«Chasser le naturel, il revient au galop.» Jamais adage français ne s’applique
aussi bien qu’à M. Gérard Longuet. Le sénateur et ex-ministre de la Défense qui passait
pour une personne plutôt élégante, aux antipodes, par exemple, d’un Jean-Marie Le Pen,
plus gueulard dans son racisme et sa haine
de l’Algérie indépendante, surgit aujourd’hui
dans le costard d’un tonton Ҹingueur, l’humour d’Audiard et du film en moins. Il est
vrai qu’il était ultra droitier dans sa jeunesse,
mais l’usage inadmissible qu’il a fait de son
bras mercredi dernier sur un plateau télé où
il y avait une dame journaliste de surcroît
empruntait davantage au registre du «milieu» qu’à celui d’un homme politique qui a
eu à exercer les fonctions de ministre de la
Défense et, donc, des Armées sous la présidence de M. Sarkozy.
Ce qu’il a fait, a-t-il dit, était de «bon cœur»
et propre à un certain tempérament des Français (merci pour eux). Son geste est surtout
révélateur du niveau populiste et rampant de
fascisme de la droite française en politique et
du rapport malsain qu’elle entretient avec le
passé colonial de la France.
DÉRAPAGE
Sa violence symbolique, pour reprendre le
mot de M. Longuet, témoigne de la noirceur
de cœur de la droite française vis-à-vis de
l’Algérie indépendante et de son refus d’admettre que sa séparation de la France n’était
que justice face à l’injustice et à l’horreur de
la domination coloniale.
On aurait presque (mais tout à fait) oublié
cette triste réalité devant l’urgence du présent
et de ses dés, mais voilà qu’un ex-ministre
français vient nous la rappeler d’une manière
indécente et peu glorieuse. On peut glisser,
ici, à son propos, et à propos du comportement du courant politique auquel il appartient, qu’avec ses démangeaisons néocoloniales et de «p’tits blancs», il n’a même plus rien
à voir avec le quotient intellectuel qu’avaient
ses grands idéologues et ses faiseurs d’idées
depuis Maurras et Raoul Girardet, pour ce
qui concerne certains historiens et la «guerre
d’Algérie». Mais ce serait manquer le sujet
et louper l’essentiel. Le dérapage de M. Longuet, plus signicatif que la clownerie de
son imitateur Maître Collard, poujadiste du
barreau parisien refugié aujourd’hui sous la
bannière du Front National, indique que la
loi de février 2005 sur «les bienfaits d’une
colonisation positive», à l’origine du «conҸit
mémoriel» qu’on regrette tant sur les berges
de la Seine, n’était en rien un accident de parcours ou un éternuement de parlementaires
droitiers en mal de motivations politiques.
Il s’agissait d’un vote dont il faut chercher
le sens loin dans le refus psychanalytique et
obstiné de voir le fait colonial dans sa réalité.
Les idées qui ont incité à sa concrétisation
en loin n’est pas l’apanage de la seule droite
et d’une certaine classe politique françaises :
d’autres pays à l’histoire coloniale, nous dit
l’actualité internationale, souҸrent aussi des
mêmes problèmes. Mais cela n’excuse pas
la tendance de ceux qui l’ont voté à vouloir
imposer un révisionnisme nouveau en ce qui
concerne le passé colonial de la France en
Algérie. Cette tendance à vouloir nier des crimes évidents - ce sont les historiens qui le disent - est, certes, aujourd’hui l’expression politique caricaturale d’une droite qui, avant de
perdre le pouvoir devant les socialistes puis
après, cherche à garder ou à gagner par tous
les moyens et par des procédés politiques
dignes de son ancêtre de l’Entre-deux-guerres un électorat économiquement sinistré.
Comment ne pas y penser quand on entend
le maire de Nice crier de manière anachronique et surprenante «vive l’Algérie française».
Mais c’est tout le dispositif politique en France qui en prend un coup. A commencer par
le président Hollande et son souhait de faire
de son prochain voyage à Alger un acte fondateur après ceux ratés par ses prédécesseurs
les présidents Chirac et Sarkozy…
nordine azzouz
reporters
aussi bien qu’à M. Gérard Longuet. Le sénateur et ex-ministre de la Défense qui passait
pour une personne plutôt élégante, aux antipodes, par exemple, d’un Jean-Marie Le Pen,
plus gueulard dans son racisme et sa haine
de l’Algérie indépendante, surgit aujourd’hui
dans le costard d’un tonton Ҹingueur, l’humour d’Audiard et du film en moins. Il est
vrai qu’il était ultra droitier dans sa jeunesse,
mais l’usage inadmissible qu’il a fait de son
bras mercredi dernier sur un plateau télé où
il y avait une dame journaliste de surcroît
empruntait davantage au registre du «milieu» qu’à celui d’un homme politique qui a
eu à exercer les fonctions de ministre de la
Défense et, donc, des Armées sous la présidence de M. Sarkozy.
Ce qu’il a fait, a-t-il dit, était de «bon cœur»
et propre à un certain tempérament des Français (merci pour eux). Son geste est surtout
révélateur du niveau populiste et rampant de
fascisme de la droite française en politique et
du rapport malsain qu’elle entretient avec le
passé colonial de la France.
DÉRAPAGE
Sa violence symbolique, pour reprendre le
mot de M. Longuet, témoigne de la noirceur
de cœur de la droite française vis-à-vis de
l’Algérie indépendante et de son refus d’admettre que sa séparation de la France n’était
que justice face à l’injustice et à l’horreur de
la domination coloniale.
On aurait presque (mais tout à fait) oublié
cette triste réalité devant l’urgence du présent
et de ses dés, mais voilà qu’un ex-ministre
français vient nous la rappeler d’une manière
indécente et peu glorieuse. On peut glisser,
ici, à son propos, et à propos du comportement du courant politique auquel il appartient, qu’avec ses démangeaisons néocoloniales et de «p’tits blancs», il n’a même plus rien
à voir avec le quotient intellectuel qu’avaient
ses grands idéologues et ses faiseurs d’idées
depuis Maurras et Raoul Girardet, pour ce
qui concerne certains historiens et la «guerre
d’Algérie». Mais ce serait manquer le sujet
et louper l’essentiel. Le dérapage de M. Longuet, plus signicatif que la clownerie de
son imitateur Maître Collard, poujadiste du
barreau parisien refugié aujourd’hui sous la
bannière du Front National, indique que la
loi de février 2005 sur «les bienfaits d’une
colonisation positive», à l’origine du «conҸit
mémoriel» qu’on regrette tant sur les berges
de la Seine, n’était en rien un accident de parcours ou un éternuement de parlementaires
droitiers en mal de motivations politiques.
Il s’agissait d’un vote dont il faut chercher
le sens loin dans le refus psychanalytique et
obstiné de voir le fait colonial dans sa réalité.
Les idées qui ont incité à sa concrétisation
en loin n’est pas l’apanage de la seule droite
et d’une certaine classe politique françaises :
d’autres pays à l’histoire coloniale, nous dit
l’actualité internationale, souҸrent aussi des
mêmes problèmes. Mais cela n’excuse pas
la tendance de ceux qui l’ont voté à vouloir
imposer un révisionnisme nouveau en ce qui
concerne le passé colonial de la France en
Algérie. Cette tendance à vouloir nier des crimes évidents - ce sont les historiens qui le disent - est, certes, aujourd’hui l’expression politique caricaturale d’une droite qui, avant de
perdre le pouvoir devant les socialistes puis
après, cherche à garder ou à gagner par tous
les moyens et par des procédés politiques
dignes de son ancêtre de l’Entre-deux-guerres un électorat économiquement sinistré.
Comment ne pas y penser quand on entend
le maire de Nice crier de manière anachronique et surprenante «vive l’Algérie française».
Mais c’est tout le dispositif politique en France qui en prend un coup. A commencer par
le président Hollande et son souhait de faire
de son prochain voyage à Alger un acte fondateur après ceux ratés par ses prédécesseurs
les présidents Chirac et Sarkozy…
nordine azzouz
reporters