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Suisse : la bataille perdue du secret bancaire

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  • Suisse : la bataille perdue du secret bancaire

    Rien n'est plus comme avant au pays du secret bancaire. La place financière a définitivement perdu de son opacité. Sans être totalement interdite, la pratique du «compte à numéros», qui a fait la fortune des banques suisses depuis plus d'un siècle, se raréfie. «Les banques se montrent plus prudentes vis-à-vis d'une clientèle qui ne respecterait pas ses obligations fiscales», reconnaît Michel Dérobert, secrétaire général de l'Association suisse des banquiers privés. Concrètement, si un client nouveau veut ouvrir un compte numéroté, on va lui poser des questions sur sa situation fiscale, on le mettra en garde, on lui demandera de cocher une case pour savoir s'il accepte l'échange d'informations. Libre à lui, ensuite, de se conformer ou non, à ses risques et périls…
    En trois ans, la pression diplomatique internationale a fait sauter les principaux verrous de la place financière suisse. Le «big bang» a eu lieu en 2009, dans la foulée du scandale UBS. Paris, Berlin, Washington et l'OCDE ont menacé la Suisse d'être inscrite sur une liste noire de paradis fiscaux. Depuis, tout a changé. «La perception aujourd'hui, relève un avocat fiscaliste, c'est que le secret bancaire n'a plus la même étanchéité. Les personnes qui veulent cacher de l'argent sont moins tentées par la Suisse.»«Il y a un avant et un après, confirme un banquier suisse. On n'a plus le choix. On doit se conformer aux normes internationales plus exigeantes.»
    Sur le plan légal, c'est l'adoption du standard international d'échange d'informations de l'OCDE qui a permis de vaincre les fortes résistances du lobby helvète. À ce jour, plus de 20 conventions bilatérales sont entrées en vigueur dont une avec la France. Le standard OCDE s'est encore durci en juillet dernier: Berne accepte désormais les demandes groupées. Le changement est loin d'être anodin puisque la mention du nom du client n'est plus obligatoire pour obtenir l'échange d'informations. «Il suffit d'indiquer des comportements répréhensibles», précise le secrétaire d'État aux Questions financières internationales, Michael Ambühl.
    Avancées notables

    Malgré ces avancées notables, Bercy se plaint toujours du manque de coopération des autorités helvètes. Berne invoque le droit suisse qui impose de prévenir le contribuable en cas de procédure d'entraide administrative.
    Christophe Billet, avocat associé au cabinet DS Avocats, soulève un autre problème. «Il devient très coûteux aux contribuables souhaitant régulariser leur situation de rapatrier les fonds placés à l'étranger, explique le fiscaliste, en raison de la fermeture de la cellule de régularisation qui n'accepte plus de dossiers et du dernier projet de loi de finances rectificative qui soumet les avoirs placés à l'étranger au taux de droit mutation le plus élevé, soit 60 %.»
    La Confédération a tenté la parade en négociant des accords Rubik, qui instaurent un prélèvement à la source - parfois très élevé - en échange du maintien du secret bancaire. C'est une façon de calmer les pays d'origine des détenteurs de comptes en leur offrant une forme de compensation fiscale. Les clients, eux, voient leurs comptes taxés comme dans leur pays d'origine, mais ils échappent toujours aux lourdes pénalités qui leur seraient imposées en cas de découverte d'un compte caché, notamment, pour les Français, les rappels d'ISF sur plusieurs années.
    Côté suisse, cela s'inscrit dans une stratégie dite «argent propre» qui s'oppose aussi à cette pratique vivement condamnée en Suisse du vol de données, tels que ceux survenus chez UBS ou au Credit Suisse… Pratique de fait redoutablement efficace.
    À ce jour, deux accords Rubik ont été conclus, avec l'Autriche et la Grande-Bretagne. Ils entreront en vigueur le 1er janvier. Le troisième accord, conclu avec l'Allemagne, est suspendu à la décision ce vendredi du Bundesrat. Devenu enjeu électoral, il devrait être rejeté par le Parlement des Länder, où le SPD est majoritaire. Peer Steinbrück, ex-ministre des Finances SPD et apôtre de la croisade contre l'évasion fiscale, sera le rival d'Angela Merkel à la Chancellerie en 2013. La Suisse conserve encore un petit espoir d'une issue positive si la commission de conciliation entre les deux Parlements se réunit, mi-décembre. Berne a également entamé des négociations avec Athènes et Rome. De son côté, Paris reste toujours hostile aux accords Rubik qui préservent le secret bancaire et valident, selon Bercy, l'évasion fiscale.
    Argent sonnant et trébuchant

    À l'argument moral, Michael Ambühl oppose le principe de réalité: «Le système (Rubik) produit un résultat probant d'argent sonnant et trébuchant. Il permet aux États partenaires de taxer leurs contribuables tout en maintenant une protection des données. C'est beaucoup plus efficace que l'échange automatique d'informations qui met beaucoup de données à disposition du fisc et requiert un énorme travail de traitement. Ces accords prévoient aussi de l'échange d'informations sur demande.» Les taux d'imposition à la source sont négociés avec les États d'origine. Ils sont conformes aux niveaux pratiqués dans le pays, indique-t-on à Berne. Grâce à Rubik, le ministère des Finances allemand table sur 10 milliards d'euros de rentrées fiscales, rien que sur les avoirs passés.
    Autre garde-fou de Rubik défendu à Berne, si les avoirs cachés fuient vers des cieux plus «cléments», la Suisse s'engage à communiquer les dix premiers pays destinataires et les montants. Dans ces conditions, quel intérêt à maintenir ou placer son argent en Suisse? «Pour notre expertise et notre savoir-faire!», répond la puissante Association suisse des banquiers.
    LE FIGARO
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