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UN DEMI-SIÈCLE APRÈS L'Unique continuera-t-elle à rester unique?

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  • UN DEMI-SIÈCLE APRÈS L'Unique continuera-t-elle à rester unique?

    Les clones de l'Unique ont toujours la même maladie, celle du conformisme
    «Il y a deux catégories de télévision: la télévision intelligente qui fait des citoyens difficiles à gouverner et la télévision imbécile qui fait des citoyens faciles à gouverner.» Jean Guéhenno
    Le 28 Octobre 1962, un attribut de souveraineté était récupéré par le pouvoir algérien près de quatre mois après l'indépendance, le 3 juillet 1962. Pendant cette période l'Algérie continuait à suivre les programmes de télévision selon un format français. Ce ne fut pas facile et cela rappelle la «prise» de l'Université d'Alger, il fallu que le président Ben Bella s'implique en personne pour que le regretté Abdelaziz Ouabdesselam soit installé comme pro-recteur, le recteur et tout le corps professoral ayant boycotté la cérémonie. De juillet à septembre, la télévision de l'Algérie indépendante était donc gérée par des Français. Amira Soltane nous en parle: «Le 28 Octobre 1962, le gouvernement algérien récupère l'antenne de la seule télévision de la France coloniale, la RTF Algérie (La Radiodiffusion-télévision française devenue un établissement public à caractère industriel et commercial, le 4 février 1959). Plusieurs mois après l'Indépendance, cette antenne, très active en Afrique du Nord, était importante pour la médiatisation. Le directeur local des studios d'Alger s'appelait Lopez et après le départ des Français, il est resté comme nombre de ses concitoyens pieds-rouges en Algérie pour participer à la reconstruction de l'Algérie indépendante. Lopez avait aidé notamment l'ancien DG de la RTA Laghouati, à construire d'autres antennes régionales. (...) La RTA a été également la seule télévision à posséder les images de la libération des diplomates américains de Téhéran et la seule à filmer le bombardement au phosphore par l'armée israélienne à Ghaza. Des images qui ont été reprises par France 2 à l'époque.» (1)
    La fibre nationaliste et la rigueur en héritage ont fait que la passation ne fut pas chaotique. Le premier journal télévisé avec Harath Bendjedou et Brahim Belbahri. Il nous faut citer le regretté Aissa Messaoudi qui après avoir été un combattant des ondes. Ses harangues fougueuses, ses analyses lucides et dynamiques renforçaient l'état d'esprit de la population et des moudjahidine. «La voix d'Aïssa Messaoudi avait constitué la moitié de la Révolution», a remarqué l'ancien Président de la République Houari Boumediene. Le 28 octobre 1962, il est désigné par Ahmed Ben Bella au poste de directeur général de la Radiodiffusion télévision algérienne (RTA). Au passage, l'armée de l'ombre - les ingénieurs et techniciens, notamment des pionniers comme les ingénieurs de Polytechnique à l'image de Abdelmalek Houyou, Mouloud Lahlou et tant d'autres qui donnèrent une consistante technologique à ce qui n'était que de la joyeuse et généreuse improvisation- fut absente de cet hommage consacré à ce demi-siècle de l'aventure de l'unique.

    Quelques interstices de liberté:
    Pour le reste, le pouvoir mit graduellement la chape, ce ne fut plus de l'information mais de la propagande. Pour le pouvoir il fallait ne pas rater le 20 heures, peu importe ce qui se passait avant ou après. Pourtant, en dehors de la propagande du régime, il y eut des émissions cultes qui ont duré longtemps, comme celle de Ahmed Wahid «Al Ardh oua El Fellah» L'émission de Ahmed Bejaoui était suivie par beaucoup d'Algériens. Interviewé lors de l'émission de Canal Algérie le 27 octobre, Ahmed Bejaoui est revenu sur cette époque bénie de l'unique qui faisait preuve de compétence malgré des moyens dérisoires. Il racontait comment il arrivait à faire venir les plus grands metteurs en scène mondiaux de Chahine à Pontecorvo. Il était content quand le débat s'allongeait, en tout, trois heures juste avant le journal en français Sa récompense disait- il était quand le lendemain au marché on lui parlait de Joseph Losey, de Chahine et tant d'autres ce qui était le marqueur le plus réel de la soif de culture des Algériens qui suivaient sans problème dans les deux langues les émissions; C'était l'époque de «El hadika essahira», présentée par Abdallah Atmani qui allait faire les coins les plus reculés d'Algérie. Hdidwane, un psychopédagogue de talent qui éduquait en faisant rire Qui se souvient de l'éclaircie du printemps de l'Unique avec Abdou Benziane qui fut directeur de l'ENTV deux fois? «II y a comme ça, écrit amira Soltane lors d'un hommage, des intellectuels qui sont irremplaçables, indétrônables, et qui avaient surtout cette personnalité à faire trembler un général. Lui, c'est Abdou B., un des piliers de l'Entv, une oasis de culture et surtout sans un pan de l'histoire audiovisuelle de l'Algérie et qui s'est éteint sans avertir, sans crier et surtout pouvoir assister à cette ouverture audiovisuelle tant souhaitée. Lui qui n'avait pas peur du terrorisme, qui avait refusé de vivre au Club des Pins ou de s'exiler en France, a décidé de mourir de mort naturelle et divine dans son modeste appartement à Garidi. Abdou B. qui avait tenu tête au Parti dissous avec sa plume, son verbe et son regard foudroyant, était malgré tout respecté par les islamistes, parce qu'il leur a permis (quand il était DG de l'Entv) de s'exprimer ouvertement sur son antenne» (2)

    La période de liberté 1989-1990-1991 Abdou B. et le printemps de la télévision
    Si on devait attacher effectivement un nom à cette période euphorique de la libération de la parole, un nom, un seul nous vient à l'esprit. Abdou B. Si on doit un jour expliquer comment le vent de liberté a soufflé, il faudra rendre hommage à Abdou B. d'avoir libéré la parole pour permettre des débats qui à l'époque déjà nous étaient enviés par nos voisins qui faisaient tout pour capter l'Entv, je ne parle pas des potentats du Golfe qui étaient à des années lumière de ce que c'était la liberté de l'information de la presse. (...) Lors d'une discussion que j'ai eue avec Abdou B. il m'expliqua comment il réussit l'exploit de faire parler Boudiaf à distance en direct. Boudiaf connu pour son franc-parler a accepté d'intervenir à la télé en direct - au début il ne voulait pas y croire connaissant le système- des trésors d'imagination ont permis au réalisateur mandaté par Benziane DG de l'Entv, après beaucoup de discussions, de le convaincre. Il put ainsi être découvert par les Algériens et s'expliquer en direct sur le pourquoi de son retrait de la vie politique. Et ceci deux ans avant son retour au pouvoir. Je me souviens de quelques débats, féériques par rapport à l'opium actuel. Je me souviens que l'ancien président de la République fut malmené par des journalistes au point qu'il s'est difficilement contrôlé. De cette courte expérience, lui-même en parle: «J'en garde une grande nostalgie et beaucoup de tendresse pour les jeunes qui ont réussi (Chebine, Khadidja Bengana, Sekkar, Hamraoui Habib Chawki, A. Bekhouche, Benmessaoud, Nassereddine Laloui) et d'autres comme Smaïl Yefsah qui ont fait une bonne télévision sans moyens techniques et financiers, comparés à ceux d'aujourd'hui (...) C'était une période spéciale, riche, durant laquelle les initiatives étaient nombreuses, parfois maladroites mais toujours sincères.» (3)
    Dans le même ordre, Ammar Bakhouche qui fut directeur de l'information à cette époque rapporte le témoignage suivant sur les télévisions des années 90-91, 93-94, Pour la première période (90-91), écrit-il Abdou B. et l'équipe qu'il a mobilisée autour de lui avait le souci de réconcilier la télévision algérienne avec son public. Le lancement d'un journal d'information de la mi-journée (13h00). 93-94: Abdou B. et la plupart de ses collaborateurs sont revenus aux postes de commandes de l'Entv, en pleine crise politique, économique et surtout sécuritaire. L'actualité était faite ces années-là de feu et de sang, d'assassinats et de massacres. Pendant les 7 mois de cette deuxième période, l'objectif était autre: garder l'antenne ouverte, être présents à l'heure fixe des différents rendez-vous d'information pour que les Algériens du fin fond du pays puissent voir à travers la lucarne lumineuse que l'Etat et le pays sont encore debout, il ne faut pas oublier que la télévision a enterré une vingtaine de ses travailleurs (journalistes, fonctionnaires, techniciens, etc.) victimes d'actes terroristes.» (3)
    The truth is incontrovertible, malice may attack it, ignorance may deride it, but in the end; there it is.” Winston Churchill

  • #2
    «Vous le savez sans doute que la télévision algérienne a été parmi les premières télés au monde (5e ou 6e!) qui diffusait ses programmes par satellite depuis 1975. En 90, des monarchies du Golfe ont installé des paraboles dans leurs palais pour suivre la couverture par l'Entv de la 2e guerre du Golfe. En cette période, il y avait à Baghdad Ammar Cheouaf, par la suite Smaïl Yesfsah et Peter Ernet pour CNN. Les J.T. de Kamel Alouani étaient suivis par la plupart des pays du Monde arabe, notamment les pays du Maghreb car à l'époque Alouani ouvrait son JT du 20 h00 sur 5 correspondants sur et autour du lieu de l'événement (Ammar Cheouaf à partir de Baghdad, Malek Djaout de Téhéran, Mohamed Soufi de Amman, Farouk Bellagha de Dahran et Allaoua Bouchlaghem de la base américaine Diar Bakyr du sud de la Turquie), avec les images du missile américain «Patriote» (...) C'est suite à cette couverture que le roi Fahd a ordonné la création de MBC à Londres, avec le concours de journalistes et techniciens algériens conseillés par un haut responsable politique algérien de l'époque. (...)»
    «Dans L'émission «Face à la presse» animée par le talentueux Chebine qui est actuellement patron de l'information d'une chaîne satellitaire à titre d'exemple, des questions brûlantes et d'intérêt national ont été abordées et en direct face à Ben Bella, Aït Ahmed, Mehri, Abassi, Chadli, Hamrouche, Sadi et d'autres. (...) Le programme économique de l'ex-FIS a été également passé au crible par l'Entv et qui consistait, selon les responsables de ce parti entre autres, à s'habiller du produit de la laine de mouton et se couvrir des peaux de chameau, la suppression de la police et l'élimination du chômage par l'interdiction du travail aux femmes.(...)» (4)

    Les retours itératifs à la case départ de l'Unique
    On a cru qu'avec l'ouverture d'autres chaînes, nous allions avoir du neuf. Erreur. Les clones de l'Unique ont toujours la même maladie celle du conformisme Les ravages des médias étrangers dans l'imaginaire des jeunes (Star ac, feuilletons moyens-orientaux), dénotent de la pauvreté de la production culturelle nationale. Il y eut malgré la période douloureuse, des émissions de qualité à l'instar de l'émission «El Djaliss» avec Fodil Boumala. L'avènement de Canal Algérie suscita aussi un engouement et un réel intérêt eu égard au ton des émissions présentées, notamment «Question d'Actu» avec Ahmed Lahri, «Expression Livre» avec Youssef Sayah. Mais ceci reste bien en deça des potentialités des journalistes qui peuvent faire plus et mieux dans un environnement où ils pourraient employer la pleine mesure de leur talent. L'appréciation de Abdou B. avec un humour décapant et sans concession nous parle de l'Unique et du chemin qu'elle doit faire pour qu'elle devienne une télévision vivante, qui n'est pas zappée systématiquement par le citoyen qui va ailleurs chercher la vérité et le divertissement. Ecoutons-le: «Dans cette contribution, l'ancien directeur général de l'Unique évoque les absurdités statutaires et fonctionnelles de cette chaîne. Il estime que l'ouverture d'un débat sur un audiovisuel public et privé national relève à la fois de l'urgence et de la construction démocratique. Il faut être sérieux et passer à l'âge adulte pour enfin sortir du bricolage, installer un puissant secteur public de l'audiovisuel en Algérie qui est dépassé avec la concurrence extérieure qui a conquis l'opinion algérienne, à commencer par celle de nos voisins immédiats. Le discours tenu, repris par des confrères, jeunes et peu informés, consiste à chanter que le pays a 5 chaînes de TV. C'est totalement faux à tous les niveaux! Une société de programmes (publique) ne peut pas créer d'autres sociétés de programmes. C'est ainsi depuis que la TV a été inventée. Ici, sans aucune précaution, on assène que la chaîne terrestre a ´´créé´´ d'autres chaînes sous l'autorité du DG de la terrestre. Les personnes ne sont pas en cause et elles savent que ce que je dis est vrai, que les programmes sont clonés puisque la matrice, les finances, les voitures, l'encadrement, les équipements sont la propriété de l'Unique. Les 4 autres programmes, leurs grilles, leurs horaires, tout dépend du seul DG de la terrestre, prisonnier d'un statu quo».(5)
    «Avec une seule matrice, un statut juridique/public doublé de la connotation ´´gouvernementale´´, l'Entv ne peut ni résister à la concurrence dite ´´étrangère´´ ni garder un large auditoire et encore moins faire rayonner une culture, une diplomatie, une civilisation à l'extérieur. (...) Aujourd'hui, tous les programmes fédèrent de 6 à 96 ans. Mais avec une seule chaîne qui décline des programmes, sans vraie concurrence publique et privée, cela revient à tourner en rond, à formater, à conforter les concurrences dans la région et dans le monde sans réel impact politique, culturel ou sociétal. Le gagnant, c'est le foot uniquement. Nous entendons régulièrement dire que la TV est une institution de l'Etat. C'est faux et absurde! Cela confine le média dans l'austère, l'officiel, le guindé où défilent à longueur d'année des images de gens assis, graves et sérieux, sans vie. On dirait des robots qui ne peuvent éclater de rire, avoir la cravate de travers ou faire un lapsus (rattrapé au montage). Lorsqu'un responsable est déshumanisé par le média, il s'éloigne des gens qui ne lui font plus confiance. Le monde des médias évolue à une vitesse sans précédent et l'Algérie a accumulé des retards considérables. Ouvrir rapidement un débat sur un audiovisuel public et privé national relève de l'urgence et de la construction démocratique. On tente ici et là de faire diversion, en essayant de tromper les décideurs, avec la TNT. (...) Les groupes de pression de l'équipement veulent acheter sans se soucier des contenus: des milliers d'heures dans tous les genres pour alimenter une offre nationale TV et radio qui justifierait des dépenses pour le tout-numérique terrestre. Où est ce contenu? Où sont les dizaines de PME/PMI qui vont produire une telle quantité à travers une production/diffusion et une réception numérique?(5)
    Que dire en définitive de ce demi-siècle de télévision? Au début le talent de ses enfants qui étaient tout feu tout flamme du fait que le vent de la liberté soufflait sur ce média, car il fallait créer innover faire preuve d'une imagination débordante malgré des moyens dérisoires L'Unique a accompagné le pouvoir et a contribué à abrutir graduellement les Algériens avec les soporifiques du foot et des émissions de chants et danses, tout est bon pour empêcher l'Algérien de réfléchir. Cinquante ans après, malgré les auto-satisfécits, nous observons toujours le même clivage français arabe au point que nous avons eu affaire à deux cérémonies. Les moyens sont énormes mais la production culturelle est absente. Il n'est que de voir objectivement les émissions du Ramadan. La mue de l'Unique n'est pas pour demain, à moins d'un miracle qui fait qu'on libère la parole. On l'aura compris, ceci est un autre débat.
    1. Amira Soltane: Il y a 50 ans, l'Algérie récupérait la RTF d'Alger L'Expression 25 Octobre 2012
    2. http://www.lexpressiondz.com/culture/ lecran_libre/145532-abdou-b-l-homme-qui-a-mis-en-colere-hosni-moubarak.html
    3. http://www.lexpressiondz.com/chroniques/ analyses_du_professeur_chitour/145499-un-aristocrate-de-la-plume-nous-tire-sa-reverence.html
    4.http://www.lexpressiondz.com/actuali...de-l-entv.html
    5.http://www.**********.com/fr/liberte/121776«Abdou B.: ´´La TV n'est pas une institution d'Etat´´ Elle doit s'en tenir à ses missions d'Epic. Liberté le 17 - 09 - 2009
    Pr Chems Eddine CHITOUR
    The truth is incontrovertible, malice may attack it, ignorance may deride it, but in the end; there it is.” Winston Churchill

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