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«Les archives du Malg consultables à partir de 2018»

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  • «Les archives du Malg consultables à partir de 2018»

    Fouad Soufi, historien, est actuellement maître de recherche au Centre national de recherche en anthropologie sociale et culturelle CRASC à Oran. Pendant des années, il a
    aussi été conservateur en chef aux Archives nationales. Cette double expérience lui permet d’avoir un point de vue académique et technique sur deux métiers intimement
    liés, certes, mais différents par leurs pratiques…
    ENTRETIEN RÉALISÉ PAR A. SAMER
    A.Samer : Il y a quelques semaines,
    lors de votre intervention au
    colloque organisé par le CRASC
    sur 1962, vous avez fait une
    intervention intitulée «Les archives
    : héritage et ‘‘mémoricide’’ ».
    Pourquoi le choix d’une telle
    dénomination et pour quel thème ?

    Fouad Soufi Mustapha : L’intitulé exact de
    mon intervention était «Les archives en 1962,
    héritage et mémoricide…». J’ai repris et utilisé
    à dessein, pour bien attirer l’attention de mes
    vis-à-vis, cette notion de «mémoricide». Au fait,
    «mémoricide» est un néologisme forgé par un
    historien français dans un contexte français. Je
    l’ai trouvé malgré tout parfaitement adapté à
    ce qui s’est passé entre 1830 et 1847, d’abord,
    puis entre 1961 et 1962 chez nous : destruction
    des archives de l’administration du dey et des
    beyliks et des archives de l’Etat de Abdelkader,
    puis transfert en France des principaux
    fonds d’archives et de l’Etat colonial et des
    préfectures. Il ne s’agit donc pas seulement
    de la spoliation de notre mémoire, mais bien
    de nous faire admettre et intérioriser qu’avant
    1830, il y avait un Etat étranger, à qui a succédé
    une administration étrangère qui a récupéré
    ses biens. Le tour de passe-passe est joué ! Le
    drame - mais je n’ai pas encore creusé cette
    question, en vérité -, c’est qu’il se trouve chez
    nous des gens tout ce qu’il y a de plus sérieux
    qui accréditent cette thèse qui veut que les
    «Turcs», comme ils les appellent, sont partis
    avec leurs archives ! «Turcs» et Français «ont
    colonisé l’Algérie, un colonisateur a chassé
    l’autre» ! C’est donc plus qu’une grave atteinte,
    c’est la destruction d’une mémoire, c’est nous
    priver de notre mémoire.
    Le cinquantenaire de
    l’indépendance permet de voir
    que le débat sur notre pays met en
    relation trois axes : les archives, la
    mémoire et l’histoire…

    Oui, l’articulation entre ces trois champs
    est évidente : l’historien a besoin des
    archives et traite la mémoire des acteurs et
    des témoins comme une source. En fait, et
    plus concrètement en tant que chercheur au
    CRASC, dans la division socio-anthropologie de
    l’histoire et de la mémoire, nous travaillons sur
    la représentation et l’écriture de l’histoire, sur
    les réactions des structures de l’Etat et celles de
    notre société, dont d’ailleurs les journalistes,
    les romanciers, les hommes politiques et bien
    sûr les historiens.
    Qu’il s’agisse d’Histoire ou de
    mémoire, l’intérêt porte le plus
    souvent et de manière frustrante
    sur la seule séquence de la guerre
    de Libération nationale…

    Il est vrai qu’en braquant nos projecteurs
    exclusivement sur la période de la guerre de
    Libération nationale, on prend le risque de
    plonger, en quelque sorte, les périodes antérieures
    dans l’obscurité. De plus, ce faisant, tout se passe
    comme si la période qui a suivi fait partie du
    domaine des politologues et des économistes.
    Les historiens ne l’ont pas encore investie. Cela
    dit, il ne faut pas être aussi radical. Nous pouvons
    nous honorer des grands travaux d’histoire qui
    ont pour objet toutes les périodes, mais qui
    sont hélas peu connus du grand public. Ils ont
    été publiés, mais la demande sociale est ailleurs.
    Elle porte sur la période 1954-1962, c’est là que
    s’exprime le besoin de savoir, de comprendre,
    mais également de dire et de se souvenir.
    Toute interrogation sur la question des
    archives, chez nous, rime presque avec
    «déperdition», un vocable qu’utilise
    nombre d’historiens et d’archivistes.
    Qui est responsable de cette
    déperdition ? Les acteurs de la Guerre
    de libération ?

    Il y a deux questions en une. Les archivistes
    n’ont pas pour mission d’exploiter les archives.
    Seuls peuvent - pouvaient, je dirais pour être
    plus juste - le faire les archivistes qui ont une
    formation d’historiens puis d’archivistes. Il est
    vrai que l’université forme des bibliothécaires,
    qui deviennent par la suite archivistes. Mais
    il faut encore être juste et signaler que des
    magisters en archivistique ont été ouverts
    dans les principales universités du pays. Donc,
    si déperdition il y eut, il faut aller chercher
    les explications dans le comportement de la
    bureaucratie.
    Il m’a été donné de rencontrer beaucoup de
    responsables, petits et grands, qui ignoraient
    l’existence d’une loi sur les archives ! Quant
    au rôle des acteurs de la Révolution dans cette
    déperdition, j’avoue que je ne le comprends
    pas. Je note surtout avec grand plaisir une
    soif de transmettre leur vécu, leur expérience
    et le souvenir de ceux qui ne sont plus là. La
    multiplication de l’édition des témoignages est
    le signe évident du contraire, non ?
    Au dernier Salon international du
    livre, vous avez défendu l’idée que
    l’accès aux archives est un droit
    humain. Qu’en est-il au juste ?

    C’est la communauté internationale
    des archivistes, que représente le Conseil
    international des archives (ICA), qui inscrit la
    question du droit à l’information - donc l’accès
    aux archives - comme un des droits de l’homme,
    et ce, depuis au moins le Congrès des archives de
    1992 de Montréal. A cette époque, et chez nous,
    on évoquait la transparence administrative, on
    essayait de régler au mieux la question des
    relations entre administrateurs et administrés.
    Ce n’est pas, comme vous le constatez, une
    idée nouvelle. J’avais eu personnellement,
    lors d’une rencontre d’archivistes arabes, à
    présenter une communication sur «Les archives
    et l’Etat de droit». En revanche, pour les experts
    de l’ICA, que j’ai eu l’honneur de croiser, cette
    question est devenue tellement centrale que je
    me suis surpris à trouver leur insistance plutôt
    ambiguë, une sorte de droit d’ingérence.
    Comment expliquer le peu de cas
    accordé à la question des archives
    par les négociateurs algériens à
    Evian, alors que du côté français
    il y a à ce sujet abondance de
    matière ?

    La question leur a-t-elle été posée ?
    Personnellement, j’en reste au niveau des
    hypothèses. En 1992, lors du colloque de Paris
    sur les accords d’Evian, Rédha Malek avait
    présenté une communication intitulée «La
    question seconde des intérêts économiques».
    Je cite de mémoire. La question essentielle des
    négociateurs était bel et bien l’indépendance.
    Tout le reste était forcément secondaire, dont
    les archives. A cela j’ajouterai le manque
    d’expérience.
    Les diplomates français ont appris à inclure
    la question des archives lors des négociations à
    des fins de conflit. Ils n’allaient tout de même
    pas ouvrir les yeux de nos négociateurs ! Je
    pense, en revanche, que c’est réécrire l’histoire
    que de dire que ceux qui ont négocié pour le
    GPRA, et donc l’Algérie, ont fait «des projections
    se rapportant à l’exercice du pouvoir». Penser
    cela relève, à mon humble avis, du fantasme et
    de la complotite.
    On parle des archives algériennes
    à récupérer en France et à
    l’étranger et pas beaucoup de
    celles qui se trouvent chez nous et
    qui sont sous scellés comme celles
    relatives au MALG. Pourquoi ?

    Ce sont deux questions fondamentalement
    différentes. La première relève des relations
    internationales et d’un contentieux entre notre
    pays et la France. C’est ce qui explique que l’on
    n’en parle souvent pas. Ce sont des archives
    consultables pour leur grande majorité du
    fait de la loi française. Celles qui ne sont pas
    légalement ouvertes au public peuvent être
    consultées grâce à un système de dérogation.
    C’est la règle française. La loi algérienne - qui
    existe, faut-il le rappeler - s’applique à tous les
    fonds publics où qu’ils soient. Les archives dont
    vous parlez ne sont pas communicables encore,
    puisque notre loi exige d’attendre soixante ans
    après la date de l’acte. Dans le meilleur des cas,
    il faut attendre octobre 2018, le GPRA, donc le
    MALG, ayant été fondé en septembre 1958. Il
    faut savoir aussi qu’il faut attendre 100 ans pour
    les documents concernant la vie privée des
    personnes. Les esprits chagrins doivent savoir
    que ces délais sont respectivement de 75 et
    150 ans dans certains pays européens. Enfin, il
    faut que ces fonds d’archives soient dotés d’un
    instrument de recherche et aient fait l’objet
    d’un classement.
    Que proposez-vous pour que
    l’Algérien se réconcilie avec sa
    mémoire et, partant, avec son
    histoire ?

    Encore une fois, je n’ai pas la prétention
    de proposer quoi que ce soit. Par contre, les
    conflits de mémoire sont une réalité, et pas
    seulement chez nous. La question est peutêtre
    de savoir ce que pense l’Algérien. Y a-t-il
    eu des sondages, des études d’opinion ? Il
    faut l’espérer ! Pour ma part, je l’ignore et je
    ne peux que m’en remettre à vous ! Il revient
    aux historiens de faire l’histoire et aux médias
    de faire connaître les travaux de ces derniers.
    Entrent en jeu, par la suite, les romanciers, les
    cinéastes, les peintres, les sculpteurs, car eux
    aussi ont leur part dans la construction de notre
    histoire et dans la fabrication de notre mémoire
    nationale.
    Dans une conférence donnée à
    l’IDRH, le Ramadhan dernier,
    vous avez annoncé que toute
    la production de l’école
    historique d’Alger, une école
    colonialiste, a été rééditée et se
    trouve en circulation dans nos
    établissements universitaires. Estce
    une conséquence du mépris de
    notre patrimoine des archives et
    de notre mémoire ?

    Du mépris, peut-être pas. Je me permets d’y
    voir surtout de la paresse intellectuelle et de la
    facilité ! Mais il n’en demeure pas moins qu’il
    y a danger à reproduire sans discernement la
    production de l’école coloniale d’Alger. C’est
    faire passer la vision des historiens coloniaux
    pour l’histoire nationale, et c’est la plus grosse
    contradiction, pour ne pas dire autre chose. Ce
    n’est pas du mépris, c’est du commerce. A.S
    reporters
    The truth is incontrovertible, malice may attack it, ignorance may deride it, but in the end; there it is.” Winston Churchill
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