Annonce

Réduire
Aucune annonce.

Ce qu’on ne lira pas dans le livre de Chadli : Bouteflika un «caporal», Nezzar «une petite créature»

Réduire
X
 
  • Filtre
  • Heure
  • Afficher
Tout nettoyer
nouveaux messages

  • Ce qu’on ne lira pas dans le livre de Chadli : Bouteflika un «caporal», Nezzar «une petite créature»

    Son éditeur a déjà prévenu : les mémoires de l’ex-président Chadli Bendjedid dont le premier tome paraitra le 26 octobre prochain ne contiendront pas de révélations fracassantes.

    Pas de scoops, pas de scuds, pas de confidences. Alors pas de vagues, pas de remous et pas de scandales qui alimenteraient la chronique? L’ancien chef de l’Etat, décédé le 6 octobre dernier, a donc décidé d’emporter ses secrets dans la tombe. Mais Chadli a beaucoup parlé avant de partir, pas simplement à celui qui a recueilli ses confessions officielles.
    Chadli Bendjedid qui s’est astreint pendant vingt ans à un droit de réserve, qui s’est tu alors qu’on l’a accablé- qu’on l’accable encore- de tous les maux, traité de tous les mots ; lui qui sait tant de choses sur les arcanes du pouvoir, sur ceux morts ou encore vivants, lui donc ne serait pas cet homme qui réglerait ses comptes avec ses détracteurs d’hier et d’aujourd’hui.
    Que vaudraient ces mémoires de Chadli si ceux-ci venaient à être expurgés de ces petits et grands secrets que l’ex-chef de l’Etat a tus pendant les vingt dernières années ?
    • Lire → Algérie : L'ancien président de la république Chadli Bendjedid est mort
    Chadli mort, on ne saurait sans doute jamais pourquoi a-t-il décidé de livrer une version plutôt policée de sa vie, lui qui avait pourtant promis de ne rien cacher quand viendra le moment de parler.
    Mais Chadli Bendjedid a parlé. Beaucoup parlé même.
    C’était entre l’automne 2000 et le printemps 2001. A l’époque, le journaliste et ancien directeur du quotidien Le Matin, Mohamed Benchicou, avait longuement rencontré l’ex-président dans la demeure de celui-ci à Poirson, à Alger.
    En présence de son épouse Halima (ou Hlima) ainsi que d’autres proches, puis en tête-à-tête, Chadli s’était prêté à confesse.
    • Lire →L’éditeur parle d’un faux : Echourouk a-t-il traficoté les mémoires de Chadli Bendjedid ?
    A l’époque, Chadli cherchant un « nègre » pour coucher ses mémoires, il avait accepté de se livrer à Mohamed Benchicou avec la recommandation express de ne rien publier sans son feu vert.
    Certes une infime partie de ces confidences a été publiée dans Le Matin, une autre a nourri le livre « Bouteflika, une imposture algérienne » (paru en 2004), mais le gros des révélations faites à Benchicou, celui-ci a décidé de les remiser. Il en fait part aujourd’hui.
    Lorsque Chadli parle, il dézingue.
    Sa nomination en 1979 pour succéder à Boumediene, ses rapports avec Bouteflika, le procès intenté à celui-ci par la Cour des comptes pour malversations, sa relation avec l’ex-ministre de la Défense Khaled Nezzar, les réformes attribuées à Mouloud Hamrouche, la légalisation en 1989 du FIS (Front islamique du Salut), Chadli livre ses vérités et règle au passage quelques comptes.
    Khaled Nezzar, une petite créature
    De tous les généraux de l’armée algérienne, Khaled Nezzar est sans doute le plus bavard.
    Depuis plus de dix ans, l’ex-ministre de la Défense écrit des livres, s’exprime dans les journaux et à la télé. Et souvent il écorche, pour ne pas dire plus, Chadli Bendjedid. Mais celui-ci s’est toujours gardé de lui répondre publiquement.
    Quand Chadli parle de Nezzar, les propos sont peu amènes :
    « J’ai toujours agi en fonction d'un code d'honneur. C'est primordial, l'honneur, le respect, la discrétion, la réserve… Nezzar n’en a pas. C'est une petite créature. Un personnage de circonstances. Il rasait les murs quand j’étais président. Il sollicitait des entrevues que j'accordais rarement. Tu peux le vérifier auprès de ceux qui collaboraient avec moi à l’époque : personne ne s'autorisait à élever la voix parmi ceux qui aujourd'hui se pavanent devant la presse et se répandent en médisances. J’avais un énorme pouvoir et je le mettais au service des transformations sociales et politiques de l'Algérie, au service de son honneur. Aujourd'hui, devant le silence des anciens, c'est la foire des parvenus. Écoutez Khaled Nezzar, ou Anissa Boumediene, ou Bouteflika... Qu’adviendrait-il si je me mettais à leur répondre ? Je sais tout sur eux. Tout : comment ils ont été promus, comment ils sont devenus ce qu’ils sont. Ils ne savent rien sur moi. Veut-on vraiment qu’on dise tout sur Nezzar ? Ce serait catastrophique pour lui. Je le dirai peut-être dans mes mémoires. Mais nous devons à ce peuple d’être dignes en politique. »
    • Lire → FLN, FIS, Octobre 88, Tamazight, intégrisme, socialisme, réformes : Ce que CHADLI a vraiment dit
    Les réformes de Mouloud Hamrouche ? Quelles réformes ?
    Mouloud Hamrouche, ancien secrétaire général à la présidence, est nommé chef du gouvernement le 9 septembre 1989 avant d’être débarqué le 5 juin 1991.
    A la tête de l’exécutif pendant presque deux ans, il sera chargé de conduire les réformes politiques et économiques dans la foulée de l’ouverture démocratique engagée après la révolte d’octobre 88. Tant et si bien qu’on attribuera à Mouloud Hamrouche la formule « le père des réformes ». Les formes, c'était donc Hamrouche...
    Chadli s’agace de l’usage de cette formule et affirme que le pouvoir, il le détenait seul. Sans partage.
    Chadli dans le texte : « Quelles réformes de Hamrouche ? Les réformes, c’est moi ! Pour mener des réformes, il faut posséder le pouvoir et le pouvoir, à l’époque, c’était moi qui l’avais. Je voulais que l'Algérie tire les leçons de l'empire soviétique et ne tombe pas dans les mêmes travers(…) Il n’y a pas de réformes Hamrouche. C’est moi qui ai, dès mon accession au pouvoir, poussé vers la réhabilitation de l'Etat de droit et la transition vitale vers une Algérie rénovée et rajeunie. »
    Liberté pour le prisonnier Ben Bella
    Destitué le 19 juin 1965 par un coup d’Etat, le premier président algérien Ahmed Ben Bella a été détenu dans le secret pendant presque 13 ans par son successeur Houari Boumediene. Prisonnier sans jugement, détenu sans droits. Dans le secret absolu pendant 13 ans.
    Peu de temps après son arrivée au pouvoir en 1979, Chadli décide d’assouplir les conditions de détention de Ben Bella avant de lui remettre sa liberté le 30 octobre 1980. A Ben Bella, Chadli accordera une pension de 12 000 dinars et une villa à Alger.
    The truth is incontrovertible, malice may attack it, ignorance may deride it, but in the end; there it is.” Winston Churchill

  • #2
    Chadli qui jettera en prison des militants des droits de l'homme, des islamistes et des syndicalistes pour des délits d’opinion au cours des années 1980, s’explique sur la libération d’Ahmed Ben Bella :
    « Une de mes toutes premières décisions fut de libérer Ben Bella. Je ne concevais pas d’État de droit avec un prisonnier politique dans nos geôles. J’aspirais à l’État de droit. Par profonde conviction politique. Une vieille, une ancienne conviction, transmise par mon père, qui était lieutenant de Ferhat Abbas pour la région d’Annaba. Je l’ai fait par attachement aux idées libérales héritées de mon père, et à la mémoire de Ferhat Abbas, une figure qui a marqué ma jeunesse, un homme qui était en avance sur son temps, qui a eu le courage de ne pas succomber aux populismes et qui avait une idée gigantesque de la démocratie, de la société civile et de l'État. »
    • Lire → Erigé en héros, Ben Bella enterré en grande pompe dans l’indifférence des Algériens
    Qui a légalisé le FIS ? Pas moi, dit Chadli
    Fondé en février 1989, le FIS (Front islamique du Salut) sera légalisé en septembre 1989. Il remportera les premières élections locales de juin 1990 et obtiendra la majorité des sièges aux élections législatives de décembre 1991 lesquelles précipiteront le départ de Chadli de la présidence en janvier 1992.
    L’ex-président est accusé à maintes reprises d’avoir accordé l’agrément au FIS, ennemi de la démocratie, d’avoir pactisé avec les islamistes pour se maintenir au pouvoir et d’avoir rencontré secrètement les leaders de ce parti dissous en février 1992.
    Le FIS légalisé par lui? Chadli s’en défend :
    « Je n'ai jamais créé le FIS ni aidé à le créer. J'étais en conférence dans un pays d'Afrique, quand des collaborateurs parmi les plus proches m’avaient joint pour m'informer de l'idée de laisser se constituer les islamistes au sein d'une grande formation politique. J'étais sceptique. Ils m’ont alors rassuré, avançant qu'ils savaient ce qu'ils faisaient. La suite vous la connaissez. Je n'ai jamais eu de sympathie particulière pour le FIS dont j'ai de tout temps considéré les dirigeants comme des hypocrites politiques qui instrumentalisent la religion pour arriver au pouvoir. Contrairement à ce qui est avancé de façon pernicieuse, je n'ai jamais rencontré de responsables du FIS en dehors des rencontres publiques avec les formations politiques, qui ont eu pour théâtre le siège de la Présidence de la République et auxquelles était convié le FIS au même titre que tous les autres partis. J'ai d'ailleurs toujours évité de voir qui que ce soit à l'extérieur de la Présidence, par respect infaillible à ma mission de premier magistrat. J'étais chargé de mettre l'Etat au-dessus de toutes les considérations politiciennes. »
    La succession de Boumediene et les favoris qui refusent le fauteuil
    Décembre 1978, Houari Boumediene décède d'une mort mystérieuse. S’ouvre alors au sein du sérail une âpre bataille pour sa succession. Bouteflika, Yahiaoui, Abdelghani ou Belaid Abdesselam, tous prétendent au fauteuil de Boumediene.
    Contre toute attente, les militaires choisissent un des leur, le colonel Chadli Benjedid. Lui dit qu’il n’a pas cherché le fauteuil que d’autres ont refusé.
    Il en parle : « Ce que les gens doivent savoir, c'est qu'à la mort de Boumediène Chadli Bendjedid n'a jamais revendiqué la succession. En qualité de coordinateur de l'armée, c'est moi qui ai proposé à des candidats médiatisés à l'époque de prendre la relève. Ils ont refusé. Oui, ils ont refusé, et ils ont refusé parce que la situation était complexe, l'endettement énorme, les caisses vides, les étals déserts et la pénurie régnante Chadli n'avait pas vocation à devenir Président, mais il n'avait plus le choix. »
    Bouteflika, Chadli, Mitterrand
    Le 19 juillet 1999, le président Bouteflika, élu quelques mois plus tôt, accorde un entretien au journal The Financial Times. Au détour d’une question, Bouteflika traite Chadli d’ignare, incapable de tenir une conversation de plus d’une heure avec le président Mitterand avec lequel Chadli s’était entretenu pendant 7 heures.
    Quelques mois plus tard, en novembre 1999 à Monaco, Bouteflika accusera l’ex-président d’incompétent.
    Incompétent Chadli ? Il s’offusque des accusations de Bouteflika :
    « Que sait-il de la considération que me portait Mitterrand ? Que sait-il du rayonnement diplomatique de l’Algérie sous ma gouvernance ? J’ai fait la seule visite d’Etat aux Etats-Unis d’un président algérien. Bush père m’avait fait l’amitié, un jour de fête, de m’inviter dans sa propre maison où je côtoyais sa famille et ses petits enfants qui ouvraient leurs cadeaux au pied de la cheminée… Je souhaite, pour l’Algérie, qu’il connaisse la moitié de l’influence diplomatique qui était la mienne. J’ai reçu à Alger les plus grandes personnalités du siècle, comme la reine d’Angleterre ou le roi d’Espagne… »
    Caporal Bouteflika, commandant Chadli
    8 mars 1979, Chadli Benjedid forme son premier gouvernement. Abdelaziz Bouteflika perd son poste de ministre des Affaires étrangères qu’il occupait depuis 1963. Il est nommé conseiller à la présidence.
    Bouteflika bénéficie d’un bureau au siège de la présidence, se voit confier une ou deux missions à l’étranger avant qu’il ne décide de quitter son poste de son plein gré vers la fin de l'année 1981.
    Plus tard, Bouteflika expliquera qu’il a été chassé du pouvoir par Chadli, contraint à une « traversée du désert » qui durera 20 ans.
    Chadli racontera à Benchicou que Bouteflika s’est comporté devant lui comme un obligé, cherchant à obtenir ses faveurs, multipliant les gestes et les interventions pour obtenir sa réhabilitation.
    C'est ainsi que Bouteflika bénéficiera dès 1985 d’un passeport diplomatique délivré sur ordre de Chadli, réintégrera le comité central du FLN dès 1989 et obtiendra la restitution de ses biens à Alger dans la foulée.
    Une « traversée du désert » de 20 ans ? Vraiment ?!
    Chadli Bendjedid révèle comment Bouteflika se comportait devait lui : « Il s’est mis au garde-à-vous devant moi et m’a dit : “Vous êtes le commandant et je suis votre caporal. J’attends vos ordres.” Tout le monde m’appelait par mon prénom, il était le seul à m’appeler “Fakhamat erraïs”… Je savais qu'il faisait tout cela pour rester à l'intérieur du pouvoir, et pour s’éviter le jugement à propos des fonds des Affaires étrangères qui avaient été détournées entre 1965 et 1979… Je n'étais pas dupe. Il me parvenait de toutes parts le compte rendu des médisances qu'il proférait contre moi, dont certaines devant des étrangers…"
    Pourquoi Chadli a-t-il ordonné des poursuites contre Abdelaziz Bouteflika ?
    Dès son arrivée au pouvoir en 1979, Chadli Bendjedid lance une chasse aux sorcières visant les gestionnaires des affaires publiques, civils et militaires.
    Des dizaines, voire même des centaines, sont poursuivis en justice pour malversations, placés sous mandat de dépôt, condamnés ou plus tard blanchis de toutes accusations. Parmi eux, Abdelaziz Bouteflika.
    A celui-ci, il été demandé de restituer, avec les justificatifs, les fonds qui avaient été placés sur ses instructions dans des comptes en Suisse, fonds provenant des reliquats de devises du ministère des Affaires étrangères entre 1965 et 1978.
    Bouteflika se soumet à la procédure, accepte de rembourser, mais n’en restituera que 10 % des sommes concernées.
    Constatant que l’ex-ministre des AE ne coopère pas, Chadli Bendjedid ordonne alors des poursuites judiciaires contre Bouteflika. Ce qui sera fait le 22 décembre 1981 quand la Cour des Comptes entame des poursuites contre Abdelaziz Bouteflika pour « gestion occulte de devises au niveau du ministère des Affaires étrangères».
    Pourquoi Bouteflika ? Chadli Benjedid justifie la mise en accusation :
    « Nous avions comparé avec les chiffres qui étaient en possession des services de renseignement et avions découvert qu’il manquait presque 6 milliards. J’ai alors donné mon accord pour le déclenchement de la procédure judiciaire… Mais j’avais intervenu pour qu’il ne soit pas emprisonné…J’ai fait ce qu’il fallait faire envers Bouteflika…»


    DNA - Dernières nouvelles d'Algérie
    The truth is incontrovertible, malice may attack it, ignorance may deride it, but in the end; there it is.” Winston Churchill

    Commentaire


    • #3
      Bonjour,


      Si ce qui est révélé est vrai, ça démontre que Chadli Allah irahmou savait des choses (d'après lui tout) mais il s'est montré complaisant avec ses opposants, indulgent à leur égard

      Il disait détenir à l'époque tous les pouvoirs mais se défend d'avoir légalisé le FIS

      Il dit avoir combattu la corruption mais avait tout fait pour que Bouteflika n'aille pas en prison.

      Clairement, il n'avait pas fait son travail de chef d'Etat.

      Commentaire


      • #4
        Intéressant le livre de Chadli Allah Irahmou:

        Source : Le quotidien Liberté dz

        “Les contours d’une vie”, mémoires de Chadli Bendjedid
        La vérité comme écho d’une voix


        Par : Rédaction Nationale
        La publication par les éditions Casbah des Mémoires du président Chadli constitue un événement éditorial. Il souhaitait la parution pour le 1er Novembre. Le destin en a décidé autrement. Le livre ne comporte pas de préface, mais des précisions pour répondre aux esprits malfaisants et aux rapporteurs de ragots de petite semaine, colportés de son vivant et qui ont porté atteinte à son passé. Le livre s’arrête en 1979. La suite est prévue pour mars de l’année prochaine. Son souhait “est que ces Mémoires me représentent auprès des gens comme j’ai toujours espéré qu’ils me connaissent et non sous le prisme déformant qui a été créé autour de ma personne”. La messe est dite. Suivez son regard.
        D’entrée, le président se fait modeste et réduit son livre à un simple matériau pour les historiens qui auront la lourde mais noble mission d’écrire l’histoire de la Révolution en toute honnêteté et objectivité. Suivant une chronologie qui jalonne une vie, le livre s’ouvre sur un enfant algérien élevé dans une famille aisée pour l’époque, son apprentissage du militantisme et sa participation, dès les premiers moments, à la guerre de Libération nationale, contrairement à ce qui a été rapporté sur lui (issu de l’armée française). Sans animosité, ni acrimonie, il se raconte en remettant les pendules à l’heure et les gens à leurs places de médisants. La suite est plus intéressante quand il parle de sa relation avec Boumediene qui le tenait en estime contrairement aux autres compagnons du Conseil de la Révolution, sa rencontre avec le colonel Minouche, Che Guevara, Mao.
        Le livre se lit d’une traite et nous livrons en exclusivité les bonnes feuilles en espérant que ce “matériau” de première main poussera les acteurs encore vivants à réagir et à suivre l’exemple de Chadli à raconter la Révolution, tenue jusqu’à présent secrète.


        Ma rencontre avec Amirouche
        Durant ma convalescence, je fis la rencontre du colonel Amirouche dans l’échoppe d’Ahmed Kebaïli à Souk Larba. Il était entré en Tunisie en novembre 1956 après avoir échoué dans sa tentative de remettre de l’ordre dans les Aurès. Je garde de lui l’image connue de tous : élancé, balèze, le regard pénétrant, emmitouflé dans sa kachabia bariolée et la tête couverte d’un chèche. Amirouche tenait fortement à l’unité des rangs au point qu’il n’eut de cesse de réconcilier les frères ennemis, aussi bien à la Wilaya I qu’en Tunisie. En 1959, alors qu’il se rendait dans ce pays pour faire le point sur la situation avec le gouvernement provisoire, il tomba en martyr avec le colonel Si El-Haouès au mont Tamer, dans des conditions mystérieuses. Le sort a voulu que je sois celui qui allait découvrir — j’étais alors président de la République — que les corps d’Amirouche et de Si El-Haouès se trouvaient dans une cave du commandement général de la gendarmerie nationale. J’ordonnai alors, sans attendre, qu’ils soient inhumés au Carré des Martyrs à El-Alia.

        Le Congrès de la Soummam
        Nous fûmes surpris d’apprendre que le congrès s’était tenu en août dans la vallée de la Soummam, sans la participation de la Wilaya I après la mort de Mostefa Ben Boulaïd et l’assassinat de Chihani Bachir, et en l’absence des leaders historiques (Ahmed Ben Bella, Hocine Aït Ahmed, Mohamed Boudiaf et Mohamed Khider) pour des raisons inconnues. La région de Souk-Ahras fut exclue et les congressistes ne lurent pas le rapport que Bouglez leur avait soumis et qui avait dû être détruit ou tenu secret.
        Le congrès maintint Souk-Ahras dans le giron de la 2e Région qui allait devenir la Wilaya II. Nous fûmes surpris aussi d’apprendre que des décisions importantes pour l’avenir de la Révolution et le devenir de la région de Souk-Ahras avaient été prises sans que le congrès ait pris la peine de connaître notre avis sur cette question. Même si, à la vérité, aucun de nous, dans la région de Souk-Ahras et El-Kala, ne niait l’importance des résolutions adoptées par le Congrès de la Soummam. Lors de nos réunions, Amara Bouglez contestait moins les décisions du congrès que l’exclusion, la marginalisation et la non-reconnaissance de Souk- Ahras en tant que wilaya. Il adoptait une position tactique, en ce sens qu’il voulait faire pression sur les responsables de la Révolution pour aboutir à un rêve longtemps caressé par les moudjahidine d’El-Kala et de Souk-Ahras : celui de voir leur région érigée en wilaya au même titre que les autres régions.
        L’année qui vit le démantèlement de la base a été l’une des plus troubles et des plus agitées, à plus d’un titre. Ainsi, au niveau de la direction du CCE, les divergences entre ses membres allaient en s’aggravant et vont se répercuter négativement sur la combativité de l’ALN. Ces différends éclatèrent au grand jour après l’assassinat d’Abane Ramdane, à la fin de 1957. Au début, nous avons prêté foi à la version donnée par le journal El Moudjahid sur la présumée mort d’Abane au champ d’honneur, mais nous avons vite été désarçonnés en apprenant la vérité amère : ses compagnons d’armes l’avaient entraîné au Maroc pour l’assassiner.
        Le choc fut terrible dans les rangs des moudjahidine. Amara Bouglez a dénoncé ce lâche assassinat d’un des symboles de la Révolution, malgré ses différends notoires avec Abane, dans une lettre très virulente adressée au CCE et décréta une journée de deuil et de protestation à la Base de l’Est.

        Notre rencontre avec Krim Belkacem et Lakhdar Bentobal
        Pendant ce temps, Krim Belkacem prit la décision d’écarter Ressaâ Mazouz du commandement de la zone 1, à cause de son lien de parenté avec Amara Bouglez et de déléguer Abdelkader Chabou, Mohamed Alleg et un jeune officier, répondant au nom de Sahraoui, à la région. Sur place, Chabou consultera les chefs de région, Haddad Abdennour, Kara Abdelkader et Bouterfa El-Fadhel, sur celui qui serait le mieux indiqué pour succéder à Mazouz ; tous lui donnèrent le nom de Chadli Bendjedid. C’est ainsi que je devins chef de la zone 1.

        Le mouvement de redressement de juin 1965
        Le mouvement de redressement révolutionnaire du 19 juin 1965 — que certains qualifient de coup d’État — était planifié, voire annoncé longtemps avant sa survenance. Il était de notoriété publique que la lune de miel entre le président Ahmed Ben Bella et son ministre de la Défense Houari Boumediene était finie et qu’on s’acheminait inexorablement vers le renversement de l’un ou l’éviction de l’autre. On dit que Ben Bella aurait présenté un jour son ministre de la Défense à un journaliste étranger en ces termes : “Voici l’homme qui complote contre moi !” À son tour, Boumediene m’avoua, en octobre 1963, qu’il en avait assez de Ben Bella et de sa manière de gérer les affaires publiques.
        Il me dit que la relation entre eux deux s’était gravement dégradée. “La situation ne prête pas à l’optimisme”, me dit-il sur un ton qui confirmait ses doutes. Le froid entre les deux hommes était perceptible jusque dans les images que diffusaient les médias de l’époque, chacun d’eux paraissant contrarié, évitant de croiser l’autre comme si, entre les deux hommes, il y avait une inimitié réprimée ; ils avaient été réunis par la guerre et la politique et séparés par les aspirations et les appétits.


        Ma rencontre avec Che Guevara
        n Parmi les souvenirs que je garde encore en mémoire figure ma rencontre avec Ernesto Che Guevara. En juillet 1963, le Che effectua une visite en Algérie pour assister aux festivités du premier anniversaire de l’Indépendance. Il était arrivé la veille du 5 juillet pour une visite de quatre jours et il resta trois semaines ! Il visita l’Algérie ville par ville. Il se rendit en Kabylie, prit part au déminage des frontières ouest... Je le reçus à Constantine où il passa deux journées entières. Il était heureux de découvrir l’Algérie et se montra impressionné par sa nature et l’humilité de son peuple dont il admirait la lutte héroïque et la résistance face au colonialisme français. À l’époque, Che Guevara était affairé à constituer un front mondial uni contre l’impérialisme. Il considérait l’Algérie comme un pôle essentiel pour une telle initiative, et Ben Bella était partant.

        Commentaire


        • #5
          Suite et fin

          Boumediene tel que je l’ai connu
          J’ai fait la connaissance de Boumediene en février 1960. C’était l’époque où il commençait à émerger du lot après avoir rallié Ghardimaou en provenance de l’état-major de l’Ouest, suite aux décisions de la 3e session du Conseil national de la Révolution algérienne tenue à Tripoli. Après sa désignation à la tête de l’état-major général, nous allâmes le voir, Abderrahmane Bensalem, Zine Noubli et moi, en tant que chefs de zone à la Base de l’Est.
          Notre démarche faisait suite aux changements opérés dans la structure de l’ALN et aux nouvelles missions qui lui étaient échues dans un contexte nouveau. Nous étions — je l’avoue — méfiants eu égard aux expériences que nous avions vécues avec de précédents dirigeants.
          Cinquante ans se sont écoulés depuis et je le revois toujours comme au premier jour de notre rencontre. Il était mince et élancé. Il avait les cheveux roux, les joues creuses et les dents brunies par le tabac. Il fumait tellement qu’il allumait chaque cigarette au mégot de la précédente. Il était tel un ascète, mangeant peu et s’habillant modestement, au point qu’il était difficile de le distinguer au milieu de ses soldats. La sévérité et la solennité qui se lisaient sur son visage cachaient mal une grande timidité. Boumediene était introverti, taciturne et pudique. Il écoutait plus qu’il ne parlait et ne prenait jamais de décisions hâtives ; il veillait toujours à consulter ses collaborateurs et il n’a jamais été autoritaire comme certains le prétendent. Mais, dans le même temps, il était efficace et inflexible lorsque l’intérêt du pays était en jeu.
          Dans sa vie de tous les jours, il était humble, ennemi du faste et de l’ostentation. Fidèle à ses principes d’humilité depuis le maquis jusqu’à sa mort, il ne s’est jamais laissé griser par ses fonctions de ministre de la Défense ou de chef de l’État. D’une façon générale, il prenait ses décisions après avoir étudié toutes les probabilités et en avoir anticipé les effets ; il laissait les choses mûrir. Mais une fois prises, ses décisions étaient irrévocables. C’était sa façon de gouverner.
          Durant les derniers jours de sa vie, il me rendait visite au siège de la 2e Région militaire, à Oran, lorsqu’il se sentait déprimé. En général, ses visites étaient inopinées à tel point que le chef du protocole, Abdelmadjid Allahoum et Abdelaziz Bouteflika m’appelaient pour savoir s’il était avec moi. Je lui avais réservé une villa à Bousfer — l’ancienne résidence du commandant de la base de Mers El-Kébir. Je l’accompagnais moi-même dans ses virées à Oran et ses environs : c’est moi qui conduisais.
          Je donnais instruction aux gardes du corps de rouler derrière nous sans attirer l’attention. Un jour, au moment où je m’arrêtais à un carrefour à Boutlélis, un garde-champêtre tomba des nues en nous voyant circuler seuls en voiture dans cette petite bourgade : “Boumediène et Chadli sous mes yeux !”, s’écria-t-il, abasourdi.
          Je suis indigné d’entendre dire que j’aurais effacé les traces de l’ère Boumediene. Ceux qui tiennent de tels propos sont ceux qu’on appelle les barons du système à qui la situation a longtemps profité et une minorité de gauche qui a essayé de me faire chanter, sans y parvenir.
          Dès que j’entamai les réformes, des voix fusèrent qui m’accusaient de vouloir définitivement tourner la page. Or, ce que j’ai entrepris, c’était la réforme d’un système qui était dans l’impasse et qui n’était pas imputable au seul chef de l’État.
          Ce qui est plus étonnant encore, c’est que ces mêmes personnes qui m’accusent d’avoir voulu jeter Boumediene au rebut de l’histoire, sont ceux-là mêmes qui ont qualifié de “décennie noire” la période durant laquelle j’ai été président de la République.

          Commentaire

          Chargement...
          X