul un observateur volontairement délirant pourrait avancer que les aventures américaines dans ces pays valaient le prix que les États-Unis ont payé. Et l’état actuel de ces pays n’a pas de quoi inspirer de nouvelles expéditions militaires visant à améliorer le sort d’une nouvelle terre étrangère.

    Ryan Crocker, ambassadeur américain en Afghanistan sur le point de prendre sa retraite, homme très raisonnable qui a passé sa carrière à essayer de faire fonctionner les politiques déraisonnables de son gouvernement, a su le mieux trouver les mots lors de son interview de départ accordée au New York Times.

    Nous serions bien inspirés de retenir les trois leçons qu’il nous donne: nous souvenir des lois de l’effet pervers; reconnaître les limites des capacités américaines; et comprendre que la sortie de conflit d’une puissance étrangère peut s’avérer aussi dangereuse pour le pays en question que le conflit de départ.

    Aujourd’hui, la Syrie est dans le chaos—mais c’est un chaos syrien. L’Afghanistan et l’Irak devraient nous faire comprendre que l’Amérique ne peut contrôler le monde entier. Il est temps que le pays se concentre sur la réparation de sa propre maison en ruines, plutôt que de courir après l’illusion qu’il peut toujours aider à réparer celles des autres.

    Swing-Malson
Chargement...
X