Algeriepatriotiqu : Vous avez réagi à notre article sur le détournement de l’argent du pétrole algérien, en évoquant un contrat signé entre Anadarko et Sonatrach à Londres en 1999. Pouvez-vous nous en dire plus ?
Zahir Serraï : Oui. Cette histoire a fait du bruit au niveau des institutions légales en Algérie pendant quelque temps, puis, sur ordre de la «boîte noire», le dossier fut clôturé sans résultat. Les sources de ce litige remontent à 2006, l’année où le gouvernement algérien, voyant la hausse continue du prix du baril, avait décidé d’introduire une taxe sur les profits exceptionnels (TPE) réalisés par les compagnies pétrolières étrangères opérant en Algérie. La compagnie pétrolière américaine Anadarko s’est opposée à cette taxe et a menacé Sonatrach de recourir à l’arbitrage d’un tribunal international. Elle a obtenu ce qu’elle réclamait devant l’incompétence des stratèges de Sonatrach sur la scène internationale.
Dans les clauses de l’accord, Sonatrach devrait payer une compensation de l’ordre de 6,4 milliards de dollars à Anadarko, loin du chiffre avancé par Chakib Khelil. Malgré cette catastrophe, les dirigeants de Sonatrach exprimaient leur soulagement et leur satisfaction, déclarant, avec fierté, que la loi sur les TPE restera en vigueur et que cette loi, instaurée en 2006, leur a permis de gagner 15 milliards de dollars durant la période 2006-2011. Suite au détournement de plusieurs milliards de dollars par les brokers (intermédiaires) de cette compagnie dans laquelle l’ex-ministre de l’Energie et des Mines, Chakib Khalil, détient 28% du chiffre d’affaires, avec son ami Jonathan Woodward (inconnu du public financier aux USA et en Algérie) qui était l’homme clé de cet accord, l’Algérie a été sanctionnée comme les lobbies américains le souhaitaient. Je soupçonne ce Woodward d’être un agent américain qui avait pour mission la déstabilisation de notre économie. Dans une expertise confidentielle de l’Organisation internationale de notation – où je suis consultant –, suite à une demande de Sonatrach d’une évaluation technique et financière, on peut lire : «Le directeur d’Anadarko a commenté l’accord en disant que les concessions ont été faites de part et d’autre» et, dans un style de langage marketing, il a dépeint les gisements pétroliers algériens comme un «futur eldorado». Mais n’oublions pas que nous vivons dans un pays qui vit sous le dogme de l’opacité et qui est gouverné par la politique des coulisses. En toute connaissance de cause, je considère que le montant de compensation de 6,4 milliards de dollars que Sonatrach a versé à Anadarko est une arnaque montée par Khelil et Woodward. Si Sonatrach avait accepté l’arbitrage international, elle n’aurait pas été contrainte de payer des dommages et intérêts dépassant le 1,8 milliard de dollars comme il fut décidé en dehors de la cour. Comme d’habitude, j’utilise un langage économique avec des chiffres comme preuve. Anadarko est une compagnie que les dirigeants de Sonatrach ainsi que certains médias algériens nous décrivent comme un géant pétrolier. Mais, en réalité, ce n’est qu’un petit acteur sur la scène pétrolière internationale et un «broker» de seconde classe.
Anadarko est une compagnie pétrolière américaine spécialisée dans l’exploration et l’exploitation des gisements pétroliers et gaziers. Chakib Khelil est actionnaire dans cette compagnie à 28% du capital de base. Aux USA, l’activité d’Anadarko se localise dans des gisements de l’Alaska et du golfe du Mexique, et à l’étranger, elle est implantée dans plusieurs pays, dont les principaux sont l’Algérie, le Brésil, la Chine, le Ghana, le Mozambique et Trinidad. Faisons maintenant connaissance avec son identité financière. APC est le symbole boursier d’Anadarko. En 2010, Anadarko a réalisé un chiffre d’affaires de 21,65 milliards de dollars. La même année, Sonatrach a fait un chiffre d’affaires de 95 milliards de dollars, et la compagnie pétrolière française Total 170 milliards de dollars. En tant qu’économistes et analystes indépendants, mes collègues et moi, nous nous posons cette question : que représentent ces 6,4 milliards de dollars pour Anadarko ? Ce sont, en fait, plus de 5 ans de bénéfices (en se référant au bénéfice net de 2010 qui est de 961 millions de dollars). Ils représentent 42% du chiffre d’affaires d’Anadarko pour 2010 et presque la totalité du cash-flow net de son activité opérationnelle de la même année.
Passons maintenant à une autre vérité contenue dans le rapport financier d’Anadarko pour l’année 2010, un rapport destiné aux investisseurs boursiers et contrôlé par la SEC, qui est le policier de la Bourse américaine, et qui va jeter des doutes sur la crédibilité des déclarations des dirigeants de Sonatrach. Sous le titre «Curent Foreign Income Tax», on lit ceci dans le rapport : «En 2010, Anadarko a payé 738 millions de dollars d’impôts pour ses activités à l’étranger ; en 2009, l’impôt payé était de 509 millions de dollars et 1,891 milliard de dollars pour l’année 2008». Anadarko a payé 738 millions de dollars d’impôts dans tous les pays, dont l’Algérie, où elle a des activités. Alors, on peut se demander combien Anadarko a payé à Sonatrach en 2010. Ce serait un chiffre qui, probablement, ne dépasserait pas 300 millions de dollars et, dans le même ordre d’idées, quelle serait la TPE versée par Anadarko à Sonatrach en 2010, sachant que la TPE n’est qu’une portion de l’impôt global ? La valeur des actifs d’Anadarko pour l’année 2008 était de 59,92 milliards de dollars, 57,12 milliards de dollars pour 2009, et 71,55 milliards de dollars pour 2010, alors que les bénéfices d’Anadarko n’ont pas subi l’effet yoyo durant la période allant de 2007 à 2010. Alors, où est cette dépréciation d’actifs ? Je pose cette question aux responsables d’Anadarko et à M. Chakib Khelil. Ce dernier a introduit cette compagnie dans un marché algérien rongé par la corruption. 17 milliards de dollars ont été tirés des caisses de la Sonatrach, à son profit et à celui de ses proches, dont son fils, ainsi qu’à plus de 84 cadres de Sonatrach dont son représentant à Londres qui gère toutes les opérations illicites qui portent atteinte à l’économie de notre pays. Tous les chiffres contenus dans cette déclaration - que j’assume - sont déclarés par Anadarko dans ses rapports financiers annuels confidentiels et contrôlés par la SEC, mais je sais qu’ils sont falsifiés en Algérie depuis 2011.
La branche des hydrocarbures est en tête des secteurs touchés par la corruption. Pourquoi ? Est-ce parce qu’elle est la première source de revenus du pays ou y a-t-il une espèce de virus de l’immoralité qui contamine tous les responsables qui s’y «frottent» ?
En Algérie, la lutte contre la pratique des pots-de-vin se trompe souvent de cible. Le gouvernement s'attaque à des multinationales occidentales et aux cadres supérieurs nationaux au risque d'affaiblir l'activité du pays. Mais avons-nous vu un procès à l’échelle nationale de ces cadres de l’Etat ? La lutte contre la corruption généralisée et l'obsession du gouvernement à limiter les transferts de devises vers l'étranger plombent l'économie du pays ; elles deviennent une source de suspicion à tous les niveaux. Prenons la Sonelgaz comme exemple de la catastrophe du mois de mars 2012.
Les gestionnaires de Sonelgaz sont devenus des criminels qui passent leur temps à courir entre les services des Douanes de lutte contre la fraude et les tribunaux. Les services des Douanes ont multiplié ces dernières années les enquêtes visant de hauts responsables du géant énergétique algérien, soupçonnés de majoration des importations pour transfert illicite des devises vers l'étranger. Outre Sonelgaz, le groupe pharmaceutique français Sanofi est également ciblé par les Douanes algériennes. Le 2 mai dernier, un tribunal algérien avait condamné la filiale algérienne du géant français à 20 millions d'euros d'amende et son directeur général Thierry Lefebvre à une année de prison avec sursis pour surfacturation de produits importés. L’autre problème jamais diagnostiqué jusqu’à maintenant, est celui des armateurs qui ne veulent plus facturer en monnaie locale, et ce, suite à la dévaluation du dinar algérien et la création du marché informel par l’ex-gouvernement Ouyahia.
Zahir Serraï : Oui. Cette histoire a fait du bruit au niveau des institutions légales en Algérie pendant quelque temps, puis, sur ordre de la «boîte noire», le dossier fut clôturé sans résultat. Les sources de ce litige remontent à 2006, l’année où le gouvernement algérien, voyant la hausse continue du prix du baril, avait décidé d’introduire une taxe sur les profits exceptionnels (TPE) réalisés par les compagnies pétrolières étrangères opérant en Algérie. La compagnie pétrolière américaine Anadarko s’est opposée à cette taxe et a menacé Sonatrach de recourir à l’arbitrage d’un tribunal international. Elle a obtenu ce qu’elle réclamait devant l’incompétence des stratèges de Sonatrach sur la scène internationale.
Dans les clauses de l’accord, Sonatrach devrait payer une compensation de l’ordre de 6,4 milliards de dollars à Anadarko, loin du chiffre avancé par Chakib Khelil. Malgré cette catastrophe, les dirigeants de Sonatrach exprimaient leur soulagement et leur satisfaction, déclarant, avec fierté, que la loi sur les TPE restera en vigueur et que cette loi, instaurée en 2006, leur a permis de gagner 15 milliards de dollars durant la période 2006-2011. Suite au détournement de plusieurs milliards de dollars par les brokers (intermédiaires) de cette compagnie dans laquelle l’ex-ministre de l’Energie et des Mines, Chakib Khalil, détient 28% du chiffre d’affaires, avec son ami Jonathan Woodward (inconnu du public financier aux USA et en Algérie) qui était l’homme clé de cet accord, l’Algérie a été sanctionnée comme les lobbies américains le souhaitaient. Je soupçonne ce Woodward d’être un agent américain qui avait pour mission la déstabilisation de notre économie. Dans une expertise confidentielle de l’Organisation internationale de notation – où je suis consultant –, suite à une demande de Sonatrach d’une évaluation technique et financière, on peut lire : «Le directeur d’Anadarko a commenté l’accord en disant que les concessions ont été faites de part et d’autre» et, dans un style de langage marketing, il a dépeint les gisements pétroliers algériens comme un «futur eldorado». Mais n’oublions pas que nous vivons dans un pays qui vit sous le dogme de l’opacité et qui est gouverné par la politique des coulisses. En toute connaissance de cause, je considère que le montant de compensation de 6,4 milliards de dollars que Sonatrach a versé à Anadarko est une arnaque montée par Khelil et Woodward. Si Sonatrach avait accepté l’arbitrage international, elle n’aurait pas été contrainte de payer des dommages et intérêts dépassant le 1,8 milliard de dollars comme il fut décidé en dehors de la cour. Comme d’habitude, j’utilise un langage économique avec des chiffres comme preuve. Anadarko est une compagnie que les dirigeants de Sonatrach ainsi que certains médias algériens nous décrivent comme un géant pétrolier. Mais, en réalité, ce n’est qu’un petit acteur sur la scène pétrolière internationale et un «broker» de seconde classe.
Anadarko est une compagnie pétrolière américaine spécialisée dans l’exploration et l’exploitation des gisements pétroliers et gaziers. Chakib Khelil est actionnaire dans cette compagnie à 28% du capital de base. Aux USA, l’activité d’Anadarko se localise dans des gisements de l’Alaska et du golfe du Mexique, et à l’étranger, elle est implantée dans plusieurs pays, dont les principaux sont l’Algérie, le Brésil, la Chine, le Ghana, le Mozambique et Trinidad. Faisons maintenant connaissance avec son identité financière. APC est le symbole boursier d’Anadarko. En 2010, Anadarko a réalisé un chiffre d’affaires de 21,65 milliards de dollars. La même année, Sonatrach a fait un chiffre d’affaires de 95 milliards de dollars, et la compagnie pétrolière française Total 170 milliards de dollars. En tant qu’économistes et analystes indépendants, mes collègues et moi, nous nous posons cette question : que représentent ces 6,4 milliards de dollars pour Anadarko ? Ce sont, en fait, plus de 5 ans de bénéfices (en se référant au bénéfice net de 2010 qui est de 961 millions de dollars). Ils représentent 42% du chiffre d’affaires d’Anadarko pour 2010 et presque la totalité du cash-flow net de son activité opérationnelle de la même année.
Passons maintenant à une autre vérité contenue dans le rapport financier d’Anadarko pour l’année 2010, un rapport destiné aux investisseurs boursiers et contrôlé par la SEC, qui est le policier de la Bourse américaine, et qui va jeter des doutes sur la crédibilité des déclarations des dirigeants de Sonatrach. Sous le titre «Curent Foreign Income Tax», on lit ceci dans le rapport : «En 2010, Anadarko a payé 738 millions de dollars d’impôts pour ses activités à l’étranger ; en 2009, l’impôt payé était de 509 millions de dollars et 1,891 milliard de dollars pour l’année 2008». Anadarko a payé 738 millions de dollars d’impôts dans tous les pays, dont l’Algérie, où elle a des activités. Alors, on peut se demander combien Anadarko a payé à Sonatrach en 2010. Ce serait un chiffre qui, probablement, ne dépasserait pas 300 millions de dollars et, dans le même ordre d’idées, quelle serait la TPE versée par Anadarko à Sonatrach en 2010, sachant que la TPE n’est qu’une portion de l’impôt global ? La valeur des actifs d’Anadarko pour l’année 2008 était de 59,92 milliards de dollars, 57,12 milliards de dollars pour 2009, et 71,55 milliards de dollars pour 2010, alors que les bénéfices d’Anadarko n’ont pas subi l’effet yoyo durant la période allant de 2007 à 2010. Alors, où est cette dépréciation d’actifs ? Je pose cette question aux responsables d’Anadarko et à M. Chakib Khelil. Ce dernier a introduit cette compagnie dans un marché algérien rongé par la corruption. 17 milliards de dollars ont été tirés des caisses de la Sonatrach, à son profit et à celui de ses proches, dont son fils, ainsi qu’à plus de 84 cadres de Sonatrach dont son représentant à Londres qui gère toutes les opérations illicites qui portent atteinte à l’économie de notre pays. Tous les chiffres contenus dans cette déclaration - que j’assume - sont déclarés par Anadarko dans ses rapports financiers annuels confidentiels et contrôlés par la SEC, mais je sais qu’ils sont falsifiés en Algérie depuis 2011.
La branche des hydrocarbures est en tête des secteurs touchés par la corruption. Pourquoi ? Est-ce parce qu’elle est la première source de revenus du pays ou y a-t-il une espèce de virus de l’immoralité qui contamine tous les responsables qui s’y «frottent» ?
En Algérie, la lutte contre la pratique des pots-de-vin se trompe souvent de cible. Le gouvernement s'attaque à des multinationales occidentales et aux cadres supérieurs nationaux au risque d'affaiblir l'activité du pays. Mais avons-nous vu un procès à l’échelle nationale de ces cadres de l’Etat ? La lutte contre la corruption généralisée et l'obsession du gouvernement à limiter les transferts de devises vers l'étranger plombent l'économie du pays ; elles deviennent une source de suspicion à tous les niveaux. Prenons la Sonelgaz comme exemple de la catastrophe du mois de mars 2012.
Les gestionnaires de Sonelgaz sont devenus des criminels qui passent leur temps à courir entre les services des Douanes de lutte contre la fraude et les tribunaux. Les services des Douanes ont multiplié ces dernières années les enquêtes visant de hauts responsables du géant énergétique algérien, soupçonnés de majoration des importations pour transfert illicite des devises vers l'étranger. Outre Sonelgaz, le groupe pharmaceutique français Sanofi est également ciblé par les Douanes algériennes. Le 2 mai dernier, un tribunal algérien avait condamné la filiale algérienne du géant français à 20 millions d'euros d'amende et son directeur général Thierry Lefebvre à une année de prison avec sursis pour surfacturation de produits importés. L’autre problème jamais diagnostiqué jusqu’à maintenant, est celui des armateurs qui ne veulent plus facturer en monnaie locale, et ce, suite à la dévaluation du dinar algérien et la création du marché informel par l’ex-gouvernement Ouyahia.
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