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Les caricatures du prophète, ou la défense d’un principe à bon compte

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  • Les caricatures du prophète, ou la défense d’un principe à bon compte

    Lettre parue dans Le Monde du 24 septembre
    «Comme un drapeau sur une barricade»

    Le monde musulman s’indigne des récentes caricatures du Prophète publiées par Charlie Hebdo. La rédaction du journal satirique argue de la défense du droit inaliénable à la liberté d’expression, et refuse de céder au chantage de certains extrémistes. Mais à quelles réalités fait face ce beau principe qui claque comme un drapeau sur une barricade ?


    Quelle légitimité quand les conséquences de ses actes sont subies par d’autres ?
    La position de Charlie Hebdo se heurte tout d’abord à la réalité des conséquences de ces publications: les pays musulmans comprennent des minorités extrémistes et agissantes. Ces minorités extrémistes, qui se nourrissent des désespérances liées au chômage et à la misère, sont difficiles à contrôler. Certaines de ces mêmes nations accueillent des dizaines de milliers de français (Plus de 25 000 rien qu’en Tunisie) et les symboles de la France, consulats, écoles françaises, instituts culturels, et même certaines entreprises, sont nombreux, et difficiles à protéger dans beaucoup de pays.
    Or la défense d’un principe, fût-il la liberté, n’est légitime que si l’on assume soit même toutes les conséquences de ses actes, tels les avocats tunisiens défenseurs des droits de l’homme dans les geôles de Ben Ali. Mais lorsque cette même défense d‘un principe revient à faire payer les effets de ses propres actions aux autres, au travers de leur chair, de celle de leurs enfants, de leur vie de tous les jours, alors non, cette défense là n’est pas légitime et elle est lâche.


    Les caricatures participent-elles à la défense de la liberté d’expression ?
    Les sociétés occidentales et les sociétés musulmanes ont une vision caricaturale les unes des autres, vision souvent générée par les thèmes récurrents traités par la presse – la montée du salafisme – ou par les séries télévisées – la société de consommation et la vie facile.
    Il est difficile de comprendre dans les sociétés post-religieuses occidentales, et notamment en France, pays de la laïcité, l’importance de la religion dans la vie de tous les jours dans les sociétés arabes. Dans la Tunisie qui m’accueille et que j’apprécie, le fait religieux est intimement mêlée à la culture et il faut comprendre que la grande majorité des citoyens (pratiquants et non pratiquants), qui par ailleurs condamne les actes de violence de ces derniers jours, est effectivement choquée par des caricatures qu’elle perçoit comme des manifestations de haine et de mépris.
    A quoi dès lors sert-il de blesser les gens dans ce qu’ils ont de plus cher ? Est-ce ainsi que l’on transmet, drapé dans son bon droit, le principe de la liberté d’expression ? Or où se situe le combat pour la liberté d’expression, dans les vieilles républiques européennes, où dans les jeunes démocraties arabes ?
    Accepter l’autre (et je ne parle pas des extrémistes), c’est accepter une histoire différente, une conception différente de la vie, des valeurs différentes. S’enrichir de ses valeurs, et enrichir l’autre de nos valeurs, cela n’est possible que dans respect mutuel, dans l’attention, et dans le dialogue. Je ne pense pas que les caricatures publiée par Charlie Hebdo relèvent de cette approche, et je crois qu’au contraire, elles confortent ceux là même qu’elles pensent combattre. Je ne pense pas non plus qu’elles contribuent à rassembler les peuples. La façon avec laquelle de Charlie Hebdo prétend défendre la liberté d’expression, n’est donc ni légitime, ni efficace.


    Daniel Verdeil, Tunis
    Résident en Tunisie depuis janvier 2011
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