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Repères. Algérie/France

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    73 milliards d’euros, c’est le déficit du commerce extérieur de la France en 2011. Sur les six premiers mois de 2012, il atteint 35 milliards. Après 6,1 milliards en juin et 4,3 milliards en juillet, il devrait se creuser à nouveau en août.

    «Je veux que la destination Algérie devienne une évidence pour les entreprises françaises et que la France attire des investissements algériens. Il nous faut mettre en place un cadre de confiance partagée.» Nicole Bricq fin septembre à Alger, pour préparer la visite de François Hollande à la fin de l’année.

    La balance commerciale de l’Algérie a enregistré un excédent de 19,73 milliards d’euros entre janvier et août 2012 (+ 4,6 milliards par rapport à la même période en 2011).

    Les exportations sont en hausse (+ 2,2 milliards), à 49,8 milliards.

    Et les importations en baisse (- 2 milliards) à 30,06 milliards.
    Deux jours de marché avec Bricq à Alger


    RÉCIT La ministre du Commerce, avec quatre patrons français, a rencontré les décideurs locaux, tentant de promouvoir la «colocalisation».


    Sur fond de déficit commercial abyssal, la ministre du Commerce extérieur, Nicole Bricq, parcourt la planète pour «vendre» la France. En Algérie, elle est allée défendre la «colocalisation», avec quatre patrons, les 24 et 25 septembre.

    Jour 1. 9 heures. Vol Air France, en classe éco.

    Nicole Bricq, pile à l’heure. La ministre, suivie de sa garde rapprochée de conseillers, enfile l’étroit couloir de l’Airbus Paris-Alger. Elle double l’un des patrons qui l’accompagnent, installé en classe business - les autres rejoignent Alger depuis la province -, et gagne le fond de l’appareil. C’est devenu une règle : court, moyen ou long courrier, Nicole Bricq voyage en classe éco. «Même lorsqu’elle fait un Paris-Rio», soupire un conseiller. Le temps bref du vol (2 h 15), Nicole Bricq le passe dans des apartés chuchotés depuis l’allée avec ses conseillers. Ou alors potasse ses fiches. Rédigées par les services du Trésor, elles décrivent, en quelques tableaux, la situation encore favorable des échanges commerciaux de la France avec l’Algérie. Pour combien de temps encore ? La France est toujours le premier fournisseur de l’Algérie, mais sa part (15%) s’effrite. Elle est surtout sur le point d’être doublée par la Chine, pays qui sera évoqué à chaque étape de la visite. Reste que l’Algérie est l’un des rares partenaires qui ne creuse pas le déficit commercial de la France (+1,36 milliard d’euros d’excédent). Avec un sol regorgeant de gaz et de pétrole - l’or noir constitue 97% de ses recettes -, son excédent commercial, tous pays confondus, frôle les 20 milliards de dollars (15,4 milliards d’euros) depuis le début de l’année. «L’Algérie est une économie de rentes. N’oubliez pas ce détail», précise néanmoins un conseiller de la ministre. Riche en ressources naturelles, certes, mais bien pauvre en emplois.

    14 heures. Résidence de l’ambassadeur.

    Depuis la terrasse ombragée, sur les hauteurs d’Alger, la discussion s’engage avec les quatre patrons enrôlés par Nicole Bricq. Ils ont développé chacun un début d’histoire avec le pays, mais sont en panne pour la suite. L’un est un spécialiste de l’étanchéité des puits de pétrole. Un autre a conçu une nouvelle génération de panneaux solaires, très développement durable. Un troisième installe à l’export des lignes de conditionnement (jus de fruits, compotes…). Des entrepreneurs dûment sélectionnés par Ubifrance, dont le job consiste à aider les PME à prendre pied sur les marchés à l’exportation.

    Nicole Bricq, déroule, face à André Parant, l’ambassadeur de France, et à Alain Boutebel, le directeur local d’Ubifrance, son concept de colocalisation : investir sur le sol algérien, mais sans que cela ne se traduise par des pertes d’emploi en France. Une gageure. Elle rame un peu après la gaffe de son collègue Arnaud Montebourg, le ministre du Redressement productif, qui avait frôlé en juillet l’incident diplomatique en sommant les opérateurs télécoms de rapatrier leurs centres d’appels du Maghreb.

    La présence française en Algérie est forte de 450 entreprises, dont une vingtaine de grosses pointures du CAC 40. Que pensent-elles de l’environnement des affaires, ces firmes installées de longue date en Algérie ? On n’en saura rien : le déjeuner sur ce thème, avec les directeurs généraux des filiales, se tient à huis clos. «C’est pour qu’ils puissent échanger plus librement», confie un conseiller . Et les sujets de friction ne manquent pas, comme la difficulté à rapatrier des devises, ou cette règle rigide du 51-49 qui interdit à une firme étrangère de détenir plus de 49% du capital d’une société établie sur le sol algérien.

    15 heures. Ministère de l’Industrie

    Cap sur l’autre bout de la ville, au ministère de l’Industrie. Les belles avenues encombrées d’Alger comme les ruelles pentues sont avalées, sirènes hurlantes, en un rien de temps. Face à Nicole Bricq, Chérif Rahmani, le ministre de l’Industrie, de la PME et de la Promotion de l’investissement, entonne un long couplet francophile : «L’opinion publique est très favorable au président Hollande, nous voulons ouvrir une page nouvelle entre les deux pays». Et d’évoquer le méga «plan de développement» de l’Algérie (220 milliards d’euros sur cinq ans), les appels d’offres à venir et les partenariats inspirés de ce modèle défendu par Bricq, de «PME colocalisée, préfiguration de ce que peut être la coopération entre les deux pays». Bien sûr, le ministre algérien n’oublie pas ses amis chinois, en lice pour signer «un partenariat en gestion», mais enchaîne aussitôt : «Nous souhaitons que nos amis français aient aussi cette opportunité !». Avant de conclure d’un vibrant : «Notre souhait, c’est que la France reprenne pied en Afrique et dans notre pays !» Puis il se tourne vers l’extrémité de la longue table où les quatre patrons ont pris place : «Nous allons donner la parole à nos amis qui ont des projets d’investissement.»

    Emmanuel Vallantin-Dulac se lance. Son entreprise a déjà une unité de production de compote, mais il voit plus grand : «Nous avons le projet d’une seconde implantation à Constantine. Nous avons trouvé le terrain, mais notre partenaire algérien attend un accord, et ça traîne.» «Non, cela ne va pas traîner longtemps», rétorque le ministre. Qui interpelle illico son secrétaire général : «Dites au ministère de l’Intérieur qu’il accélère !»

    Puis vient le tour de Robert Vincent, patron de Vincent Industrie, spécialisé dans le photovoltaïque. Lui aussi a le projet d’une implantation et, comme Vallantin-Dulac, il butte sur un mur. Toujours cette lenteur bureaucratique : «Nous attendons des accords de votre côté.» Le secrétaire général écope sur le champ d’un «vous voudrez bien organiser une rencontre». Autre doléance, celle de Jean-Louis Saltel, patron de la société éponyme. Il est l’inventeur d’une technologie de fracturation hydraulique, respectueuse, dit-il, de l’environnement. Rahmani : «C’est très bien. Nous ne cessons de dire aux pétroliers "ne salopez pas notre désert."» Et va pour un coup de pouce afin de décrocher un rendez-vous avec Sonatrach, le géant algérien des hydrocarbures.

    20 heures. Hôtel Aurassi.

    Le palace, propriété de l’Etat, a rouvert il y a six mois après deux ans de rénovation lourde. Les Français, dans ce méga chantier de 72 millions d’euros, ont décroché le lot de consolation, souffle un patron algérien, une coupe de champagne à la main : «La décoration intérieure et la remise à niveau du personnel sur les standards internationaux.» Nicole Bricq engage la discussion avec un panel d’entrepreneurs locaux. Puis pose pour la photo de groupe. Un voisin de table - un des patrons enrôlés par Bricq - confie que «[s’il lui] faut attendre encore deux ans pour que le projet débouche, [il] arrête tout de suite…»

    Jour 2. 15 heures. Chambre de commerce algéro-française

    Bricq développe ses formules rodées, face à un auditoire mi-caustique mi-sceptique, rassemblant les nombreux médias algériens : «l’Algérie, ce pays intermédiaire émergent» ; «construire un partenariat durable et bâti sur des projets» ; «nous devons être soucieux les uns et les autres de l’emploi que nous créons et que nous maintenons dans votre pays». Avant le rappel à François Hollande et à sa promesse d’une «Méditerranée des projets». La séance de questions appuie là où ça fait mal : «Quand vous dites que cela ne va pas assez vite pour lever les obstacles, vous faites allusion à l’affaire Renault ?» lâche un journaliste. Explication : l’Algérie est jalouse du Maroc qui a décroché sa chaîne de montage à Tanger. Elle veut la sienne, mais pas pour produire des voitures à l’économie. Nicole Bricq : «J’ai cru comprendre que les discussions entre l’entreprise Renault et l’Etat algérien sont très actives. D’ailleurs, elles se sont poursuivies ce dernier week-end.» On n’en saura pas plus : «L’Etat n’est pas dans la boucle», jure Bricq sans convaincre. Des entrepreneurs algériens positivent après la conférence : «Il va y avoir un transfert de savoir-faire. Les sous-traitants pourront eux aussi produire ici, tout en continuant leurs échanges avec la France. Et puis l’usine pourrait exporter vers l’Afrique…» Tout en pointant une difficulté : «L’Algérie manque cruellement de main-d’œuvre formée.»

    20 heures. Aéroport Boumediene d’Alger

    Débriefing après l’audience accordée à Nicole Bricq par le ministre du Commerce. Le travail, au retour, confie la ministre, «va consister à repérer les bonnes filières pour des partenariats sur le sol algérien : l’agroalimentaire, les services, les technologies de l’information»… L’industrie locale ne représente plus aujourd’hui que 5% du PIB. C’est dire l’immense espace pour pousser des projets… D’autant que l’importation massive depuis les usines asiatiques, laisse à désirer côté qualité : «Le ministre du Commerce nous a demandé de l’aider pour mettre en place un cadre normatif. Nous allons le mettre en relations avec le LNE [Laboratoire national des essais comparatifs, le garant du respect des normes, ndlr].»

    Epilogue

    Deux jours plus tard, Emmanuel Vallantin-Dulac est allé à Constantine, son affaire de terrain est réglée. Même bonne surprise pour le projet d’implantation de Robert Vincent. «J’ai aussi un projet en Tunisie. Je vais proposer à Bricq de faire un voyage là-bas…»
    Par CATHERINE MAUSSION Envoyée spéciale à Alger
    The truth is incontrovertible, malice may attack it, ignorance may deride it, but in the end; there it is.” Winston Churchill
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