Le dinar (DA), unité monétaire nationale, a été institué par la loi du 10 avril 1964.
Cette loi intervient presque deux ans après l’indépendance et plus d’une année après la création de la Banque centrale d’Algérie (BCA), qui est chargée d’exercer le privilège d’émettre en Algérie les billets de banque qui seront libellés en cette nouvelle unité monétaire.
La création du dinar et de la Banque centrale d’Algérie
Le dinar se substitue au nouveau franc qui était émis par l’ancienne Banque d’Algérie, créée par la loi du 4 août 1851 et qui a exercé le privilège d’émission des billets de banque en Algérie, dans le cadre de la souveraineté française, jusqu’au 30 juin 1962. C’est à M. Seghir Mostefaï, qui a fait partie de la délégation qui a négocié les Accords d’Evian, qu’à été confiée la mission de mettre en place le nouvel institut d’émission, qui devait remplacer la Banque d’Algérie. Conscient de l’importance de cette mission dont l’objet relève d’un des attributs de la souveraineté nationale, il a procédé d’une manière réfléchie et méthodique à son accomplissement, en évitant toute précipitation. C’est ainsi qu’un protocole, signé le 23 août 1962 entre l’Etat algérien et la Banque d’Algérie, confirme à cette dernière le privilège d’émission aux mêmes conditions que précédemment pour une période de deux mois à partir du 1er juillet 1962 avec possibilité de la proroger jusqu’au 31 décembre 1962 au plus tard.
Malgré les difficultés énormes engendrées par la situation très grave que vivait le pays en cet été 1962, M. Mostefaï, assisté du défunt Belghoula Bouasria, le seul cadre de l’ancienne Banque d’Algérie, a poursuivi ses efforts pour mener à bien tous les préparatifs nécessaires à la création, l’organisation et le démarrage de la BCA dans des conditions satisfaisantes. Tout en supervisant les activités de la Banque d’Algérie, organisme étranger qui continuait exceptionnellement et provisoirement à gérer la monnaie, il s’est attaché à trouver et à recruter les effectifs appelés à faire fonctionner les services centraux, ainsi que les succursales et les agences de la BCA et en même temps à préparer ses statuts. Ces derniers, inspirés des statuts des établissements similaires des pays de la région, se présentent sous forme d’un texte clair, équilibré et complet.
Ils ont constitué l’annexe de la loi qui a créé la BCA, loi qui a été promulguée le 13 décembre 1962. Par la suite, ils ont servi comme base et référence à l’élaboration de toutes les lois et ordonnances relatives à la monnaie et au crédit, qui ont été promulguées les années ultérieures. De la sorte, la Banque centrale a pu commencer ses activités dès le 2 janvier 1963. M. Seghir Mostefaï en a été nommé tout naturellement gouverneur et le défunt Belghoula Bouasria, directeur général. Il convient d’ouvrir une parenthèse pour dire qu’on ne rend pas suffisamment hommage à tous ceux (parmi lesquels ces deux pionniers) et à toutes celles qui, dans un contexte extrêmement difficile, marqué par des troubles très graves, des incertitudes et des risques de faire sombrer le pays dans l’anarchie, ont continué à œuvrer avec patience et persévérance, pour mettre en place les institutions, les structures et maintenir en activité les services qui permettent à l’Etat d’exercer tous ses attributs et d’accomplir toutes ses missions et qui donnent ainsi un contenu concret à la restauration de l’Etat algérien, Etat appelé à rétablir l’ordre et la sécurité et à être au service des citoyens. Il est à noter qu’il a été donné intentionnellement le nom de la Banque centrale d’Algérie à l’Institut d’émission pour ne pas garder l’ancienne dénomination. En 1990, on a repris, en tant que réforme, l’appellation coloniale.
Outre l’émission des billets libellés à partir d’avril 1964 dans la nouvelle unité monétaire, le dinar, la BCA a pour mission de veiller à la stabilité monétaire, c’est-à-dire à préserver sur le plan interne et externe la valeur du dinar. Celui-ci a sa valeur définie par un poids d’or fin de 180 milligrammes et avait, à l’origine, la même parité que le franc français (le nouveau). Les dispositions des statuts de la BCA, relatives aux opérations génératrices de l’émission monétaire, ont été conçues de façon à garantir le bon déroulement de ces opérations et à assurer que la monnaie créée ait des supports solides et sains qui sauvegardent ainsi sa valeur. Mais l’approche de la BCA, conforme à l’orthodoxie monétaire dans l’application rigoureuse de ces dispositions, n’a pas toujours été suivie et respectée par les pouvoirs publics.
Rapidement, il fallait, compte tenu de l’insuffisance des recettes budgétaires et des besoins de trésorerie de l’Etat, renoncer à l’application de l’article qui prévoyait que la «BCA peut, dans la limite d’un maximum égal à 5% des recettes ordinaires de l’Etat, constatées au cours du précédent exercice budgétaire, consentir au Trésor des découverts en compte courant dont la durée totale ne peut excéder 240 jours, consécutifs ou non, au cours d’une année de calendrier». Ces limites ont été jugées inacceptables, et il a fallu modifier par une disposition de la loi des finances de 1965 le contenu de cet article. Avec l’exécution du plan quadriennal 1970-1973, des mesures ont été prises pour que les banques commerciales financent une partie des investissements productifs par des crédits à moyen terme.
La BCA a été amenée à renoncer une fois encore à l’application d’une disposition de ses statuts, prévoyant que ces crédits à moyen terme soient soumis à l’obtention d’un accord préalable pour qu’ils soient admis au réescompte. Au lieu de cette procédure, un plafond global de réescompte pour les crédits à moyen terme est fixé chaque année par le gouvernement en consultation avec la BCA. Des plafonds de réescompte pour les crédits à court terme sont également fixés chaque année sur une base globale pour chaque banque de dépôts. Bien que l’admission au réescompte s’effectue dans des plafonds négociés avec la BCA, celle-ci a, en fait, perdu la possibilité que lui attribuent ses statuts d’exercer un contrôle direct sur la distribution du crédit et de n’accepter au réescompte que les crédits répondant aux conditions exigées par elle. D’autre part, le taux d’escompte qui devait être un des instruments à la disposition de la BCA pour agir sur l’émission de la monnaie, a été neutralisé pour ainsi dire.
Fixé au début à 3,5%, il est resté inchangé jusqu’au 1er janvier 1972, date à laquelle il a été abaissé à 2,5%. Il a gardé ce niveau jusqu’à octobre 1986, année où il a été porté à 5%. C’est dire qu’il n’a pas été du tout utilisé pour assurer un effet de régularisation. M. Mostefaï, qui est resté gouverneur durant presque 20 ans, a été confronté quelquefois, du moins au début, à l’incompréhension des hommes au pouvoir, mais, grâce à sa compétence et à son savoir-faire, il a réussi à éviter les dérapages préjudiciables à la monnaie et à l’économie nationale et a continué, du fait de ses qualités, à bénéficier de l’estime et de la considération à la fois à l’intérieur du pays et à l’extérieur.
Badredine Nouioua : ex-gouverneur de la banque d’Algérie
source: El Watan.
Cette loi intervient presque deux ans après l’indépendance et plus d’une année après la création de la Banque centrale d’Algérie (BCA), qui est chargée d’exercer le privilège d’émettre en Algérie les billets de banque qui seront libellés en cette nouvelle unité monétaire.
La création du dinar et de la Banque centrale d’Algérie
Le dinar se substitue au nouveau franc qui était émis par l’ancienne Banque d’Algérie, créée par la loi du 4 août 1851 et qui a exercé le privilège d’émission des billets de banque en Algérie, dans le cadre de la souveraineté française, jusqu’au 30 juin 1962. C’est à M. Seghir Mostefaï, qui a fait partie de la délégation qui a négocié les Accords d’Evian, qu’à été confiée la mission de mettre en place le nouvel institut d’émission, qui devait remplacer la Banque d’Algérie. Conscient de l’importance de cette mission dont l’objet relève d’un des attributs de la souveraineté nationale, il a procédé d’une manière réfléchie et méthodique à son accomplissement, en évitant toute précipitation. C’est ainsi qu’un protocole, signé le 23 août 1962 entre l’Etat algérien et la Banque d’Algérie, confirme à cette dernière le privilège d’émission aux mêmes conditions que précédemment pour une période de deux mois à partir du 1er juillet 1962 avec possibilité de la proroger jusqu’au 31 décembre 1962 au plus tard.
Malgré les difficultés énormes engendrées par la situation très grave que vivait le pays en cet été 1962, M. Mostefaï, assisté du défunt Belghoula Bouasria, le seul cadre de l’ancienne Banque d’Algérie, a poursuivi ses efforts pour mener à bien tous les préparatifs nécessaires à la création, l’organisation et le démarrage de la BCA dans des conditions satisfaisantes. Tout en supervisant les activités de la Banque d’Algérie, organisme étranger qui continuait exceptionnellement et provisoirement à gérer la monnaie, il s’est attaché à trouver et à recruter les effectifs appelés à faire fonctionner les services centraux, ainsi que les succursales et les agences de la BCA et en même temps à préparer ses statuts. Ces derniers, inspirés des statuts des établissements similaires des pays de la région, se présentent sous forme d’un texte clair, équilibré et complet.
Ils ont constitué l’annexe de la loi qui a créé la BCA, loi qui a été promulguée le 13 décembre 1962. Par la suite, ils ont servi comme base et référence à l’élaboration de toutes les lois et ordonnances relatives à la monnaie et au crédit, qui ont été promulguées les années ultérieures. De la sorte, la Banque centrale a pu commencer ses activités dès le 2 janvier 1963. M. Seghir Mostefaï en a été nommé tout naturellement gouverneur et le défunt Belghoula Bouasria, directeur général. Il convient d’ouvrir une parenthèse pour dire qu’on ne rend pas suffisamment hommage à tous ceux (parmi lesquels ces deux pionniers) et à toutes celles qui, dans un contexte extrêmement difficile, marqué par des troubles très graves, des incertitudes et des risques de faire sombrer le pays dans l’anarchie, ont continué à œuvrer avec patience et persévérance, pour mettre en place les institutions, les structures et maintenir en activité les services qui permettent à l’Etat d’exercer tous ses attributs et d’accomplir toutes ses missions et qui donnent ainsi un contenu concret à la restauration de l’Etat algérien, Etat appelé à rétablir l’ordre et la sécurité et à être au service des citoyens. Il est à noter qu’il a été donné intentionnellement le nom de la Banque centrale d’Algérie à l’Institut d’émission pour ne pas garder l’ancienne dénomination. En 1990, on a repris, en tant que réforme, l’appellation coloniale.
Outre l’émission des billets libellés à partir d’avril 1964 dans la nouvelle unité monétaire, le dinar, la BCA a pour mission de veiller à la stabilité monétaire, c’est-à-dire à préserver sur le plan interne et externe la valeur du dinar. Celui-ci a sa valeur définie par un poids d’or fin de 180 milligrammes et avait, à l’origine, la même parité que le franc français (le nouveau). Les dispositions des statuts de la BCA, relatives aux opérations génératrices de l’émission monétaire, ont été conçues de façon à garantir le bon déroulement de ces opérations et à assurer que la monnaie créée ait des supports solides et sains qui sauvegardent ainsi sa valeur. Mais l’approche de la BCA, conforme à l’orthodoxie monétaire dans l’application rigoureuse de ces dispositions, n’a pas toujours été suivie et respectée par les pouvoirs publics.
Rapidement, il fallait, compte tenu de l’insuffisance des recettes budgétaires et des besoins de trésorerie de l’Etat, renoncer à l’application de l’article qui prévoyait que la «BCA peut, dans la limite d’un maximum égal à 5% des recettes ordinaires de l’Etat, constatées au cours du précédent exercice budgétaire, consentir au Trésor des découverts en compte courant dont la durée totale ne peut excéder 240 jours, consécutifs ou non, au cours d’une année de calendrier». Ces limites ont été jugées inacceptables, et il a fallu modifier par une disposition de la loi des finances de 1965 le contenu de cet article. Avec l’exécution du plan quadriennal 1970-1973, des mesures ont été prises pour que les banques commerciales financent une partie des investissements productifs par des crédits à moyen terme.
La BCA a été amenée à renoncer une fois encore à l’application d’une disposition de ses statuts, prévoyant que ces crédits à moyen terme soient soumis à l’obtention d’un accord préalable pour qu’ils soient admis au réescompte. Au lieu de cette procédure, un plafond global de réescompte pour les crédits à moyen terme est fixé chaque année par le gouvernement en consultation avec la BCA. Des plafonds de réescompte pour les crédits à court terme sont également fixés chaque année sur une base globale pour chaque banque de dépôts. Bien que l’admission au réescompte s’effectue dans des plafonds négociés avec la BCA, celle-ci a, en fait, perdu la possibilité que lui attribuent ses statuts d’exercer un contrôle direct sur la distribution du crédit et de n’accepter au réescompte que les crédits répondant aux conditions exigées par elle. D’autre part, le taux d’escompte qui devait être un des instruments à la disposition de la BCA pour agir sur l’émission de la monnaie, a été neutralisé pour ainsi dire.
Fixé au début à 3,5%, il est resté inchangé jusqu’au 1er janvier 1972, date à laquelle il a été abaissé à 2,5%. Il a gardé ce niveau jusqu’à octobre 1986, année où il a été porté à 5%. C’est dire qu’il n’a pas été du tout utilisé pour assurer un effet de régularisation. M. Mostefaï, qui est resté gouverneur durant presque 20 ans, a été confronté quelquefois, du moins au début, à l’incompréhension des hommes au pouvoir, mais, grâce à sa compétence et à son savoir-faire, il a réussi à éviter les dérapages préjudiciables à la monnaie et à l’économie nationale et a continué, du fait de ses qualités, à bénéficier de l’estime et de la considération à la fois à l’intérieur du pays et à l’extérieur.
Badredine Nouioua : ex-gouverneur de la banque d’Algérie
source: El Watan.
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