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Entretien : MOHAMED CHAFIK MESBAH AU SOIR D’ALGÉRIE Le processus américain de décision diplomatique (1re parti

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  • Entretien : MOHAMED CHAFIK MESBAH AU SOIR D’ALGÉRIE Le processus américain de décision diplomatique (1re parti

    Entretien réalisé par Mokhtar Benzaki
    PARTENARIAT STRATÉGIQUE AVEC LES ÉTATS-UNIS D’AMÉRIQUE
    «Ni un mal absolu, ni un bien absolu»
    A l’occasion de la visite express que Madame Hillary Clinton, secrétaire d’Etat américaine, avait effectuée en février 2012 à Alger, le Soir d’Algérie avait sollicité Mohamed Chafik Mesbah, ami et collaborateur extérieur, à l’effet de commenter l’évènement.
    Il avait réservé sa réponse, préférant se détacher de l’épisode factuel — la visite proprement dite de Mme Hillary Clinton — pour se consacrer, à la lumière de ce qui est communément appelé «le printemps arabe», à un éclairage plus circonstancié de l’évolution des rapports algéro-américains. Dans l’intervalle, Mme Hillary Clinton a effectué, tout récemment, une deuxième visite à Alger après qu’un «dialogue stratégique » algéro-américain se soit ouvert à Washington. Le tout, avec pour arrière-fond, la crise persistante au Mali. L’enjeu des relations algéro-américaines n’en devient que plus important. D’où l’intérêt de l’analyse de Mohamed Chafik Mesbah que nous livrons à nos lecteurs.

    Le Soir d’Algérie: Vous aviez estimé que la récente visite de Mme Hillary Clinton, en février dernier, à Alger, était dénuée de grande signification. Comment pouviez-vous être aussi catégorique ?

    Mohamed Chafik Mesbah : Parce que, tout simplement, les relations internationales ne peuvent être ramenées à des scènes de spectacle. Dans l’ère moderne que nous vivons, les politiques étrangères nationales s’articulent, forcément, autour d’enjeux majeurs qui s’expriment à travers des stratégies fondées sur le long cours et articulées autour d’une évaluation précise, actualisée en permanence, des rapports de force entre protagonistes dans le monde. Ce sont, ainsi, des think tanks, souvent privés qui, à un premier stade, avec des pôles de recherche universitaires qualifiés, animent le processus de réflexion académique sur les grands défis qui, au plan international, interpellent les Etats-Unis d’Amérique. Le meilleur exemple de ces think tanks c’est, probablement, la Rand Corporation-Research and Developmentqui emploie 1 500 analystes et chercheurs et qui dispose d’un budget annuel avoisinant les 230 millions de dollars. Même si ce think tank a pour centre d’intérêt principal la défense et la sécurité, les questions de relations internationales figurent toujours dans son plan de charges. Ce sont, à un deuxième stade, les appareils administratifs publics – ministères et agences spécialisées à l’instar de la CIA – qui exploitent les analyses disponibles pour élaborer des hypothèses de travail opératoires. Il ne faut pas, cependant, oublier le rôle essentiel des lobbies qui sont devenus un acteur, non gouvernemental, certes, mais tout de même essentiel dans la formulation de la politique étrangère américaine. Ces lobbies, qui ne sont ni plus ni moins que des groupes de pression organisés autour d’intérêts déterminés, influent sur le processus de prise de décision diplomatique à tous les niveaux – opinion publique, Parlement et présidence des Etats-Unis en particulier —. Le meilleur exemple de ces lobbies c’est, sans doute, l’AIPAC (American Israel Public Affairs Comitee). L’AIPAC regroupe 100 000 membres et emploie 165 personnes tout en disposant d’un budget annuel de 45 millions de dollars. L’objectif essentiel de l’AIPAC consiste à surveiller tous les processus de prise de décision visant Israël pour les faire évoluer, systématiquement, dans un sens favorable à l’Etat sioniste. C’est tout ce processus complexe qui, en dernier ressort, débouche sur une procédure d’arbitrage politique impliquant les structures du pouvoir exécutif et législatif — Conseil national de sécurité, présidence des Etats-Unis d’Amérique ainsi que commissions spécialisées du Parlement, Congrès et Sénat —. Voilà, en bref, le processus d’élaboration de la politique étrangère américaine où la place des responsables officiels, comme vous pouvez vous en douter, n’est pas, nécessairement, la plus déterminante. Les secrétaires d’Etat successifs donnent, probablement, à cette politique une tonalité personnelle, plus ou moins avérée. Tenons-en-nous, pour la démonstration, au conflit du Sahara occidental. Mme Hillary Clinton ne s’est pas gardée de manifester son appui à la politique marocaine vis-à-vis de cette question. Force est de constater, pourtant, que sa position de secrétaire d’Etat n’a pas eu raison de la politique traditionnelle d’équilibre suivie par l’administration américaine qui tente de garder une certaine équidistance entre thèses marocaines et algériennes. En dernier ressort, c’est l’intérêt de puissance des Etats-Unis d’Amérique qui s’impose, pas les inclinations des responsables du moment. Imaginer, à cet égard, que la simple visite à Alger de Mme Hillary Clinton allait influer sur la substance de la politique des Etats-Unis d’Amérique vis-à-vis de l’Algérie, cela relève de l’ingénuité.

    Pourtant, le cérémonial protocolaire réservé par le président de la République à Mme Hillary Clinton laissait indiquer que la visite était bien d’intérêt exceptionnel…

    Sans vouloir diminuer du statut de la secrétaire d’Etat aux Etats-Unis d’Amérique, ni minimiser de l’influence personnelle de Mme Hillary Clinton laquelle semble dominer le Conseil de sécurité national, il n’en reste pas moins que l’époque est révolue où le cérémonial diplomatique était au cœur de la politique étrangère des grandes puissances. Vous voulez être étonné de l’impact de ce fameux dîner offert par le président de la République ? La table d’honneur regroupant autour de Mme Hillary Clinton les principaux responsables des institutions nationales – pour la plupart du troisième âge — elle a pu noter qu’elle était la plus jeune des convives ! Mais revenons à l’objet principal de votre question. Penser que l’aspect ostentatoire du dispositif protocolaire mis en place pour l’accueil de Mme Hillary Clinton allait inciter cette dernière à exprimer de la sympathie pour «les réformes politiques» initiées en Algérie, cela procède de la candeur politique. Les hôtes américains ont pu noter, sans doute, que Mme Hillary Clinton a été accueillie au perron de la présidence de la République par M. Abdelaziz Bouteflika lui-même et qu’elle a eu droit aux honneurs d’un détachement de la Garde républicaine, voire à un déjeuner offert par le chef de l’Etat lequel pourtant — vu son état de santé – se limite à participer aux seuls dîners officiels. Cette hâte à vouloir accueillir Mme Hillary Clinton avec les honneurs dus à un chef d’Etat aura plutôt exacerbé l’attention des autorités américaines qui y auront décelé, forcément, une preuve supplémentaire que le régime algérien était en quête de caution internationale. Le ministre algérien des Affaires étrangères, lors de ses visites successives à Washington, n’a cessé, à cet égard, de manifester le plus grand empressement pour convaincre Mme Hillary Clinton d’accepter le principe d’un voyage en Algérie. Quel voyage ! Une visite de quatre heures, tout juste une escale. Faut-il s’en étonner ? Les secrétaires d’Etat américains successifs – Colin Powell, en 2002, Condoleezza Rice en 2008, Hillary Clinton cette année — ont tous séjourné pour la même durée dans notre pays. Cela doit, sans doute, revêtir une signification particulière dans le code diplomatique des Etats-Unis d’Amérique. Pays d’intérêt secondaire, l’Algérie ? Pas si sûr, pourtant ! Si vous voulez apprécier, vraiment, l’intérêt que les Etats-Unis d’Amérique accordent à la situation en Algérie, il faudrait focaliser l’attention sur les visites répétées en Algérie, depuis l’avènement de ce qui est appelé «le printemps arabe» et l’éclatement de la crise au Mali, de responsables civils et militaires américains de second rang certes, mais bien plus impliqués dans le processus de prise de décision diplomatique, sécuritaire et militaire.
    The truth is incontrovertible, malice may attack it, ignorance may deride it, but in the end; there it is.” Winston Churchill

  • #2
    Pourtant, Mme Hillary Clinton, de sa propre initiative, vient d’entreprendre une deuxième visite à Alger. Cela suppose qu’elle accorde de l’importance diplomatique à l’Algérie…

    Ce n’eût été l’ouragan Sandy qui frappe les Etats-Unis d’Amérique et qui a obligé Mme Hillary Clinton à avancer sa visite à Alger, elle aurait même dû y passer la nuit. Ce qui aurait été une première. Elle a consacré, également, cette deuxième visite à l’Algérie sans faire les escales habituelles dans les autres pays maghrébins. Cela implique-t-il une évolution de la politique américaine vis-à-vis de l’Algérie d’autant qu’un dialogue stratégique a été entamé à Washington entre les deux pays ? Ce serait de l’infantilisme que d’imaginer que la politique étrangère des Etats-Unis obéit à des intuitions de circonstance. D’autant que l’administration américaine actuelle, à la veille d’un scrutin présidentiel essentiel, ne dispose plus de toute la latitude pour opérer un quelconque changement substantiel de politique étrangère. L’objectif stratégique des Etats-Unis d’Amérique pour ce qui concerne l’Algérie est pérenne, il consiste à conduire ce pays à s’insérer dans un mécanisme de sécurité régionale évoluant sous son contrôle. La crise actuelle qui touche le Mali et qui risque de s’étendre à tout le Sahel est une opportunité pour «enfoncer le clou». L’adhésion de l’Algérie au principe d’une intervention militaire au Nord-Mali – voire sa participation – vaut bien un déplacement à Alger de Mme Hillary Clinton. Au demeurant, contrairement aux idées reçues, il faut se convaincre qu’il existe une coordination étroite entre la France et les Etats-Unis d’Amérique, là où ils ont des intérêts communs. Les observateurs avisés ont bien raison d’affirmer que sur la crise malienne, les divergences entre France et Etats- Unis d’Amérique ne sont pas essentielles. Il existe juste une distribution des rôles car les Etats-Unis d’Amérique — indemnes du «syndrome colonial» — sont censés disposer de plus d’influence sur l’Algérie. Autrement c’est, encore une fois, commettre une erreur d’appréciation que d’imaginer que la France et les Etats- Unis d’Amérique entretiennent une rivalité fondamentale au Mali. L’Algérie qui n’a plus d’autre choix, à propos de la crise au Mali, que de se ranger à la solution de l’intervention armée sous mandat onusien, veut entourer son adhésion de garanties pour éviter que le conflit ne s’étende au territoire algérien ou que l’opinion publique nationale ne réagisse défavorablement. Les officiels américains auront, sans doute, été étonnés de découvrir, côté algérien, «de la prudence» là où ils pensaient devoir se heurter «à de la réticence ». Le président Abdelaziz Bouteflika a, selon toute vraisemblance, tracé sa feuille de route vis-à-vis des Etats-Unis d’Amérique en termes d’objectifs stratégiques. Dans cette feuille de route, ce sont moins les principes de doctrine militaire et diplomatique qui y sont en jeu que la pérennité du régime, au travers d’un quatrième mandat présidentiel, perspective de plus en plus probable. Gageons que Mme Hillary Clinton et les responsables qui l’ont accompagnée sont parfaitement conscients de ces données implicites de l’équation, vitales pour M. Abdelaziz Bouteflika et accessoires pour eux.

    Vous semblez sous-estimer l’importance du dialogue stratégique qui a été entamé à Washington …

    Ce dialogue constitue, effectivement, une date importante, c’est la première tentative de structuration des relations algéro-américaines dans une perspective stratégique. Nous en sommes, cependant, à une étape préliminaire qui relève plus de la prospection que de l’approfondissement. Mais nous ne méprenons pas. L’objectif de ce dialogue, par delà ses aspects politique et économique, consiste à définir la place de l’Algérie dans les dispositifs de sécurité qui se mettent en place alentour. Le reste, c’est plus de la littérature. L’important est que l’Algérie négocie bien sa place. Autrement, comme le souligne à l’envi le titre générique de cet entretien : «Un partenariat stratégique avec les Etats-Unis d’Amérique, ce n’est ni un bien absolu, ni un mal absolu.» La structuration des relations algéro-américaines, au sens stratégique, est un thème récurrent sur lequel nous aurons à revenir.

    Puisque vous persistez à minimiser l’importance des seuls contacts officiels, quelle grille de lecture proposez-vous, alors, pour décrypter l’état des relations algéro-américaines ?

    Vous nous placez au cœur de la problématique qui sous-tend le dialogue stratégique algéro-américain. Vous l’avez compris, la politique américaine à l’endroit de l’Algérie ce ne sont pas de simples faits factuels. Pour accéder à la trame de cette politique, ces faits factuels doivent être insérés dans une grille de lecture d’ensemble. Une grille qui relie entre eux des évènements d’apparence sans rapport. La trame de la politique étrangère américaine vis-à-vis de l’Algérie, c’est la notion d’intérêt vital. La politique étrangère américaine se définit, en effet, en fonction des intérêts suprêmes des Etats-Unis d’Amérique. Ces intérêts suprêmes, faut-il le souligner, sont étroitement imbriqués aux considérations de gestion, de contrôle et d’utilisation des ressources énergétiques à travers le monde. N’escomptez pas rencontrer de la philanthropie dans la démarche de puissance américaine au sens générique du terme. Aucun état d’âme n’imprime cette démarche. Si vous décelez, néanmoins, des objectifs d’apparence philanthropique, c’est juste pour masquer l’aspect abrupt de la politique étrangère américaine en la dotant d’un caractère plus consensuel aux yeux de l’opinion publique internationale.

    Prenons un peu de liberté par rapport au sujet précis qui nous préoccupe. Entre les deux partis qui se succèdent aux commandes des Etats-Unis d’Amérique — le Parti démocrate et le Parti républicain —, ainsi qu’entre les écoles de pensée qui impriment la doctrine diplomatique américaine, existe-t-il, tout de même, des différences autres que de simples nuances ?

    C’est Condoleezza Rice, je cite de mémoire, qui proclamait : «La politique étrangère des Etats-Unis d’Amérique n’est ni démocrate ni républicaine, elle est américaine. » Les différences dont vous faites état tiennent plus au mode opératoire qu’aux fondements doctrinaux de la diplomatie américaine. Dans l’idéalisme du président Wilson, dans la rigidité du président Monroe ou dans la «real politik» du président Nixon, ce sont toujours les intérêts supérieurs des Etats-Unis d’Amérique qui déterminent la démarche. Prenez le plan dit de «démocratisation du Grand-Moyen- Orient» porté par le président George Bush, sous l’influence des néoconservateurs. Comparez-le avec la version «soft» validée par le président Barack Obama. N’est-ce pas un même objectif ? Garantir la présence des Etats-Unis d’Amérique dans des zones sensibles qui, à la fois, recèlent les plus importantes richesses naturelles dans le monde et constituent des sources de menace majeure pour la sécurité des puissances occidentales. En ce sens, l’appareil diplomatique algérien, du moins ceux qui le dirigent, devrait cesser de spéculer, sans mesure, sur l’intérêt pour l’Algérie d’avoir comme partenaires les républicains plutôt que les démocrates et vice-versa. Ils sont tous américains.
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    Commentaire


    • #3
      Quel enseignement peut-on tirer de l’historique des relations diplomatiques algéro-américaines ? Faut-il occulter les relations tissées durant la guerre de Libération nationale, lorsque le sénateur John Fitzgerald Kennedy défendait le droit à l’autodétermination du peuple algérien ?

      Que dire des rapports tissés dès 1957 entre le responsable des services de renseignement algériens, M. Abdelahafidh Boussouf, et le résident de la CIA en Europe du Sud ? Ce contact, pour mémoire, avait été suivi du déplacement auprès des unités de l’ALN du journaliste américain Peter Breastrup du Times dont le reportage contribua à faire connaître le combat du peuple algérien. Ne nous fixons pas sur ces digressions destinées à souligner que dans le subconscient du peuple algérien il existe une trace où l’image des Etats-Unis d’Amérique était positive. Cette image était même dissociée de celle de l’OTAN, marquée, ostentatoirement, par une forte implication dans l’effort de guerre français contre le peuple algérien engagé dans une guerre de Libération nationale. Mais ne nous égarons pas. Définissons, à présent, les grandes phases des relations diplomatiques algéro-américaines post-indépendance algérienne. Elles se rapportent aux périodes où la magistrature suprême était exercée, successivement, par les présidents Ben Bella, Boumediène, Chadli, Zeroual et Bouteflika. Ces présidents algériens successifs ont géré les relations avec les Etats-Unis d’Amérique selon la conjoncture du moment mais en fonction d’objectifs liés à la politique suivie, en propre, par chacun d’entre eux. Existe-t-il une même trame stratégique pour les politiques qui se sont succédé ? Probablement. Malgré des débuts prometteurs lors de son déplacement à New York pour l’admission de l’Algérie à l’Organisation des Nations Unies — cérémonie marquée par la présence symbolique du président John Kennedy —, le président Ahmed Ben Bella s’est orienté, sans délai, vers une politique d’hostilité frontale avec les Etats-Unis d’Amérique illustrée par un soutien intempestif à Cuba – le président Ahmed Ben Bella s’étant déplacé, directement, de New York à La Havane dans un geste de défi vis-à-vis des Etats-Unis d’Amérique — puis un soutien logistique appuyé aux mouvements d’opposition démocratique en Amérique latine. Cet état de choses avait conduit l’administration américaine à envisager une politique de rétorsion contre l’Algérie. Seul le coup d’Etat du 19 juin 1965 en a décidé autrement. Epousant une démarche plus pragmatique, le président Houari Boumediène a dissocié entre les dimensions politique et économique de sa politique américaine. Nonobstant le rôle actif joué, alors, par l’Algérie dans ce qu’il était convenu d’appeler «la lutte anti-impérialiste » et, surtout, malgré la rupture des relations diplomatiques de 1967 à 1973, le président Houari Boumediène a fait fructifier la coopération économique bilatérale avec les Etats-Unis d’Amérique laquelle avait connu, alors, son «âge d’or». Malgré, cependant, l’essor de cette coopération économique, le président Houari Boumediène observait une prudence excessive vis-à-vis des Etats-Unis d’Amérique. M. Smaïl Hamdani qui interrogeait le président Houari Boumediène — sur la conduite à tenir vis-à-vis des Etats- Unis d’Amérique – dossier dont il avait la charge —, s’attira cette réplique cinglante : «Prémunissons+nous de leur nuisance !» Le président Chadli Bendjedid, d’emblée, contraint d’absorber l’impact négatif qui avait résulté de l’annulation intempestive du fameux contrat de vente de gaz dit «El Paso» — et censé être un contrat d’importance stratégique — s’est montré, au total, plus pragmatique que son prédécesseur. Il a procédé à un réaménagement substantiel de la coopération diplomatique et militaire avec les Etats-Unis d’Amérique qui s’en est trouvé, singulièrement, renforcé. Il convient d’évoquer, à cet égard, que c’est lui qui effectua – en 1986 — la première visite d’Etat d’un président algérien à Washington. Une visite qui avait marqué un tournant dans l’instauration de relations diplomatiques et militaires plus denses entre les deux pays. Le président Liamine Zeroual ayant présidé aux destinées de l’Algérie durant la période sanglante du terrorisme n’avait pas eu à se focaliser sur les questions de doctrine diplomatique. Après une période d’hésitation, sa politique avait fini par trouver grâce aux yeux des responsables américains qui jugeaient sa démarche, globalement, positive. C’était la politique de «la conditionnalité positive» prônée par le sous-secrétaire d’Etat américain Robert Pelletreau qui subordonnait le soutien des Etats-Unis d’Amérique à l’Algérie à la mise en œuvre accélérée d’un processus de réconciliation nationale accompagnée de réformes économiques matérialisées et adossées à des élections ouvertes aux «islamistes modérés ». Peut-être, les Etats-Unis d’Amérique souhaitaient-ils, en sus, que le président Liamine Zeroual s’engage dans la voie d’une normalisation avec Israël, mais il ne l’a pas fait. C’est là, au demeurant, une demande américaine récurrente. Avec le président Abdelaziz Bouteflika, les responsables américains ont trouvé un partenaire attentif qui a brisé bien des tabous dans le sens du rapprochement entre les deux pays. Une période marquée d’emblée par les visites à retentissement tant au siège de l’Otan qu’aux Etats-Unis d’Amérique accompagnés d’un renforcement spectaculaire de la coopération sécuritaire. Certes, ce dernier est arrivé au pouvoir après la chute du mur de Berlin et la fin de la guerre froide, a pu tirer profit d’un contexte qui a facilité sa démarche diplomatique. Il n’a pas, pour autant, franchi, le Rubicon. S’y prépare-t-il avec le dialogue stratégique qui vient d’être entamé à Washington ? La question mérite d’être posée. Tacticien éprouvé, M. Abdelaziz Bouteflika pourrait songer à monnayer, une nouvelle fois, la bienveillante neutralité américaine pour un quatrième mandat présidentiel de plus en plus probable, en contrepartie, première phase, d’une adhésion de l’Algérie à l’intervention militaire projetée au Mali, mais surtout, deuxième phase, d’une évolution rapide du dialogue stratégique algéro-américain vers l’inclusion de l’Algérie dans un mécanisme de sécurité régionale dominé par les Etats- Unis d’Amérique. Au préalable, il lui faudra, malgré tout, vaincre les éventuelles résistances internes, tant pour l’adhésion au principe de l’intervention militaire au Mali qu’au basculement franc dans une véritable alliance stratégique avec les Etats-Unis d’Amérique. Ce à quoi il semble, selon toute vraisemblance, s’atteler.

      Hormis cet aspect sécuritaire sur lequel vous insistez, vous n’avez toujours pas fait état des autres enjeux qui intéressent, au plan stratégique, les Etats-Unis d’Amérique en Algérie ?

      Les centres d’intérêts stratégiques pour les Etats-Unis d’Amérique peuvent être ramenés à trois domaines essentiels : la coopération sécuritaire encore une fois, la coopération économique et, enfin, la coopération diplomatique. Mais, replaçons- nous en contexte. L’Algérie, sur la rive sud de la Méditerranée dan un espace englobant le Sahel, constitue une puissance régionale disposant d’une armée structurée et de ressources en hydrocarbures essentielles pour les besoins de l’Europe occidentale. Par ailleurs, l’Algérie a accumulé une expérience singulière dans la lutte contre le terrorisme avec une connaissance pointue des réseaux terroristes dans l’espace sahélien, dans le territoire français et même dans les zones d’intérêt vital pour les Etats-Unis d’Amérique, territoire américain inclus. C’est l’ensemble de ces facteurs qu’il faut combiner pour parvenir à la substance de l’intérêt stratégique des Etats-Unis d’Amérique pour l’Algérie.
      M. B.
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      • #4
        suite

        Le Soir d’Algérie : Sur le plan économique, tout d’abord, quel est l’état des rapports algéro-américains ?

        MCM : Abordons-les, d’abord, en données statistiques. Le tableau des échanges commerciaux, pour 2011, indique que les Etats-Unis d’Amérique sont le premier client de l’Algérie laquelle est le sixième acheteur auprès des Etats- Unis d’Amérique. Ce tableau peut être trompeur. C’est, évidemment, l’énergie qui prédomine dans les échanges entre les deux pays. La problématique de la coopération économique algéro-américaine est, essentiellement, liée à l’énergie.
        L’Algérie recèle un potentiel important en pétrole, en gaz aussi bien qu’en énergies de substitution, notamment gaz de schiste et énergie solaire. L’Algérie, de plus, jouit d’une situation géo-politique favorable, à proximité immédiate de l’Europe occidentale, grande consommatrice d’énergie. L’Algérie, par ailleurs, en raison d’une politique énergétique audacieuse a su jouer un rôle non négligeable dans les organisations internationales spécialisées. Malgré la nationalisation des hydrocarbures — ou grâce à elle —, l’Algérie, qui a consenti des efforts colossaux pour la mise en valeur de son patrimoine énergétique – pétrole et gaz —, a choisi les Etats-Unis d’Amérique comme un partenaire important, pour ne pas dire stratégique, en matière d’acquisition d’équipements, de prestation de services et de formation de cadres spécialisés. Pour comprendre, cependant, la nature des attentes américaines pour ce qui concerne l’énergie en Algérie, il faut garder à l’esprit les conclusions du rapport de la commission présidée par Dick Cheney, le vice-président des Etats-Unis d’Amérique, outre les aspects liés aux politiques énergétiques internes des pays pétroliers, le rapport privilégie, expressément, le retour au système des concessions jugé plus avantageux pour les compagnies pétrolières américaines au demeurant, sur les autres considérations stratégiques. La diversification des sources d’approvisionnement en pétrole, la sécurisation desdits approvisionnements ainsi que la défense des voies d’acheminement — notamment contre les risques d’attaques terroristes — constituent une priorité essentielle pour les Etats-Unis d’Amérique. A ce stade, la connexion contre la politique étrangère des Etats- Unis d’Amérique et leur doctrine de défense apparaît évidente. Pour l’illustration, notons que c’est moins pour neutraliser l’AQMI que pour sécuriser les sites énergétiques sur le continent africain — sujet d’intérêt important — que les Etats-Unis d’Amérique ont procédé à la création d’un commandement militaire américain — Africom — dédié, spécialement, au continent.

        Puisque vous privilégiez la coopération énergétique, celle-ci vous semblet-elle exemplaire entre les deux pays ?

        Avant de vous répondre, revenons vers le passé. D’une manière schématique, l’histoire des relations algéro-américaines en matière d’énergie peut être ramenée à quatre périodes essentielles. Première période, celle qui s’ouvre à l’indépendance de l’Algérie et se clôt avec la nationalisation des hydrocarbures en 1971. C’est, pour l’essentiel, une période de prospection où les Etats-Unis d’Amérique s’intéressent au potentiel de l’Algérie en hydrocarbures en se préparant, probablement, à concurrencer la France. Deuxième période, c’est la période de la présidence Houari Boumediène, marquée par un pragmatisme avéré dans les relations algéro-américaines. Malgré les positions diplomatiques en flèche de l’Algérie, hostiles aux Etats-Unis d’Amérique, les opérateurs de ce pays étaient largement implantés au Sahara dans les secteurs de la construction, des services et des équipements. Citons, pour mémoire, Bechtel, General Electric et Degoglier. La mise en place de la compagnie pétrolière Sonatrach avait bénéficié des conseils avisés d’experts américains, en particulier Franck Shultz. Il est vrai que les compagnies pétrolières américaines étaient absentes dans l’exploration. Soulignons que les sociétés mixtes algéro- américaines prospéraient, dont Algeo pour le géophysique et Alfor pour le forage. La formation des cadres pétroliers algériens était massivement assurée à Austin, Dallas et Houston. A l’époque, soulignons-le, le climat n’était guère propice pour des activités nécessitant de lourds investissements. Les relations diplomatiques entre les deux pays étaient gelées et le fâcheux précédent de Chemico, lié au projet GNL1, envenimait le climat bilatéral. Troisième période, débutant sans grand impact, avec la loi promulguée en 1986 à l’initiative de M. Belkacem Nabi, alors ministre de l’Energie et se terminant, en 1991, avec l’adoption de la loi sur le partage de production présentée par le gouvernement de M. Sid Ahmed Ghozali. Dans sa dernière phase, cette troisième période fut prolifique en découvertes importantes. L’Algérie avait retrouvé, vers 1997, le niveau de ses réserves en hydrocarbures de 1971. Quatrième période, celle de la gestion de M. Chakib Khellil qui fit promulguer, en 2005, la loi sur les hydrocarbures tant décriée. Le reproche qui était fait à M. Chakib Khellil lequel affirmait vouloir rationaliser la gestion de Sonatrach et la rendre compétitive, consistait en fait à lui prêter l’intention d’ouvrir la voie aux compagnies pétrolières américaines lesquelles auraient vite fait d’absorber Sonatrach en se substituant à l’initiative souveraine de l’Etat algérien dans un domaine aussi sensible. Quoi qu’il en soit, la loi, après avoir été adoptée à la hussarde, fut rapidement abrogée. Depuis, pas une seule compagnie américaine de notoriété ne s’est manifestée pour l’exploration. Des amendements à la loi sur les hydrocarbures ont été, récemment, introduits mais ils ne semblent pas être d’ampleur à pouvoir renverser la vapeur. Il faut garder à l’esprit, par ailleurs, que, depuis 2012, les Etats-Unis d’Amérique sont autosuffisants dans le domaine de l’énergie grâce à l’exploitation et du gaz non conventionnel et du gaz de schiste, domaine où ils sont devenus très performants.
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        • #5
          Comment expliquer ce désintérêt américain, du moins en apparence, pour l’investissement dans le domaine des hydrocarbures en Algérie ?

          Deux aspects caractérisent la politique américaine dans le domaine de l’énergie. Premièrement, une propension hégémonique au contrôle des réserves pour des considérations stratégiques. Deuxièmement, une aspiration à disposer, partout, du cadre le plus favorable pour maximiser le profit des compagnies pétrolières américaines. Dans le cas de l’Algérie, des considérations pratiques expliquent que les grandes compagnies américaines soient rebutées par des projets d’investissements en Algérie. Rigidité bureaucratique de l’administration algérienne, la législation nationale contraignante et, plus significativement, l’absence de visibilité stratégique sur l’évolution de cette même législation expliquent, en partie, le désintérêt américain dont vous faites état. Nous l’avons souligné, l’intérêt américain pour le potentiel énergétique algérien existe. Permettez-moi de citer, à cet égard, le témoignage de M. Nazim Zouiouèche, ancien président-directeur général de Sonatrach, qui m’a relaté l’épisode suivant : En 1996, M. Lou Noto, alors P-dg de Mobil, s’était présenté au siège de l’ambassade d’Algérie à Washington à l’effet de rencontrer le premier responsable de Sonatrach. L’interlocuteur américain était venu, rapporte M. Nazim Zouiouèche, avec un gros stylo à la main pensant venir pour signer un accord concernant Hassi Messaoud. Ce n’était pas de l’humour. M. Lou Noto, dès 1991, s’était porté candidat — la compagnie Mobil, naturellement — pour participer à l’exploitation de Hassi Messaoud tel que l’avait envisagé M. Sid Ahmed Ghozali. Cet épisode permet de situer le niveau à partir duquel les grandes compagnies pétrolières américaines s’intéressent à un éventuel investissement au Sahara. Cela explique pourquoi, actuellement, seules de petites compagnies pétrolières indépendantes américaines — Anadarko, Hess, Philips — sont présentes en Algérie. La preuve que ce n’est pas le caractère contraignant de la législation qui justifie l’absence d’opérateurs pétroliers américains dans l’exploration, c’est la situation qui prévalait, pour les sociétés mixtes de services algéro-américaines du temps de M. Belaïd Abdesslam, ministre de l’Energie, lesquelles essaimaient dans le domaine de l’énergie en Algérie malgré la règle observée des 51-49%. Notez, par ailleurs, que les firmes américaines dominent, toujours, le marché algérien dans le domaine des équipements pétroliers. Et pour cause, leurs produits sont sans réelle concurrence. Pour aller au fond des choses, disons que ce qui indispose le plus les partenaires américains ce sont l’absence de visibilité à échéance stratégique et le manquement aux engagements pris. Pour corroborer cette affirmation, je reproduis la teneur d’une conversation que j’ai eue en 2008 avec M. Robert Ford, alors ambassadeur des Etats-Unis d’Amérique à Alger. Evoquant la fameuse loi sur les hydrocarbures, sujet à controverse adoptée au forcing, M. Ford m’avait déclaré, en substance, que «les Etats-Unis d’Amérique ne déniaient pas à l’Algérie le droit de décider, souverainement, de sa politique énergétique. Mais les pouvoirs publics algériens — à plus forte raison lorsqu’il s’agit de la plus haute autorité du pays — ne peuvent s’engager avec des partenaires américains majeurs (il visait les grandes compagnies américaines pétrolières) sur une démarche déterminée, avec ses lois et ses règlements, puis, après un laps de temps insignifiant, se déjuger sans autre forme de procès. Entre-temps, ajouta l’ambassadeur américain, les partenaires américains dont il s’agit ayant établi des projections et préparé des programmes d’investissement appropriés, ne pouvaient comprendre cette volte-face».

          Quels sont les autres secteurs d’activités économiques qui suscitent l’intérêt des Etats-Unis d’Amérique ?

          Ce sont le secteur financier, des télécommunications, des NTIC, des assurances, de l’aéronautique, des médicaments et, accessoirement, de l’agriculture. Au plan financier, c’est la position de City Bank qui tient lieu de port d’attache. Un éminent financier algérien affirmait, avec quelque humour, que «la City Bank constituait le cœur de la politique américaine en Algérie». La City Bank créée en un temps record — pour contrer, apparemment, l’implantation de Société Générale en Algérie — gère un portefeuille essentiellement pétrolier. Elle est la banque obligée de toutes les compagnies américaines exerçant en Algérie. Sonatrach était, durant une période, avec certains grands groupes publics algériens, domiciliée à City Bank avant de s’en retirer, sur injonction gouvernementale. Citons, sur ce volet financier, juste pour mémoire, les bons du Trésor américains qui servent de placement pour les recettes pétrolières de l’Algérie. De nombreux experts considèrent que ce mode de placement est sûr, même s’il n’est pas suffisamment rémunérateur. L’alternative serait d’envisager un mode de placement plus dynamique par l’acquisition de participations pérennes au niveau des grandes sociétés internationales. Ce n’est pas, admettons-le, aux Etats-Unis d’Amérique d’imposer à l’Algérie l’usage à choisir pour ses ressources financières. Il s’agit, au fond, d’arbitrer entre la sécurité ou la rentabilité du placement des réserves en devises. Cela mérite un débat public pour dégager un consensus national car il s’agit de l’usage des richesses nationales. Un débat que les pouvoirs publics en Algérie sont loin de vouloir favoriser. Les Etats-Unis d’Amérique se sont très tôt intéressés au secteur de l’aéronautique en Algérie, notamment le transport militaire à la faveur d’accords gouvernementaux signés entre les deux pays dans les années 1980. L’aviation militaire algérienne a cessé, en cette circonstance, d’être un client captif de la Russie en optant pour l’achat d’avions de transport de type Hercule, toujours en activité. Sur le plan civil, Boeing présent sur le marché algérien depuis 1970, avec le remplacement des caravelles françaises par des Boeing 737-100 et 737-200, a, depuis lors, supplanté Airbus pour la vente à Air Algérie d’avions moyens porteurs d’une capacité de 150 places. 35 appareils restent à acquérir par leasing pour un montant de 20 milliards de dollars sur quinze ans. Boeing est vivement intéressé par ce marché. Dans tous les cas de figure, 75% de la flotte civile algérienne provient, actuellement, de Boeing. Ce rapport continuera, selon toute probabilité, à structurer les acquisitions à venir de la compagnie nationale Air Algérie. Dans le domaine des télécommunications, la coopération avec les Etats-Unis d’Amérique est limitée. FCC, un organisme américain spécialisé, a, certes, été sollicité pour une assistance en matière d’étude du cadre de la régulation des télécommunications, sans lendemain. UPS et FEDEX, entreprises spécialisées dans le courrier postal, sont présentes en Algérie mais, loin derrière l’Allemand DHL. Signalons que les Etats-Unis d’Amérique étaient présents, auparavant, dans le secteur en Algérie. Vers le milieu des années 1970, sous le règne du président Houari Boumediène, COMSAT, organisme américain disposant du monopole dans le domaine, avait été chargé de l’étude et de la mise en place d’un réseau de liaisons satellitaires au Sahara. Cette présence illustre, s’il le fallait, le pragmatisme américain qui, en toute circonstance, prend le pas sur la motivation idéologique. L’on peut s’étonner, cependant, que les Etats-Unis d’Amérique ne soient pas intéressés par un marché aussi important que celui des télécommunications en Algérie. Dans le domaine de la technologie GSM, les Américains ont été surpassés par les Européens et il aurait été fastidieux pour eux de consentir un investissement coûteux pour renverser la tendance. Cela, pour l’aspect commercial. Sur le plan sécuritaire, les Etats-Unis d’Amérique disposent de moyens techniques qui leur permettent de contrôler toutes les communications téléphoniques à travers le monde. Pour le Maghreb, c’est une base installée aux Cornouailles en Grande-Bretagne qui est en charge de cette tâche.
          The truth is incontrovertible, malice may attack it, ignorance may deride it, but in the end; there it is.” Winston Churchill

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          • #6
            Qu’en est-il des autres secteurs économiques ?

            Prenons le cas du secteur des assurances où la présence américaine est insignifiante. American In Group (AIG) avait prospecté le marché algérien, puis renoncé. GAM assurances a été cédée par la Ciar, compagnie algérienne privée, à MP America, un centre de placement américain qui était déjà présent en Algérie. Les Etats- Unis d’Amérique sont fortement présents, par contre, sur le marché de la réassurance – autrement plus rémunérateur —auprès de grands groupes algériens, notamment Sonatrach — à travers les sociétés Remark, EON et AI. Vous le voyez bien, en matière de coopération économique, nous sommes loin, au total, du niveau stratégique. Mais les Etats-Unis d’Amérique qui misent sur le temps ne semblent pas pressés. L’ambassadeur américain David Pearce alors qu’il quittait, en juin 2012, son poste à Alger, a pu noter «que 80 sociétés américaines étaient implantées en Algérie en 2012 alors que leur nombre était seulement de 35 en 1995». M. David Pearce n’en faisait pas, pour autant, un titre de gloire puisqu’il ajoutait : «Il y a de la bureaucratie, les choses ne sont pas faciles. Mais, nous persévérerons.» Il paraît inutile, enfin, de s’attarder sur la présence indirecte, somme toute marginale, des Etats-Unis d’Amérique dans le domaine de l’automobile – Chevrolet et Ford —, de l’agroalimentaire – Coca-Cola, Pepsi-Cola — et du tourisme – Hilton, Sheraton et Mariot —.

            Vous avez omis d’évoquer les secteurs où, à défaut de progrès substantiels, il existe un frémissement…

            Vous voulez parler, probablement, des médicaments et de l’agriculture ? Le marché du médicament en Algérie est dominé par les firmes françaises dont certaines, à l’image d’Aventis, sont devenues des multinationales. Il n’empêche, d’importantes firmes pharmaceutiques américaines – Baxter, Johnson & Johnson, Lilly, Merck, Pfizer — sont présentes en Algérie mais sans investissements réels dans le domaine de la production. Tout récemment, un accord algéro-américain a été signé pour l’implantation d’un ambitieux pôle de biotechnologies. Un domaine où la concurrence française sera moins rude. Mais, ceux qui connaissent les difficultés de la réalisation de vrais projets industriels dans l’industrie pharmaceutique en Algérie ne sont pas loin de considérer que l’accord a été signé juste pour l’effet d’annonce. Il est curieux que les Etats-Unis d’Amérique se soient engagés dans ce projet alors que le rapport préliminaire de faisabilité réalisé par le cabinet d’audit Deloitte avait très bien mis en valeur les handicaps de l’Algérie comparativement aux projets déjà réalisés de même nature à Boston, à Dublin et à Singapour. Il faut vraiment douter de ce projet. Peut-être les firmes pharmaceutiques américaines cherchent-elles, simplement, une porte d’entrée plus intéressante vers le marché des médicaments en Algérie ? Au plan de l’agriculture, domaine où, pourtant, les Etats-Unis d’Amérique disposent d’une expertise incontestable, aucune présence ni même aucun projet digne d’intérêt. C’est d’autant plus étonnant que la coopération dans ce domaine avait été, expressément, abordée lors de la visite du président Chadli à Washington en 1986. Il est étonnant que même dans le domaine de l’importation, il s’agit du blé dur, les Etats-Unis d’Amérique se soient laissés distancier par la France et le Canada. Pour mémoire, en 1998, une filiale de l’OAIC (Office algérien interprofessionnel des céréales) avait été créée, selon le droit américain en territoire américain pour acheter, sur place, du blé en profitant des subventions à l’exportation que versait le gouvernement américain. Ces exportations devaient être cédées à l’OAIC, société mère en Algérie. Le projet, après maturation, n’a jamais vu le jour. L’actuel ambassadeur des Etats-Unis d’Amérique en Algérie, lui-même fils d’agriculteur et originaire de Californie – Etat de prospérité agricole s’il en fut — ne m’a pas fourni de réponse convaincante. Sachant que le lobby des producteurs américains de blé est puissant, il y a lieu de s’interroger. S’agit-il d’un partage du marché à l’amiable entre pays producteurs de blé ou de l’impossibilité pour les producteurs de blé américain de recourir aux moyens utilisés par leurs concurrents français ? Bref, à l’exclusion de la coopération énergétique qui s’accompagne, effectivement, de transfert de technologies, les autres domaines de coopération se réduisent à de pures transactions commerciales. Permettez-moi, néanmoins, de revenir sur une omission. Il ne faut pas oublier, en matière d’audit et d’expertise financières, les grands cabinets américains présents en Algérie, KPMG, Ernest and Young et Deloitte. Ces cabinets ont un plan de charges rempli avec les sociétés américaines exerçant en Algérie, mais aussi des clients algériens publics et privés. Les Etats-Unis sont présents, également, sur le marché des études. IMS, spécialisé dans les panels auprès des grossistes et pharmaciens, détient presque 80% du marché. ACNielsen, spécialisé dans le panel des distributeurs, détient près de 80% de ce marché spécifique. Intermedia, institution publique américaine, sous-traite à travers des tiers, études d’opinions et de médiamétrie. La Broasting Board of Gouvernors, rattachée au Congrès américain, est en charge de la supervision de la politique audiovisuelle des Etats-Unis à l’étranger, pilote «Radio Sawa» qui diffuse notamment, en direction de l’Algérie. Cela, il est vrai, constitue moins une activité économique qu’une potentielle activité d’intelligence visant le recueil de renseignements ou l’influence sur l’opinion publique.

            Le bilan économique n’est pas réjouissant. S’agit-il d’un désengagement américain délibéré par rapport au marché algérien ?

            Il existe, incontestablement, des obstacles à l’investissement américain en Algérie. Le premier obstacle se rapporte au climat des affaires. La Banque mondiale publie, régulièrement, un document qui décrit ce climat pour l’ensemble des pays. Vous n’ignorez pas de quoi il en retourne pour l’Algérie. Pour les firmes américaines, cependant, c’est, probablement, l’instabilité juridique et fiscale qui les effraye le plus. Ces entreprises acceptent des règles contraignantes, préalablement fixées. Elles acceptent, même, le cas échéant, l’instabilité sécuritaire dont elles intègrent le coût dans leurs business plans. Elles fuient, sans hésiter, les pays où il n’existe aucune règle stable. Le deuxième obstacle se rapporte à la taille du marché. Les Etats-Unis d’Amérique ont toujours appelé à une intégration du marché maghrébin afin de donner la taille critique pertinente à un espace où les investisseurs américains pourraient trouver un nombre de consommateurs qui les incite à se placer et à investir. Actuellement, les difficultés qui bloquent la relance du processus d’unité maghrébine semblent ne pas devoir être surmontées à brève échéance. Le troisième obstacle se rapporte à la méconnaissance mutuelle des partenaires. Les pouvoirs publics en Algérie ne sont pas loin de considérer que les firmes américaines, comme dans une économie dirigée, obtempèrent, systématiquement, aux injonctions des autorités fédérales. Certes, pour certains aspects liés à la sécurité nationale, ces injonctions existent et sont respectées. Pour le reste, c’est la loi de la libre entreprise et les firmes américaines se décident à investir en fonction de leurs seuls intérêts. A l’inverse, faute de communication appropriée, les entreprises américaines, ignorant les potentialités de l’Algérie ; les possibilités de son marché et le contexte de l’investissement, ne se précipitent pas dans un pays considéré, longtemps, comme une chasse gardée de la France. Pour le moment, dans l’attente de voir l’Algérie opter, définitivement, pour un modèle de développement économique, les entreprises américaines cantonnent leur intérêt à des secteurs où ils ne peuvent être concurrencés. Il s’agit de secteurs d’activité à haute valeur ajoutée : biotechnologie, services immatériels, services financiers et énergie solaire.

            Comment, finalement, se présente la démarche américaine dans le domaine de la coopération économique ?

            Vous pourriez aussi bien élargir votre question à l’ensemble de la coopération bilatérale. Nul ne saurait mieux le faire qu’un Américain lui-même. Justement, un officiel américain que j’interrogeais sur la substance de cette démarche me fit une démonstration pratique très convaincante. Se saisissant d’une feuille de papier, il dessina trois cercles concentriques imbriqués l’un dans l’autre. Dans le cercle de droite, il écrivit de sa main «position gouvernementale algérienne», dans le cercle de gauche, «attentes de la société algérienne» et, dans le cercle du milieu «point d’équilibre, champ possible d’assistance américaine». Il voulait signifier que les Etats-Unis d’Amérique se déterminent pour apporter à l’Algérie leur assistance en tenant compte, concurremment, des attentes de la société algérienne et des possibilités ouvertes par les autorités gouvernementales du pays. Bref, une démarche qui s’exerce à concilier entre elles attentes de la société et injonctions gouvernementales. Le forcing, les Etats- Unis d’Amérique le mettent sur la dimension sécuritaire des relations bilatérales. Pour la coopération économique, comme pour ne pas livrer un combat inutile, ils se contentent presque, sur ce registre, d’accompagner la progression de l’Algérie au rythme qu’elle veut.
            M. B.
            A suivre
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            • #7
              suite

              Le Soir d’Algérie : Venons-en, à présent, à l’évolution de la coopération militaire et sécuritaire. La coopération, dans ce domaine, a-t-elle atteint le niveau stratégique ?
              MCM : Il faut distinguer, à ce sujet, deux domaines de coopération. La coopération sécuritaire, proprement dite, qui concerne notamment la lutte contre le terrorisme, d’une part, et, d’autre part, la coopération militaire au sens le plus classique du terme.
              Pour ce qui concerne la coopération sécuritaire, le partenaire essentiel, sinon exclusif, côté algérien, c’est le DRS, le département du renseignement et de la sécurité. Même la coopération avec les organismes de sécurité civile, tel le FBI, est de son ressort. En règle générale, la coopération sécuritaire porte sur ce qui a trait à la lutte contre le terrorisme international et l’échange d’informations pour la lutte contre la criminalité organisée à l’échelle internationale. Il existe, naturellement, des domaines d’échanges intenses concernant les groupes terroristes visant les intérêts américains et l’évolution de la situation sécuritaire dans le Sahel. Les autorités américaines sont, dans l’ensemble, élogieuses pour les relations de coopération entre les services de renseignement des deux pays. Les relations entre la CIA et la Sécurité militaire algérienne ont été inaugurées sous l’ère du président Chadli, dans les années quatre vingt, au moment où les services de renseignement algériens étaient cantonnés à des rapports exclusifs avec le KGB en URSS, la Securitate en Roumanie et la Direction générale Intelligentsia à Cuba. A l’époque, le président Chadli Bendjedid, qui souhaitait rompre le tête-à-tête algéro-soviétique, avait ordonné à la Sécurité militaire algérienne de coopérer avec, en particulier, les services de renseignement occidentaux, notamment, français, américains, britanniques et espagnols. Pour mémoire, le défunt général Mejdoub Lakhal Ayat fut le premier responsable de la Sécurité militaire algérien à effectuer, en 1984, une visite au siège de la CIA à Washington. Il noua, à cette occasion, de solides relations avec son vis-à-vis de la CIA. Ce cycle de contacts a été maintenu depuis avec, il est vrai, des déplacements concernant, plutôt, les responsables de second rang dans les services de renseignement des deux pays. Ne manquons pas de signaler, dans la lignée des nouveaux rapports algéro-américains engagés dans les années 1980, que la Sécurité militaire algérienne joua un rôle précurseur dans le lobbying — auprès des sphères d’influence et de décision américaines — en faveur de la cause du peuple sahraoui. La position des Etats-Unis d’Amérique sur le conflit du Sahara occidental était bien plus équilibrée qu’elle ne l’est maintenant. Soulignons que ces rapports directs entre chefs de services de renseignement ont pu pallier, parfois, les carences de l’appareil diplomatique algérien. Les attentats perpétrés le 11 septembre 2001 sur le territoire des Etats-Unis d’Amérique marquent la deuxième date importante dans les relations sécuritaires entre les deux pays. Par un concours extraordinaire de circonstances, le général de corps d’armée, Mohamed Mediène, chef du Département du renseignement et de la sécurité, peu porté sur les voyages à l’étranger, se trouvait en visite de travail à Washington au moment des attentats perpétrés le 11 septembre 2001. Cette première visite du chef du Renseignement algérien fut l’occasion d’établir un partenariat renforcé. Cette visite fut marquée par bien des égards du côté américain. Pour mémoire, le général Mediène fut reçu – fait exceptionnel – à trois reprises successives, lors du même séjour à Washington, par son homologue américain qui sollicita son avis sur les attentats terroristes qui venaient de cibler des sites emblématiques à New York et à Washington. Depuis lors, les services de renseignement américains ont accordé un statut marqué aux relations de coopération tissées entre les services de renseignement des deux pays, avec, côté algérien un statut d’exclusivité au DRS. L’appréciation américaine sur ces relations est, généralement, positive. L’ambassadeur américain Robert Ford, par exemple, a toujours loué, en aparté comme en public, le bilan de cette coopération même s’il la souhaitait plus substantielle encore. Vous pourriez rétorquer pourquoi, alors, à propos du DRS, l’ambassadeur américain a-t-il évoqué un «groupe épineux et paranoïaque avec lequel il est difficile de travailler». Deux pistes peuvent être prospectées à ce propos. Le DRS porte, incontestablement, l’empreinte de l’ex-KGB avec lequel la Sécurité militaire algérienne entretenait des rapports privilégiés. Il en est résulté un fonctionnement peu transparent, rigide et caractérisé par une méfiance excessive vis-à-vis des partenaires. Il est clair, de ce point de vue, que la coopération avec les services de renseignement américains n’est guère abordée publiquement, comme si elle était frappée de tabou. Par ailleurs, l’héritage des premières années de l’indépendance où la CIA, à l’instar des services de renseignement français, constituait la cible principale pour la sécurité militaire en Algérie, reste vivace. La mutation psychologique ne s’est pas encore matérialisée dans l’esprit des cadres du renseignement en Algérie. Il n’en reste pas moins que l’ambassadeur Robert Ford voulait, peut-être, cibler une propension prêtée aux services de renseignement algériens d’instrumentaliser la coopération de sécurité entre les deux pays pour exercer un contrôle politique sur la relation d’Etats de l’Algérie avec les Etats-Unis d’Amérique. Cette crainte paraît exagérée. Même si les instances officielles des Etats-Unis d’Amérique ont adopté le DRS comme partenaire privilégié dans le domaine de la coopération sécuritaire – et c’est le cas — et même s’ils lui reconnaissent un rôle stabilisateur dans un pays potentiellement imprévisible, il est improbable qu’elles lui concèdent le statut d’interlocuteur politique exclusif. D’une part, le président Abdelaziz Bouteflika ne s’y résignerait pas et, d’autre part, les Etats-Unis d’Amérique qui demeurent en prospection d’alternative au régime actuel ne se suffiraient pas de la vision restrictive que pourrait préconiser le DRS car il s’agirait d’une vision fondée plus sur «une gestion sécuritaire de la dynamique politique».
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              • #8
                Examinons, à présent, la coopération militaire bilatérale. Comment pourriez- vous la décrire ?

                La coopération militaire concerne les domaines usuels de la vente d’équipements, de la formation des cadres militaires ainsi que les manœuvres regroupant soldats algériens et américains au titre de l’initiative Pan Sahel. D’abord, les acquisitions d’équipements où la démarche semble laborieuse. Le plan de charges de l’acquisition de matériels demeure limité. Hormis l’achat déjà ancien d’avions de transport Hercule, quelques rares avancées ont été enregistrées dans des créneaux particuliers. Prenons, par exemple, la couverture radar aérienne. L’ambassadeur américain Robert Ford, toujours lui, déclarait en 2008 : «Pour peu que l’Algérie en fasse la demande, les Etats-Unis d’Amérique sont prêts à lui fournir des appareils sophistiqués pour la surveillance de ses frontières.» Depuis lors, la couverture aérienne a bien été confiée à des entreprises américaines. Mais dans un cadre commercial, c'est-àdire à des conditions financières moins avantageuses mais sans contrôle gouvernemental américain quant à l’utilisation des équipements acquis. C’est ainsi que la partie statique du dispositif de couverture aérienne a été acquise auprès de sociétés américaines, mais la partie dynamique qui concerne la riposte l’a été auprès d’entreprises de nationalité différente, russe, en particulier. Il est prématuré d’affirmer que la coopération militaire algéro-américaine relève du niveau stratégique. La présence russe en matériel et en hommes reste prépondérante dans l’armée algérienne, l’influence française dans le domaine de la formation n’est pas insignifiante. Parfois, la Chine aussi pour certains équipements militaires et des secteurs de formation déterminés. A l’exception des impératifs liés à la situation sécuritaire au Sahel, les Etats-Unis d’Amérique ne semblent pas, cependant, pressés. L’ambassadeur américain Robert Ford, toujours lui, a été suffisamment clair, dès juin 2008 : «Les rapports bilatéraux militaires avancent. Ils avancent lentement. Pas à pas. Nous ne sommes pas pressés.»
                Quelles sont les perspectives de renforcement pour cette coopération militaire ?

                L’évolution de la coopération militaire entre l’Algérie et les Etats-Unis d’Amérique semble emprunter un chemin sinueux et même laborieux. C’est un phénomène qui trouve son explication dans bien des aspects du mode de fonctionnement de l’Armée nationale populaire. N’oublions pas, tout d’abord, l’histoire. La coopération militaire avec les ex-pays communistes est un héritage qui remonte à la guerre de Libération nationale. Après la proclamation de l’indépendance, la coopération militaire avec la France était insignifiante, circonscrite à la professionnalisation d’officiers gendarmes et à la formation de base de jeunes officiers, nouvelles recrues. Nonobstant les formations limitées dans les pays arabes, c’était l’ex-URSS qui prédominait dans tous les domaines de la coopération militaire en Algérie. Dès 1962, l’héritage soviétique s’est imposé sans alternative. L’ex-URSS et les autres pays socialistes, membres du Pacte de Varsovie, étaient devenus les partenaires privilégiés de l’Algérie tant pour l’équipement en armements, la formation des officiers que l’appui aux missions opérationnelles. Pour des considérations politiques, techniques et subjectives, cette prédominance russe s’est imposée sans partage. Les pouvoirs publics en Algérie continuent de considérer que les positions internationales de la Russie sont plus en phase avec celles de l’Algérie. Ces mêmes pouvoirs considèrent, également, que les conditionnalités posées par la Russie à l’achat d’équipements militaires sont moins contraignantes que celles des partenaires occidentaux. Les officiers de commandement algériens ayant, enfin, été, en totalité, formés en Russie — pour au moins une partie de leur cursus —, ils conservent une relation subjective, inaltérable avec ce pays dont ils maîtrisent, le plus souvent, la langue. Au demeurant, dans la hiérarchie militaire actuelle, vous seriez bien en peine de déceler, à un niveau de commandement éminent, un officier général ayant subi une formation supérieure dans une école militaire américaine. Cette importante caractéristique des relations militaires algéro-américaines n’a, d’ailleurs, pas échappé à l’attention des responsables et experts des Etats-Unis d’Amérique. Auditionné le 11 octobre 1995, par la commission des Affaires étrangères de la Chambre des représentants, M. Bruce Riedel, deuxième homme au département de la Défense, avait établi un diagnostic incisif : «Les fortes relations nouées par les militaires algériens avec l’ancienne Union soviétique ne favorisent pas l’instauration de canaux de communication appropriés susceptibles de favoriser des relations solides, des relations de proximité et des relations mutuellement bénéfiques entre militaires algériens et militaires américains.» D’autres considérations viennent conforter cette préférence donnée à la Russie. Premièrement, la Russie a effacé une dette algérienne antérieure de quatre milliards de dollars tout en acceptant d’insérer ses relations avec l’Algérie dans une perspective stratégique jugée plus avantageuse. Deuxièmement, la Russie accepte de fournir à l’Algérie des équipements militaires de dernière génération sans restriction d’options et à un prix, largement, plus intéressant que celui proposé par les Etats-Unis d’Amérique. Troisièmement, la Russie ne soumet pas la vente de ces équipements militaires à la fameuse clause dite «d’utilisation finale» laquelle ne permet pas, en quelque sorte, à l’acquéreur de disposer librement de l’usage des moyens qu’il a acquis. La crainte est grande, côté algérien, que les Etats-Unis d’Amérique en viennent à interdire l’usage des armements acquis dans des opérations de répression interne ou de riposte à un ennemi extérieur, le Maroc par exemple Gardonsnous, cependant, d’être manichéens. Pour prendre vraiment la mesure de l’évolution de la coopération militaire entre les deux pays, il convient, sans doute, d’avoir à l’esprit cette remarque de bon sens émise, en juillet 2002 déjà, par le professeur William Quant qui fut membre du Conseil national de sécurité : «Qui se serait imaginé, il y a quelques années à peine, que le commandant de la VIe flotte américaine pourrait un jour se rendre en visite officielle à Alger ?» Il est, par ailleurs, utile de garder un paramètre présent à l’esprit. Il ne fait pas de doute que les militaires algériens, malgré leur retrait du champ politique, souhaitent, pour leur domaine de compétences, garder leur distance par rapport aux contingences qui peuvent guider la diplomatie algérienne sinon les instances civiles en général. La prudence est de mise qui les pousse jusqu’à dissocier peut-être dialogue stratégique militaire et dialogue stratégique civil qui se déroulent, en effet, séparément.

                Les Etats-Unis d’Amérique semblent nourrir, toutefois, quelques réserves sur l’engagement algérien, notamment au Sahel…

                Les Etats-Unis d’Amérique ont des objectifs sur le moyen et le long terme qui peuvent s’accommoder des contrariétés conjoncturelles. Les contrariétés par rapport à l’immédiat concernent, par exemple, le Sahel. Rappelons, à cet égard, que l’Algérie est liée aux Etats-Unis d’Amérique par des accords au titre du PSI (Pan Sahel Initiative) et de la TSCTI (Trans Saharian Counter Terrorism Initiative). L’Algérie a même participé à des opérations conjointes avec les autres pays africains concernés par ce mécanisme de sécurité régionale mis en place par les Etats-Unis d’Amérique. L’Algérie qui, rappelons-le, a refusé l’implantation de l’Africom sur son territoire national a aussi bien dénié au Maroc — allié majeur des Etats-Unis — le droit de se joindre au dispositif régional de lutte contre le terrorisme au Sahel. Sur le premier point, les Etats-Unis d’Amérique considèrent que l’Algérie, tout en s’inscrivant dans la logique des dispositifs de sécurité régionaux déjà mis en place, prend soin de ne pas trop s’impliquer opérationnellement. Le commandement de l’Africom, après une prospection infructueuse, est désormais implanté à Stuttgart. Ce qui importe, pour ce commandement opérationnel américain, c’est la mobilité des forces d’intervention avec une capacité de projection sur le terrain éprouvée. De manière pragmatique, les Etats-Unis d’Amérique ont pu définir un dispositif opérationnel – avec son soutien logistique – qui ne nécessite pas que des organes administratifs de l’Africom soient, forcément, implantés sur le continent africain. Pour le reste, les Américains, qui ont tenu à faire accéder le Maroc au statut d’allié majeur, non membre de l’OTAN, sont favorables à ce que ce pays se joigne au dispositif régional de lutte contre le terrorisme au Sahel. L’ambassadeur des Etats-Unis à Rabat, Samuel Kaplan, est clair lorsqu’il aborde la question de l’adhésion du Maroc au Cemoc – Comité d’étatmajor opérationnel conjoint institué au Sahel — : «S’il existe bien deux pays qui disposent de ressources pour coopérer, ce sont bien l’Algérie et le Maroc. Ils ont l’expertise et les équipements. Ils entretiennent des rapports avec les services de renseignement au niveau mondial. Le plus important, ce n’est pas tant d’être membre du Cemoc, conclut-il, le plus important c’est de trouver les moyens, pour que l’Algérie et le Maroc travaillent ensemble». Actuellement, l’intérêt des Etats-Unis d’Amérique est focalisé sur la crise au Mali avec les risques de renforcement de la présence d’Aqmi et de ses alliés et la possibilité que le foyer circonscrit au Nord- Mali ne s’étende à tout le Sahel et au-delà. La position de l’Algérie vis-à-vis de cette crise, c’est un véritable test aux yeux des responsables officiels américains.
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                • #9
                  Vous ne pensez pas que les Etats- Unis d’Amérique reprochent, également, à l’Algérie un manque de clarté autant dans sa politique de défense que dans sa doctrine diplomatique ?

                  L’Algérie, qui est à la croisée des chemins, n’a pas encore statué sur sa politique de défense et, pourrions-nous dire, elle refuse de le faire. Une politique de défense nationale, c’est l’identification de la menace externe avec la définition du mode d’organisation de la nation qui permet d’y faire face. La doctrine de défense, c’est la mise en œuvre opérationnelle des principes qui fondent la politique de défense nationale avec le choix de priorités en matière de taille des composantes de forces armées, des mécanismes de leur combinaison ainsi que la nature et le volume des systèmes d’armement à acquérir. Dans les pays développés où la notion de secret n’est pas galvaudée, la question fait l’objet de débats publics qui fondent le consensus national tout en impulsant l’esprit de défense. En Algérie, les pouvoirs publics font l’impasse sur cette problématique et organisent, juste pour la forme, des rencontres, dites scientifiques — au sein du Conseil de la nation, notamment – qui contournent, toujours, le questionnement réel qui interpelle la nation et ses élites. Actuellement, tout se passe comme si les instances publiques en Algérie avaient choisi de louvoyer. Comment concilier entre ce fameux article 25 de la Constitution qui interdit l’implication militaire hors du territoire national et la volonté de l’Algérie à assumer un rôle de puissance régionale lequel ne saurait se réduire à la seule dimension diplomatique ? De manière plus substantielle, l’Algérie va être interpellée, de plus en plus, en vue de se déterminer par rapport à l’impératif de s’intégrer, réellement, dans des mécanismes de sécurité régionale d’inspiration occidentale. Pourra-t-elle, à cet effet, trouver une alternative à un alignement qui se profile derrière l’OTAN alors qu’elle marque déjà le pas à propos du Dialogue méditerranéen ? La mondialisation ayant mis à mal aussi bien le concept de souveraineté nationale dans sa rigidité initiale que le phénomène de non-alignement, les deux blocs ayant laissé place à d’autres formes de structuration des puissances, quelle marge de manœuvre pour l’Algérie ? Les politiques de défense nationale s’inscrivent, désormais, dans des logiques de sécurité régionale liées à des impératifs fixés par les grandes puissances, en particulier par les Etats-Unis d’Amérique. Le même raisonnement pourrait s’appliquer à la doctrine diplomatique de l’Algérie mais nous aurons le loisir de nous y attarder lorsque nous aborderons le déphasage de l’appareil diplomatique algérien par rapport au monde réel.
                  M. B.
                  A suivre
                  The truth is incontrovertible, malice may attack it, ignorance may deride it, but in the end; there it is.” Winston Churchill

                  Commentaire


                  • #10
                    les interview interminables de MESBAH. c'est un bon truc pour s'endormir avant la fin. mais j'ai un bien meilleur truc pour m'endormir:

                    le DRS contrôle toute la Galaxie

                    Commentaire


                    • #11
                      Suite

                      Le Soir d’Algérie : Revenons aux grandes questions liées à la politique régionale. Comment s’ordonnent les positions respectives des Etats-Unis d’Amérique et de l’Algérie ?

                      MCM : Limitons-nous à trois questions essentielles. La sécurité et la stabilité du Sahel, le conflit du Sahara occidental et, enfin, la réalisation d’un marché économique maghrébin. Nous pourrions, in fine, examiner le processus de paix au Proche- Orient. Ce sont des questions diplomatiques où l’Algérie pourrait jouer un rôle.
                      A propos du conflit du Sahara occidental, Mme Hillary Clinton s’est alignée, quasiment, sur la position marocaine en déclarant que le projet d’autonomie du Sahara occidental était «une solution sérieuse, réaliste et crédible ». Le président Abdelaziz Bouteflika, pour sa part, s’en tient, pour le moment, à la position traditionnelle de l’Algérie qui pose comme préalable à toute solution au conflit, un référendum d’autodétermination du peuple sahraoui. Malgré la concertation permanente entre l’Algérie et les Etats-Unis d’Amérique sur la question, les perspectives d’un dénouement rapide de ce conflit ne sont pas — tant s’en faut — évidentes. Est ce la persistance de ce conflit qui bloque la construction du Maghreb et, partant, la réalisation de ce marché économique magrébin tant attendu côté américain ? Rappelons que le PIB global des pays du Maghreb s’élève à 380 milliards de dollars pour 90 millions d’habitants et un taux dérisoire de 2% pour les échanges sont intermaghrébins. Conscients de cette opportunité, les Etats-Unis d’Amérique avaient tenté, dès 1998, de favoriser la mise en place d’un cadre multilatéral ou s’intégreraient leurs relations avec les pays maghrébins. C’est en cette circonstance que vit le jour la fameuse initiative Eisenstadt, du nom du sous-secrétaire d’Etat au commerce américain. Il s’agissait de relier entre eux les trois pays maghrébins majeurs, Algérie, Maroc et Tunisie — à travers des projets d’échanges commerciaux communs avec les Etats-Unis d’Amérique. La mise en œuvre de cette initiative américaine impliquait, nécessairement, la suppression des bannières douanières et l’assainissement des relations bilatérales entre l’Algérie et le Maroc. Aucune avancée substantielle n’a été effectuée sur ces deux plans, même si les Etats-Unis d’Amérique font pression systématiquement pour une réouverture rapide de la frontière algéro-marocaine. Comme le processus de paix au Proche- Orient est bloqué, l’Algérie est exemptée de devoir y contribuer. Bien que son aura diplomatique ne soit plus celle d’antan, pourtant, l’Algérie, ayant été le soutien emblématique de la cause palestinienne, était créditée de la capacité d’influer sur l’opinion publique arabe. S’étant placée en retrait par rapport à cette cause considérée auparavant «sacrée», l’Algérie s’est, de facto, disqualifiée pour jouer le rôle qui en était espéré. Nous avons vu, par exemple, se chevaucher les positions de M. Abdelkader Hadjar, ambassadeur auprès de la Ligue arabe plutôt hostile aux thèses américaines sur la question et celles du ministère des Affaires étrangères soucieux de ne pas heurter frontalement les Etats-Unis d’Amérique. Le plus significatif, pour illustrer l’ambivalence de la position algérienne sur cette question, consiste, certainement, à relever que M. Abdelaziz Bouteflika, véritable chef de la diplomatie algérienne, laisse, volontiers, persister l’ambiguïté…

                      Existe-t-il une convergence diplomatique entre les Etats-Unis d’Amérique et l’Algérie ?

                      Si vous voulez faire allusion à un statut d’allié stratégique pour l’Algérie, nous en sommes loin. Un statut d’allié stratégique, à l’image de celui dont bénéficie le Maroc, implique des engagements internes et externes. L’Algérie refuse de se plier à cette contrainte. Une politique de rapprochement stratégique avec les Etats-Unis d’Amérique se fonde sur une cohérence globale impliquant un équilibre entre les facteurs internes et les facteurs externes. Je me souviens, de ce point de vue, de la discussion que j’ai eue avec l’ambassadeur américain à Alger, M. Cameron Hume, dans les années 1980. J’entrepris de recueillir son avis, en effet, sur l’article publié par la célèbre revue américaine Foreign Affairs à propos du statut qui aurait été celui de l’Algérie comme «Etatpivot de la politique extérieure américaine». M. Cameron Hume jugea l’affirmation sans fondement en me répondant avec une franchise hilarante : «L’article de Foreign Affairs? Des spéculations d’académiciens !» Il poursuivit, alors, «L’Algérie n’est pas un Etat-pivot de la politique extérieure américaine. Elle peut le devenir à condition qu’elle en verse le prix». Il existe une convergence d’intérêts qui lie l’Algérie aux Etats-Unis d’Amérique en matière de lutte contre le terrorisme mais qui ne préjuge en rien des positions respectives des deux pays sur les grandes questions diplomatiques. Et pour cause, à bien des égards, la diplomatie algérienne en est encore à l’heure de la guerre froide. M. Abdelaziz Bouteflika a bien déclaré, en 2008, au général William Ward, commandant de l’Africom : «L’Algérie souhaite être un partenaire stratégique pas un adversaire des Etats-Unis d’Amérique.» Cela semble avoir été un vœu plus qu’un engagement. Ce constat est révélateur des incertitudes qui peuvent entourer le dialogue stratégique algéro-américain lequel pourrait juste servir d’alibi pour enrober les impératifs de la coopération sécuritaire.
                      The truth is incontrovertible, malice may attack it, ignorance may deride it, but in the end; there it is.” Winston Churchill

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                      • #12
                        C’est en raison de cette coopération sécuritaire que le régime algérien continue de bénéficier des faveurs des Etats- Unis d’Amérique, voire d’autres pays occidentaux, comme la France ?

                        Vous parlez des faveurs des puissances occidentales comme si celles-ci bâtissaient leurs politiques étrangères sur la base de considérations sentimentales. Encore une fois, c’est l’impératif de défense de leurs intérêts vitaux qui détermine les politiques étrangères de ces puissances. Nous avons examiné les centres d’intérêt qui retiennent l’attention des Etats-Unis d’Amérique en Algérie. La France partage les mêmes centres d’intérêt mais élargis, cependant, à d’autres domaines. En raison de la proximité géographique, de l’héritage historique et d’une certaine communauté linguistique. Pour les Etats-Unis d’Amérique, la coopération sécuritaire, en effet, est essentielle. Autant la feuille de route stratégique américaine pour l’Algérie peut être, plus ou moins, décryptée, autant celle de la France – l’Union européenne étant à la traîne – reste ambiguë. Quelle est la politique arabe, méditerranéenne ou africaine de la France ? L’héritage gaullien semble avoir été si peu préservé. Dans le cas de l’Algérie, c’est l’accessoire qui transparaît à travers une feuille de route trop marquée par une propension morbide à vouloir tout focaliser sur des objectifs mercantiles. Cette préoccupation ressort, clairement, dans le câble diplomatique révélé par Wikileaks portant sur l’échange intervenu, en janvier 2008, entre les ambassadeurs français — François Bajolet — et américain — Robert Ford — à Alger. L’échange ayant pour objet le troisième mandat de M. Abdelaziz Bouteflika, l’ambassadeur français, après avoir insisté sur l’absence d’alternative à cette réélection, précisait, aussitôt, que, de toute manière, l’intérêt stratégique de la France en Algérie portait sur «la stabilité économique et la croissance». Il faut espérer, pour la France aujourd’hui, que M. François Hollande apporte à la politique algérienne de son pays les inflexions majeures qu’il faut. D’essence stratégique, naturellement.

                        Cette tournure de l’entretien nous conduit, justement, à comparer l’expertise des Etats-Unis d’Amérique et de la France pour ce qui concerne l’Algérie. L’expertise française sur l’Algérie continue-t-elle, à ce propos, d’imprégner la perception américaine ?

                        L’influence française sur la perception américaine de la situation en Algérie semble, désormais, moins forte. L’expertise française était, largement, mise à contribution comme source de documentation académique, voire comme outil de référence pour la prise de décision politique. L’expertise française présente l’inconvénient de recourir à un prisme déformant, celui de l’héritage colonial qui altère l’objectivité de l’analyse scientifique. L’expertise française recourt, fréquemment, à des prénotions qui comportent un jugement dévalorisant sur la société algérienne. Les Etats- Unis d’Amérique, prémunis contre ce syndrome colonial, développent une approche moins idéologique, plutôt empirique, qui permet d’éviter les écueils que rencontre l’expertise française. Les Etats-Unis d’Amérique s’appuient pour l’évaluation de la situation en Algérie, sur les câbles diplomatiques, les rapports de renseignement – lors de la décennie noire jusqu’en 2000, ce sont, il est vrai, les services de renseignement français qui ont alimenté leurs homologues américains – et les études élaborées par les think tanks. Il existe, désormais, aux Etats-Unis d’Amérique de nombreux lieux de réflexion et d’analyse dédiés, spécialement, au monde arabe et musulman en général. Certains de ces centres de réflexion s’intéressent, de manière plus marquée, au Maghreb et à l’Algérie. Il serait fastidieux d’énumérer la liste de ces centres et de ces experts que le professeur William Quandt a eu l’amabilité de mettre à notre disposition. Signalons, cependant, «The American Institute for Maghrebian Studies (AIMS)», fondé en 1984 et regroupant les experts américains ou maghrébins. AIMS qui publie Journal of North African Studies dispose d’antennes implantées à Tanger (TALIM), Tunis (CEMAT) et Oran (CEMA).

                        En somme, les Etats-Unis d’Amérique disposent, désormais, de canaux d’information indépendants des réseaux français ?

                        Eloignons-nous, un moment, de l’aspect doctrinal et conceptuel de l’expertise américaine sur la société algérienne. C’est avec amusement, à cet égard, que j’ai lu sur la toile que des bloggeurs critiquaient la composition de la délégation des représentants de la société civile qui ont eu à rencontrer Mme Hillary Clinton lors de sa visite de février dernier à Alger. Lesdits bloggeurs reprochaient à la responsable américaine d’établir des contacts avec «une société civile pro-américaine», au sens d’élite artificielle coupée des profondeurs de la société algérienne. Comme si l’ambassade des Etats- Unis à Alger pouvait commettre, par manque de perspicacité, pareil impair. Il est probable que la composition restrictive de la délégation reçue par Mme Hillary Clinton avait, effectivement, les apparences d’une élite BCBG. Ce serait se méprendre sur le degré de connaissance des profondeurs de la société algérienne par l’ambassade des Etats-Unis d’Amérique à Alger. Contrairement à l’ambassade de France dont le réseau de relations se confine — en règle générale — à l’élite francophone, l’ambassade des Etats-Unis d’Amérique prospecte large, notamment au sein des élites anglophone et arabophone. L’ambassade des Etats-Unis d’Amérique à Alger est plus à l’écoute des pulsions du pays profond. Elle entretient, par exemple, un contact, dynamique et permanent, avec les quartiers populaires et insalubres de la capitale, où elle recrute personnels contractuels et vacataires.
                        The truth is incontrovertible, malice may attack it, ignorance may deride it, but in the end; there it is.” Winston Churchill

                        Commentaire


                        • #13
                          Vous semblez suggérer qu’il existe une face cachée de la politique américaine vis-à-vis de l’Algérie ?

                          Tout naturellement. Imaginer que les Etats-Unis d’Amérique se contentent des rapports officiels entretenus avec l’Algérie, c’est de la candeur. Les Etats-Unis d’Amérique ne peuvent faire autrement que de se préparer à un bouleversement probable de la situation politique en Algérie. Sans qu’il ne s’agisse, forcément, de précipiter ce bouleversement. Mais, pour verser dans le cynisme, disons que si le coup de pouce à cette évolution devenait nécessaire, il existe le fameux modèle de «Révolution pacifique» conçu par l’Américain Gene Sharpe, auteur de l’ouvrage de référence From Dictator Schip to Democratie. Un modèle largement expérimenté dans les pays de l’Europe orientale. Ce modèle comporte trois moments privilégiés. Premier moment, une campagne intensive de déstabilisation psychologique de l’autocrate ciblé et de son entourage. Deuxième moment, une action soutenue de sensibilisation en direction des élites politiques, sociales et culturelles du pays considéré. Troisième moment, la mise en œuvre d’un plan de contacts avec les chefs militaires et les responsables des services de sécurité de ce même pays pour les convaincre d’adopter, pour le moins, une attitude de neutralité face à une éventuelle «Révolution pacifique». Cela implique une immersion tous azimuts au sein de la société. Avec des applications qui varient selon les contextes spécifiques. Il est difficile d’imaginer, en effet, qu’une grande puissance comme les Etats-Unis d’Amérique allait se suffire, en Algérie, de diplomatie apparente. Il est normal que les Etats-Unis d’Amérique essayent de devancer les évènements pour en prendre, préventivement, le contrôle. A plus forte raison lorsque la préservation des intérêts américains, dans le pays considéré, l’exige.

                          Vous avez affirmé que le président Abdelaziz Bouteflika était redevable aux Etats-Unis d’Amérique pour sa réélection en 2004. Pouvez-vous étayer cette affirmation ?

                          Replongeons-nous dans le contexte d’époque, celui de 2004. Le président George Bush, qui venait de lancer le projet dit de «démocratisation du Grand-Proche- Orient», avait rencontré de vives résistances auprès de régimes potentiellement visés, ceux de l’Arabie saoudite, de l’Egypte et de la Tunisie. Ces pays-là assimilaient le projet américain à une ingérence dans leur souveraineté nationale. La réaction américaine fut prompte puisqu’il fut décidé de différer, temporairement, la mise en œuvre de ce projet. En Algérie, paradoxalement, l’élection de M. Ali Benflis, principal concurrent de M. Abdelaziz Bouteflika, présentait, dan ledit contexte, l’inconvénient de pouvoir constituer l’exemple d’une ouverture démocratique réussie dans un pays arabe autocratique. De l’élection éventuelle de M. Ali Benflis, pouvait résulter, alors, un effet d’entraînement sur le monde arabe qui aurait forcé la main aux Etats-Unis d’Amérique. Cette solution était d’autant moins acceptable que le président Abdelaziz Bouteflika semblait offrir, par rapport aux intérêts américains, des engagements avec de sérieuses garanties.

                          De quels engagements s’agit-il ?

                          Libéralisation de la législation des hydrocarbures, dénouement rapide du conflit du Sahara occidental et, enfin, participation déterminée au processus de paix au Proche-Orient lequel passe par la normalisation des relations avec Israël. Vous allez me contraindre à me livrer à des répétitions, ces engagements ayant déjà été examinés au cours de cet entretien. Mais pour l’utilité pédagogique, répétons-nous. A propos de la loi sur les hydrocarbures, M. Abdelaziz Bouteflika, après avoir tenu l’engagement de libéralisation, a fini, face à une forte pression interne, par se raviser. Tant que la manne financière que procure la vente des hydrocarbures met les pouvoirs publics à l’abri des pressions externes, le statu quo actuel pourra être préservé. A propos du conflit du Sahara occidental, quoi que puisse avoir été la volonté M. Abdelaziz Bouteflika de favoriser le dénouement de ce différend, il a dû reculer, probablement, devant la résistance de l’institution militaire, particulièrement des services de renseignement. Force est de constater, cependant, que l’activisme diplomatique traditionnel au profit de l’indépendance du Sahara occidental s’est dissipé. Sur le troisième point, le processus de paix au Proche-Orient, M. Abdelaziz Bouteflika, sans prendre d’initiative majeure, a gelé, de fait, les relations chaleureuses qui existaient entre l’Algérie et la résistance palestinienne. Pour s’être abstenu de trop s’aventurer sur ce terrain, peut-être a-t-il mesuré l’hostilité de l’opinion publique nationale pour tout rapprochement avec Israël ?

                          Revenons à votre argumentaire sur la place de l’Algérie dans l’agenda des priorités américaines. Pourquoi le changement de régime en Algérie ne serait pas une priorité dans cet agenda ?

                          Les Etats-Unis d’Amérique ne pourraient, totalement, occulter la situation actuelle en Algérie. C’est certain. Ils ont conscience du potentiel d’exaspération de la population aussi bien que de l’état d’obsolescence du régime. Simplement, les Etats-Unis d’Amérique sont focalisés, et pour cause, sur les évènements en cours en Syrie et sur l’évolution des choses en Egypte. Dans le cas de la Syrie, une interférence directe de l’Iran dans la crise qui secoue ce pays pourrait présenter un risque d’embrasement gravissime du champ de théâtre opérationnel que constitue, potentiellement, la zone concernée. Dans le cas de l’Egypte, un casus–belli entre la hiérarchie militaire et les Frères musulmans, majoritaires au Parlement et dans la vie politique nationale, pourrait provoquer une guerre avec Israël qui compromettrait, gravement, la stabilité régionale. Les Etats-Unis d’Amérique qui ne souhaitent pas faire face à plusieurs fronts, simultanément, peuvent-ils se permettre d’ouvrir un autre front au Maghreb, en Algérie, plus précisément, alors que, à proximité, la crise libyenne est loin d’être résorbée ? Improbable. Il apparaît plus urgent pour les Etats-Unis d’Amérique de faire face aux menaces de grave détérioration de la situation sécuritaire dans le Sahel et les pays limitrophes. Car, malgré tout ce qui peut être dit sur le sujet, les Etats-Unis d’Amérique, jusqu’à preuve du contraire, continuent de considérer que l’Algérie est un partenaire important dans la lutte contre le terrorisme et pour le maintien de la sécurité au Sahel. Ce qui pose problème, c’est moins la nature politique du régime algérien que la réticence de l’Algérie à accepter de se placer dans le mécanisme de sécurité régionale que veulent instaurer les Etats- Unis d’Amérique. Oui, dans la problématique des relations algéro-américaines, c’est, actuellement, le paradigme sécuritaire qui domine. Manière détournée de dire que l’impératif de démocratisation qui constitue, en apparence, le socle du projet du GMO n’est pas l’objectif essentiel dans la démarche américaine. Ce que, avec sa franchise de propos habituelle, précisait l’ancien secrétaire d’Etat américain, Henry Kissinger, ce 1er avril 2012 : «Pour les Etats, la doctrine de l’intervention humanitaire dans les révolutions est soutenable seulement si elle est en adaptation avec le principe de sécurité nationale.»
                          The truth is incontrovertible, malice may attack it, ignorance may deride it, but in the end; there it is.” Winston Churchill

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                          • #14
                            En somme, vous suggérez que les Etats-Unis d’Amérique feraient preuve de duplicité dans leur démarche vis-à-vis de l’Algérie…

                            Se peut-il que les Etats-Unis d’Amérique effacent de leur mémoire, avec autant de désinvolture, les péripéties vécues dans les pays arabes qui viennent de subir des bouleversements politiques de portée historique ? Ces pays arabes où de puissants dictateurs ont été chassés du pouvoir ? A priori, même si les autorités algériennes se montraient complaisantes sur les questions de politique étrangère, les Etats-Unis d’Amérique ne sauraient leur accorder un blanc seing, en bonne et due forme, pour ce qui concerne la politique interne. Les formules relatives aux progrès démocratiques dans le pays qu’énoncent les responsables officiels américains sont de pure circonstance. Peu importe que les autorités publiques algériennes les interprètent dans un sens extensif. Avez-vous pris la mesure des descriptions faites sur l’état des lieux en Algérie par l’ambassadeur américain Robert Ford ? «Un pays riche et un peuple malheureux.» C’est une formule qui a fait florilège. C’est un réquisitoire implacable contre le régime algérien. Par une formule sibylline dont les diplomates gardent le secret, l’actuel ambassadeur américain à Alger, Henry Ensher, laisse montrer qu’il n’en pense pas moins même si son langage est moins provocateur : «Lorsque nous (les Etats-Unis d’Amérique) enregistrons l’opportunité de changement d’un régime non démocratique vers une réelle démocratie, nous la saisissons pour soutenir cette démocratisation.» Dans le même ordre d’idées, rappelons l’exercice pédagogique, d’apparence amusante, auquel s’est livrée Mme Hillary Clinton lorsqu’elle a reçu les représentants de la société dite civile à l’ambassade américaine à Alger. Elle avait évoqué «un tabouret à trois pieds. Le premier pied, c’est un gouvernement responsable, efficace et qui rend compte à son peuple. Le deuxième pied, c’est un secteur privé dynamique ouvert sur le monde et capable de créer des emplois et des opportunités économiques pour son peuple. Le troisième pied, enfin, la société civile – des personnes comme vous et moi — qui œuvrent à améliorer la vie de leurs compatriotes». Il ne faut pas être grand clerc pour comprendre qu’elle voulait, implicitement, mettre en relief les retards accumulés par l’Algérie dans la mise en œuvre d’une société vraiment démocratique. La «Real politik» repose, aussi, désormais, sur l’inéluctabilité de l’évolution démocratique des sociétés soumises à des régimes autocratiques.

                            Quel pronostic pourriez-vous, finalement, formuler à propos de l’évolution des relations algéro-américaines ?

                            Nous voilà au centre de la problématique du dialogue stratégique algéro-américain. L’Algérie ne peut organiser son avenir en occultant le rôle essentiel que les Etats-Unis d’Amérique jouent sur l’arène internationale, c’est une évidence. Dans le même ordre d’idées, les Etats-Unis d’Amérique ne sauraient négliger le poids, même relatif, de l’Algérie en termes de potentiel économique, de richesses humaines, de rayonnement régional possible et de capacité de support à une politique dynamique de sécurité régionale. Bref, il existe, du côté algérien comme du côté américain, une volonté de consolider les rapports actuels mais, de part et d’autre, également, il existe une certaine raideur. Le meilleur témoignage de cette raideur, côté algérien, c’est le refus, clairement affiché, à recevoir l’Africom sur le territoire algérien. A tenir compte de la fin avérée de la guerre froide et de l’échec consommé du non-alignement, le renforcement des relations algéro-américaines apparaît, néanmoins, comme une perspective incontournable. La perspective de voir les relations entre l’Algérie et les Etats-Unis d’Amérique se hisser au niveau stratégique, ce n’est ni un mal absolu, ni un bien absolu. Les Etats- Unis d’Amérique, contrairement à l’Algérie, disposent, probablement, d’une feuille de route de portée stratégique. Cette feuille de route subit des adaptations, de manière pragmatique, en fonction de l’évolution de la conjoncture en Algérie. Comment, cependant, pourraient évoluer, à court et moyen terme, les relations algéro-américaines ? Deux scénarios peuvent être envisagés qui constituent, l’un et l’autre, une solution extrême qu’il serait souhaitable de récuser. Premièrement, c’est la solution du raidissement pathologique des autorités algériennes à l’endroit du renforcement de la coopération avec les Etats-Unis d’Amérique, non pas tant pour des considérations idéologiques, que pour ne pas être engagé par un coût politique connexe excessif. Deuxièmement, c’est la solution de la soumission totale des autorités officielles algériennes à l’égard des Etats-Unis d’Amérique, notamment pour ce qui touche aux domaines sécuritaire et diplomatique, soumission qui serait une prime à verser pour garantir une caution internationale au régime en place. C’est entre ces deux solutions qu’il faut prospecter un scénario qui permette l’établissement d’une relation stratégique entre les Etats-Unis d’Amérique et l’Algérie sans porter atteinte aux intérêts vitaux de l’un ou l’autre pays. Il faudrait, dans ce contexte, que la conduite de la diplomatie algérienne réponde à la défense des intérêts supérieurs de l’Algérie pas à la sauvegarde d’intérêts restreints d’un clan ou d’un pôle de pouvoir. S’il faut céder à l’émotion, rappelons, volontiers, l’envolée du président Joseph Fitzgerald Kennedy ce 2 juin 1961 : «Chers compatriotes américains, ne demandez pas à votre pays ce qu’il peut faire pour vous. Demandez-vous ce que vous pouvez faire pour lui.» Puisse émerger, dans notre pays, ce leader algérien capable de s’adresser, ainsi, à son peuple : «Un partenariat stratégique algéro-américain est possible, à condition qu’il ne porte pas préjudice aux intérêts vitaux de l’Algérie.»
                            M. B.
                            A suivre
                            The truth is incontrovertible, malice may attack it, ignorance may deride it, but in the end; there it is.” Winston Churchill

                            Commentaire


                            • #15
                              suite et fin

                              Le Soir d’Algérie : Quelle importance accorder à la dimension humaine, celle des communautés établies dans l’un et l’autre pays, dans les rapports algéroaméricains ?

                              MCM : Pour la communauté algérienne établie en Algérie, les informations sont indisponibles. Mais cette communauté doit être d’importance numérique marginale. La communauté algérienne résidant aux Etats- Unis d’Amérique regroupe quelque 30 000 personnes dont seulement 20 000 sont immatriculées au niveau des services consulaires de l’ambassade d’Algérie à Washington. Schématiquement, il peut être distingué deux vagues successives d’immigrés.
                              La première se compose, principalement, de cadres et d’étudiants établis aux Etats-Unis où ils avaient terminé leurs études. La deuxième, plus hétérogène, comporte les «harraga» – émigrés parvenus clandestinement aux Etats-Unis d’Amérique – et les bénéficiaires de la fameuse loterie organisée par les services américains de l’immigration. De nombreux émigrés algériens résidant aux Etats-Unis d’Amérique sont originaires d’Arzew, port méthanier de l’Ouest algérien où ils ont embarqué clandestinement à bord de navires qui se dirigeaient vers le territoire américain. Les principaux centres régionaux d’implantation de la colonie algérienne sont le nord-est des Etats-Unis (New York, Boston, Massachusetts) ainsi que le sud-ouest (Californie, Los Angeles et San Francisco). A Chicago, il existe, également, de nombreux ressortissants algériens qui ont choisi cette région connue pour la production de voitures et qui abrite une forte colonie arabe. L’origine régionale des émigrés algériens établis aux Etats-Unis d’Amérique se fait sentir, parfois. A Philadelphie et à Baltimore, par exemple, les Algériens originaires de Médéa prédominent. Pour le reste, ce sont des Algériens originaires de l’Algérois et de la Kabylie qui constituent le plus gros des immigrés. Les Algériens se regroupent, souvent, en associations à caractère culturel qui activent dans différents domaines comme, par exemple, l’épanouissement de la culture berbère. Les associations qui évoluent sous le couvert de l’ambassade d’Algérie et qui présentent un caractère peu ou prou officiel sont moins dynamiques. Les informations sur la colonie américaine en Algérie ne sont pas disponibles et il est difficile de se livrer à une analyse qui relèverait de la spéculation.

                              Souvent, les relations algéro-américaines ont eu à souffrir de la qualité des diplomates algériens en charge de la mission de représentation à Washington. Vous pensez, vraiment, que le choix des ambassadeurs algériens à Washington est l’élément déterminant dans le cours des relations algéro-américaines ?

                              D’abord, il faut relativiser, tout de même, le rôle des ambassadeurs. Ils ne pourront, jamais, à eux seuls, suppléer aux graves dysfonctionnements de l’appareil diplomatique lorsqu’ils se produisent. Ensuite, l’Algérie a dépêché à Washington de brillants ambassadeurs parmi lesquels MM. Chérif Guellal, Redha Malek, Layachi Yaker et Mohamed Sahnoun qui sont des diplomates chevronnés. Pour aussi brillants que furent les diplomates algériens, cependant, la diplomatie algérienne a connu des carences. Ces carences étaient résorbées par l’intervention de médiateurs, des facilitateurs non institutionnels. Sous le président Houari Boumediène, c’était l’homme d’affaires, Messaoud Zeggar, qui était à la tâche. Il était secondé par Chérif Guellal, premier ambassadeur à Washington, devenu figure marquante de la jet society américaine. Après la rupture des relations diplomatiques entre l’Algérie et les Etats-Unis, Chérif Guellal devint le représentant de Sonatrach à Washington formant un duo parfait avec Messaoud Zeggar. Sous le président Chadli Bendjedid, c’était l’homme d’affaires libyen Omar Yahia qui assurait cette médiation. Très lié à l’ancien président Bush, auparavant directeur de la CIA, Omar Yahia concentra son rôle d’interface à la présidence de la République et au ministère de la Défense nationale, accessoirement, aux services de renseignement. Aucune personnalité, sous la présidence de M. Abdelaziz Bouteflika, n’a assumé cette tâche, sauf à considérer que l’ancien ministre de l’Energie, M. Chakib Khellil, jouait ce rôle, de facto, en raison de son carnet d’adresses dans les milieux pétroliers américains.
                              The truth is incontrovertible, malice may attack it, ignorance may deride it, but in the end; there it is.” Winston Churchill

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