Annonce

Réduire
Aucune annonce.

Sombre avenir pour Sonatrach

Réduire
X
 
  • Filtre
  • Heure
  • Afficher
Tout nettoyer
nouveaux messages

  • Sombre avenir pour Sonatrach

    Le programme de Sonatrach relatif au forage et au développement des puits accuse un retard qui suscite bien des inquiétudes chez les experts en énergie et plonge la société dans le doute quant à ses capacités à respecter ses engagements dans ce segment d’activité.

    Ce constat est en récurrence depuis le mois dernier, autrement dit depuis l’annonce de l’attribution des marchés de réalisation de forage et workover de puits d’hydrocarbures. Les trois quarts des projets contenus dans l’appel d’offres ont été déclarés infructueux et Sonatrach devrait perdre une année encore avant de concrétiser ces opérations vitales à son développement. Sur 17 lots que comportait l’appel d’offres, qui a traîné pendant plus d’un an, cinq ont été déclarés infructueux en raison de la réception d'un seul pli à l'étape financière, sept autres ont été annulés, car les candidats ont proposé des prix jugés «anormalement élevés» et enfin, un dernier lot a été annulé car une seule offre a été déclarée conforme aux exigences du dossier. Les lots attribués ont coûté la bagatelle de 7,6 milliards de dinars et 150 millions de dollars, partagés entre trois sociétés étrangères : Great Wall Drilling Company Ltd, le Groupement Sun Lucas et la chinoise Sinopec. Les raisons de cette faillite attestent de la mauvaise gestion de Sonatrach et surtout des séquelles de l’ère Chakib Khelil. Aujourd’hui, l’entreprise est paralysée en raison de l’absence d’initiatives et de l’attentisme, qui devient le critère principal dans la prise de décision. Pour s’en apercevoir, il suffit de retracer les étapes de cette affaire : l’appel à candidature a été lancé le 26 juillet 2011 pour la sélection des entreprises devant réaliser des travaux de forage et de workover de puits d'hydrocarbures. Il était question de 200 puits de forage et de 100 opérations de workover. L’opération nécessitait la mobilisation, pendant trois ans, de 26 appareils de forage et de 7 appareils de workover qui allaient être répartis sur trois zones d’activité : le gisement de Hassi Messaoud, le bassin de Berkine et celui d'Illizi. Avant même de déclarer la liste des candidats retenus, Noureddine Cherouati est écarté par son ministre et remplacé par Abdelhamid Zerguine. C’est sous la responsabilité de ce dernier que huit candidats ont été retenus pour la réalisation des projets de forage. Première faille : il manquait à l’appel plusieurs sociétés mondialement réputées dans le domaine des forages. La seconde faille réside dans le fait que le lancement effectif des procédures d’attribution de marchés a été retardé à plusieurs reprises et Sonatrach a perdu neuf mois pour aboutir à ces maigres résultats.

    Cartes grillées

    Cette situation a été créée par Sonatrach qui a étalé toutes ses cartes à travers le PMT (programme à moyen terme 2012-2016), où il est expressément spécifié que durant les cinq prochaines années, elle a pour objectif d'intensifier l'effort de recherche en vue de consolider sa base de réserves d'hydrocarbures. Le niveau des réserves récupérables restantes au 1er janvier 2011 a enregistré une baisse de 187 millions TEP (-4%) par rapport à la situation arrêtée au 1er janvier 2010 du fait que le niveau de soutirage net réalisé en 2010 (177 millions TEP) n'a pu être totalement compensé par l'apport d’exploration. Pour la période 2012-2016, le programme global de forage, prévu par Sonatrach en effort propre (exploration et développement), dépassera le seuil de 240 puits par an et rien que pour l’année 2013, il sera nécessaire de procéder à la mobilisation de 90 appareils de forage. Sonatrach ira plus loin en dévoilant ses failles en matière d’équipement et tous les opérateurs savent désormais qu’il faudra 11 appareils de forage supplémentaires à partir de 2013, en plus des projets de mobilisation de nouveaux appareils (Entp et Enafor), prévus en 2012 et en 2013.Ces chiffres, qui n’ont pas une grande signification pour les décideurs, révèlent que Sonatrach est en difficulté dans ses activités de forage et de développement. Les prestataires de services aux puits sont attirés par le marché américain et celui de la péninsule arabe où les volumes de forage augmentent de façon exponentielle. Et même si on doit rattraper le retard immédiatement, il faudra passer inévitablement par les procédures de gré à gré et négocier directement avec les partenaires étrangers qui connaissent exactement les besoins de Sonatrach et imposeront certainement leur diktat. Dans ce cas de figure, pourquoi a-t-on renvoyé Chakib Khelil ?
    On préfère sous-traiter avec les étrangers
    Après l’arnaque des appareils de forage acquis sous Chakib Khelil, l’Entp et l’Enafor n’ont plus les mêmes capacités pour s’équiper et acquérir aussi facilement de nouveaux appareils de forage. Le cas de l’Enafor est édifiant quant à la gestion des moyens : entre 2002 et 2010, le parc de l’entreprise est passé de 22 à 34 appareils, soit une évolution de l’ordre de 30 %. Mais, pendant la même période, l’activité annuelle est restée avec la même performance de 130 réalisés en moyenne. En plus du faible rendement de son parc, on n’évoque jamais dans les bilans de Sonatrach l’activité de SWCS (Sahara Well Construction Services) qui a été créée entre l’Enafor et Schlumberger, pour la réalisation de puits d’hydrocarbures. En conclusion, il n’existe pas assez de volonté pour développer les capacités de Sonatrach. On préfère sous-traiter et renflouer les caisses de certains prestataires plutôt qu’investir dans les moyens et dans la ressource humaine. Pour preuve, au début de l’année, des travaux de forage ont été attribués à deux sociétés (MIAlgeria et Ava-Algérie) pour des sommes faramineuses que Sonatrach aurait pu épargner si le parc de l’Enafor et de l’Entp était plus riche et plus organisé.

    La faillite des activités à l’étranger

    Au lieu de se concentrer sur l’activité en Algérie, l’Entp et l’Enafor ont été entraînées par Chakib Khelil dans des opérations à l’étranger et, depuis, leur crédit a été lourdement affecté. Outre le scandale des appareils de forage investis par ces deux entreprises à Oman, le cas de l’appareil TP215 est significatif quant à la mauvaise gestion du parc des filiales de Sonatrach. Le TP 215 (1500 HP) a été affecté à la SIPEX Libyan Branch qui gère les activités de Sonatrach dans le bassin de Ghedames en Libye. L’appareil en question est resté pendant plus d’une année exposé à tous les dangers de la guerre civile qui rongeait le pays et aucune action n’a été engagée pour le rapatrier à temps. Finalement, l’Entp a annoncé, le 2 juillet dernier, la reprise de l’activité de cet appareil. Du coup, on constate que l’équipe actuelle évite encore de froisser Chakib Khelil en taisant tous les scandales dans lesquels il est impliqué.

    Les bonnes vieilles recettes


    Au paroxysme du socialisme institué par Boumediène, Sonatrach parvenait à trouver des solutions au forage en se tournant vers les sociétés américaines. Ainsi, en 1966, l’entreprise avait créé Alfor, une joint-venture avec South Eastern Drilling Inc, une société du sud de la Floride spécialisée dans les forages. Jusqu’en 1982, Alfor avait réalisé des milliers de forages et participé à la formation de milliers de techniciens et de cadres algériens. Aujourd’hui, Sonatrach traite exclusivement avec les «boîtes» étrangères sans aucune volonté de développer les potentialités locales. L’obligation d’investissement, imposée par le code des marchés publics, n’est que rarement appliquée par Sonatrach lors des passations de marchés avec les fournisseurs étrangers. En revanche, un mépris est constamment affichée à l’égard des opérateurs algériens. En janvier 2011, les groupes Haddad et Kouninef avaient manifesté leur intention d’investir dans l’activité pétrolière. Il y a quelques mois, le groupe Cevital avait également procédé à la modification de ses statuts pour exercer dans cette même activité. Mais, jusqu’ici, ils n’ont été associés à aucune opération d’envergure dans les programmes de Sonatrach. En associant d’autres géants du BTPH, tels GESI-TP et Geomag, Sonatrach aurait pu contribuer à la création d’un nouveau pôle de travaux de forage et régler définitivement le problème. Dans ce sillage, il faut citer un exemple de patriotisme économique : en attribuant à Alfapipe, selon une procédure de gré à gré, les projets GR4 et GR5, Sonatrach a permis à cette entreprise publique une expansion jamais égalée, car le montant des deux contrats de fourniture de tubes est équivalant à neuf fois le capital social d’une banque. Idem pour Cosider Canalisation, qui a bénéficié du marché de réalisation du gazoduc GR4, pour un montant de 33 milliards de dinars. Alors pourquoi ne pas étendre cette procédure à toute la soustraitance qui peut être réalisée par les entreprises algériennes ? Sonatrach publiera bientôt le bilan de ses activités pour l’année 2011. Le rapport annuel comportera beaucoup de chiffres et autant de promesses en matière d’investissement. Comme dans un chant de sirènes, les Algériens seront charmés par les perspectives de notre groupe pétrolier. Comme à son habitude, le ministre du pétrole préparera, à chaque sortie vers l’APN, des déclarations pleines d’espoir sur les investissements de Sonatrach. Mais quel commentaire fera-t-on en 2017, lorsque les Algériens découvriront la faillite de la gestion actuelle du groupe pétrolier ?

    Par Mokhtar Benzaki, Le Soir
Chargement...
X