Et si on se souciait du futur n°1 chinois ?

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Les Français sont obnubilés par les élections américaines de mardi prochain. Qui sera président des Etats-Unis pendant les quatre prochaines années ? Obama ou Romney ?
Mais personne ne semble se soucier de Xi Jinping, le successeur de Hu Jintao, qui deviendra jeudi, à l’issue du congrès du parti communiste, le nouveau n°1 chinois.
Certes, les Etats-Unis restent la plus grande puissance économique et militaire de la planète, mais la Chine comptant quatre fois plus d’habitants, une croissance trois ou quatre fois supérieure et des armes de destruction massive à ne plus savoir où les mettre, l’avenir ne penche-t-il pas résolument de son côté ?
La France importe déjà plus de produits chinois que de produits américains. Le poids des Etats-Unis dans les affaires internationales se réduit de plus en plus. Il n’y a que dans l’industrie du divertissement que leur influence reste déterminante, du moins en Europe. D’où l’importance, peut-être excessive, que nous accordons à ces élections présidentielles. C’est leur côté showbiz qui nous captive, pas l’enjeu politique.
Les Etats-Unis ont-ils encore l’importance que nous leur accordons ? C’est un débat. Peut-être notre familiarité avec ce pays nous induit-elle en erreur. Peut-être nous apercevrons-nous dans quatre ans que la personnalité de Xi Jinping a eu davantage d’influence sur nos vies de Français que celle du prochain président américain, qu’il s’agisse d’Obama ou de Romney…
Frédéric Taddeï Directeur éditorial de Newsring

[nacer-eddine06]

Ce qui se passe actuellement en Chine est extrêmement important pour le monde

L'élection américaine est devenue une élection mondiale. Il y a quatre ans, l'élection du président Obama a en effet été célébrée mondialement. Les Américains, pour la plus grande part, étaient fiers de son élection, les Africains avaient le sentiment que le président américain était devenu africain, même les Indonésiens saluaient cette victoire... Tout se passait comme si Obama avait été un leader transfrontière. Or il a été et il reste un leader américain.
Ce bonheur de la démocratie fait qu'on partage les échéances et les suspens de l'élection. Quand celle-ci est serrée, le monde entier est en haleine et participe à cet évènement comme s'il concernait l'ensemble des différents pays. En France, cette élection nous passionne et nous concerne, alors qu’en Chine, la sélection s'organise de façon autonome puisqu’elle n'est pas évènementielle et qu’ elle a été préparée depuis longtemps.
Nous savons depuis cinq ans que Monsieur Xi Jinping sera Président et que Monsieur Li Keqiang sera le Premier ministre chinois. Ces deux personnalités ont eu cinq ans pour se préparer, voyager, écouter, rencontrer. Cette passation est organisée dans une discrétion politique internationale et personne n’est vraiment informé des détails processus de décision au sein du Parti communiste chinois. D'ailleurs Monsieur Xi Jinping a rencontré assez peu de Français depuis qu'il est vice-président et il est encore un inconnu pour un grand nombre de dirigeants mondiaux en comparaison des leaders politiques occidentaux, connus depuis longtemps. Voilà pourquoi nous nous trouvons dans cette situation ; d'un côté nous disposons de toutes les informations - c'est tout juste si on ne suit pas en direct à la télévision les élections américaines - et de l'autre le déficit d’information fait qu’on ne se passionne guère pour la situation en Chine.
Ce qui se passe actuellement en Chine est cependant extrêmement important pour le monde et pour l'Europe. Le fait qu'un nouveau dirigeant, réputé pragmatique et connu pour être un homme de terrain - il dit lui-même qu'il est a "les pieds dans la terre jaune" - ait gravi les échelons du parti les uns après les autres et arrive au pouvoir après dix ans de présidence de Hu Jintao ne peut être sans conséquences. Xi Jinping devrait probablement orienter la Chine vers plus d'efficacité économique et vers des réformes importantes pour la société chinoise.
L’équipe qui va arriver au pouvoir est donc extraordinairement bien préparée. C’est la grande différence entre les régimes autoritaires et les démocraties. Au sein des régimes autoritaires, les équipes - désignées longtemps à l’avance - ont tout loisir de se préparer à l’exercice du pouvoir. Ce qui n’est pas le cas dans les démocraties, où les alternances politiques sont possibles.
Je ne sais pas s'il y aura une alternance aux Etats-Unis, mais en France nous avons une alternance politique pacifique ; c’est la force de nos démocraties, et ce dont les régimes autoritaires sont incapables.
Pour la France l’élection américaine est importante. Les Chinois n'ont pas, comme les Etats-Unis, l’ambition d’établir leur suprématie sur le monde. Les Etats-Unis se voient comme les gendarmes du monde, c’est à dire ceux qui sont en charge de la sécurité. La Chine a une ambition très différente, elle cherche à garantir sa propre sécurité et son propre développement. L'ambition de la Chine la concerne elle-même avant tout, à la différence des Etats-Unis.
L'unité et la stabilité sont des priorités chinoises. La Chine souhaite un monde multipolaires, équilibré entre les différentes puissances : l'Amérique, l'Asie, etc. Elle souhaite non pas qu'une puissance impose sa paix sur les autres, mais qu'il y ait un équilibre entre les différentes puissances.
Nous sommes intégrés dans la stratégie chinoise, elle a besoin d'une Europe forte pour équilibrer le monde; nous avons tout intérêt à nous intéresser au devenir de la Chine. Sur le plan économique, elle est déjà la 2e économie du monde et sur le plan politique elle a une influence grandissante.
J'ajouterais que sur le plan de la pensée politique, au sens le plus noble du mot, il y a dans la pensée chinoise, dans le confucianisme, des racines culturelles très importantes. Nous devons prendre conscience que les jeunes générations européennes seront sous influence de l’Asie, comme il en a été pour les générations précédentes, influencées par l’Amérique. Je milite donc pour que les jeunes Français appréhendent cette part d’Asie inscrite dans leur avenir. Dans la culture asiatique, il y a des choses positives et il y des choses auxquelles nous devons résister. En tout état de cause il nous faut rester nous-mêmes et avoir confiance en nos propres valeurs tout en nous intéressant de près à cette émergence d'un pays d'1,3 milliard de personnes, une civilisation de plus de 5000 ans. Intéressons-nous donc à ce peuple intelligent et travailleur qu'il serait stupide de mésestimer tant il est important pour l'avenir du monde.
Jean-Pierre Raffarin