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Le pouvoir poétique prend sa revanche

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  • Le pouvoir poétique prend sa revanche

    Lorsque la bêtise prend le dessus sur le bon sens, il n’y a que le pouvoir poétique pour délivrer les hommes. La poésie est ce qui reste lorsqu’on a tout perdu ou tout oublié.

    C’est du moins ce que soutient Mourad Senouci, dans l’adaptation qu’il a réalisée à partir du roman "Ountha Essarab", de Waciny Laredj.Un texte théâtral qu’il a réalisé pour le théâtre régional de Annaba, mis en scène par Sonia Mekiou (également directrice du Théâtre régional de Annaba et présidente du Fntp), et présenté, mardi après-midi, à la salle Mustapha-Kateb au Théâtre national algérien dans le cadre de la compétition du 7e Festival national du théâtre professionnel d’Alger (Fntp).

    “Imra’a min waraq”, c’est l’histoire d’un écrivain qui décide de créer un personnage récurrent dans ses romans. Meriem est un personnage fictif ; elle est à la fois son épouse, sa mère, sa patrie. Petit à petit, ce personnage inventé de toutes pièces prend de plus en plus de place dans sa vie, de telle sorte qu’au réveil d’un coma, ce n’est pas le prénom de son épouse Yamina qu’il appelle, mais Meriem.

    Alors que Yamina barbote dans la névrose, lors d’une soirée où elle remet tout en question, le personnage des romans de son mari, Meriem, prend forme et vient frapper à sa porte pour mettre les choses au clair. Elle lui apprend que leur première rencontre date du 4 juillet 1985 au théâtre régional d’Oran, lors de la générale de “Ladjouad” de Abdelkader Alloula. Elle lui affirme que leur deuxième rencontre a eu lieu le jour du décès d’Issiakhem. Meriem, une femme en chair et en os, raconte ses rencontres avec l’écrivain et se décharge du fardeau des souvenirs.

    Elle rompt le silence pour rappeler des vérités implacables à Yamina. Est-ce un voyage onirique ? Yamina est-elle en plein délire ? On ne peut jurer de rien, mais ce qui est certain est que les deux femmes cherchent une cohérence aux ruptures et autres douloureux événements qu’a traversés l’Algérie, comme la décennie noire. “Imra’a min waraq” rend hommage aux intellectuels assassinés, comme Abdelkader Alloula, Azeddine Medjoubi, et d’autres grands monuments de la culture algérienne, disparus également, comme Mustapha et Yacine Kateb, Ben M’saïeb, Sidi Lakhdar Benkhelouf, Abdelkader Al-Khaldi. Sur le plan du discours, trois grands axes sont développés : le fait que nos intellectuels et artistes ne peuvent être reconnus que lorsqu’ils sont morts, ou alors après avoir été consacrés à l’étranger ; les assassinats durant la décennie noire qui ont “ciblé la tête”, c'est-à-dire les intellectuels ; et le paternalisme.

    Tous ces thèmes sont mis en perspective dans une langue rageuse et théâtrale. Les deux comédiennes sur scène n’étaient pas de niveau égal. Si Raja Haouri n’a pas démérité dans son rôle de Meriem, la technique de Lydia Laarini, dans le rôle de Yamina, était largement supérieure. Même manquant d’émotion, Lydia Laarini a comblé ce manque par un enthousiasme extraordinaire et une fougue incroyable. Mais on aurait voulu également la voir faillir, ressentir, exprimer ses émotions.

    La scénographie de Yahia Ben Ammar était en forme de panneaux avec une cible au milieu de la scène, comme pour nous rappeler le contexte chaotique de la décennie 1990.

    La cible est aussi une manière d’exprimer scéniquement la structure du texte : circulaire. La fin est un recommencement, puisque le personnage reprend sa position et sa situation initiale.

    Il y a cette structure donc circulaire qui nous suggère qu’il est difficile de savoir comment les choses commencent et tournent mal, mais il est toujours possible de prendre le train en marche. La mise en scène de Sonia Mekiou a respecté la forme narrative à étages du texte (allers-retours entre le rêve et la réalité) et a su répartir les comédiennes sur l’espace scénique. On s’y identifie, on adhère à la convention théâtrale et on est touché par les rappels (une projection à l’arrière-scène) que fait la metteur en scène.
    Pour vaincre l’oubli, pour ne jamais oublier. “Imra’a min waraq” développe un point de vue intéressant sur la mémoire et les souvenirs, mais il y avait parfois une certaine exagération et une manière de forcer le trait, ce qui n’est pas toujours confortable, mais surtout, et l’art n’a pas besoin de preuves ou concret. Il peut non seulement se suffire à lui-même, mais aussi marquer la postérité.

    Par Liberté
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