Annonce

Réduire
Aucune annonce.

L’annuaire marocain de la stratégie et des relations internationales : un éclairage pour comprendre le nouveau

Réduire
X
 
  • Filtre
  • Heure
  • Afficher
Tout nettoyer
nouveaux messages

  • L’annuaire marocain de la stratégie et des relations internationales : un éclairage pour comprendre le nouveau

    Il vient de publier, en collaboration avec les Éditions l’Harmattan, «l’Annuaire marocain de la stratégie et des relations internationales» (AMSRI) en trois langues, arabe, français et anglais. Quel est le projet des contributeurs de ce travail ? Comment est-il organisé ? sur quelle centralité ? quelle actualité ? Le président du CMIESI répond à ces questions à la fois d’ordre méthodologique et politique en donnant un avant-goût de ce travail, dont la diversité des points de vue et la qualité de l’analyse méritent d’être soulignées comme l’implication des codirecteurs de l’AMSRI, les Professeurs Asmaa Alaoui Taib, Abdallah Harsi et Mohamed Fakihi et les 300 contributeurs à l’ouvrage.

    Le Matin : Comment est née l’idée de «l’Annuaire marocain
    de la stratégie et des relations internationales» ?
    Abdelhak Azzouzi : L’idée est née du fait que l’on constate un vide conceptuel concernant la production intellectuelle et stratégique savante sur le Maroc, surtout en langue anglaise. Il est désolant de voir nos collègues anglo-saxons (surtout ceux des États-Unis et de la Grande-Bretagne), dans les universités comme dans les centres de décision, souffrir, par exemple, du manque d’une littérature conséquente et savante sur le Maroc. La production est soit arabophone, soit francophone, la plupart du temps. Qui plus est, il n’y a pas de recueils, d’annuaires ou d’ouvrages publiés annuellement et qui retracent par l’écrit savant, même en arabe ou en français, les sujets divers, en liaison avec les événements de l’année de référence, mais aussi avec des thèmes plus permanents, regroupés sur une base thématique. L’AMSRI essaye de combler ce vide et constitue en la matière une publication sans équivalent dans la littérature arabophone, francophone et anglophone. C’est la raison pour laquelle l’AMSRI rassemble des analyses savantes, des articles académiques, des rapports, des statistiques, des chronologies rédigés dans un esprit pluridisciplinaire par des universitaires, des diplomates de renom, de grands économistes, des banquiers, des chercheurs, des décideurs, des experts marocains ou étrangers.
    La formule d’un Annuaire reste une tradition francophone, avec ces précédents illustres que constituent «l’Annuaire français de droit international» et «l’Annuaire français des relations internationales». Cependant, l’AMSRI va au-delà de la conception francophone pour embrasser les vertus de la méthodologie épistémologique du monde anglo-saxon, particulièrement américaines. Car il va sans dire que les revues scientifiques citées le plus fréquemment sur le marché international sont américaines. Je pense à «World Politics», «International Organization», «International Security», «International Studies Quarterly» (accompagné de la «Mershon Studies Review»). Il en est de même pour les revues dont le contenu porte sur des méthodes ou des thèmes particuliers : pour des approches quantitatives et/ou inspirées de la théorie des jeux, «The Journal of Conflict Resolution et International Interaction», sur les questions de sécurité, «Security Studies», sur l’éthique, «Ethics and International Affairs». L’AMSRI s’inspire de cet ensemble comme celui des publications américaines destinées à un public plus large, mais qui n’échappent pas à la règle : «Foreign Affairs», qui a fêté cette année quatre-vingt-dix ans d’existence, «Foreign policy et Orbis». D’où d’ailleurs, au-delà des articles savants dans ce volume, les rapports et les différentes banques de données. La production française reste aussi très faible par rapport à celle des États-Unis. La taille du marché universitaire américain, le nombre des politistes internationalistes, le soutien des fondations, le nombre des éditeurs, les interactions avec les décideurs politiques font que le centre de gravité est situé bel et bien aux États-Unis. Cela explique le nombre de décideurs marocains qui ont contribué dans ce volume et notre volonté d’entreprendre l’exploration systématique des faits et des événements par l’utilisation de plusieurs compétences.
    En outre, comme le souligne Pascal Vennesson, la question des relations entre les dynamiques politiques internes et internationales aux États-Unis est l’une des plus stimulantes, et nombre de notions, de théories et d’enquêtes empiriques développées dans l’étude des relations internationales lui apportent des éléments de réponse tout à fait stimulants. Ces éléments et d’autres sont le principal poteau indicateur de l’AMSRI qui aidera le décideur marocain et étranger, le chercheur, l’universitaire, l’étudiant, les institutions financières, les experts dans le monde entier à trouver leur voie. De même, il serait juste de créer un lien solide entre les spécialistes universitaires, les experts avec les décideurs politiques et ceux dans le domaine de l’international. Les relations qu’ils entretiennent aux États-Unis sont très anciennes. Woodrow Wilson était un politiste et le produit singulier d’Harvard qu’est Henry Kessinger a occupé des positions clés à la Maison Blanche. L’interaction, personnelle et intellectuelle, entre le champ universitaire et le champ politique est plus forte aux États-Unis qu’en Europe. On le constate bien dans la pensée et les liens des membres américains et européens, associés au CMIESI, avec le champ politique national de leur pays. Ceux des chercheurs américains sont plus forts et réguliers. En Europe, ce lien est quasi inexistant. Pour nous aussi, il s’agit de relever ce décalage dans le cas marocain et essayer de combler le fossé (bridge the gap) qui séparerait des milieux jugés de plus en plus étrangers les uns aux autres.

    À qui s’adresse l’annuaire ?
    pour quel public ?
    Pour un public très large : pour les universitaires et leurs étudiants, que ce soit aux États-Unis, en Grande-Bretagne, en France ou au Canada, au Maroc ou en Algérie ou ailleurs (puisque l’AMSRI est publié simultanément en trois langues), les chercheurs, les observateurs que sont les journalistes spécialisés, mais aussi les praticiens de la science politique et des relations internationales – diplomates, hauts fonctionnaires internationaux, membres des ONG, parlementaires, chefs d’États et leurs conseillers, think tanks, centres d’analyses et de prospectives, banques mondiales, institutions internationales

  • #2
    suite

    En quoi consiste-t-il et comment expliquez-vous l’importance
    de l’espace consacré au Sahara ?
    Nous avons abordé différentes rubriques. Le tout a mobilisé plus de 300 personnes : Le Maroc et les espaces régionaux et mondiaux ; la question du Sahara marocain à l’épreuve du lien externe/interne ; les rapports maroco-espagnols dans un espace méditerranéen en pleine ébullition ; les politiques macro-économiques ; les politiques sectorielles ; les questions de la jeunesse, l’emploi et la formation professionnelle ; le champ politique national ; la gouvernance et le développement institutionnel ; la chronologie politique ; la chronologie diplomatique ; la chronologie économique ; la situation du monde arabe ; les enjeux géopolitiques internationaux : médias, immigration, paix, pratiques interculturelles et nouvelles relations internationales, etc. Nous avons essayé de corréler les différentes disciplines pour étudier sans nous dissoudre dans un éclectisme sans consistance, ou dans un syncrétisme artificiel, la portée de la diplomatie marocaine à travers l’étude des intérêts nationaux du Maroc par rapport au nouveau système international, les relations du Maroc avec certains espaces régionaux comme l’Union européenne, les États-Unis, l’Afrique, l’Espagne, avec certaines organisations internationales, etc. Nous avons analysé, en recourant à une transdisciplinarité maîtrisée, la question du Sahara marocain dans tous ses aspects avec des perspectives et des études empiriques. Beaucoup de préjugés et de falsifications sont omniprésents dans les universités anglo-saxonnes, les institutions, les centres de décision et autres sur la question du Sahara marocain. Il n’y a malheureusement pas de production scientifique, académique et savante en la matière de notre part.
    L’AMSRI, en trois langues, va combler ce vide dans une démarche purement logique, scientifique et savante. Cette démarche n’est nullement propagandiste, comme pourraient le penser certains. D’où la force de frappe de cette publication. Sinon, une maison d’édition comme l’Harmattan refuserait de publier notre travail. Aussi, les vingt et un auteurs de la rubrique sur le Sahara ont dépassé l’histoire événementielle, tout en mettant en avant le poids des sciences juridiques, des structures, les forces profondes – telles que les forces économiques et les mentalités, les tractations régionales en passant par la culture, l’anthropologie pour comprendre et analyser les faits. Cela ne veut pas dire que nous avons ignoré l’histoire. Au contraire, nous l’avons abordée, mais sous un angle où la discipline joint les autres branches des sciences sociales pour éviter l’extrémisme disciplinaire. N’importe quels décideur, chercheur, etc., trouveront des réponses dans cette rubrique. Cela dit, nous avons intégré dans ce pôle les avancées démocratiques et l’exceptionnalisme politique marocain par rapport à son contexte régional et arabe. Nous partons du principe que le lien interne/externe est déterminant. Nous avons abordé aussi la question économique, la question institutionnelle, constitutionnelle, la question maghrébine et arabe, l’espace méditerranéen et africain, la géopolitique mondiale, etc.
    Les études savantes intégrées dans les rubriques et pôles de l’AMSRI s’inscrivent dans un cadre d’analyse qui intègre une transdisciplinarité maîtrisée et dépasse les cloisonnements académiques les plus rigides. Mais ce cadre brille par le nombre d’informations considérables qui ne figurent toujours pas dans les exercices académiques français, comme «l’Annuaire français des relations internationales», «Critique internationale», «Cultures et conflits», «Politique africaine» et «la Revue internationale des sciences sociales», où la lignée de la section d’études internationales (SEI) de l’Association française de science politique (AFSP) inscrit depuis une date récente son action. Il s’agit dans le cadre de l’AMSRI d’une véritable banque de données qui servira, parallèlement aux études sérieuses qu’il offre, des données brutes et nettes pour d’autres recherches (rapports, chronologies, etc.), sans lesquelles on ne peut progresser dans les analyses, les jugements ou les raisonnements. Compétitivité, audace dans la recherche et vigueur des arguments sont les fondements de l’entreprise intellectuelle de l’AMSRI. Sa publication simultanée en trois langues souligne l’originalité du travail et sa dimension mondiale. Une conception souple des canons de la scientificité permet d’éviter d’assécher l’imagination et conduire à des impasses. L’on peut conclure que l’AMSRI, dans son premier volume est conforme au mode de présentation standardisé des publications de référence.

    Pourquoi le choix des éditions
    de l’Harmattan ?
    Parce que c’est une maison d’édition internationale domiciliée à Paris et qui a des points de vente partout dans le monde. Elle est connue par son sérieux, sa scientificité et parce qu’elle a enregistré des décennies d’expérience en matière de diffusion, de publication, des débats qu’elle suscite en plus de sa formidable bibliothèque numérique, la première en Europe. D’ailleurs, les grandes maisons d’édition internationales se réfèrent à sa production et se la procurent. Aussi, entre le CMIESI et l’Harmattan, il y a une formidable entente intellectuelle depuis six ans basée sur l’échange académique (les forums de Fès par exemple) et nous partageons tous des valeurs méditerranéennes, celles de l’humanisme mondial.

    Avez-vous éprouvé des difficultés à décrire le champ politique
    marocain avec la rigueur scientifique nécessaire dans le contexte actuel du Printemps arabe ?
    Il n’y a pas de difficulté, car les canons que nous avons utilisés sont des canons scientifiques sans parti pris. Pour comprendre et décrire le champ politique marocain, l’on doit mettre en œuvre une juxtaposition de démarches. L’étude du Printemps arabe, célébré par beaucoup et redouté par quelques-uns, est en tous cas génératrice d’une remise en cause radicale des anciens équilibres institutionnels. L’étude et la description de l’exceptionnalisme marocain à travers, par exemple, la nouvelle loi fondamentale, dont il s’est doté, est présentée comme une réponse aux nouveaux défis politiques, une réponse originale, notamment par la forme monarchique du régime. En même temps, elle se veut en phase avec les tendances les plus modernes, à honneur dans le monde complexe, les nouvelles formes de l’ingénierie constitutionnelle, cette dernière étant traversée de toutes sortes de courants et de modes. Le constituant marocain a puisé, chaque fois que cela lui a paru nécessaire, dans ce que ses protagonistes eux-mêmes qualifient de «boîte à outils», mais sans être dupe des fausses nouveautés ou des transformations périlleuses. On aurait pu imaginer de traiter ces deux éléments, d’ordre politologique et de type juridique, de façon simultanée dans une description mêlant les attentes plus ou moins clairement formulées par la population des pays arabes et les nouveaux articles introduits dans le texte constitutionnel de 2011. On conviendra qu’il y aurait eu de l’artificiel dans cette démarche, dans la mesure où les modes de fonctionnement du politique et du juridique sont différents et puisqu’un texte constitutionnel a d’abord un caractère national, même si son adoption peut être mise en rapport avec des événements internationaux de grande ampleur.
    Pour autant, les liens à travers le dialogue des différentes disciplines sont réels. On les a intégrés et soulignés chaque fois que cela a paru indispensable et nul doute que le lecteur saura débusquer des influences croisées entre le développement, dans tous les pays arabes, le Maghreb et particulièrement au Maroc, d’une vie politique de plus en plus active et un renouveau institutionnel accordant une large place au multipartisme au Maroc.

    Pour le second tome de l’annuaire, consacré aux institutions, et à l’évolution du système politique, vous avez fait appel à des professeurs émérites étrangers. Sur la base de quels critères avez-vous fait votre choix ?
    L’AMSRI aspire à être un lieu de référence où se retrouvent les experts de toutes les disciplines concernées, dans la mesure où elles comportent un objet national ou international. Il a, en effet, vocation à encourager la présence des universités marocaines, de leurs centres de recherches et de leurs chercheurs dans un domaine où ils sont dispersés et la plupart du temps isolés. Le sommaire de ce volume témoigne de la richesse de l’université marocaine qui regorge d’une pléiade de spécialistes érudits. Nous avons sollicité les meilleurs spécialistes qui n’enlèvent pas leur habit académique. Cependant, comme nous l’avons signalé, disposer d’un vivier d’universitaires ne signifie pas retenir une conception fermée de la recherche. Au contraire. L’AMSRI demeure ouvert à un grand nombre d’experts extérieurs, soit qu’ils appartiennent à des centres de recherches non universitaires (des centraliens, des polytechniciens, etc.), soit qu’ils proviennent de milieux professionnels (des diplomates, des décideurs politiques, de hauts fonctionnaires, des parlementaires, des syndicalistes, etc.).
    Il n’y a pas de contradiction, mais une réelle complémentarité entre des recherches universitaires savantes qui respectent la scientificité académique et les rapports et conclusions concrets que l’on peut retirer de l’expérience, du regard différent et de la connaissance personnelle de domaines spécialisés. C’est une véritable gymnastique intellectuelle et une combinaison que l’AMSRI s’est efforcé de réaliser. Ne courait-on pas le risque en persévérant dans la lecture traditionnelle des événements, d’illustrer l’allégorie qu’Alfred Grosser aimait évoquer dans ses cours, celle du passant dans la nuit qui cherche une clé sous un réverbère : «Êtes-vous sûr qu’il faut bien chercher là ?» «Non… mais là c’est éclairé. Ailleurs, je n’y vois rien».



    Publié le : 13 Septembre 2012 - Entretien réalisé par Farida Moha, LE MATIN

    Commentaire


    • #3
      haddou
      tu sait pas s'il y'a une version électronique à télécharger

      Commentaire

      Chargement...
      X