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    Ce ne doit pas être une sinécure pour le Comité Nobel de choisir annuellement l’institution ou l’homme qui mérite sa récompense en ce monde troublé. En décernant son prix 2012 à l’Europe, il crée une nouvelle fois la polémique. Il avait déjà suscité la surprise en octroyant, dans la précipitation et sur la base de simples déclarations d’intention, l’édition 2009 de son prix à Barak Obama.

    On pourrait donc jouer à trouver bénéficiaire préférable à celui désigné par le Comité. Mais si celui-ci entend par paix l’état de non-guerre entre nations, le Nobel 2012 exprime bien, dans ce sens, une réalisation historique qui fait qu’une trentaine d’États ont, en quelques années, organisé leurs rapports multilatéraux de manière à rendre la possibilité même de la guerre entre des États membres de l’Union quasi inconcevable. Non seulement l’Europe est en paix avec elle-même, mais elle a réussi à conjurer le spectre de la guerre pour de nombreuses générations.

    L’Europe est un espace de paix. Mais de paix intereuropéenne. Ce n’est ni une zone démilitarisée ni un espace exempt de bellicisme. Les armées européennes sont cantonnées un peu partout, en position d’intervenir ou en opération sur d’autres continents. Hors continent, l’Europe ne semble pas servir l’idéal de paix avec le même dévouement qu’elle le fait pour son espace intérieur. C’est pourtant ce qu’elle reprochait aux deux blocs du temps où la bipolarité surdéterminait la géostratégie. Et c’est pourtant sa vocation de puissance formée sur la base de la contestation du schéma bipolaire antérieur. Un schéma qui paraît en cours de régénération si l’on se fie à la polarisation imposée par la crise de Syrie.

    La garantie de paix pour l’Europe est renforcée par l’état d’alliance stratégique qui la lie à l’Amérique du Nord et au reste du “monde libre” constitué de l’Océanie et du Japon. Mais cette alliance, complétée par l’entretien de sa puissance militaire suffit-elle à lui assurer sa paix ? Non, parce que le monde reste un monde de menaces. Et si ces menaces ne sont pas le fait de l’Europe, on ne peut pas dire que l’Europe et les États qui la composent ont fait de la nécessité de les réduire le programme d’action internationale.

    La question syrienne, par exemple, ne se serait pas traduite par une crise de décisions de la communauté internationale si l’Europe ne s’était pas toujours appliquée à partager le parti pris américain au Moyen-Orient. Pas plus que la crise autour de la virtualité de l’accès à l’arme atomique par l’Iran.
    Outre l’hypothèque que constitue le soutien inconditionnel à l’État belliqueux d’Israël, l’Europe s’est illustrée par un demi-siècle de connivence néocoloniale avec les régimes d’Afrique et du monde arabe, suggérant que le droit à la démocratie est un luxe de sociétés économiquement développées dont les peuples des ex-colonies et protectorats peuvent être dispensés pour on ne sait combien de temps. Dans le monde dit arabe et musulman est venue résoudre à sa manière l’impasse démocratie dans cette sphère culturelle : en se posant en solution totale. Ailleurs, l’émigration massive, résultat du sous-développement qui doit autant aux dirigeants européens qu’aux dictateurs africains, est en passe de transformer l’Europe en paisible camp retranché.

    L’Europe qui a tant fait pour sa paix a si peu fait pour la paix.

    Mustapha Hammouche- Liberté
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