(1)
Noam Chomsky était en visite à Gaza du 25 au 30 octobre 2012
Même une seule nuit en prison suffit à donner une idée de ce que veut dire le fait de se trouver sous le contrôle absolu de la même force extérieure. Et il faut à peine plus d’une journée à Gaza pour commencer à apprécier ce à quoi doit ressembler tenter de survivre dans la plus grande prison en plein air du monde, où un million et demi de personnes, dans la région la plus densément peuplée du monde, sont constamment soumises à la terreur générale, souvent sauvage et aux châtiments arbitraires qui n’ont souvent pour but que d’humilier et avilir, ainsi que de faire en sorte que les espoirs palestiniens d’un avenir décent soient anéantis et que soit réduit à zéro le soutien mondial majoritairement favorable à un arrangement diplomatique censé accorder ces droits.
L’intensité de cet engagement de la part des dirigeants politiques israéliens a été dramatiquement illustrée ces quelques derniers jours encore, quand ils ont prévenus qu’ils allaient « devenir fous » si l’ONU reconnaissait les droits des Palestiniens, ne serait-ce que de façon limitée. On est loin d’un nouveau départ. La menace de « devenir fous » (« nishtagea ») est profondément enracinée, elle remonte même aux gouvernements travaillistes des années 1950, ainsi que le fameux « complexe de Samson » qui s’y rattache : nous abattrons les murailles du Temple si on les franchit. C’était une menace vaine à l’époque. Ce ne l’est plus aujourd’hui.
L’humiliation intentionnelle n’est pas nouvelle non plus, bien qu’elle adopte continuellement de nouvelles formes. Il y a trente ans, les dirigeants politiques, y compris certains des faucons les plus notoires, avaient soumis au Premier ministre Begin un compte rendu choquant et détaillé sur la façon dont, régulièrement, les colons recourent à la violence contre les Palestiniens et ce, de la façon la plus vile et en toute impunité. L’éminent commentateur militaro-politique Yoram Peri avait écrit avec dégoût que la tâche de l’armée ne consistait pas à défendre l’État, mais « à détruire les droits de personnes innocentes tout simplement parce qu’elles étaient des Araboushim (« bicots », « métèques ») vivant dans les territoires que Dieu nous avait promis ».
Les Gazaouis ont été choisis pour recevoir un châtiment particulièrement cruel. C’est presque un miracle que des gens puissent supporter ce genre d’existence. La façon dont ils y arrivent a été décrite il y a trente ans dans un mémoire éloquent rédigé par Raja Shehadeh (The Third Way – La troisième voie) et s’appuyant sur son travail d’avocat engagé dans la tâche désespérée de tenter de protéger les droits élémentaires au sein d’un système juridique destiné à assurer l’échec de cette même tâche, ainsi que sur son expérience personnelle en tant que samid, (une personne inébranlable), qui voit sa maison transformée en prison par des occupants brutaux et qui ne peut rien faire d’autre que de « subir », d’une façon ou d’une autre.
Depuis ce témoignage de Shehadeh, la situation a grandement empiré. Les accords d’Oslo, célébrés avec beaucoup de faste en 1993, ont déterminé que Gaza et la Cisjordanie étaient une seule et même entité territoriale. À l’époque, les États-Unis et Israël avaient déjà lancé leur programme visant à les séparer complètement d’une de l’autre, de façon à bloquer tout arrangement diplomatique et à punir les Araboushim des deux territoires.
Le châtiment infligé aux Gazaouis fut encore plus sévère en janvier 2006, quand ils commirent un crime majeur : ils votèrent « de la mauvaise manière » lors des premières élections libres du monde arabe, choisissant le Hamas. Démontrant leur « désir passionné de démocratie », les États-Unis et Israël, soutenus par la timide Union européenne, imposèrent aussitôt à Gaza un siège brutal, accompagné d’attaques militaires intenses. Les États-Unis aussi recouraient tout de suite à un processus d’opération standardisé quand l’une ou l’autre population désobéissante optait pour le mauvais gouvernement : ils préparaient un coup d’État militaire afin de rétablir l’ordre.
Les Gazaouis commirent un crime encore bien pire un an plus tard en contrant la tentative de coup d’État, ce qui aboutit à une intensification rapide du siège et des attaques militaires. Celles-ci culminèrent au cours de l’hivers 2008-2009, avec l’Opération Plomb durci, l’une des utilisations les plus lâches et violentes de la force militaire de l’histoire récente, quand une civile population sans défense, piégée sans aucune possibilité de sortie, fut soumise à une agression sans pitié par l’un des systèmes militaires les plus perfectionnés au monde se servant d’un armement américain et protégé par la diplomatie américaine. Un compte rendu inoubliable de cette boucherie – un « infanticide », pour reprendre leurs termes – fut rédigé par deux courageux médecins norvégiens qui travaillaient dans le principal hôpital de Gaza durant cette impitoyable agression, Mads Gilbert et Erik Fosse, dans leur remarquable ouvrage intitulé Eyes in Gaza (Des yeux à Gaza).
Le président élu Obama fut incapable de proférer le moindre mot, hormis le fait qu’il réitéra sa cordiale sympathie pour les enfants soumis à cette agression – et ce, dans la ville israélienne de Sderot. L’attaque soigneusement planifiée fut mené à bien juste avant son entrée en fonction, de sorte qu’il put dire que, désormais, il était temps de regarder vers l’avant, et non vers l’arrière, ce qui constitue l’échappatoire classique des criminels.
Bien sûr, il y eut des prétextes – il y en a toujours. Le prétexte habituel, ressassé à l’envi chaque fois que le besoin s’en fait sentir, est la « sécurité ». Dans ce cas, il s’agissait des roquettes artisanales lancées à partir de Gaza. Comme c’est habituellement le cas, le prétexte était dénué de la moindre crédibilité. En 2008, une trêve ait été instaurée entre Israël et le Hamas. Le gouvernement israélien reconnaît officiellement que le Hamas l’observa rigoureusement. Pas une seule roquette du Hamas ne fut tirée jusqu’au moment où Israël viola la trêve, sous couvert des élections américaines du 4 novembre 2008, en envahissant Gaza sous des prétextes ridicules et en tuant une demi-douzaine de membres du Hamas. Les hauts responsables des services de renseignement israéliens conseillèrent leur gouvernement en lui disant que la trêve pouvait être renouvelée en desserrant le blocus criminel et en mettant un terme aux attaques militaires. Mais le gouvernement d’Ehud Olmert, à la réputation de « colombe », rejeta ces choix, préférant tirer parti de son énorme avantage comparatif, sur le plan de la violence, et ce fut l’Opération Plomb durci. Les faits principaux ont été passés en revue une fois de plus par le commentateur de politique étrangère Jerome Slater dans le dernier numéro du journal du MIT (Harvard), International Security.
La méthode de bombardement utilisée lors de Plomb durci fut soigneusement analysée par le défenseur gazaoui des droits de l’homme, Raji Sourani, un homme remarquablement bien informé et internationalement respecté. Il fait remarquer que les bombardements se concentrèrent sur le nord, visant les civils sans défense des zones les plus densément peuplées et sans qu’il y ait eu le moindre prétexte militaire possible. Le but des Israéliens, suggère-t-il, peut avoir été de pousser la population intimidée vers le sud, à proximité de la frontière égyptienne. Mais les Samidin ne bougèrent pas, malgré l’avalanche de terreur américano-israélienne.
Un autre but peut avoir été de les repousser au-delà de cette frontière. Quand on remonte aux débuts de la colonisation sioniste, il était beaucoup question, parmi le vaste ensemble des Juifs, que les Arabes n’avaient aucune raison d’être en Palestine ; ils pourraient être tout aussi heureux ailleurs et devraient s’en aller – « être transférés » avec égards, suggéraient les colombes. Ce n’est certainement pas une inquiétude mineure en Égypte et c’est peut-être une raison pour laquelle l’Égypte n’ouvre pas sa frontière librement aux civils ou aux marchandises dont les Gazaouis ont si désespérément besoin.
Sourani et d’autres bien documentées font remarquer que la discipline des Samidin cache un baril de poudre qui peut exploser à tout moment, de façon inattendue, comme le fit la première Intifada à Gaza, en 1989, après des années d’oppression misérable qui n’avait suscité aucune remarque ou inquiétude.
Pour ne mentionner qu’un des innombrables cas, peu avant le déclenchement de l’Intifada, une jeune Palestinienne, Intissar al-Atar, fut tuée par balle dans la cour d’une école par un habitant d’une colonie juive toute proche. L’homme était l’un des plusieurs milliers de colons israéliens amenés à Gaza en violation des lois internationales et protégés par une énorme présence militaire. Ces colons s’étaient emparés d’une grande partie des terres et de l’eau déjà rare dans la bande de Gaza et ils vivaient « luxueusement dans vingt-deux colonies au beau milieu de 1,4 million de Palestiniens démunis », pour reprendre les termes de la description de l’intellectuel israélien Avi Raz. Le meurtrier de l’écolière, Shimon Yifrah, fut arrêté, puis rapidement relâché sous caution quand le tribunal décida que « le délit n’était pas suffisamment grave » pour justifier la détention. Le juge expliqua Yifrah avait uniquement l’intention d’impressionner la fille en tirant dans sa direction, dans la cour de l’école, et non pas de la tuer, de sorte qu’« il ne s’agit pas d’un cas de criminel devant être puni ou dissuadé d’agir de la sorte et à qui il convient de donner une leçon en l’emprisonnant ». Yifrah reçut sept mois avec sursis et les colons massés dans la salle d’audience se mirent à chanter et à danser. Et l’habituel silence régna de nouveau. Après tout, c’était la routine.
Et c’est ainsi que vont les choses. Quand Yifrah fut relaxé, la presse israélienne rapporta d’une patrouille de l’armée tira dans la cour d’une école pour enfants de six à douze ans, dans un camp de réfugiés de Cisjordanie, blessant ainsi cinq d’entre eux, avec sans doute l’intention de « les impressionner ». Il n’y eut pas de plainte et l’incident n’attira pas non plus l’attention. Ce n’était qu’un autre épisode parmi tant d’autres dans le programme de « l’analphabétisme en tant que punition », rapporta la presse israélienne, programme comprenant la fermeture d’écoles, le recours à des bombes à gaz, le tabassage d’étudiants à coups de crosse, l’interdiction de passage de l’aide médicale pour les victimes ; et, au-delà des écoles, le règne d’une brutalité pire encore, avec une surenchère de la sauvagerie pendant l’Intifada, et le tout sous les ordres du ministre de la Défense Yitzhak Rabin, une autre colombe très admirée.
Noam Chomsky était en visite à Gaza du 25 au 30 octobre 2012
Même une seule nuit en prison suffit à donner une idée de ce que veut dire le fait de se trouver sous le contrôle absolu de la même force extérieure. Et il faut à peine plus d’une journée à Gaza pour commencer à apprécier ce à quoi doit ressembler tenter de survivre dans la plus grande prison en plein air du monde, où un million et demi de personnes, dans la région la plus densément peuplée du monde, sont constamment soumises à la terreur générale, souvent sauvage et aux châtiments arbitraires qui n’ont souvent pour but que d’humilier et avilir, ainsi que de faire en sorte que les espoirs palestiniens d’un avenir décent soient anéantis et que soit réduit à zéro le soutien mondial majoritairement favorable à un arrangement diplomatique censé accorder ces droits.
L’intensité de cet engagement de la part des dirigeants politiques israéliens a été dramatiquement illustrée ces quelques derniers jours encore, quand ils ont prévenus qu’ils allaient « devenir fous » si l’ONU reconnaissait les droits des Palestiniens, ne serait-ce que de façon limitée. On est loin d’un nouveau départ. La menace de « devenir fous » (« nishtagea ») est profondément enracinée, elle remonte même aux gouvernements travaillistes des années 1950, ainsi que le fameux « complexe de Samson » qui s’y rattache : nous abattrons les murailles du Temple si on les franchit. C’était une menace vaine à l’époque. Ce ne l’est plus aujourd’hui.
L’humiliation intentionnelle n’est pas nouvelle non plus, bien qu’elle adopte continuellement de nouvelles formes. Il y a trente ans, les dirigeants politiques, y compris certains des faucons les plus notoires, avaient soumis au Premier ministre Begin un compte rendu choquant et détaillé sur la façon dont, régulièrement, les colons recourent à la violence contre les Palestiniens et ce, de la façon la plus vile et en toute impunité. L’éminent commentateur militaro-politique Yoram Peri avait écrit avec dégoût que la tâche de l’armée ne consistait pas à défendre l’État, mais « à détruire les droits de personnes innocentes tout simplement parce qu’elles étaient des Araboushim (« bicots », « métèques ») vivant dans les territoires que Dieu nous avait promis ».
Les Gazaouis ont été choisis pour recevoir un châtiment particulièrement cruel. C’est presque un miracle que des gens puissent supporter ce genre d’existence. La façon dont ils y arrivent a été décrite il y a trente ans dans un mémoire éloquent rédigé par Raja Shehadeh (The Third Way – La troisième voie) et s’appuyant sur son travail d’avocat engagé dans la tâche désespérée de tenter de protéger les droits élémentaires au sein d’un système juridique destiné à assurer l’échec de cette même tâche, ainsi que sur son expérience personnelle en tant que samid, (une personne inébranlable), qui voit sa maison transformée en prison par des occupants brutaux et qui ne peut rien faire d’autre que de « subir », d’une façon ou d’une autre.
Depuis ce témoignage de Shehadeh, la situation a grandement empiré. Les accords d’Oslo, célébrés avec beaucoup de faste en 1993, ont déterminé que Gaza et la Cisjordanie étaient une seule et même entité territoriale. À l’époque, les États-Unis et Israël avaient déjà lancé leur programme visant à les séparer complètement d’une de l’autre, de façon à bloquer tout arrangement diplomatique et à punir les Araboushim des deux territoires.
Le châtiment infligé aux Gazaouis fut encore plus sévère en janvier 2006, quand ils commirent un crime majeur : ils votèrent « de la mauvaise manière » lors des premières élections libres du monde arabe, choisissant le Hamas. Démontrant leur « désir passionné de démocratie », les États-Unis et Israël, soutenus par la timide Union européenne, imposèrent aussitôt à Gaza un siège brutal, accompagné d’attaques militaires intenses. Les États-Unis aussi recouraient tout de suite à un processus d’opération standardisé quand l’une ou l’autre population désobéissante optait pour le mauvais gouvernement : ils préparaient un coup d’État militaire afin de rétablir l’ordre.
Les Gazaouis commirent un crime encore bien pire un an plus tard en contrant la tentative de coup d’État, ce qui aboutit à une intensification rapide du siège et des attaques militaires. Celles-ci culminèrent au cours de l’hivers 2008-2009, avec l’Opération Plomb durci, l’une des utilisations les plus lâches et violentes de la force militaire de l’histoire récente, quand une civile population sans défense, piégée sans aucune possibilité de sortie, fut soumise à une agression sans pitié par l’un des systèmes militaires les plus perfectionnés au monde se servant d’un armement américain et protégé par la diplomatie américaine. Un compte rendu inoubliable de cette boucherie – un « infanticide », pour reprendre leurs termes – fut rédigé par deux courageux médecins norvégiens qui travaillaient dans le principal hôpital de Gaza durant cette impitoyable agression, Mads Gilbert et Erik Fosse, dans leur remarquable ouvrage intitulé Eyes in Gaza (Des yeux à Gaza).
Le président élu Obama fut incapable de proférer le moindre mot, hormis le fait qu’il réitéra sa cordiale sympathie pour les enfants soumis à cette agression – et ce, dans la ville israélienne de Sderot. L’attaque soigneusement planifiée fut mené à bien juste avant son entrée en fonction, de sorte qu’il put dire que, désormais, il était temps de regarder vers l’avant, et non vers l’arrière, ce qui constitue l’échappatoire classique des criminels.
Bien sûr, il y eut des prétextes – il y en a toujours. Le prétexte habituel, ressassé à l’envi chaque fois que le besoin s’en fait sentir, est la « sécurité ». Dans ce cas, il s’agissait des roquettes artisanales lancées à partir de Gaza. Comme c’est habituellement le cas, le prétexte était dénué de la moindre crédibilité. En 2008, une trêve ait été instaurée entre Israël et le Hamas. Le gouvernement israélien reconnaît officiellement que le Hamas l’observa rigoureusement. Pas une seule roquette du Hamas ne fut tirée jusqu’au moment où Israël viola la trêve, sous couvert des élections américaines du 4 novembre 2008, en envahissant Gaza sous des prétextes ridicules et en tuant une demi-douzaine de membres du Hamas. Les hauts responsables des services de renseignement israéliens conseillèrent leur gouvernement en lui disant que la trêve pouvait être renouvelée en desserrant le blocus criminel et en mettant un terme aux attaques militaires. Mais le gouvernement d’Ehud Olmert, à la réputation de « colombe », rejeta ces choix, préférant tirer parti de son énorme avantage comparatif, sur le plan de la violence, et ce fut l’Opération Plomb durci. Les faits principaux ont été passés en revue une fois de plus par le commentateur de politique étrangère Jerome Slater dans le dernier numéro du journal du MIT (Harvard), International Security.
La méthode de bombardement utilisée lors de Plomb durci fut soigneusement analysée par le défenseur gazaoui des droits de l’homme, Raji Sourani, un homme remarquablement bien informé et internationalement respecté. Il fait remarquer que les bombardements se concentrèrent sur le nord, visant les civils sans défense des zones les plus densément peuplées et sans qu’il y ait eu le moindre prétexte militaire possible. Le but des Israéliens, suggère-t-il, peut avoir été de pousser la population intimidée vers le sud, à proximité de la frontière égyptienne. Mais les Samidin ne bougèrent pas, malgré l’avalanche de terreur américano-israélienne.
Un autre but peut avoir été de les repousser au-delà de cette frontière. Quand on remonte aux débuts de la colonisation sioniste, il était beaucoup question, parmi le vaste ensemble des Juifs, que les Arabes n’avaient aucune raison d’être en Palestine ; ils pourraient être tout aussi heureux ailleurs et devraient s’en aller – « être transférés » avec égards, suggéraient les colombes. Ce n’est certainement pas une inquiétude mineure en Égypte et c’est peut-être une raison pour laquelle l’Égypte n’ouvre pas sa frontière librement aux civils ou aux marchandises dont les Gazaouis ont si désespérément besoin.
Sourani et d’autres bien documentées font remarquer que la discipline des Samidin cache un baril de poudre qui peut exploser à tout moment, de façon inattendue, comme le fit la première Intifada à Gaza, en 1989, après des années d’oppression misérable qui n’avait suscité aucune remarque ou inquiétude.
Pour ne mentionner qu’un des innombrables cas, peu avant le déclenchement de l’Intifada, une jeune Palestinienne, Intissar al-Atar, fut tuée par balle dans la cour d’une école par un habitant d’une colonie juive toute proche. L’homme était l’un des plusieurs milliers de colons israéliens amenés à Gaza en violation des lois internationales et protégés par une énorme présence militaire. Ces colons s’étaient emparés d’une grande partie des terres et de l’eau déjà rare dans la bande de Gaza et ils vivaient « luxueusement dans vingt-deux colonies au beau milieu de 1,4 million de Palestiniens démunis », pour reprendre les termes de la description de l’intellectuel israélien Avi Raz. Le meurtrier de l’écolière, Shimon Yifrah, fut arrêté, puis rapidement relâché sous caution quand le tribunal décida que « le délit n’était pas suffisamment grave » pour justifier la détention. Le juge expliqua Yifrah avait uniquement l’intention d’impressionner la fille en tirant dans sa direction, dans la cour de l’école, et non pas de la tuer, de sorte qu’« il ne s’agit pas d’un cas de criminel devant être puni ou dissuadé d’agir de la sorte et à qui il convient de donner une leçon en l’emprisonnant ». Yifrah reçut sept mois avec sursis et les colons massés dans la salle d’audience se mirent à chanter et à danser. Et l’habituel silence régna de nouveau. Après tout, c’était la routine.
Et c’est ainsi que vont les choses. Quand Yifrah fut relaxé, la presse israélienne rapporta d’une patrouille de l’armée tira dans la cour d’une école pour enfants de six à douze ans, dans un camp de réfugiés de Cisjordanie, blessant ainsi cinq d’entre eux, avec sans doute l’intention de « les impressionner ». Il n’y eut pas de plainte et l’incident n’attira pas non plus l’attention. Ce n’était qu’un autre épisode parmi tant d’autres dans le programme de « l’analphabétisme en tant que punition », rapporta la presse israélienne, programme comprenant la fermeture d’écoles, le recours à des bombes à gaz, le tabassage d’étudiants à coups de crosse, l’interdiction de passage de l’aide médicale pour les victimes ; et, au-delà des écoles, le règne d’une brutalité pire encore, avec une surenchère de la sauvagerie pendant l’Intifada, et le tout sous les ordres du ministre de la Défense Yitzhak Rabin, une autre colombe très admirée.
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