Trois avocats viennent d’interpeller le ministre de la Justice, lui demandant d’ouvrir une enquête sur une «lourde bavure» judiciaire commise au niveau de la Cour suprême. Celle-ci a rendu deux décisions contradictoires dans la même affaire. L’une annule un arrêt de la même juridiction et l’autre, portant les mêmes références, la même date et la même signature, le confirme.
Une vraie bataille judiciaire vient d’être engagée par trois avocats, maîtres Kamel Hamdani, Noureddine Benissad et Samir Sidi Saïd, contre la Cour suprême, pour faire la lumière sur une affaire des plus énigmatiques et inquiétantes. Il s’agit de deux décisions contradictoires relatives à une même affaire, rendues par la 5e chambre délictuelle portant les mêmes numéros de référence, les mêmes dates et la même signature.
Pour les avocats, il y a eu «faux et usage de faux» dans l’une ou l’autre décision, mais pour la Cour suprême, c’est plutôt une erreur matérielle. Faux, répondent les avocats, «l’erreur matérielle est bien définie par la loi et concerne des fautes dans la transcriptions des noms, des dates ou de petites fautes de traduction. Or là, il s’agit du changement de tout un paragraphe».
En fait, cette affaire concerne un homme d’affaires, poursuivi par son associé pour «abus de biens sociaux», un délit pour lequel il a écopé d’une année de prison ferme et de l’obligation de remboursement de 273 millions de dinars. Le prévenu conteste les faits qui lui sont reprochés et se défend en criant au complot ourdi par son associé et plaignant. La condamnation est confirmée non seulement par la Cour d’Alger, mais aussi par la Cour suprême.
Le prévenu campe sur ses positions, refusant catégoriquement de payer son adversaire. Il saisit la Cour suprême pour un «rabat arrêt», c’est-à-dire le réexamen de son affaire. La demande est acceptée en date du 4 juillet 2012 sous le numéro 762273. C’est d’ailleurs ce qui ressort du contenu du prononcé de cet arrêt, en date du 8 juillet 2012. La Cour suprême accepte donc de rouvrir le dossier en cassant (dans la forme) sa propre décision. Elle renvoi l’affaire devant la même Cour qui a jugé le prévenu, mais autrement composée. L’arrêt est enregistré dans le registre du secrétariat de la 5e chambre des délits. Une copie de cette décision est remise aux avocats de l’homme d’affaires par le greffier en chef, le 8 juillet, laquelle copie a été transmise le même jour à la prison de Aïn Oussara, afin que le mis en cause retrouve sa liberté étant donné que l’affaire va redémarrer de zéro. Mais cela n’a pas été le cas. Ce dernier ne peut quitter la geôle. Il doit purger cinq autres longues années correspondant à la période de contrainte par corps en raison de son refus de payer le montant qu’exige son ex-associé. Sa famille et ses avocats tentent de comprendre ce qui s’est passé.
Entre-temps, l’adversaire entame les procédures de saisie des biens de l’homme d’affaires. Des ventes aux enchères s’organisent. C’est la course contre la montre pour la famille qui, forte de la décision de la Cour suprême, tente de bloquer les ventes, mais en vain. C’est là que les avocats découvrent l’existence d’une même décision, mais avec un contenu totalement contradictoire. Celle-ci fait état du rejet du rabat arrêt parce que «non fondé». L’explication donnée par la Cour suprême aux avocats est qualifiée d’«hallucinante». «Comment peuvent-ils déclarer qu’il s’agit d’une erreur matérielle alors que la nature de l’affaire ne reflète pas un tel cas, qui faut-il le préciser nécessite obligatoirement une action de correction qui n’a pas eu lieu ? Il s’agit plutôt d’un grave fait à classer dans la catégorie du crime de faux et usage de faux», déclare Me Sidi Saïd. Il qualifie ce «grave» précédent de «terrorisme judiciaire qui n’honore pas la justice algérienne».
Dans la lettre adressée au ministre de la Justice, les trois avocats de la famille exigent l’ouverture d’une enquête sur ce qu’ils estiment être «un crime de faux et usage de faux» devant lequel ils déclarent leur «refus» de se taire. «Nous refusons de nous taire devant de telles violations commises au nom de la loi et qui ont causé de lourds préjudices à un justiciable, maintenu en cellule dans le cadre de la détention arbitraire du fait qu’il a obtenu un rabat arrêt auprès de la Cour suprême pour casser le jugement et donc retrouver la liberté pour un nouveau procès (…). De tels dépassements n’honorent nullement la justice algérienne et constituent une violation d’un des principaux droits touchant à la liberté des justiciables (…). De ce fait, nous vous demandons l’ouverture d’une enquête sur cette affaire afin de situer les responsabilités de chacun et de sanctionner les auteurs de cette dérive.»
Cette lettre, faut-il le préciser, a été adressée dimanche dernier au ministre de la Justice et, selon la famille de l’homme d’affaires, «ce n’est là qu’une première action en attendant la réponse du destinataire». Pour les trois avocats, «il est question de tout faire pour que les auteurs de ce faux soient démasqués et sanctionnés afin que plus jamais d’autres justiciables ne subissent de telles dérives». Question : le nouveau ministre, Mohamed Charfi, prendra-t-il, la peine de répondre à cette interpellation ? Difficile d’y répondre pour l’instant.
Par Salima Tlemçani - El Watan.
Une vraie bataille judiciaire vient d’être engagée par trois avocats, maîtres Kamel Hamdani, Noureddine Benissad et Samir Sidi Saïd, contre la Cour suprême, pour faire la lumière sur une affaire des plus énigmatiques et inquiétantes. Il s’agit de deux décisions contradictoires relatives à une même affaire, rendues par la 5e chambre délictuelle portant les mêmes numéros de référence, les mêmes dates et la même signature.
Pour les avocats, il y a eu «faux et usage de faux» dans l’une ou l’autre décision, mais pour la Cour suprême, c’est plutôt une erreur matérielle. Faux, répondent les avocats, «l’erreur matérielle est bien définie par la loi et concerne des fautes dans la transcriptions des noms, des dates ou de petites fautes de traduction. Or là, il s’agit du changement de tout un paragraphe».
En fait, cette affaire concerne un homme d’affaires, poursuivi par son associé pour «abus de biens sociaux», un délit pour lequel il a écopé d’une année de prison ferme et de l’obligation de remboursement de 273 millions de dinars. Le prévenu conteste les faits qui lui sont reprochés et se défend en criant au complot ourdi par son associé et plaignant. La condamnation est confirmée non seulement par la Cour d’Alger, mais aussi par la Cour suprême.
Le prévenu campe sur ses positions, refusant catégoriquement de payer son adversaire. Il saisit la Cour suprême pour un «rabat arrêt», c’est-à-dire le réexamen de son affaire. La demande est acceptée en date du 4 juillet 2012 sous le numéro 762273. C’est d’ailleurs ce qui ressort du contenu du prononcé de cet arrêt, en date du 8 juillet 2012. La Cour suprême accepte donc de rouvrir le dossier en cassant (dans la forme) sa propre décision. Elle renvoi l’affaire devant la même Cour qui a jugé le prévenu, mais autrement composée. L’arrêt est enregistré dans le registre du secrétariat de la 5e chambre des délits. Une copie de cette décision est remise aux avocats de l’homme d’affaires par le greffier en chef, le 8 juillet, laquelle copie a été transmise le même jour à la prison de Aïn Oussara, afin que le mis en cause retrouve sa liberté étant donné que l’affaire va redémarrer de zéro. Mais cela n’a pas été le cas. Ce dernier ne peut quitter la geôle. Il doit purger cinq autres longues années correspondant à la période de contrainte par corps en raison de son refus de payer le montant qu’exige son ex-associé. Sa famille et ses avocats tentent de comprendre ce qui s’est passé.
Entre-temps, l’adversaire entame les procédures de saisie des biens de l’homme d’affaires. Des ventes aux enchères s’organisent. C’est la course contre la montre pour la famille qui, forte de la décision de la Cour suprême, tente de bloquer les ventes, mais en vain. C’est là que les avocats découvrent l’existence d’une même décision, mais avec un contenu totalement contradictoire. Celle-ci fait état du rejet du rabat arrêt parce que «non fondé». L’explication donnée par la Cour suprême aux avocats est qualifiée d’«hallucinante». «Comment peuvent-ils déclarer qu’il s’agit d’une erreur matérielle alors que la nature de l’affaire ne reflète pas un tel cas, qui faut-il le préciser nécessite obligatoirement une action de correction qui n’a pas eu lieu ? Il s’agit plutôt d’un grave fait à classer dans la catégorie du crime de faux et usage de faux», déclare Me Sidi Saïd. Il qualifie ce «grave» précédent de «terrorisme judiciaire qui n’honore pas la justice algérienne».
Dans la lettre adressée au ministre de la Justice, les trois avocats de la famille exigent l’ouverture d’une enquête sur ce qu’ils estiment être «un crime de faux et usage de faux» devant lequel ils déclarent leur «refus» de se taire. «Nous refusons de nous taire devant de telles violations commises au nom de la loi et qui ont causé de lourds préjudices à un justiciable, maintenu en cellule dans le cadre de la détention arbitraire du fait qu’il a obtenu un rabat arrêt auprès de la Cour suprême pour casser le jugement et donc retrouver la liberté pour un nouveau procès (…). De tels dépassements n’honorent nullement la justice algérienne et constituent une violation d’un des principaux droits touchant à la liberté des justiciables (…). De ce fait, nous vous demandons l’ouverture d’une enquête sur cette affaire afin de situer les responsabilités de chacun et de sanctionner les auteurs de cette dérive.»
Cette lettre, faut-il le préciser, a été adressée dimanche dernier au ministre de la Justice et, selon la famille de l’homme d’affaires, «ce n’est là qu’une première action en attendant la réponse du destinataire». Pour les trois avocats, «il est question de tout faire pour que les auteurs de ce faux soient démasqués et sanctionnés afin que plus jamais d’autres justiciables ne subissent de telles dérives». Question : le nouveau ministre, Mohamed Charfi, prendra-t-il, la peine de répondre à cette interpellation ? Difficile d’y répondre pour l’instant.
Par Salima Tlemçani - El Watan.
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