Monsieur Rachid Bendib, dans sa très juste et réaliste analyse sur l’universitaire algérien parue dans ce même journal, en date du 03/10/2004, intitulée «La logique rentière dans la stérilité de l’universitaire algérien», a mis en relief la cause majeure de l’aridité intellectuelle et scientifique dans laquelle vivotent nombre d’entre nous,
à savoir l’adhésion à la logique de la rente.
Je ne reviendrai pas là-dessus, parce que là n’est pas l’objectif de mes propos. Je ne reviendrai pas là-dessus parce qu’il l’a très bien fait, avec tout l’argumentaire nécessaire. Il y a de cela maintenant quelques jours, je croisais dans les couloirs de notre faculté quelques jeunes personnes pleines d’enthousiasme qui rodaient dans les artères de l’administration. Qui portait la cravate, qui était tiré à quatre épingles et qui était en pleine séance de concentration. Certains ont été mes étudiants. Et le diplôme de Magister réussi, ils sont venus postuler pour être enseignants. Ils étaient six ou sept pour un seul poste budgétaire, me dit-on. Qu’importe. C’est alors que m’est revenue à l’esprit la dernière note de bas de page de l’article de M. Bendib. Je relis et savoure: «Outre son caractère démagogique, l’importation de centaines de professeurs que propose Monsieur le Ministre de l’Enseignement supérieur doit certainement relever d’une confusion entre universitaire et viande congelée».
Une question me vient alors à l’esprit. Pourquoi voudrait-on «importer» des professeurs d’université, quand nos enfants, diplômés, ne trouvent pas d’emploi ? Pourquoi aller chercher loin ce qu’on a sous la main ?
Depuis quelques années déjà, ces jeunes, pour ceux qui ont de la chance d’être recruté, arrivent avec une lueur dans le regard, une quête dans les yeux et un fort désir de servir et de s’engager auprès des étudiants. Ces jeunes viennent recueillir l’héritage qu’on a cultivé en eux, librement, généreusement, sans se poser trop de questions, juste parce que ce métier, noble par essence, difficile par ses contours, est un métier où on sent la vie autour de soi. Un métier où la routine n’existe pas. Ces jeunes enseignants nous apportent du sang neuf, du dynamisme, de l’énergie, des connaissances nouvelles, de la modernité, du désir. Oui, ils nous apportent un vent de fraîcheur. Et leur entrée en carrière ne se fera convenablement que si nous, les anciens, sommes là pour les guider, les soutenir, leur donner de judicieux conseils et leur permettre de tirer les leçons des premières années de travail. Mais leur entrée en fonction ne se fera que si les autorités de ce pays leur font confiance, au lieu de penser à «importer» des enseignants, le problème de l’université, comme des autres institutions publiques, étant situé ailleurs (cf. article sus-cité, par R. Bendib).
Je sais que le passage des bancs de l’université à l’autre côté de la barrière est vécu comme un changement brusque, mais pas toujours dramatique, où l’enseignant débutant est paralysé par la découverte qu’il ne sait pas tout ce qu’il devrait savoir pour enseigner avec assurance. Il doit paraître confiant, compétent, mais se sent vulnérable. Et je sais aussi que les premières années sont les années les plus difficiles à traverser. On a beau avoir une formation universitaire de plusieurs années derrière soi, on ne devient pas «bon enseignant» dès la première année. Pour cela, la règle d’or est d’abord une bonne préparation à l’amont, du travail à faire, et que loin de se décourager par les inévitables erreurs, il faut toujours avoir en soi l’autocritique et la remise en question qui permettent d’avancer dans le métier et de construire sa propre expérience.
En effet, dans l’enseignement rien n’est jamais définitivement acquis. L’expérience est quelque chose de singulier et chacun façonne la sienne avec sa personnalité propre, ses aptitudes, les contingences de la vie, et grâce à toutes les personnes que le hasard met sur sa route, que ce soit les collègues, les élèves ou les personnels administratifs.
Mais cette expérience est aussi tributaire des modèles, ces professeurs qui inspirent, qui ont su cristalliser chez le nouvel enseignant ce désir, cette volonté, cette passion de donner et de partager ses modestes connaissances avec des étudiants, assis en face, avides de science et assoiffés de savoir. Pour cela, il faut développer un sens de la communication scientifique et appliquer les règles élémentaires de la pédagogie. L’enseignant universitaire doit apporter sa propre touche à son enseignement par de l’innovation et une mise à jour continue de ses cours. Son souci majeur doit être de toujours offrir des leçons de qualité, sur le fond et dans la forme. Il doit être courtois, d’un commerce agréable, humain, simple et modeste, d’une grande délicatesse et toujours de bonne humeur. Et oui, il faut toujours garder sa bonne humeur et un indispensable sens de l’humour, en faisant abstraction le plus possible des préoccupations personnelles et des vicissitudes de la vie. Un enseignant doit aussi être disponible, prendre son temps avec les étudiants et les collègues, être à l’écoute et patient. Il doit faire preuve d’ouverture d’esprit, d’amour des autres, d’empathie et de tolérance. Mais un enseignant doit aussi savoir maintenir la discipline, être ferme, faire preuve de rigueur et ne jamais être complaisant: il y a une excellente à atteindre. Et cet objectif ne peut être atteint que si l’enseignant sait, en plus, motiver ses étudiants, les intéresser leur donner du rêve et les inspirer. Que de qualités à avoir et que de choses leur demande-t-on ! Mais je n’ai aucune crainte pour ces jeunes collègues, car je sais que la réussite professionnelle est toujours au bout quand le travail est animé par la passion et le sérieux. Ils feront les choix judicieux et s’engageront dans les voies nouvelles, apportant le savoir avec élégance aux autres jeunes. Leur chemin sera celui que ce monde en perpétuelle évolution leur réserve et ce que leurs convictions leur dictent.
Alors, s’il vous plaît, Monsieur le Ministre, faites confiance en ces jeunes, qui apporteront au pays de l’imagination, du dynamisme et du changement.
Par Allal Mohammed Amine
Département De Génie Civil
Université De Tlemcen
Quotidien D'Oran 25/10/04
à savoir l’adhésion à la logique de la rente.
Je ne reviendrai pas là-dessus, parce que là n’est pas l’objectif de mes propos. Je ne reviendrai pas là-dessus parce qu’il l’a très bien fait, avec tout l’argumentaire nécessaire. Il y a de cela maintenant quelques jours, je croisais dans les couloirs de notre faculté quelques jeunes personnes pleines d’enthousiasme qui rodaient dans les artères de l’administration. Qui portait la cravate, qui était tiré à quatre épingles et qui était en pleine séance de concentration. Certains ont été mes étudiants. Et le diplôme de Magister réussi, ils sont venus postuler pour être enseignants. Ils étaient six ou sept pour un seul poste budgétaire, me dit-on. Qu’importe. C’est alors que m’est revenue à l’esprit la dernière note de bas de page de l’article de M. Bendib. Je relis et savoure: «Outre son caractère démagogique, l’importation de centaines de professeurs que propose Monsieur le Ministre de l’Enseignement supérieur doit certainement relever d’une confusion entre universitaire et viande congelée».
Une question me vient alors à l’esprit. Pourquoi voudrait-on «importer» des professeurs d’université, quand nos enfants, diplômés, ne trouvent pas d’emploi ? Pourquoi aller chercher loin ce qu’on a sous la main ?
Depuis quelques années déjà, ces jeunes, pour ceux qui ont de la chance d’être recruté, arrivent avec une lueur dans le regard, une quête dans les yeux et un fort désir de servir et de s’engager auprès des étudiants. Ces jeunes viennent recueillir l’héritage qu’on a cultivé en eux, librement, généreusement, sans se poser trop de questions, juste parce que ce métier, noble par essence, difficile par ses contours, est un métier où on sent la vie autour de soi. Un métier où la routine n’existe pas. Ces jeunes enseignants nous apportent du sang neuf, du dynamisme, de l’énergie, des connaissances nouvelles, de la modernité, du désir. Oui, ils nous apportent un vent de fraîcheur. Et leur entrée en carrière ne se fera convenablement que si nous, les anciens, sommes là pour les guider, les soutenir, leur donner de judicieux conseils et leur permettre de tirer les leçons des premières années de travail. Mais leur entrée en fonction ne se fera que si les autorités de ce pays leur font confiance, au lieu de penser à «importer» des enseignants, le problème de l’université, comme des autres institutions publiques, étant situé ailleurs (cf. article sus-cité, par R. Bendib).
Je sais que le passage des bancs de l’université à l’autre côté de la barrière est vécu comme un changement brusque, mais pas toujours dramatique, où l’enseignant débutant est paralysé par la découverte qu’il ne sait pas tout ce qu’il devrait savoir pour enseigner avec assurance. Il doit paraître confiant, compétent, mais se sent vulnérable. Et je sais aussi que les premières années sont les années les plus difficiles à traverser. On a beau avoir une formation universitaire de plusieurs années derrière soi, on ne devient pas «bon enseignant» dès la première année. Pour cela, la règle d’or est d’abord une bonne préparation à l’amont, du travail à faire, et que loin de se décourager par les inévitables erreurs, il faut toujours avoir en soi l’autocritique et la remise en question qui permettent d’avancer dans le métier et de construire sa propre expérience.
En effet, dans l’enseignement rien n’est jamais définitivement acquis. L’expérience est quelque chose de singulier et chacun façonne la sienne avec sa personnalité propre, ses aptitudes, les contingences de la vie, et grâce à toutes les personnes que le hasard met sur sa route, que ce soit les collègues, les élèves ou les personnels administratifs.
Mais cette expérience est aussi tributaire des modèles, ces professeurs qui inspirent, qui ont su cristalliser chez le nouvel enseignant ce désir, cette volonté, cette passion de donner et de partager ses modestes connaissances avec des étudiants, assis en face, avides de science et assoiffés de savoir. Pour cela, il faut développer un sens de la communication scientifique et appliquer les règles élémentaires de la pédagogie. L’enseignant universitaire doit apporter sa propre touche à son enseignement par de l’innovation et une mise à jour continue de ses cours. Son souci majeur doit être de toujours offrir des leçons de qualité, sur le fond et dans la forme. Il doit être courtois, d’un commerce agréable, humain, simple et modeste, d’une grande délicatesse et toujours de bonne humeur. Et oui, il faut toujours garder sa bonne humeur et un indispensable sens de l’humour, en faisant abstraction le plus possible des préoccupations personnelles et des vicissitudes de la vie. Un enseignant doit aussi être disponible, prendre son temps avec les étudiants et les collègues, être à l’écoute et patient. Il doit faire preuve d’ouverture d’esprit, d’amour des autres, d’empathie et de tolérance. Mais un enseignant doit aussi savoir maintenir la discipline, être ferme, faire preuve de rigueur et ne jamais être complaisant: il y a une excellente à atteindre. Et cet objectif ne peut être atteint que si l’enseignant sait, en plus, motiver ses étudiants, les intéresser leur donner du rêve et les inspirer. Que de qualités à avoir et que de choses leur demande-t-on ! Mais je n’ai aucune crainte pour ces jeunes collègues, car je sais que la réussite professionnelle est toujours au bout quand le travail est animé par la passion et le sérieux. Ils feront les choix judicieux et s’engageront dans les voies nouvelles, apportant le savoir avec élégance aux autres jeunes. Leur chemin sera celui que ce monde en perpétuelle évolution leur réserve et ce que leurs convictions leur dictent.
Alors, s’il vous plaît, Monsieur le Ministre, faites confiance en ces jeunes, qui apporteront au pays de l’imagination, du dynamisme et du changement.
Par Allal Mohammed Amine
Département De Génie Civil
Université De Tlemcen
Quotidien D'Oran 25/10/04
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