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Les archives en Algérie: Une mémoire à l’abandon

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  • Les archives en Algérie: Une mémoire à l’abandon

    Dans le cadre de la XVIIe édition du Salon international du livre d’Alger (Sila), des conférences sont animées quotidiennement au niveau des salles du Palais des expositions (Safex).

    Mardi dernier, à la salle Ali-Mâachi, les défaillances quant à la question des archives en Algérie ont été abordées lors d’une conférence intitulée “Les historiens face à la question des archives”.

    Les intervenants sont revenus tout au long de cette rencontre sur l’absence de formation dans ce domaine. “

    Dans la bibliothèque, il y a des manuscrits qui datent du VIIIe au XIXe siècle, ils portent sur les sciences en langues arabe et turque. Nous avons découvert d’autres manuscrits sur les sciences en Méditerranée écrits en hébreux et ceux en mathématiques sont transcrits en turc”, a précisé Ahmed Djebbar. Et d’ajouter : “Ils ne sont pas préservés, cette mémoire est en train de mourir et cette raison est liée à l’absence de formation et de spécialistes qui puissent la lire.”

    Dans son allocution, le mathématicien et historien a insisté sur le fait qu’“il faut former des chercheurs pour leur apprendre à classer et à lire ces documents”. D’autre part, Fouad Soufi, historien et maître de recherche au Crasc, a souligné que “les archives ont un lien direct avec l’État. Mais elles ne sont pas ouvertes au public”. Et de préciser : “Les archivistes sont bibliothécaires. Nous n’avons pas appris l’histoire ! Comment peut-on être archiviste sans connaître l’histoire?”

    Ce problème de formation est la résultante d’un manque de considération envers ce domaine qui représente “l’histoire d’un peuple”. D’ailleurs, cette négligence remonte aux accords d’Évian.

    “Les archives d’Algérie ont quitté le pays pour la France en 1961. Lors des accords d’Évian, ce sujet n’a pas été abordé. Car, il n’était pas fondamental pour les Algériens, mais seulement pour les Français”, a indiqué Fouad Soufi. Ces archives qui sont considérées comme le “bien” de la France, n’ont jamais été “restituées” et “pour reprendre ces archives de la France, il faut que toute la génération pieds-noirs disparaisse”, a fait savoir le chercheur.

    Les intervenants ont rappelé qu’en 1995, tous les ministères ont été informés pour “la création d’une direction d’archives. Mais avec les années, elle s’est transformée en sous-direction des archives pour devenir un bureau d’archives”.

    Hana Menasria- Liberté

  • #2
    le patrimoine national menacé de mort lente

    Les intervenants ont plaidé pour une grande circulation des documents et archives l En Argentine, la présidente, Cristina Kirchner, a déclassifié toutes les archives relatives à la période de la dictature militaire, marquée par des violations massives des droits de l’homme
    (30 000 disparus, des milliers d’assassinats et des cas de torture).

    Les archivistes n’ont pas leur place dans l’appareil de l’Etat. Nous sommes les empêcheurs de tourner en rond. Notre mission est de protéger les traces de la production de l’Etat. Or, on ne veut pas garder des traces pour éviter les problèmes dans le futur. Les archives ont un lien immédiat avec l’Etat et ça ne se montre pas. C’est de l’ordre de la poussière et du secret. On ne pense jamais à faire visiter à des délégations étrangères les archives nationales, alors qu’elles sont invitées à faire un tour aux musées», a déclaré l’historien Fouad Soufi, mardi dernier, lors d’une conférence à la salle Ali Maâchi au Palais des expositions des Pins Maritimes à l’occasion du 17e Salon international du livre d’Alger (SILA). Au même débat, modéré par Youcef Sayah, participaient Ahmed Djebbar, professeur émérite d’histoire des mathématiques à l’université des sciences et des technologies de Lille (France), et Slimane Zeghidour, écrivain et journaliste.

    «Il y a une relation forte entre un Etat et les archives. La somme des archives doit être intégrée dans l’organisme de l’Etat, c’est-à-dire participer à son fonctionnement quotidien. L’élite dirigeante ne peut pas avancer sans connaître l’archéologie de l’Etat qu’elle dirige. Le présent est toujours un passé en mouvement», a estimé Slimane Zeghidour qui a plaidé pour une grande circulation des documents et archives. Il a cité l’exemple de l’Argentine où la présidente, Cristina Kirchner, a déclassifié toutes les archives relatives à la période de la dictature militaire, marquée par des violations massives des droits de l’homme (30 000 disparus, des milliers d’assassinats et des cas de torture).


    Faciliter l’accès aux archives


    «Il faut cautériser les traumatismes suscités par l’armée pour le bien de l’armée elle-même. Il faut tout mettre sur la table comme dans une psychanalyse et traiter le problème (…) Cela est bon pour la santé mentale de la société. Pour le maintien de passerelles entre les classes dirigeantes et la société, il faut, à un moment donné, faire sortir dans les limites du gérable une partie de la mémoire et la rendre publique », a-t-expliqué précisant que le Brésil a adopté la même attitude.
    Il a également parlé de l’Agence centrale de renseignements américaine (CIA) qui déclassifie de temps à autre des documents qui remettent en cause ses propres opérations (des documents publiés sur son site web). Pour Fouad Soufi, l’accès aux archives intéresse les citoyens. «Parce que les archives relèvent des libertés publiques et démocratiques», a-t-il noté. Il a indiqué que le débat actuel au sein du Conseil international des archives et des experts archivistes porte sur les droits de l’homme et la démocratie.


    Orienter les étudiants vers l’archivistique



    «Mais pour que les archives soient ouvertes, il faut qu’il y ait des archivistes formés par l’université. Actuellement, l’université forme des bibliothécaires. L’archivistique n’est pas une discipline enseignée en Algérie. Ce n’est pas reconnu comme une discipline universitaire. Le drame est qu’on n’enseigne pas l’histoire aux étudiants en bibliothéconomie. Comment voulez-vous être archiviste si vous ne connaissez pas l’histoire ?», s’est interrogé Fouad Soufi, soulignant que des enseignants ont pris l’initiative d’orienter les étudiants en magistère vers l’archivistique. «Nous avons 48 universités en Algérie. Jusqu’à maintenant, il n’y a aucun lieu institutionnalisé où l’on forme des chercheurs pour s’occuper des manuscrits scientifiques de nos ancêtres», a enchaîné Ahmed Djebbar. Un intervenant universitaire a estimé, lors des débats, que le système Licence-Master-Doctorat (LMD) va détruire l’enseignement des sciences humaines.

    «Il n’y aura plus d’histoire, de philosophie, de langues ou de sociologie ! Il n’y aura plus de chercheurs. Actuellement, un étudiant en master, spécialité histoire ancienne, ne connaît pas le latin ou le turc. C’est une catastrophe !», a-t-il prévenu. Pour Ahmed Djebbar, il est nécessaire de former les personnes à dépasser les obstacles de types idéologiques. «Nous avons découvert des manuscrits importants sur certaines périodes au Maghreb ou en Andalousie, mais qui sont inaccessibles pour les étudiants algériens du fait qu’on n’ait jamais accepté d’enseigner l’hébreu en Algérie. Ces manuscrits sont hébreux et la copie arabe a disparu définitivement. Certains documents sont en latin. Or, on n’enseigne pas le latin en Algérie. D’autres sont écrits en turc», a-t-il révélé.


    Relancer la restauration des manuscrits


    Il a parlé d’un mathématicien d’Alger, Ben Hamza Al Maghrabi, qui avait écrit par le passé des livres en turc. «Je connais ce livre depuis 35 ans. Je n’ai trouvé aucun étudiant algérien qui maîtrise l’ancien turc pour accéder au contenu de cet ouvrage et l’ajouter à l’écriture de l’histoire culturelle du Maghreb central», a relevé Ahmed Djebbar. Il a estimé qu’il est bon de restaurer les manuscrits, mais il faut créer une tradition de revivification des archives. «Il y a une différence entre faire parler les archives récentes et celles plus anciennes. Pour cela, il faut avoir une technicité spéciale», a-t-il noté.

    Ahmed Djebbar a regretté la non récupération par les autorités algériennes d’un astrolabe du XVIIIe siècle (l’astrolabe détermine le temps, les distances et l’arpentage) qui avait, par le passé, appartenu à la Grande Mosquée d’Alger et qui s’était retrouvé chez un antiquaire à Paris. «J’ai appris que cet astrolabe a été vendu à un pays arabe à un prix faramineux. Il n’y a pas encore une prise de conscience de l’importance du patrimoine et de l’importance de le rapatrier, parce qu’il appartient à la génération future. Les seuls défenseurs d’un patrimoine, d’une mémoire ou des archives sont les citoyens. Des citoyens qui doivent être vigilants aux fins de pousser les décideurs à prendre des mesures et, parfois, d’empêcher ces mêmes décideurs de prendre des mesures», a relevé Ahmed Djebbar.

    Fayçal Métaoui- El Watan

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