Le Canada fait des ravages, provoquant une sérieuse fuite des cerveaux et privant de nombreux pays de précieux talents. La "crise" est telle que certains pays, comme l’Afrique du sud, en sont arrivés à protester auprès des autorités canadiennes. Soixante dix mille marocain ont déjà traversé l’Atlantique pour s’y installer
Ce qu’on nous a vendu avant notre départ est loin d’être conforme à la réalité" affirment-ils. Dès leur arrivée, les "nouveaux citoyens canadiens" se retrouvent confrontés à des situations pour le moins inattendues. "On m’a fait croire qu’on avait besoin de mes compétences. Mais une fois sur place, on n’a même pas reconnu ma formation", s’insurge ce médecin casablancais installé à Montréal depuis maintenant 3 ans, Avant ce grand départ, il avait évidemment tout vendu : cabinet, appartement, objets de valeur... "J’y ai cru comme beaucoup d’autres médecins marocains.
On ne s’étonnera pas de trouver un architecte dans les habits d’un ouvrier agricole ou un médecin reconverti en vendeur dans un magasin de chaussures...
http://www.telquel-online.com/194/sujet4.shtml
Ce qu’on nous a vendu avant notre départ est loin d’être conforme à la réalité" affirment-ils. Dès leur arrivée, les "nouveaux citoyens canadiens" se retrouvent confrontés à des situations pour le moins inattendues. "On m’a fait croire qu’on avait besoin de mes compétences. Mais une fois sur place, on n’a même pas reconnu ma formation", s’insurge ce médecin casablancais installé à Montréal depuis maintenant 3 ans, Avant ce grand départ, il avait évidemment tout vendu : cabinet, appartement, objets de valeur... "J’y ai cru comme beaucoup d’autres médecins marocains.
On ne s’étonnera pas de trouver un architecte dans les habits d’un ouvrier agricole ou un médecin reconverti en vendeur dans un magasin de chaussures...
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Bien que le Canada connaisse une pénurie de professionnels, près du quart des immigrés qualifiés finissent vigiles ou chauffeurs de taxi. Pour beaucoup, ce pays importateur de main-d'oeuvre ne tient pas ses promesses.
DE VANCOUVER (COLOMBIE-BRITANNIQUE)
Gian S. Sangha avait tellement besoin de travailler qu'il a fait l'impensable pour un sikh : il s'est coupé les cheveux et a renoncé à son turban pour se présenter à un entretien d'embauche. Il a également envoyé des centaines de CV, prié de toute sa ferveur et a même fini par se procurer une statue du Bouddha pour qu'il lui porte chance.
Mais, à 55 ans, ce chercheur en écologie originaire d'Inde semblait condamné à rester au chômage dans son pays d'adoption, le Canada, malgré un doctorat d'une université allemande, deux ouvrages publiés et une expérience d'enseignant dans une université américaine. "Ici, au Canada, la discrimination est sournoise", assure-t-il autour d'une tasse de thé et de pakoras [beignets de légumes indiens] épicés dans la salle à manger de son domicile de Surrey, dans la banlieue de Vancouver. Pour joindre les deux bouts, il a un temps tondu des pelouses ; maintenant, il fait des petits boulots de secrétariat et partage sa maison avec des parents éloignés.
Ce n'était pas le scénario que promettait le Canada quand, il y a bien longtemps déjà, il a ouvert grand ses portes aux professionnels issus du monde en développement. Avec un taux de natalité à la baisse, une population vieillissante et une pénurie de main-d'oeuvre dans bien des secteurs, ce pays sous-peuplé s'efforce en effet depuis des décennies d'attirer chez lui ingénieurs, professionnels de la santé, concepteurs de logiciels et électriciens étrangers.
Mais cette politique a donné des résultats mitigés, autant pour le Canada que pour ses immigrés. Des études statistiques et des recherches universitaires récentes indiquent que les perspectives d'emploi et de revenus des immigrés ne cessent de se détériorer. Les spécialistes soulignent que de plus en plus d'immigrés en sont réduits à survivre avec l'assurance-chômage et l'aide sociale ; certains sont même rentrés dans leur pays d'origine ou ont émigré aux Etats-Unis.
Selon les données officielles, près de 25 % des nouveaux venus diplômés de l'enseignement supérieur occupent des postes pour lesquels le bac, voire moins, suffirait. "Les travailleurs les plus mobiles du monde affluent au Canada et se retrouvent paralysés", explique Faviola Fernandez, qui était professeur à Singapour et s'est lancée dans la défense des droits des immigrés après avoir renoncé à faire homologuer son diplôme d'enseignante tant la procédure était compliquée et dissuasive. Sur les dix dernières années, le pays a accueilli entre 200 000 et 250 000 immigrés par an (ce qui, proportionnellement à sa population, représente un pourcentage trois fois supérieur à celui des Etats-Unis).
Les principales villes canadiennes sont des mosaïques ethniques. Au Canada, un habitant sur six est issu de l'immigration, ce qui fait du pays la deuxième destination mondiale des migrations après l'Australie. Depuis peu, l'Afrique du Sud et d'autres pays ont même protesté auprès des autorités canadiennes, car la fuite des cerveaux est telle qu'ils perdent de précieux talents formés dans leurs propres universités. Or, parmi les immigrés les plus qualifiés, soit la moitié de ceux qui choisissent de s'exiler au Canada, bon nombre finissent chauffeurs de taxi ou de camion, travaillent en usine ou comme vigiles, avec pour toute consolation l'espoir que leurs enfants se débrouilleront mieux qu'eux.
L'opinion canadienne n'en continue pas moins de soutenir la politique d'immigration du gouvernement, et les différents groupes ethniques entretiennent de bonnes relations, bien que l'on assiste à l'apparition d'une forme de ségrégation dans quelques quartiers de grandes villes. Certains craignent que le manque de débouchés offerts aux immigrés ne menace la cohésion sociale.
Le problème tiendrait aussi à la discrimination
"Le système actuel est grippé", estime Jeffrey G. Reitz, un sociologue de l'université de Toronto qui s'intéresse aux questions d'immigration. "Au vu de la détérioration de la situation de l'emploi, le Canada ne sera peut-être pas en mesure de poursuivre son programme d'immigration expansionniste dans l'environnement positif et politiquement volontaire que nous avons connu par le passé." Les travailleurs qualifiés immigrés au Canada, poursuit-il, ont des revenus de plus en plus faibles, qui correspondent aux niveaux les plus bas enregistrés aux Etats-Unis, où les immigrés ont généralement de moins bonnes compétences.
Si l'on en croit les chercheurs et les défenseurs des droits des immigrés, l'une des nombreuses raisons de ce problème tiendrait à la discrimination. D'autres spécialistes relèvent par ailleurs que les Canadiens d'origine ont maintenant une meilleure formation qu'il y a vingt-cinq ans et que les immigrés sont donc exposés à davantage de concurrence. Mais tous s'accordent à dire que les organisations professionnelles et les agences provinciales délivrant des permis de travail ont mis du temps à reconnaître les qualifications professionnelles étrangères. Ils soulignent au demeurant que les enfants d'immigrés qui entrent sur le marché du travail avec des références canadiennes ont généralement moins de mal à décrocher des emplois mieux rémunérés. "Notre infrastructure d'organisations professionnelles est tellement compliquée qu'elle dessert plus qu'elle ne favorise l'intégration immédiate des immigrés très qualifiés", admettait récemment dans une interview Joe Volpe, le ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration canadien. "Il est inadmissible que nous n'ayons pas suffisamment de médecins, alors qu'il y en a dans le pays des milliers formés à l'étranger, dont nous ne reconnaissons pas les diplômes. Le fait est que nous n'avons pas encore trouvé le moyen d'évaluer facilement leurs qualifications", ajoutait-il.
"Le Canada clame haut et fort qu'il n'y a pas d'étrangers ici, que tout le monde est chez lui dans ce rêve multiculturel", rappelle avec une pointe d'amertume Farid A. Hadi, un gynécologue de 40 ans qui est arrivé d'Egypte l'année dernière avec sa femme et ses trois enfants et est toujours au chômage. Il figure parmi les 1 200 candidats aux 200 places proposées par l'Ontario dans le cadre d'un programme d'évaluation et d'agrément des médecins étrangers souhaitant exercer dans la province. Mais, pour l'heure, ses économies fondent à vue d'oeil et il cherche un emploi dans un laboratoire. "Je suis prêt à faire n'importe quoi pour faire vivre ma famille", conclut-il.
Courrier international, no. 765
Amériques, jeudi 30 juin 2005
Clifford Krauss
The New York Times (New York)
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