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Mets la langue !
« La bave du crapaud n'atteint pas la blanche colombe.» «La calomnie la plus vile ne peut ternir une réputation sans tache.» «On ne jette de pierres à un arbre que s'il porte des fruits.» Mais pourquoi arriver à dire tous ces trucs ? Pourquoi tenter de faire le dos rond à la médisance et aux mauvaises langues ? Pourquoi des mots qui blessent, qui tuent ? Et si on n'ouvrait la bouche que pour dire la tendresse. Des paroles positives. Paroles encouragements, remontants qui donnent de la fierté ?
«Un certain jour le sultan voulait régaler quelques-uns de ses proches les plus chers. Il commanda chez son cuisinier ce qu'il y avait de meilleur et rien d'autre. Son cuisto n'acheta que des langues, avec lesquelles il fit accommoder, à toutes les sauces, l'entrée, l'entremet… Tout ne fut que langues. Les conviés louèrent d'abord le choix de ces mets ; à la fin, ils s'en dégoûtèrent.
« Ne t'ai-je pas commandé, dit le sultan, d'acheter ce qu'il y aurait de meilleur ?
- Et qu'y a-t-il de meilleur que la langue ? C'est le lien de la vie civile, ya sidi. La clef des sciences, l'organe de la vérité et de la raison. Par elle on instruit, on persuade, on règne dans les Assemblées…
«Achète-moi demain ce qui est de pire, lui répond le sultan. Ces mêmes personnes viendront chez moi et je veux diversifier».
Le lendemain le cuisto ne fit servir que le même mets, disant que la langue est la pire des choses qui soit au monde. C'est la mère de tous débats, la nourrice des procès, la source des divisions et des guerres. Si l'on dit qu'elle est l'organe de la vérité, c'est aussi celui de l'erreur et qui, pis est, de la calomnie.
Amala, si ce que vous avez à dire n'est pas plus beau que le silence, taisez-vous.
par El-Guellil
Le Quotidien d'Oran