Annonce

Réduire
Aucune annonce.

Paradoxe : l’abstention comme acte civique

Réduire
X
 
  • Filtre
  • Heure
  • Afficher
Tout nettoyer
nouveaux messages

  • Paradoxe : l’abstention comme acte civique

    «Dans la confusion et le bricolage. » C’est ainsi qu’ El Watan, de jeudi dernier, rend compte de la première phase des prochaines élections locales. A l’heure de la clôture des listes, il semblerait qu’un peu partout, dans les chefs-lieux de wilaya, c’était la foire d’empoigne pour obtenir les fameux quitus. Indiscutablement, ce genre de fièvre politique saisonnière illustre bien la qualité approximative, voire douteuse des acteurs qui s’y intéressent.

    Aussi bien pour les partis, qui sont les maîtres d’œuvre, que pour les candidats à la candidature, le même scénario doit se rejouer. Qu’il s’agisse de législatives ou bien des locales, pas une virgule ne doit être omise. Sauf que la répétition du même spectacle à 6 mois d’intervalle devient paradoxalement un révélateur négatif de nos délibérations électorales. En effet, la multiplication des simulacres dans des périodes trop rapprochées amplifie à coup sûr la tendance au rejet et à l’abstention chez l’électeur. Quel que soit le but, qu’il prétend atteindre par la voie des urnes, un vote n’est véritablement validé socialement qu’à travers un ensemble de préalables que la puissance publique (pouvoir et haute administration) doit scrupuleusement observer. Dans un environnement politique caractérisé, depuis toujours, par la modulation illicite des résultats électoraux, un scrutin de plus ne réjouit réellement que ceux qui en attendent des dividendes. C’est ainsi que les Algériens ont intelligemment substitué au vote protestataire l’abstention pure et simple.

    Cet euphémisme du boycott qui, de toute façon, s’abstient de faire campagne à ciel ouvert. Car, à partir du moment où ils s’aperçurent que la seule valeur-ajoutée qui intéressait les pouvoirs résidait dans l’adhésion massive et les taux globaux, ils s’acheminèrent progressivement vers le non-vote. Le fait de se tenir en dehors des consultations électorales est devenu peu à peu une contre-morale civique à opposer aux trahisons du politique.

    C’est justement cet aspect inattendu de la part de l’électeur qui, ayant pris de court le précédent ministre de l’Intérieur (Zerhouni), le contraint en 2007 à envoyer aux «électeurs-coupables » une correspondance comminatoire ! Une ridicule injonction qui, comme chacun le sait, souligne sa grande culture de démocrate... L’acte de voter, ayant cessé d’être une réappropriation ponctuelle de la souveraineté citoyenne, n’est-il en passe de signifier autre chose de moins glorieux pour ceux qui honteusement l’exercent le jour venu. Psychologiquement, en effet, il a été constaté que de plus en plus, l’on rase les murs avant d’entrer dans les bureaux de vote afin d’éviter d’être brocardé. Chez ce profil d’électeurs sans conviction, accomplir ce faux devoir n’est pas nécessairement une approbation du sens officiel. Elle ne serait que le signe d’une fatalité et d’un renoncement à agir.

    Sans illusion, ils savent qu’à l’arrivée, leurs bulletins comptent pour rien et surtout ne traduisent pas leurs hypothétiques choix. Mais ils «monnayent» en contrepartie le tampon magique sur leurs cartes. Ils sont dans «l’on ne sait jamais…», allusion faite au chantage de l’administration d’une autre époque. L’idée répandue et chaque fois vérifiée à la veille d’un rendez-vous concerne la pédagogique officielle. Ainsi, l’électeur est en permanence convié à la rencontre avec le «destin » au son des trompettes patriotardes.

    Même lorsqu’il ne s’agira que de désigner des édiles de villages, le pouvoir a toujours besoin des taux de participation qui entreraient en ligne de compte dans sa légitimation à travers les urnes du «pays réel». C’est-à-dire celui qui contredira les oracles des élites de la capitale. Voilà pourquoi dans le même registre, l’on reparlera une fois encore, c'est-à-dire une fois de trop pour réitérer la même promesse. Celle de la «transparence garantie » offerte comme un talisman lors de ce rite afin de donner un coup de main aux nouveaux VRP attentifs à la visibilité des signes qu’ils représentent. C’est dire, par conséquent, que l’on ne peut pas exclure de cette tromperie perpétuelle le rôle ambigu dévolu à cet essaim de «partillons », surgi ex-nihilo au cours des derniers mois et qui sont disposés au pire des zèles en novembre prochain. Y parviendront-ils à inverser le phénomène de l’abstention par leurs seules implications ou, au contraire, seront-ils à l’origine d’une aggravation de la tendance ? Selon les analystes politiques de l’abstentionnisme, celui-ci dépend des conditions politiques de l’élection elle-même mais aussi de l’éventail des options proposées au scrutin. Or, quid des «conditions» et qu’offrirait- elle de neuf cette multiplicité ? En clair, rien dans le contexte économique et social du pays ne favorise l’enthousiasme. Et de surcroît même lorsqu’il s’agit de choix locaux, il n’est pas évident que l’on puisse ré-enchanter l’électeur avec d’illustres inconnus.

    Comme il a été d’ailleurs souligné par des travaux universitaires, l’équation de l’abstention se pose à travers deux inconnues techniques : «S’il y a très peu de candidats, l’électeur peut trouver le choix trop fermé ; s’il y en a trop, il peut être désorienté ; dans les deux cas, il est sans doute tenté de s’abstenir.» Or, nous nous acheminons vers une inflation de listes alors que le pouvoir politique demeure égal à lui-même dans sa praxis. En somme, rien n’empêchera l’abstention d’être forte le 29 novembre sinon à recourir à l’insondable bourrage des urnes. Morale de l’histoire : c’est bien le pouvoir qui alimente le non-vote et pas le contraire !!!

    Par Boubakeur Hamidechi- Le Soir
Chargement...
X