Alors que l'Europe du Sud connaît un chômage de masse, la première économie de l'UE, confrontée au déclin démographique, recrute des diplômés étrangers à tour de bras. Grâce à une intelligente mobilisation. Et à un tissu d'entreprises performantes qui résistent à la crise.
Il faut beaucoup d'imagination pour confondre Schwäbisch Hall -sud de l'Allemagne, 36 000 âmes- avec l'Eldorado, cette contrée mythique censée regorger d'or. Pourtant, le 3 février, c'est bien dans cette paisible cité médiévale que des milliers d'Espagnols et de Portugais ont découvert un fabuleux filon.
Quelques jours auparavant, le maire de la commune avait convoqué des journalistes originaires d'Espagne, du Portugal, d'Italie, de Grèce, pour délivrer un message sensationnel: "Dites aux jeunes diplômés de vos pays de venir chez nous. Les PME de la région ont du mal à recruter: 2700 emplois qualifiés sont à pourvoir."
Le nouveau "miracle allemand"? Conséquence d'un problème démographique alarmant
L'information, immédiatement répercutée dans les médias de l'Europe du Sud, provoque une" fièvre de l'or": 13 000 candidatures spontanées sont adressées, en quelques jours, à l'agence pour l'emploi, aux entreprises du coin, à la mairie, et même au domicile du maire! Mieux: une quarantaine de Portugais traversent l'Europe en bus et débarquent à Schwäbisch Hall, sans rendez-vous, dans l'espoir un peu fou de dénicher un emploi. Mais la plupart ne parlent pas un mot d'allemand; seule une poignée d'entre eux décroche une embauche.
Quoi qu'il en soit, cette ruée vers Schwäbisch Hall illustre le déséquilibre du marché du travail en Europe. Alors que les pays méditerranéens, s'enfoncent dans le chômage demasse, l'Allemagne, elle, recrute à tour de bras des travailleurs qualifiés. Des ingénieurs et des médecins, surtout, mais aussi des mathématiciens, des physiciens, des infirmières ou des cadres hôteliers. La relative bonne santé de l'économie et la solidité de ses PME n'expliquent pas tout. Le nouveau "miracle allemand" est en grande partie la conséquence d'un problème démographique alarmant. Conjugué au vieillissement de la population, le taux de natalité est trop faible pour compenser les départs à la retraite.
Angela Merkel sonne la mobilisation générale
Les chiffres sont spectaculaires. Si rien n'est fait, selon les calculs du gouvernement, la population active reculera de 6,5 millions de personnes d'ici à 2030! "Compter sur les réserves nationales ne suffit plus", reconnaît le ministre de l'Economie, Philipp Rösler. L'Allemagne doit recruter des forces vives hors des frontières. Ça tombe bien: ailleurs en Europe, le taux de chômage des moins de 25 ans tourne, en moyenne, autour de 23 % -il est seulement de 8 % outre-Rhin. "Dans la seule région du Bade-Wurtemberg, il manque aujourd'hui 38 000 diplômés d'université", explique StéphanieThimm, de la chambre decommerce locale.
Au niveau national, ce sont quelque 200 000 ingénieurs et techniciens que l'Allemagne doit recruter chaque année pour faire face à la pénurie de main-d'oeuvre qualifiée. Devant l'urgence, Angela Merkel a sonné la mobilisation générale. Le 3 février 2011, à l'occasion d'une visite en Espagne, la chancelière, accompagnée d'une délégation de chefs d'entreprise, a invité la jeunesse locale à venir travailler dans trois régions en particulier, qui réunissent près de la moitié de la population allemande: le Bade-Wurtemberg -où siègent Porscheet Bosch-, la Bavière (BMW, MAN,Adidas, Puma, Allianz) et la Rhénanie-du Nord-Westphalie (Bayer,ThyssenKrupp).
Une stratégie globale se dessine. Comme souvent outre-Rhin, différents partenaires sociaux coordonnent leurs efforts. Ainsi, le gouvernement fédéral coopère avec les Länder (régions), les agences régionales pour l'emploi, le patronat, les chambres de commerce et d'industrie et, pour ce qui est de l'apprentissage de la langue, avec l'immense réseau du Goethe-Institut, équivalent germanophone de l'Alliance française. Un peu partout, les initiatives se multiplient, à l'image de l'"opération Saint-Nicolas" menée par le Land du Bade-Wurtemberg fin 2011. Le 6 décembre -jour de la Saint-Nicolas,donc-, une centaine de jeunes ingénieurs espagnols sont invités à participer à un voyage organisé pour rencontrer des employeurs de Stuttgart.
Une destination cool, écolo, innovante, créative...
Le périple démarre à Barcelone, où les organisateurs, accompagnés de traducteurs, partent accueillir les candidats à une éventuelle expatriation. Décollage immédiat pour deux jours à Stuttgart, baigné dans l'ambiance de ses marchés de Noël. L'accueil est de qualité: hébergement dans un hôtel confortable, visite de la ville, réception avec discours d'accueil du ministre de l'Economie local et rencontre avec les entrepreneurs du cru. "Les PDG ont d'abord présenté leurs entreprises, puis, l'après-midi, chacun d'entre nous a eu plusieurs entretiens d'embauche, raconte l'ingénieur Ignacio Valero, 24 ans, qui travaille depuis lors chez un sous-traitant de Porsche pour un salaire presque deux fois plus élevé que ce qu'il gagnerait en Espagne. Les Allemand sont une réputation de froideur. C'est inexact. Le seul vrai problème, sous ces latitudes, c'est la météo."
Comme Ignacio, 33 autres ingénieurs ont signé un contrat de travail tandis que les autres ont préféré retourner en Espagne, près de leurs attaches." L'opération Saint-Nicolas a été un succès, observe Thomas Uselmann, porte-parole de l'agencepour l'emploi du Bade-Wurtemberg.Elle sera renouvelée. Mais, à l'avenir, nous étalerons le voyage sur deux semaines ou davantage, afin que les candidats hésitants aient vraiment le temps d'envisager de s'établir ici.
"Pour séduire, l'Allemagne multiplie les efforts. La législation sur l'immigration a ainsi été assouplie. Jusqu'à l'année dernière, un travailleur non membre de l'Union européenne devait justifier d'une promesse de contrat supérieure à 65 000 euros annuels, ceci afin de protéger l'emploi allemand et intracommunautaire. Ce seuil a été abaissé à 44 000 euros. Par ailleurs, la reconnaissance des diplômes étrangers est progressivement facilitée.
Il faut beaucoup d'imagination pour confondre Schwäbisch Hall -sud de l'Allemagne, 36 000 âmes- avec l'Eldorado, cette contrée mythique censée regorger d'or. Pourtant, le 3 février, c'est bien dans cette paisible cité médiévale que des milliers d'Espagnols et de Portugais ont découvert un fabuleux filon.
Quelques jours auparavant, le maire de la commune avait convoqué des journalistes originaires d'Espagne, du Portugal, d'Italie, de Grèce, pour délivrer un message sensationnel: "Dites aux jeunes diplômés de vos pays de venir chez nous. Les PME de la région ont du mal à recruter: 2700 emplois qualifiés sont à pourvoir."
Le nouveau "miracle allemand"? Conséquence d'un problème démographique alarmant
L'information, immédiatement répercutée dans les médias de l'Europe du Sud, provoque une" fièvre de l'or": 13 000 candidatures spontanées sont adressées, en quelques jours, à l'agence pour l'emploi, aux entreprises du coin, à la mairie, et même au domicile du maire! Mieux: une quarantaine de Portugais traversent l'Europe en bus et débarquent à Schwäbisch Hall, sans rendez-vous, dans l'espoir un peu fou de dénicher un emploi. Mais la plupart ne parlent pas un mot d'allemand; seule une poignée d'entre eux décroche une embauche.
Quoi qu'il en soit, cette ruée vers Schwäbisch Hall illustre le déséquilibre du marché du travail en Europe. Alors que les pays méditerranéens, s'enfoncent dans le chômage demasse, l'Allemagne, elle, recrute à tour de bras des travailleurs qualifiés. Des ingénieurs et des médecins, surtout, mais aussi des mathématiciens, des physiciens, des infirmières ou des cadres hôteliers. La relative bonne santé de l'économie et la solidité de ses PME n'expliquent pas tout. Le nouveau "miracle allemand" est en grande partie la conséquence d'un problème démographique alarmant. Conjugué au vieillissement de la population, le taux de natalité est trop faible pour compenser les départs à la retraite.
Angela Merkel sonne la mobilisation générale
Les chiffres sont spectaculaires. Si rien n'est fait, selon les calculs du gouvernement, la population active reculera de 6,5 millions de personnes d'ici à 2030! "Compter sur les réserves nationales ne suffit plus", reconnaît le ministre de l'Economie, Philipp Rösler. L'Allemagne doit recruter des forces vives hors des frontières. Ça tombe bien: ailleurs en Europe, le taux de chômage des moins de 25 ans tourne, en moyenne, autour de 23 % -il est seulement de 8 % outre-Rhin. "Dans la seule région du Bade-Wurtemberg, il manque aujourd'hui 38 000 diplômés d'université", explique StéphanieThimm, de la chambre decommerce locale.
Au niveau national, ce sont quelque 200 000 ingénieurs et techniciens que l'Allemagne doit recruter chaque année pour faire face à la pénurie de main-d'oeuvre qualifiée. Devant l'urgence, Angela Merkel a sonné la mobilisation générale. Le 3 février 2011, à l'occasion d'une visite en Espagne, la chancelière, accompagnée d'une délégation de chefs d'entreprise, a invité la jeunesse locale à venir travailler dans trois régions en particulier, qui réunissent près de la moitié de la population allemande: le Bade-Wurtemberg -où siègent Porscheet Bosch-, la Bavière (BMW, MAN,Adidas, Puma, Allianz) et la Rhénanie-du Nord-Westphalie (Bayer,ThyssenKrupp).
Une stratégie globale se dessine. Comme souvent outre-Rhin, différents partenaires sociaux coordonnent leurs efforts. Ainsi, le gouvernement fédéral coopère avec les Länder (régions), les agences régionales pour l'emploi, le patronat, les chambres de commerce et d'industrie et, pour ce qui est de l'apprentissage de la langue, avec l'immense réseau du Goethe-Institut, équivalent germanophone de l'Alliance française. Un peu partout, les initiatives se multiplient, à l'image de l'"opération Saint-Nicolas" menée par le Land du Bade-Wurtemberg fin 2011. Le 6 décembre -jour de la Saint-Nicolas,donc-, une centaine de jeunes ingénieurs espagnols sont invités à participer à un voyage organisé pour rencontrer des employeurs de Stuttgart.
Une destination cool, écolo, innovante, créative...
Le périple démarre à Barcelone, où les organisateurs, accompagnés de traducteurs, partent accueillir les candidats à une éventuelle expatriation. Décollage immédiat pour deux jours à Stuttgart, baigné dans l'ambiance de ses marchés de Noël. L'accueil est de qualité: hébergement dans un hôtel confortable, visite de la ville, réception avec discours d'accueil du ministre de l'Economie local et rencontre avec les entrepreneurs du cru. "Les PDG ont d'abord présenté leurs entreprises, puis, l'après-midi, chacun d'entre nous a eu plusieurs entretiens d'embauche, raconte l'ingénieur Ignacio Valero, 24 ans, qui travaille depuis lors chez un sous-traitant de Porsche pour un salaire presque deux fois plus élevé que ce qu'il gagnerait en Espagne. Les Allemand sont une réputation de froideur. C'est inexact. Le seul vrai problème, sous ces latitudes, c'est la météo."
Comme Ignacio, 33 autres ingénieurs ont signé un contrat de travail tandis que les autres ont préféré retourner en Espagne, près de leurs attaches." L'opération Saint-Nicolas a été un succès, observe Thomas Uselmann, porte-parole de l'agencepour l'emploi du Bade-Wurtemberg.Elle sera renouvelée. Mais, à l'avenir, nous étalerons le voyage sur deux semaines ou davantage, afin que les candidats hésitants aient vraiment le temps d'envisager de s'établir ici.
"Pour séduire, l'Allemagne multiplie les efforts. La législation sur l'immigration a ainsi été assouplie. Jusqu'à l'année dernière, un travailleur non membre de l'Union européenne devait justifier d'une promesse de contrat supérieure à 65 000 euros annuels, ceci afin de protéger l'emploi allemand et intracommunautaire. Ce seuil a été abaissé à 44 000 euros. Par ailleurs, la reconnaissance des diplômes étrangers est progressivement facilitée.
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