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Les préjugés sur la femme fumeuse persistent

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  • Les préjugés sur la femme fumeuse persistent

    Bien que tout le monde soit conscient que fumer tue, le nombre de fumeur dans le monde ne cesse de croitre surtout dans les pays en voie de développement. Et si cette mauvaise habitude était autrefois réservée à la gent masculine dans la plupart des sociétés (arabo-musulmanes et occidentales), aujourd’hui, on constate qu’il y a de plus en plus de femmes qui fument. Cependant, les femmes qui choisissent de devenir des adeptes de la nicotine au Maroc ont souvent du mal à arborer fièrement leur cigarette au coin des lèvres. En effet, cette catégorie de femmes a généralement une mauvaise réputation. «Chacun est libre de faire ce qu’il lui plaît de sa vie. Personnellement, je suis gêné quand je vais au restaurant ou dans un autre lieu public et que je vois des femmes qui fument, surtout quand elles sont âgées. Je ne peux pas m’empêcher de les trouver irrespectueuses», confie Jawad, 32 ans.
    Rares sont les Marocaines à avouer leur penchant voire leur addiction grandissante à leur cigarette, du fait notamment de l’image négative que le tabagisme féminin renvoie dans notre société. «Mes deux meilleures ainsi que quelques collègues au travail sont les seules personnes qui savent que je suis fumeuse. Quand je veux fumer, je dois souvent le faire en cachette pour me soustraire des regards parce que la société marocaine, malgré son évolution, est encore traditionaliste et patriarcale. Les femmes fumeuses sont souvent prises pour des frivoles par les Marocains et les Marocaines non-fumeuses. Je conçois que le tabagisme est néfaste pour la santé, mais je comprends moins les préjugés qui ne touchent que les femmes. Une autre injustice», fustige Houda, 27 ans.
    Bien que le fait de fumer soit toléré, il n’en est pas ainsi pour la femme, indique Abdelkarim Belhaj, psychosociologue. «Dans ce cadre, cela peut traduire une croyance qui s’exprime sous la forme de représentation de la cigarette dans l’inconscient collectif comme étant synonyme de souillure, et par conséquent la femme qui en consomme fait les frais de cette représentation. Dès lors, l’image de la femme qui fume accuse une mauvaise réputation compte tenu de perceptions et de jugements sociaux dont elle fait l’objet et animés par une tendance au contrôle à son égard. C’est le même cas de figure qui se pose avec le cas du narguilé ou chicha, qui faisait l’objet de consommation dans certains cafés, mais lorsque ce sont les filles qui ont commencé à y prendre part, c’est devenu un scandale», poursuit-il.
    Les médias jouent également un rôle important dans l’expansion de cette image négative de la femme fumeuse au Maroc. D’ailleurs, il suffit de regarder les séries et les films marocains pour se rendre compte que le personnage de femme moderne, frivole voire vulgaire, est généralement attribué à une femme fumeuse. Si plusieurs femmes marocaines n’osent pas avouer leur addiction à la nicotine, certaines se moquent bien de toutes les critiques et n’hésitent pas à fumer quand bon leur semble quelque que soit le lieu ou les circonstances. «Je suis convaincue que je ne fais de mal à personne, c’est pourquoi je ne prête aucune attention aux avis des autres. Je fume à chaque fois que j’en ai envie sans problème», affirme Yasmine, 23 ans.
    La perception de la femme qui fume selon Abdelkarim Belhaj, psychosociologue

    «L’acte de fumer s’inscrit dans un registre dans lequel se confondent les dimensions psychologiques, sociales et culturelles»

    Ce jugement a été toujours associé à la femme, même dans les sociétés occidentales, depuis les débuts de l‘acte de fumer dans l’espace public. Quant à la société marocaine, elle ne fait pas exception, d’autant plus que la perception de la femme a une particularité culturelle qui la conditionne, malgré la modernité qui la traverse. C’est dire que la femme qui fume, notamment en public, est considérée comme une personne amorale et impure allant à l‘encontre de l‘image à laquelle est identifiée dans l’inconscient collectif. Ainsi, la femme fumeuse s’écarte de schéma de la représentation sociale qui prévaut dans la société. C’est un acte de transgression aux normes implicites idéalisées et non aux règles. Quant au regard de la société, pour qu’il change c’est en fonction du changement associé à la situation et à la condition de femme en général, et non seulement par rapport à certaines pratiques ou à un cas de reconnaissance de droit.
    Mais l’acte de fumer s’inscrit dans un registre dans lequel se confondent les dimensions psychologiques, sociales et culturelles, d’autant plus que les risques et dangers pour la santé, avec tous les sens qui sont conférés à la femme, sont des facteurs qui ne peuvent favoriser un changement, mais plutôt le renforcement de cette stéréotypie. Les hommes par rapport à l’usage aux actes de fumer, sont loin de faire l’objet de ce genre de préjugés, vu que la présence masculine dans l‘espace public a toujours autorisé des usages et même des pratiques enfreignant des normes (la consommation du Kif, Hachich, alcool,..etc). Aussi, il y a lieu de retenir des préjugés qui ont la caractéristique de la condamnation, mais bien entendu il ne s’agit pas d’une victimisation encourue par la femme, car avec les préjugés il est question de perception et non de comportement, bien que la première guide et anime le second, mais dans laquelle il y a absence de violence en acte.
    Fumeurs marocains

    La dernière enquête nationale sur le tabagisme au Maroc, effectuée en 2006, avait révélé que 18% des Marocains fument. Selon cette enquête, le profil des fumeurs marocains change petit à petit, au fur et à mesure des évolutions socio-économiques. Les nouveaux fumeurs se recrutent ainsi de plus en plus parmi les femmes, les adolescents et les jeunes adultes. Toujours selon l’enquête nationale de 2006, 14% des fumeurs marocains se sont déclarés dépendants (consommation quotidienne) et 3% ont confié ne fumer qu’occasionnellement. La prévalence du tabagisme est en outre plus forte chez les hommes (31,5%) que chez les femmes (3,3%). Mais le plus inquiétant demeure certainement la hausse du tabagisme parmi les adolescents.
    D’après une autre étude menée par le service des maladies respiratoires de l’hôpital Ibn Rochd, 24% des collégiens marocains s’adonneraient à la cigarette, et ce, dès l’âge de 11 ans.
    Ils ont dit...

    • «Je ne me marierai jamais avec une femme fumeuse»
    • Mourad, 26 ans
    • «Quand j’étais un peu plus jeune, j’étais surpris et même choqué à chaque fois que j’apercevais une jeune fille ou une femme tenant en train de fumer. Maintenant, c’est différent. Cette image ne me fait plus le même effet, d’autant plus que c’est devenu très fréquent. Plusieurs de mes collègues femmes au travail fument tout le temps. Tant qu’il ne s’agit pas de ma sœur ou de ma fiancée, cela ne me dérange absolument pas. Elles sont libres de faire ce qu’elles veulent de leur santé et de leur vie. Personnellement, je n’ai pas de problème avec ce genre de filles, je peux être ami avec elle, sortir avec elle, mais une chose est sûre : jamais je ne me marierai avec une femme qui fume. Elles sont trop ouvertes et modernes à mon goût. En plus, elles ont une mauvaise réputation et sont toujours pointées du doigt.C’est pourquoi je ne pourrai jamais admettre que ma future épouse et la mère de mes enfants soit une femme fumeuse»
    • «Je suis fumeuse et je ne le cache pas»
    • Karima, 33 ans
    • «Je suis accro à la cigarette depuis plusieurs années. Il m’arrive de fumer beaucoup de paquets par jour. Je suis consciente que je suis en train de mettre ma santé en danger, mais je n’y peux rien, c’est plus fort que moi. Je ne peux plus me passer de la nicotine. J’ai essayé plusieurs fois d’arrêter en vain. Mais la chose que je ne comprends pas c’est pourquoi une femme qui fume est une mauvaise femme aux yeux de la société marocaine. Pourquoi tant de préjugés ?
    • Et pourquoi les hommes qui fument ne souffrent-ils pas de ce problème ? Je connais plusieurs filles qui ne peuvent pas fumer librement en public. Elles ne peuvent pas supporter le regard impitoyable et cruel de la société. En ce qui me concerne, je ne souffre pas de ce problème parce que j’assume ce que je fais. Je suis convaincue que je ne fais rien de mal. Pourquoi me cacher alors ? La seule personne qui devrait me juger et qui pourrait avoir le droit de me demander d’arrêter de fumer c’est moi, parce que c’est ma santé qui est enjeux»
    • «Je ne peux pas fumer en public»
    • Marwa, 21 ans
    • «Ma première cigarette date du lycée. En effet, j’avais 16 ans pour ma première clope. J’étais avec des copines et nous venions de rentrer de l’école. Comme elles fumaient, elles m’ont proposé d’essayer et m’ont indiqué qu’il fallait tout juste garder la fumée dans les poumons. Tentée par le goût de l’interdit, j’ai accepté. Depuis, je suis devenue une adepte de la nicotine. Mais j’ai toujours beaucoup de mal à fumer en public. Je ne comprends pas pourquoi on colle l’étiquette de «mauvaises filles» à toutes celles qui fument. Ceci n’a aucun sens. A chaque fois que j’ai envie ou besoin de fumer, je dois me cacher quelque part (dans les toilettes, un café…). Ma famille ne se doute pas de ma situation. Si mon père apprenait que je fume, il serait capable de me tuer. C’est pourquoi, j’ai tout le temps un chewing gum dans la bouche et je m’asperge de parfum.


    Publié le : 16 Novembre 2012 - Hajjar El Haiti, LE MATINma
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