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Supraconductivité à température ambiante : des signes dans le graphite

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    Supraconductivité à température ambiante : des signes dans le graphite


    Par Laurent Sacco, Futura-Sciences


    Comme l’avoue lui-même l’un des auteurs de l’article publié dans Advanced Materials, cela semble de la science-fiction : du graphite convenablement préparé exhibe des signes d’un état supraconducteur jusqu’à une température d’au moins… 130 °C ! Il manque encore des éléments pour affirmer qu'il s'agit bien d’un supraconducteur à température ambiante. Mais si tel était le cas, une révolution technologique serait en marche.

    Les trains hypersoniques dans des tubes sous vide, des « vactrains », permettant par exemple d’effectuer un trajet Kiev-Pékin en 1 heure, vont-ils finalement devenir une réalité ? On peut l’espérer, si la découverte insolite faite par des chercheurs de l’université de Leipzig venait à être confirmée.
    Depuis la découverte des cuprates en 1986, l’espoir d’obtenir un supraconducteur à température ambiante hante l’esprit des physiciens du solide et des ingénieurs dans bon nombre de laboratoires du monde. Avec un tel supraconducteur non conventionnel, on pourrait obtenir des champs magnétiques intenses sans avoir besoin de refroidir des aimants avec de l’azote ou de l’hélium liquide, comme c’est le cas au LHC. Des moteurs électriques puissants, compacts et sans pertes pourraient être créés, ainsi qu’une toute nouvelle électronique. Toujours dans le registre des transports, on a même proposé des turboréacteurs écologiques à supraconducteurs et un lanceur spatial par lévitation magnétique.



    On pense aussi à l’impact que de tels supraconducteurs auraient sur un type de propulseur spatial à plasma, le Vasimir, acronyme de Variable specific impulse magnetoplasma rocket : « Fusée magnétoplasma à impulsion spécifique variable », qui utilise des champs et des rayonnements électromagnétiques variables (sans électrodes) pour chauffer, ioniser et accélérer un propergol vaporisé (hydrogène argon ou hélium). Les missions habitées à destination de Mars seraient grandement facilitées car cela diviserait par 2 la durée des trajets (3 mois au lieu de 6) et par 4 la durée de mission (7 mois au lieu de 30).
    Un nombre incalculable d’applications imprévues et révolutionnaires, y compris en neurosciences, pourraient sans doute émerger, et dont l’exposition Supradesign nous a déjà donné un aperçu.




    Mais qu’ont donc trouvé les auteurs de l’article publié dans le journal Advanced Materials (en accès libre sur arxiv) ? On savait déjà que le graphite pouvait devenir supraconducteur quand il est dopé avec d’autres éléments. De cette façon, des composés d'insertion du graphite sont obtenus, appelés aussi composés d'intercalation du graphite, qui sont des matériaux complexes avec une formule générale X-Cy où X est un élément chimique ou une molécule insérée, intercalée entre les couches de graphène. Le composé d’insertion du graphite qui est supraconducteur est le calcium-graphite Ca-C6. Ce n’est cependant pas un supraconducteur à haute température critique puisque celle-ci est de seulement 11,5 kelvins.



    Un supraconducteur à la température de l'eau bouillante ?

    Toutefois, les chercheurs de l’université de Leipzig soupçonnaient de meilleures possibilités avec le graphite car un état supraconducteur avait déjà été observé à plus de 100 kelvins à des interfaces entre deux types de matériaux dont l’un est du graphite pyrolytique. Ils ont commencé par placer 100 milligrammes de poudre de graphite dans 20 millilitres d’eau distillée et ils ont agité le tout pendant 23 heures avant de filtrer la poudre pour la dessécher ensuite pendant une nuit en la portant à une température de 100 °C. Le produit obtenu a été placé dans un champ magnétique. Une légère aimantation rémanente a été mesurée après que le champ magnétique a été coupé.
    À ce stade, il pouvait s’agir soit d’une manifestation du ferromagnétisme ordinaire, soit d’un état supraconducteur. Les physiciens ont voulu tester cette hypothèse en faisant varier l’intensité du champ magnétique et la température de la poudre dans les expériences. Les courbes qu’ils ont obtenues sont similaires à celles observées avec des supraconducteurs à hautes températures critiques, les fameux cuprates.
    Les chercheurs gardent toutefois la tête froide même s’il semble que l’état supraconducteur supposé persiste jusqu'à 130 °C et qu’en extrapolant les courbes, il pourrait bien se maintenir jusqu’à plus de 600 °C. En effet, ils n’ont pas encore pu mettre en évidence une annulation de la résistance à la conduction de l’électricité, la preuve indiscutable de la présence d’un état supraconducteur, car un test est pour le moment difficile à mettre en œuvre.



    Bien que spectaculaire, cette annonce doit donc être prise avec des pincettes. C'est aussi ce que pense Julien Bobroff, professeur à l'université Paris Sud et chercheur au laboratoire de Physique des solides (CNRS et université Paris Sud). Selon lui, comme il l'a a confié à Futura-Sciences : « ce sont des résultats très surprenants et il manque une confirmation pour les prendre complètement au sérieux, car il n'y a que des mesures magnétiques alors que la supraconductivité implique aussi des mesures électriques montrant une résistance nulle. De plus, le fait que jusqu'à plus de 100 °C, l'anomalie observée subsiste me semble aussi très étonnant. Si ces résultats étaient cependant confirmés et complétés par les mesures de résistance nulle, alors ce serait une véritable surprise très prometteuse. Mais je crois qu'il faut pour l'instant être très très prudent ».
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