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La révolte Douar Chlihat, Loukos, région Ksar Kebir

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  • La révolte Douar Chlihat, Loukos, région Ksar Kebir

    A 25 Km de Ksar Kebir, région de Loukos, Chlihat est un douar regroupant 350 maisons, soit près de 2500 habitants. La population vit de cultures vivrières, d’élevage, sur des lopins de terres collectives et de travail saisonnier notamment lors de la récolte des fraises dans la région de Larache. Ils vendent leurs produits au souk hebdomadaire le mercredi. D'autres partent em Espagne, comme travailleurs émigrés.

    Le chômage des jeunes est très important dans cette région, les infrastructures, équipements publics sont absents.
    Le bassin du Loukkos est riche en eau, la terre est fertile. Il est bien desservi par la route.

    Du temps du protectorat espagnol, l’entreprise semi-publique Loukkos exploitait les terres. Elle employait 5000 à 7000 personnes. On y cultivait traditionnellement la pomme de terre et la cacahouète.

    Sous les pressions des institutions internationales, le plan d’ajustement structurel impose la privatisation des entrepŕises publiques ouverte au capital international. Un prgramme de privatisations débute en 1993 et touche tous les secteurs de l’économie : mines, transport, télécommunication, et agriculture.

    La Société Loukos mise en faillite en 1998, se prépare à la privatisation, crée des filiales comme AgroMorwan privées ou semi –publiques, s’ouvre au capital international. C’est alors que la société espagnole « Ribera del arroz » s’installe. Elle exploite 2000 ha qu’elle obtient par bail de location avec l’Etat au prix de 400 dh par an l’hectare. Un montant dérisoire quand on évalue le prix du marché à 4000 dh/l’ha, soit 100 fois plus !

    Au départ, elle cultive la pomme de terre, puis le riz. La superficie exploitée par la société passe à 4500ha !

    La culture du riz, cause des problèmes de douar Chlihat: moustiques et chômage
    La culture du riz non seulement nécessite beaucoup d’eau, mais les moustiques y prolifèrent. L’été les habitants du douar Chlihat qui se trouve à proximité des champs en souffrent . Ils se plaignent auprès de la société, des pouvoirs locaux, en vain.

    Mais les habitants gardaient espoir de voir la société créer des emplois, permettre aux jeunes de travailler sur place plutôt que de devoir immigrer.
    Ils attendent mais seules 82 personnes sont embauchées par la société.

    A l’approche de la saison de culture et de l’été, les habitants s’organisent, un comité de négociation se met en place, « la jamaa », conseil villageois, est composée de jeunes et de vieux du village.
    Ils demandent à la société de trouver des solutions aux problèmes des moustiques et du chômage.

    A partir d’ avril 2012, les négociations sur les deux problèmes soulevés sont menées avec les représentants de l’autorité locale qui se substituent à la société. Ils promettent que la société plantera de la canne à sucre sur une largeur de 150 mètres pour faire barrière aux moustiques. Mais la société, forte de son pouvoir, refuse de se plier à une quelconque contrainte.

    Les habitants occupent alors la terre et décident d’empêcher la culture au début de la saison du riz.

    La police harcèle les jeunes et menace d’arrêter les membres de la « jamaa ».
    Le jeudi 14 juin, des affrontements éclatent entre des gendarmes et les habitants, faisant plusieurs blessés.

    Le vendredi 15, les habitants poursuivent la résistance,
    Mais le samedi 16 juin, l’armée arrive en force, use de bombes lacrymogènes, tire à balles en caoutchouc. Elle rentre dans les maisons, saccage, vole,

    Le dimanche 17, le village est encerclé, les routes barrées, les affrontements se poursuivent, l’armée se déploie, l’usage de canons à eau provoque de nombreux blessés parmi les femmes et enfants. Les habitants fuient le village, les jeunes se cachent dans la forêt.

    Actuellement 2 personnes sont incarcérées à Ksar Kébir et 3 à Tanger.

    On parle de nombreuses autres arrestations, 5 femmes sont arrêtées, maltraitées, violentées avant d’être relâchées. On parle de nombreux détenus, torturés, évacués à Tanger et jugés en criminels. Les blessés ne sont pas soignés.

    Les autorités ont fait pression et menacent les habitants des douars environnants pour dissuader toute aide ou secours aux femmes en fuite de Chlihat.

    Le CNDH (Centre National des Droits Humains, organisme dépendant de l'Etat) a été empêché de rentrer à Chlihat le mardi 19 juin, et il a fallu une intervention de Rabat pour qu’il soit autorisé à visiter le village.

    Arrestations et procès :

    -Yachi Riyahi, secrétaire Général du PADS (Parti de l'Avant-garde et du Socialisme) et AMDH (Association Marocaine des Droits Humains) de Ksar Kbir, arrêté alors qu’il rendait visite aux habitants de Chlihat, a été présenté devant le tribunal de Ksar et inculpé pour : attroupement armé, blocage voix publiques, insultes à agents d’autorité.

    Son jugement est reporté au 3 juillet 2012, sa mise en liberté provisoire a été rejetée

    Les revendications des habitants de Chlihat :

    - la levée du blocus et la démilitarisation de la région
    - la libération de tous les prisonniers
    - les soins aux blessés
    - le jugement des responsables des viols des femmes, vols, tortures
    - l’arrêt de la culture du riz
    - l'erradication des moustiques
    - la création d’emplois
    - la construction d’équipements publics, de santé notamment
    - la terre aux habitants de Chlihat

    La caravane de solidarité

    Mercredi 20 juin, à l’appel d’Attac Ksar el Kébir, de l’Association des Droits humains, des syndicats, une caravane de solidarité s’est rendue à Chlihat, avec comme objectifs :

    la levée du blocus, apporter son soutien à la population, permettre le retour au village des habitants ayant fui la répression, recueillir les témoignages des victimes.

    Arrivés à Ksar Kbir, les militant-e-s venu-e-s de Larache se sont rencontré-e-s sur la route menant à Chlihat où un rassemblement a débuté avec des slogans de solidarité avec Chlihat en résistance, dénonçant la violence et la répression, les militants ont commencé à rejoindre le rassemblement, sans savoir si l’accès au village Chlihat était possible, si l’armée s’était retirée.

    Vers 11h 30, nous prenons la route qui mène au village distant de 6 km, nous longeons la forêt à droite, la caserne à gauche. Plus loin, des jeunes se montrent dans la forêt, nous approchons, en disant que nous sommes venus en solidarité. Certains fuient, d’autres nous laissent approcher.

    Ce sont tous des garçons, jeunes pour la plupart. Blessés, affamés, assoiffés, le regard hagard, ils disent qu’ils ont soif, qu’ils ont peur. Ils racontent, montrent leurs blessures, un jeune a perdu l’oeil, touché par une balle en caoutchouc, d’autres n’ont pu aller passer leur examen du bac, de peur de se faire arrêter sur le chemin. Ils sont terrés dans la forêt depuis 4 jours et 4 nuits sans boire, sans manger. Ils ne savent pas ce qui se passe dans le village. Nous disons que nous sommes venus pour qu’ils puissent revenir dans leur village. Ils ne sont pas rassurés. Nous proposons d’aller au village pour voir et de revenir les chercher. Ils reprennent confiance.

    Nous arrivons quelques kilomètres plus tard à Chlihat. Personne, un village vide, seul l’imam est terré dans la mosquée et quelques personnes filent comme des ombres. Nous expliquons pourquoi nous sommes là. L’imam monte alors sur le minaret et lance un appel aux femmes, pour qu’elles rentrent au village. Nous lançons nos slogans en solidarité avec la population de Chlihat. Les gens commencent à venir un par un, puis par groupes. On s’embrasse, se serre, on veut parler, pleurer, mais la peur est toujours là. On nous parle des blessés, une femme a fait une fausse couche quand elle a vu les militaires. Je vais la voir, elle souffre, toute maigre, jeune, incapable de dire un mot. On appelle une ambulance, du secours. On nous parle d’une jeune fille qui a été arrêtée puis maltraitée, puis relâchée. Elle a peur, ne veut pas se montrer, ni parler. Elle a un rire hystérique, nerveux. Elle est jeune et jolie, peut-être…

    Une femme plus vieille, pleure, n’arrive pas à dire un mot, pleure, dit que c’est l’enfer, l’enfer. Beaucoup de femmes, de drames.

    Plus tard les jeunes sortis de la forêt arrivent, ils sont accueillis en manifestations et des slogans contre ce régime dictateur, de Sidi Bouzid à Chlihat, faisons la révolution, paysans ouvriers, étudiants, solidaires…

    L’imam remonte sur le minaret et appelle au retour au village. Nous sommes nombreux, la parole se libère, on montre les traces. Les tirs à balles de caoutchouc, les canons à eau, L’eau est chaude dit une femme et elle a l’odeur du soufre, elle montre ses lèvres en cloques. Une autre femme montre ses deux mains pleines de pustules, elle ne peut plus travailler ni dans la cuisine ni aux champs.

    Les femmes ont une force extraordinaire. Au début elles ne veulent pas parler, ni se montrer, mais une fois qu’elles se lancent, plus rien ne les arrête. Elles parlent du village, de l’injustice, des moustiques qui bouffent leurs petits. De la société qui est à l’origine de tous les malheurs. De ces étrangers qui viennent prendre tout et ne donnent rien. De ces terres qui leur appartiennent cédées pour rien à des riches. De leurs enfants sans travail. De l’absence d’équipements, de soin, de transport. Et toujours les moustiques qui envahissent, terrorisent.

    D’autres parlent de ces jours noirs où les militaires sont rentrés dans leurs maisons, ont pris tout ce qu’il y avait à boire et manger, ont tout cassé et volé le peu de sous qu'ils ont trouvés, elles ont parlé des sévices, des insultes, des obscénités et de celles qui ont été menacées avec une matraque… Dans une maison, un vieillard souffre allongé, sans soin, il s’est brisé le dos. Un homme raconte que tout le monde a fui le village occupé par les militaires. Pendant quatre jours le troupeau est resté enfermé.

    D’autres témoignent de l’hélicoptère qui jetait des vivres aux militaires, et pourchassait tous ceux qui se cachaient. Des restes de plastiques, bouteilles vides, déchets longent les sentiers, partout, sur des kilomètres. Preuve qu’ils étaient nombreux.

    Plus loin en hauteur, on domine la plaine, une énorme étendue, on aperçoit Larache au loin et les terres de la société espagnole, quelques 4500 ha loué 400dh l'hectare par an (40 euros environ!) autant dire un cadeau, pour cultiver du riz, culture qui nécessite beaucoup d’eau, et qui, à défaut d’employer les jeunes au chômage, envahit le village de moustiques.

    Pour avoir réclamé du travail et l'erradication des moustiques, les habitants de Chlihat ont été réprimés, matraqués, traqués, volés, violés, emprisonnés. L’armée est intervenue pour mâter la population qui a osé défier une société espagnole venue cultiver du riz sur des terres cédées pour un loyer symbolique.

    Telle est la lutte des paysans dépossédés de leur terre, contre un Etat au service du capital et aux allures de mafia avide de terre qui sème la terreur et nourrit la révolte.

    Souad Guennoun

    21 juin 2012 annahjaddimocrati La Voie Démocratique

  • #2
    A plat ventre au service du Capital étranger pour appauvrir le peuple, le réprimer et l'asservir, un Etat néo-colonial...

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    • #3
      Qui s'intéresse au sort malheureux de ses habitants modestes du Douar Chlihat ?

      Leurs conditions sont peu différentes de celles du peuple Palestinien dominé,et, écrasé par les forces d'occupation étrangères juives.

      Le même occupant qui opprime le peuple palestinien asservit également les peuples de l'Afrique du Nord, ce sont les forces de l'argent : le Capitalisme international, devenu impérialisme, lequel a édifié sa base avancée au cœur du monde arabe (qu'il a nommé "Israel) en Palestine.

      Commentaire

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