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ANNCOL présente le texte complet du discours du Commandant Ivan Marquez des FARC-EP lors de l’ouverture de la table de dialogues à Oslo. Ecrit par le Secrétariat de l’Etat Major Central des Farc-EP.
La Habana / ANNCOL / 19 Octobre 2012. Lors de l’ouverture de la table de dialogues à la périphérie d’Oslo, a commencé le processus de paix entamé entre les FARC-EP et le gouvernement colombien.
La cérémonie publique a débuté par l’intervention du porte-parole principal du gouvernement, Humberto de la Calla Lombana et s’est poursuivie avec la déclaration des FARC-EP, Ivan Marquez, membre du Secrétariat National de l’organisation insurgée.
Nous publions le texte complet du discours des FARC-EP :
Notre rêve, la paix dans la justice sociale et la souveraineté
« La paix que nous avons toujours voulue, pour laquelle nous avons longuement lutté a toujours visé à la disparition des inégalités qui sont si puissantes dans ce pays, la Colombie… » Manuel Marulanda Vélez (1)
Mesdames et Messieurs
Amies et amis de la paix en Colombie
Compatriotes
Nous sommes venus jusqu’à ce 60eme parallèle, jusqu’à cette ville d’Oslo depuis le lointain tropique, depuis le Macondo de l’injustice, le troisième pays le plus inégalitaire du monde avec un rêve collectif de paix, avec un rameau d’olivier dans les mains.
Nous sommes venus dans cette Norvège septentrionale à la recherche de la paix dans la justice sociale pour la Colombie au moyen du dialogue, dont le peuple souverain est l’acteur principal. C’est sur lui que repose la force irrésistible de la paix. Celle-ci ne dépend pas d’un accord entre les porte-paroles des parties en présence. Celui qui doit tracer la route vers la solution politique, c’est le peuple et c’est à lui qu’il appartiendra d’établir les mécanismes qui ratifieront ses aspirations.
Une telle entreprise stratégique ne peut se concevoir comme une course contre la montre. La soi-disant paix express que certains revendiquent, emportés par des élans irréfléchis et versatiles, ne ferait que conduire à des abîmes de frustration. Une paix qui ne prendrait pas en compte la solution des problèmes économiques, politiques et sociaux à l’origine du conflit, ne serait qu’une velléité et équivaudrait à répandre des chimères sur le sol colombien. Pour une paix stable et durable, il nous faut bâtir notre coexistence sur des bases aussi solides que les fjords rocheux et inamovibles des terres où nous nous trouvons.
Nous ne sommes pas les bellicistes que certains media ont voulu dépeindre, nous venons à la table de négociations avec des propositions et des projets susceptibles de nous conduire à une paix définitive, une paix impliquant une profonde démilitarisation de l’Etat et des réformes socio-économiques radicales, fondements de la démocratie, la justice et la liberté véritables. Nous venons ici avec le passif d’une lutte historique pour la paix, dans le but de rechercher, coude à coude avec notre peuple, la victoire de la solution politique sur la guerre civile qui ravage la Colombie. Cependant, notre détermination a suffisamment de force pour faire face aux bellicistes qui croient que grâce au fracas des bombes et des canons, ils peuvent faire plier la volonté de ceux qui comme nous brandissent très haut la bannière du changement et de la justice sociale.
On ne peut pas faire coïncider ce schéma avec une politique destinée uniquement à l’accaparement démesuré de richesses par quelques capitalistes qui n’ont rien à faire de la pauvreté qui s’abat sur 70% de la population. Ils ne pensent qu’à accroître leur butin, pas à réduire la misère. Plus de 30 millions de Colombiens vivent dans la pauvreté, 12 millions sont indigents, 50% de la population économiquement active agonisent entre le chômage et le sous-emploi, presque 6 millions de paysans déambulent dans les rues, victimes du déplacement forcé. Sur les 114 millions d’hectares que compte le pays, 38 sont assignés à l’exploitation pétrolière, 11 millions à celle des mines, on projette de passer des 750.000 hectares actuels consacrés à l’exploitation forestière à 12 millions. L’élevage extensif occupe 39,2 millions. La surface cultivable est de 21,5 millions d’hectares, dont 4,7 millions seulement sont consacrés à l’agriculture, et ce chiffre est en baisse car le pays importe 10 millions de tonnes d’aliments par an. Plus de la moitié du territoire colombien est géré en fonction des intérêts d’une économie enclavée.
De notre point de vue, mettre sur la table le thème du développement agraire intégral comme premier point de l’accord général revient à assumer l’analyse de l’un des aspects centraux du conflit. Le problème de la terre est la cause historique de la confrontation de classes en Colombie. Selon les termes du Commandant Alfonso Cano (2), « nous les FARC sommes nés de la résistance à la violence oligarchique qui utilise systématiquement le crime politique pour liquider l’opposition démocratique et révolutionnaire. Nous sommes la réponse paysanne et populaire à l’agression de la grande propriété qui, en usurpant les terres des paysans et des fermiers, a inondé de sang les campagnes colombiennes … »
Et ce qui fut la cause essentielle du soulèvement armé ainsi que d’une héroïque résistance paysanne s’est accentué au fil du temps. La géophagie des grands propriétaires a accentué le caractère déséquilibré et injuste de la propriété de la terre. Le coefficient de GINI3 atteint 0,89 dans les campagnes. Une inégalité épouvantable ! Les mêmes données officielles indiquent que les propriétés de plus de 500 hectares sont entre les mains de 0,4% des propriétaires qui contrôlent 61,2% de la surface agricole. Il s’agit d’une accumulation par la dépossession, la donnée la plus récente fait allusion à 8 millions d’hectares arrachés à feu et à sang, à coup de massacres perpétrés par les paramilitaires, de fosses communes, de disparitions et de déplacements forcés, de crimes de lèse-humanité, aggravés encore pendant les 8 ans du gouvernement de Uribe, telles sont les composantes du terrorisme d’Etat en Colombie.
Pour les FARC, Armée du Peuple, le concept de la Terre est indissolublement lié au territoire. Ils forment un tout indivisible qui va au-delà de l’aspect simplement agraire et touche les intérêts stratégiques, vitaux de toute la nation. C’est pourquoi la lutte pour le territoire est au cœur des luttes qui sont livrées aujourd’hui en Colombie. Parler de terre signifie pour nous parler du territoire, en tant que catégorie qui, en plus du sous-sol et du sol renferme les relations socio-historiques de nos communautés qui portent en elles le sentiment de patrie ou la conception de la terre comme protection et sentiment du bien vivre. A ce propos, nous devrions intérioriser la profonde définition du Libérateur Simon Bolivar sur le contenu du mot patrie, notre sol, notre territoire : « Avant tout, le sol natal dont les éléments ont pétri notre être ; notre vie, n’est rien d’autre que l’essence de notre pays, c’est là que se trouvent les témoins de notre naissance, ceux qui nous ont créés et ceux qui par l’éducation nous ont donné une âme, les tombes de nos ancêtres y sont enfouies et ils nous réclament sécurité et repos. Tout nous rappelle notre devoir, tout suscite chez nous des sentiments tendres et des souvenirs délicieux ; c’est là que se trouve le théâtre de notre innocence, de nos premières amours, de nos premières sensations et de tout ce qui nous a formés. Comment imaginer des titres plus sacrés pour être dignes d’amour et de consécration ? »
Nous sommes partis de cette vision pour alerter la Colombie toute entière : l’attribution des titres de propriétés sur les terres (les titulations) telle qu’elle a été dessinée par l’actuel gouvernement est un piège ; elle sous-entend une espèce de dépouillement légal à travers lequel le paysan, une fois son titre de propriété en poche, n’a pas d’autre issue que de vendre ou de louer aux transnationales et aux conglomérats financiers, à ceux que seul intéresse le saccage exacerbé des ressources énergétiques et minières du sous-sol. Cette stratégie intègre l’utilisation qui est faite du sol à savoir l’extension des exploitations forestières et des plantations immenses, non pas pour résoudre le grave problème alimentaire dont souffre notre peuple, mais pour produire les agro-combustibles que consommeront les voitures. Dans le meilleur des cas, les gens de la campagne se retrouveront avec un revenu misérable, mais loin de leur territoire et confinés dans les bidonvilles à la périphérie des grandes villes. Au bout de 20 ou 30 ans de contrat, personne ne se souviendra de l’identité du vrai propriétaire de la terre. Nous affirmons sans l’ombre d’une hésitation que la bancarisation de la terre conséquence de la titulation finira par « dépouiller » le paysan de sa terre. Nous sommes acculés à l’accaparement de nos terres par des mains étrangères et au désastre environnemental accéléré brutalement par l’exploitation énergétique, minière et forestière. La nature comme source d’information génétique ne peut devenir un butin pour les transnationales. Nous nous opposons à l’invasion des semences transgéniques, à la privatisation et à la destruction de notre biodiversité, à la volonté de faire de nos paysans des pièces de l’engrenage des agro-négoces et de leurs chaînes agro-industrielles. C’est notre souveraineté et la vie elle-même qui sont en jeu.
ANNCOL présente le texte complet du discours du Commandant Ivan Marquez des FARC-EP lors de l’ouverture de la table de dialogues à Oslo. Ecrit par le Secrétariat de l’Etat Major Central des Farc-EP.
La Habana / ANNCOL / 19 Octobre 2012. Lors de l’ouverture de la table de dialogues à la périphérie d’Oslo, a commencé le processus de paix entamé entre les FARC-EP et le gouvernement colombien.
La cérémonie publique a débuté par l’intervention du porte-parole principal du gouvernement, Humberto de la Calla Lombana et s’est poursuivie avec la déclaration des FARC-EP, Ivan Marquez, membre du Secrétariat National de l’organisation insurgée.
Nous publions le texte complet du discours des FARC-EP :
Notre rêve, la paix dans la justice sociale et la souveraineté
« La paix que nous avons toujours voulue, pour laquelle nous avons longuement lutté a toujours visé à la disparition des inégalités qui sont si puissantes dans ce pays, la Colombie… » Manuel Marulanda Vélez (1)
Mesdames et Messieurs
Amies et amis de la paix en Colombie
Compatriotes
Nous sommes venus jusqu’à ce 60eme parallèle, jusqu’à cette ville d’Oslo depuis le lointain tropique, depuis le Macondo de l’injustice, le troisième pays le plus inégalitaire du monde avec un rêve collectif de paix, avec un rameau d’olivier dans les mains.
Nous sommes venus dans cette Norvège septentrionale à la recherche de la paix dans la justice sociale pour la Colombie au moyen du dialogue, dont le peuple souverain est l’acteur principal. C’est sur lui que repose la force irrésistible de la paix. Celle-ci ne dépend pas d’un accord entre les porte-paroles des parties en présence. Celui qui doit tracer la route vers la solution politique, c’est le peuple et c’est à lui qu’il appartiendra d’établir les mécanismes qui ratifieront ses aspirations.
Une telle entreprise stratégique ne peut se concevoir comme une course contre la montre. La soi-disant paix express que certains revendiquent, emportés par des élans irréfléchis et versatiles, ne ferait que conduire à des abîmes de frustration. Une paix qui ne prendrait pas en compte la solution des problèmes économiques, politiques et sociaux à l’origine du conflit, ne serait qu’une velléité et équivaudrait à répandre des chimères sur le sol colombien. Pour une paix stable et durable, il nous faut bâtir notre coexistence sur des bases aussi solides que les fjords rocheux et inamovibles des terres où nous nous trouvons.
Nous ne sommes pas les bellicistes que certains media ont voulu dépeindre, nous venons à la table de négociations avec des propositions et des projets susceptibles de nous conduire à une paix définitive, une paix impliquant une profonde démilitarisation de l’Etat et des réformes socio-économiques radicales, fondements de la démocratie, la justice et la liberté véritables. Nous venons ici avec le passif d’une lutte historique pour la paix, dans le but de rechercher, coude à coude avec notre peuple, la victoire de la solution politique sur la guerre civile qui ravage la Colombie. Cependant, notre détermination a suffisamment de force pour faire face aux bellicistes qui croient que grâce au fracas des bombes et des canons, ils peuvent faire plier la volonté de ceux qui comme nous brandissent très haut la bannière du changement et de la justice sociale.
On ne peut pas faire coïncider ce schéma avec une politique destinée uniquement à l’accaparement démesuré de richesses par quelques capitalistes qui n’ont rien à faire de la pauvreté qui s’abat sur 70% de la population. Ils ne pensent qu’à accroître leur butin, pas à réduire la misère. Plus de 30 millions de Colombiens vivent dans la pauvreté, 12 millions sont indigents, 50% de la population économiquement active agonisent entre le chômage et le sous-emploi, presque 6 millions de paysans déambulent dans les rues, victimes du déplacement forcé. Sur les 114 millions d’hectares que compte le pays, 38 sont assignés à l’exploitation pétrolière, 11 millions à celle des mines, on projette de passer des 750.000 hectares actuels consacrés à l’exploitation forestière à 12 millions. L’élevage extensif occupe 39,2 millions. La surface cultivable est de 21,5 millions d’hectares, dont 4,7 millions seulement sont consacrés à l’agriculture, et ce chiffre est en baisse car le pays importe 10 millions de tonnes d’aliments par an. Plus de la moitié du territoire colombien est géré en fonction des intérêts d’une économie enclavée.
De notre point de vue, mettre sur la table le thème du développement agraire intégral comme premier point de l’accord général revient à assumer l’analyse de l’un des aspects centraux du conflit. Le problème de la terre est la cause historique de la confrontation de classes en Colombie. Selon les termes du Commandant Alfonso Cano (2), « nous les FARC sommes nés de la résistance à la violence oligarchique qui utilise systématiquement le crime politique pour liquider l’opposition démocratique et révolutionnaire. Nous sommes la réponse paysanne et populaire à l’agression de la grande propriété qui, en usurpant les terres des paysans et des fermiers, a inondé de sang les campagnes colombiennes … »
Et ce qui fut la cause essentielle du soulèvement armé ainsi que d’une héroïque résistance paysanne s’est accentué au fil du temps. La géophagie des grands propriétaires a accentué le caractère déséquilibré et injuste de la propriété de la terre. Le coefficient de GINI3 atteint 0,89 dans les campagnes. Une inégalité épouvantable ! Les mêmes données officielles indiquent que les propriétés de plus de 500 hectares sont entre les mains de 0,4% des propriétaires qui contrôlent 61,2% de la surface agricole. Il s’agit d’une accumulation par la dépossession, la donnée la plus récente fait allusion à 8 millions d’hectares arrachés à feu et à sang, à coup de massacres perpétrés par les paramilitaires, de fosses communes, de disparitions et de déplacements forcés, de crimes de lèse-humanité, aggravés encore pendant les 8 ans du gouvernement de Uribe, telles sont les composantes du terrorisme d’Etat en Colombie.
Pour les FARC, Armée du Peuple, le concept de la Terre est indissolublement lié au territoire. Ils forment un tout indivisible qui va au-delà de l’aspect simplement agraire et touche les intérêts stratégiques, vitaux de toute la nation. C’est pourquoi la lutte pour le territoire est au cœur des luttes qui sont livrées aujourd’hui en Colombie. Parler de terre signifie pour nous parler du territoire, en tant que catégorie qui, en plus du sous-sol et du sol renferme les relations socio-historiques de nos communautés qui portent en elles le sentiment de patrie ou la conception de la terre comme protection et sentiment du bien vivre. A ce propos, nous devrions intérioriser la profonde définition du Libérateur Simon Bolivar sur le contenu du mot patrie, notre sol, notre territoire : « Avant tout, le sol natal dont les éléments ont pétri notre être ; notre vie, n’est rien d’autre que l’essence de notre pays, c’est là que se trouvent les témoins de notre naissance, ceux qui nous ont créés et ceux qui par l’éducation nous ont donné une âme, les tombes de nos ancêtres y sont enfouies et ils nous réclament sécurité et repos. Tout nous rappelle notre devoir, tout suscite chez nous des sentiments tendres et des souvenirs délicieux ; c’est là que se trouve le théâtre de notre innocence, de nos premières amours, de nos premières sensations et de tout ce qui nous a formés. Comment imaginer des titres plus sacrés pour être dignes d’amour et de consécration ? »
Nous sommes partis de cette vision pour alerter la Colombie toute entière : l’attribution des titres de propriétés sur les terres (les titulations) telle qu’elle a été dessinée par l’actuel gouvernement est un piège ; elle sous-entend une espèce de dépouillement légal à travers lequel le paysan, une fois son titre de propriété en poche, n’a pas d’autre issue que de vendre ou de louer aux transnationales et aux conglomérats financiers, à ceux que seul intéresse le saccage exacerbé des ressources énergétiques et minières du sous-sol. Cette stratégie intègre l’utilisation qui est faite du sol à savoir l’extension des exploitations forestières et des plantations immenses, non pas pour résoudre le grave problème alimentaire dont souffre notre peuple, mais pour produire les agro-combustibles que consommeront les voitures. Dans le meilleur des cas, les gens de la campagne se retrouveront avec un revenu misérable, mais loin de leur territoire et confinés dans les bidonvilles à la périphérie des grandes villes. Au bout de 20 ou 30 ans de contrat, personne ne se souviendra de l’identité du vrai propriétaire de la terre. Nous affirmons sans l’ombre d’une hésitation que la bancarisation de la terre conséquence de la titulation finira par « dépouiller » le paysan de sa terre. Nous sommes acculés à l’accaparement de nos terres par des mains étrangères et au désastre environnemental accéléré brutalement par l’exploitation énergétique, minière et forestière. La nature comme source d’information génétique ne peut devenir un butin pour les transnationales. Nous nous opposons à l’invasion des semences transgéniques, à la privatisation et à la destruction de notre biodiversité, à la volonté de faire de nos paysans des pièces de l’engrenage des agro-négoces et de leurs chaînes agro-industrielles. C’est notre souveraineté et la vie elle-même qui sont en jeu.
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