Depuis deux semaines c'est le Liban qui fait boum. Tous les jours, durant deux semaines, à la radio, aux journaux, à la télé, boum le Liban. Tous les jours à la télé, pendant des heures et des heures, des immeubles qui s’écroulent, des bombardements, des gens qui meurent, des fumeés noircissent le ciel , des missiles dédicacés par des enfants juifs pour des enfants libanais, des tanks, des plaies béantes, des rockets. Tous les jours. Depuis deux semaines. Alors forcément, pour moi, ici, le Liban n'est plus un pays avec des rues et des gens. Le Liban c’est Boum Boum tout le temps.
J’ai déjà visité Beyrouth. Damas aussi par la même occasion. C’était le 30 décembre 2002.
Y’a trois jours, vers 5h du matin, je suis revenu à Beyrouth au pire moment du conflit. Le taxi me conduit à l'hôtel. Celui où j’ai déjà été en 2002. Je suis crevé. Je monte me reposer dans ma chambre. J’essaye de dormir. J’y arrive pas… Bon, puisque je suis réveillé, je vais aller faire un tour. La première personne que je vois en sortant de l'hôtel c'est une dame avec des sacs d'épicerie. Puis des enfants qui jouent dans la cour d'une école. Puis un type qui se fait couper les cheveux sur la chaise d'un coiffeur...
Je suis rentré tout de suite à l'hôtel, comme saisi d'une urgence. J’ouvre mon portable, le forum Algérie, Café du village. Et je tape : De votre envoyé spécial bloum à Beyrouth, devinez ce que j'ai vu aujourd'hui ? Une dame avec des sacs d'épicerie. Des enfants en récréation dans la cour d'une école, un type qui se faisait couper les cheveux…
De votre envoyé spécial, rien de spécial.
Et soudain, Boum! Boum! Un canon qui tonne. J’ouvre la fenêtre, la tête rentrée dans les épaules. Bougre de con c'est pas un canon, c'est l'orage... Et quessé cette rivière et ce jardin ? Ouf, dire que je suis en sueur, réveille ducon de bloum, tu es chez toi à Montréal, la ville la plus pacifique au monde. C’était juste un rêve.
Il était 5h et demi du matin, c’est pas 6h mais bof. Je suis allé pisser, j’ai mis mes culottes, une tasse de café avec 2 crèmes trois sucres. Et des graines de tournesol que je disperse sous l’arbre sur la table du jardin. Me voilà dans mon jardin, assis sur le banc marron, pieds-nus. Le sol était mouillé comme pour me rassurer que le Boum n’était pas un canon, mais un orage… Je m’interrogeais : pourquoi ducon fais-tu ce genre de rêve ? Ça n’a aucun sens ? Ben justement j’ai passé une demi heure à chercher du sens. Et j’ai trouvé.
Je m'en suis fait une spécialité. Parler de la vie. Partout. Avant tout. Parce que je ressens chaque fois comme une urgence de dire les rues, les gens, les enfants, les coiffeurs. Même dans les pays où règnent la mort, il faut d'abord parler de la vie, sinon la mort n'est plus une tragédie, sinon la mort c'est juste une information qui fait boum, l'écho sonore d'une analyse géopolitique, un boum machinal dans la tête des téléspectateurs tous les jours à la même heure si bien qu'ils n'y font même plus attention.
Y’a plein d’envoyés spéciaux. Pour la radio, le journal, la télé… Conférence sur le Sida. Élections mexicaines. Belgrade. Bagdad. Beyrouth. Lesotho. Cuba. Londres… Les envoyés spéciaux courent le monde toute l'année. On leur demande de décrire à chaud tout ce qui se passe. Et ces envoyés spéciaux couvrent, tous, le même angle. Personne ne couvre en deça des événements qu'ils sont supposés couvrir. En deça comme dans à part de ça. En deça des faits saillants, ont-ils vu des enfants qui jouaient dans les cours des écoles? Souvenirs à main levée. Deux femmes, une Arabe une Juive qui s'étreignent dans un bungalow de Beyrouth. La justice d'Inka dans son jardin d’El-Qods ou "Jérusalem" pour ceux qui veulent... Peindre des petits bonheurs minuscules dans une montagne de malheur ne signfie pas qu'on s'accomode des grand malheurs dégeulasses.
Envoyé spécial. Cela ne sert à rien de courir le monde si ce n'est pas pour parler du monde au monde… Ben, l'envoyé spécial du forum Algérie, n’a jamais quitté son bungalow à Montréal, pour vous parler de Beyrouth. Êtes-vous tannés de lire votre humble envoyé spécial à Beyrouth ?
Come on mon vieux ! J’ai même pas commencé encore ! Pis, il est rien que six heures du matin là. Tu ne veux pas voir l’écureuil pour qui j’ai servi sur la table des graines de tournesol ? Hé madame c’est magique voir un écureuil grignoter des graines de tournesol ? Et la chatte noire du très méchant voisin, mon voisin King-Kong ? non ? Moi non plus je ne veux pas la voir la chatte, mais je suis sûr qu’elle va apparaître le temps de le dire. Pourquoi ? Parce que la méchante chatte noire du voisin King Kong essayait en vain depuis mille matins de se faire l’écureuil. Elle commençait à ramper sous la cloture qui me sépare de King Kong. Mais comme elle est à découvert, l'écureuil ne s'énervait même pas. Debout sur ses pattes arrière, sur la table presque collée à l’arbre, il continuait de bouffer les graines de tournesol que je mets sur la table à chaque matin. De temps en temps, l'écureuil balançait un regard à la chatte pour évaluer la distance. Et quand elle s'élançait enfin, il ne se dépêchait même pas. Il était dans l'arbre bien avant qu'elle atteigne la table. Il se mettait alors la tête en bas et l'engueulait de sa voix de fausset.
Mais ce matin, pas de maudite chatte noire. L'écureuil a dû se dire qu'elle avait quelque maladie de chat, et il a pris tout son temps. Il s'est bourré de graines. Puis il est retourné à son arbre, content, pépère, les pouces tournés dans les revers de son veston. Il est arrivé à son arbre. La chatte noire était derrière. En embuscade.
Ahrrrrr.
Pour l'écureuil ça a été comme quinze ans de Vietnam concentrés dans une demi-seconde.
Je suis parti à courir derrière la chatte en criant pour qu'elle lâche sa proie. Elle s'est réfugiée chez son maître King Kong. Elle a grimpé le débarras, en haut, et me fixait. Hey, maudite chatte noire psychotique, descend tout de suite et lâche cet écureuil. Elle avait les crocs dans la nuque de l'écureuil. Va te faire foutre, me disaient ses yeux jaunes. J’ai crié comme 22 cordes vocales. Même que la corde de la marionnette KofiAnnan s’est jointe à mes 22 cordes pourries. Toutes impuissantes. Pourries, pourries et pourries les cordes vocales arabes. Ça n’impressionne pas la maudite chatte de malheur, encore moins King Kong son protecteur… Poubelle.
Histoire et Haine. Haine et Histoire. Indissociables. Vrillées dans les esprits. Ici, à Beyrouth, on fait le plein, pour mille ans encore, de haines nouvelles, qui s'ajoutent aux anciennes du lourd contentieux Israélo-Palestinien… Non, ça ne finira jamais.
Mais pour moi si, c’est fini.
De votre envoyé spécial bloum à Beyrouth…
ps: Je suis rentré chez moi vers 22h30. J'ai pogné les informations de TVA vers 22h40 où ils montraient, entre autres, des enfants libanais dans une salle de gymnase en tenue de sport... Des images qui ont duré 10 secondes à peine... C'était juste assez pour me rappeler mon rêve, la dame, les enfants qui jouaient dans la cour d'une école, le coiffeur... Et c'est parti mon kiki.
J’ai déjà visité Beyrouth. Damas aussi par la même occasion. C’était le 30 décembre 2002.
Y’a trois jours, vers 5h du matin, je suis revenu à Beyrouth au pire moment du conflit. Le taxi me conduit à l'hôtel. Celui où j’ai déjà été en 2002. Je suis crevé. Je monte me reposer dans ma chambre. J’essaye de dormir. J’y arrive pas… Bon, puisque je suis réveillé, je vais aller faire un tour. La première personne que je vois en sortant de l'hôtel c'est une dame avec des sacs d'épicerie. Puis des enfants qui jouent dans la cour d'une école. Puis un type qui se fait couper les cheveux sur la chaise d'un coiffeur...
Je suis rentré tout de suite à l'hôtel, comme saisi d'une urgence. J’ouvre mon portable, le forum Algérie, Café du village. Et je tape : De votre envoyé spécial bloum à Beyrouth, devinez ce que j'ai vu aujourd'hui ? Une dame avec des sacs d'épicerie. Des enfants en récréation dans la cour d'une école, un type qui se faisait couper les cheveux…
De votre envoyé spécial, rien de spécial.
Et soudain, Boum! Boum! Un canon qui tonne. J’ouvre la fenêtre, la tête rentrée dans les épaules. Bougre de con c'est pas un canon, c'est l'orage... Et quessé cette rivière et ce jardin ? Ouf, dire que je suis en sueur, réveille ducon de bloum, tu es chez toi à Montréal, la ville la plus pacifique au monde. C’était juste un rêve.
Il était 5h et demi du matin, c’est pas 6h mais bof. Je suis allé pisser, j’ai mis mes culottes, une tasse de café avec 2 crèmes trois sucres. Et des graines de tournesol que je disperse sous l’arbre sur la table du jardin. Me voilà dans mon jardin, assis sur le banc marron, pieds-nus. Le sol était mouillé comme pour me rassurer que le Boum n’était pas un canon, mais un orage… Je m’interrogeais : pourquoi ducon fais-tu ce genre de rêve ? Ça n’a aucun sens ? Ben justement j’ai passé une demi heure à chercher du sens. Et j’ai trouvé.
Je m'en suis fait une spécialité. Parler de la vie. Partout. Avant tout. Parce que je ressens chaque fois comme une urgence de dire les rues, les gens, les enfants, les coiffeurs. Même dans les pays où règnent la mort, il faut d'abord parler de la vie, sinon la mort n'est plus une tragédie, sinon la mort c'est juste une information qui fait boum, l'écho sonore d'une analyse géopolitique, un boum machinal dans la tête des téléspectateurs tous les jours à la même heure si bien qu'ils n'y font même plus attention.
Y’a plein d’envoyés spéciaux. Pour la radio, le journal, la télé… Conférence sur le Sida. Élections mexicaines. Belgrade. Bagdad. Beyrouth. Lesotho. Cuba. Londres… Les envoyés spéciaux courent le monde toute l'année. On leur demande de décrire à chaud tout ce qui se passe. Et ces envoyés spéciaux couvrent, tous, le même angle. Personne ne couvre en deça des événements qu'ils sont supposés couvrir. En deça comme dans à part de ça. En deça des faits saillants, ont-ils vu des enfants qui jouaient dans les cours des écoles? Souvenirs à main levée. Deux femmes, une Arabe une Juive qui s'étreignent dans un bungalow de Beyrouth. La justice d'Inka dans son jardin d’El-Qods ou "Jérusalem" pour ceux qui veulent... Peindre des petits bonheurs minuscules dans une montagne de malheur ne signfie pas qu'on s'accomode des grand malheurs dégeulasses.
Envoyé spécial. Cela ne sert à rien de courir le monde si ce n'est pas pour parler du monde au monde… Ben, l'envoyé spécial du forum Algérie, n’a jamais quitté son bungalow à Montréal, pour vous parler de Beyrouth. Êtes-vous tannés de lire votre humble envoyé spécial à Beyrouth ?
Come on mon vieux ! J’ai même pas commencé encore ! Pis, il est rien que six heures du matin là. Tu ne veux pas voir l’écureuil pour qui j’ai servi sur la table des graines de tournesol ? Hé madame c’est magique voir un écureuil grignoter des graines de tournesol ? Et la chatte noire du très méchant voisin, mon voisin King-Kong ? non ? Moi non plus je ne veux pas la voir la chatte, mais je suis sûr qu’elle va apparaître le temps de le dire. Pourquoi ? Parce que la méchante chatte noire du voisin King Kong essayait en vain depuis mille matins de se faire l’écureuil. Elle commençait à ramper sous la cloture qui me sépare de King Kong. Mais comme elle est à découvert, l'écureuil ne s'énervait même pas. Debout sur ses pattes arrière, sur la table presque collée à l’arbre, il continuait de bouffer les graines de tournesol que je mets sur la table à chaque matin. De temps en temps, l'écureuil balançait un regard à la chatte pour évaluer la distance. Et quand elle s'élançait enfin, il ne se dépêchait même pas. Il était dans l'arbre bien avant qu'elle atteigne la table. Il se mettait alors la tête en bas et l'engueulait de sa voix de fausset.
Mais ce matin, pas de maudite chatte noire. L'écureuil a dû se dire qu'elle avait quelque maladie de chat, et il a pris tout son temps. Il s'est bourré de graines. Puis il est retourné à son arbre, content, pépère, les pouces tournés dans les revers de son veston. Il est arrivé à son arbre. La chatte noire était derrière. En embuscade.
Ahrrrrr.
Pour l'écureuil ça a été comme quinze ans de Vietnam concentrés dans une demi-seconde.
Je suis parti à courir derrière la chatte en criant pour qu'elle lâche sa proie. Elle s'est réfugiée chez son maître King Kong. Elle a grimpé le débarras, en haut, et me fixait. Hey, maudite chatte noire psychotique, descend tout de suite et lâche cet écureuil. Elle avait les crocs dans la nuque de l'écureuil. Va te faire foutre, me disaient ses yeux jaunes. J’ai crié comme 22 cordes vocales. Même que la corde de la marionnette KofiAnnan s’est jointe à mes 22 cordes pourries. Toutes impuissantes. Pourries, pourries et pourries les cordes vocales arabes. Ça n’impressionne pas la maudite chatte de malheur, encore moins King Kong son protecteur… Poubelle.
Histoire et Haine. Haine et Histoire. Indissociables. Vrillées dans les esprits. Ici, à Beyrouth, on fait le plein, pour mille ans encore, de haines nouvelles, qui s'ajoutent aux anciennes du lourd contentieux Israélo-Palestinien… Non, ça ne finira jamais.
Mais pour moi si, c’est fini.
De votre envoyé spécial bloum à Beyrouth…
ps: Je suis rentré chez moi vers 22h30. J'ai pogné les informations de TVA vers 22h40 où ils montraient, entre autres, des enfants libanais dans une salle de gymnase en tenue de sport... Des images qui ont duré 10 secondes à peine... C'était juste assez pour me rappeler mon rêve, la dame, les enfants qui jouaient dans la cour d'une école, le coiffeur... Et c'est parti mon kiki.
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