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Dans les maquis de Kabylie

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    Avec si Rabah Nia, nouveau chef de la Région I, nous avions pris la route de Aïn El Hammam en compagnie d’un agent de liaison pour rejoindre Aït Ouabane, localité que le colonel Amirouche avait choisie pour y installer son premier PC de Wilaya. Nous avons trouvé ce village complètement rasé par l’aviation ennemie.

    Le chemin y menant était le même que celui que j’avais emprunté lors de mon affectation dans la Région III, une année auparavant. Nous y arrivâmes au bout d’une semaine, après avoir enduré tant de difficultés. Dès que nous mettions les pieds sur le territoire d’un secteur, nous étions accueillis par les responsables avec lesquels le chef de Région passait en revue la situation qui y prévalait.
    Les effets de l’opération Jumelle en cours s’étaient traduits par la réduction des activités à tous les niveaux. Comment pouvait-il en être autrement sachant que tous les villages non déplacés étaient occupés par l’ennemi et entourés de barbelés ? Malgré cela, le moral des moudjahidine était intact et leur détermination à lutter jusqu’à la dernière goutte de leur sang était sans pareille. Aussi, les relations organiques avec les populations n’ont jamais été coupées. Au cours des réunions, Si Rabah Nia donnait des directives aux responsables des secteurs concernés.

    Arrivés à Aït Ouabane, nous rencontrâmes les responsables du Secteur I pour une réunion de travail. C’est là qu’il fut fait état de l’enlèvement de deux présumés traîtres, originaires des villages d’Aït Laaziz et d’Aït Ouagour, qui devaient passer devant un tribunal pour être jugés. L’un d’eux a trouvé la mort par accident, en glissant sur un rocher.

    Mauvaise reputation


    Le chef de région, me connaissant natif de la région, prit soin de me consulter sur le deuxième cas en cours de discussion. Connaissant personnellement ce dernier, j’avais témoigné qu’il avait mauvaise réputation, mais qu’il ne pouvait pas être un traître. La première décision délicate à prendre par si Rabah Nia, pour sa prise de fonctions dans la région, était de libérer le suspect sur le champ. Après avoir pris connaissance de la situation qui prévalait dans ce Secteur I de Aïn El Hammam, où il a passé plus d’une semaine, Si Rabah Nia devait continuer sa prise de contact avec les autres secteurs de la région. Nous prenions la route pour le Secteur II des Ouacifs, en compagnie de Si Saadi (de son vrai nom Ibrahim Djaafar), chef de secteur.

    Arrivés aux Ouacifs, nous primes refuge au village d’Aït Sidi Athman, situé à quelques encablures de Tiguemounine où les forces ennemies avaient installé leur campement. Les rares villages des Ouacifs non occupés par les soldats français recevaient sans cesse la visite de ces derniers en patrouille, notamment la nuit. Le groupe commando nous rejoignit dans ce refuge. On nous offrit un repas comme on n’en avait rarement eu au cours de notre vie de maquis. Nous étions enthousiasmés par l’accueil qui nous a été réservé. Notre insouciance n’a duré qu’un instant. Une patrouille ennemie de passage devant le refuge avait compris que nous étions à l’intérieur ; c’était précisément le moment où nous nous apprêtions à sortir. Après un profond silence, un feu nourri tiré par les soldats, embrasa la maison. Nous ripostâmes pour essayer de sortir du guêpier.

    Certains djounoud essayaient de défoncer la porte car il fallait sortir avant l’arrivée des renforts. Si Saadi était le premier à sortir en tirant deux rafales, suivi par moi-même blessé, puis Si Rabah Nia. Ce dernier, mortellement blessé, tomba sur le champ. Quand à moi, j’étais touché par une balle au bras gauche et des éclats de grenade sur le coté gauche, du bras jusqu’à la plante du pied. Malgré tout, j’ai réussi à sortir du guêpier avec beaucoup de chance vu mes blessures.

    Ramper pour avancer


    J’ai retrouvé Si Saadi à quelques centaines de mètres, en dehors du village. Je l’ai informé de la mort de Si Rabah Nia et nous nous retirâmes avec prudence avant l’arrivée des renforts. Les autres djounoud ont résisté jusqu’à la dernière cartouche. On a dénombré, de notre côté, la mort de cinq djounoud ; la femme qui tenait le refuge avait été touchée d’une rafale au ventre et succomba à ses blessures. Du côté ennemi, deux soldats furent tués, selon nos informations. Je ne pouvais pas marcher et j’avais perdu beaucoup de sang. Si Saadi essaya de me porter, en vain. Il me quitta pour alerter au plus vite les autres responsables du secteur, tout en me fixant un rendez-vous chez Aït Oukaci Arab, gardien de la centrale électrique d’Imeghras, située à quelques encablures de Souk El Djemaâ, daïra de Aïn El Hammam.

    A l’arrivée des renforts, la maison refuge fut fouillée de fond en comble ; les soldats français découvrirent la cache, qu’ils ont détruite à coups de grenades alors qu’ils brûlèrent la maison. Quant à moi, je continuais mon chemin vers le lieu du rendez-vous. En cette nuit de décembre 1959, il faisait froid, il neigeait. Je ne pouvais pas me tenir sur les jambes à cause de mes blessures. Cependant, je devais m’éloigner du lieu de l’accrochage pour échapper au ratissage qui s’ensuivra automatiquement. Je me traînais à plat ventre en m’appuyant sur la pointe du pied droit lorsque j’affrontais une côte ; quand j’entamais une pente c’était facile pour moi de dégringoler. Cette nuit-là, j’avais de la chance car la neige qui ne cessait de tomber faisait disparaître mes traces. J’arrivais à proximité du village de Tassaft Ouguemoun au petit matin. Je me suis camouflé sous un buisson et j’ai recouvert mon corps de neige. Les chutes de neige étaient si fortes que toute trace fut dissimulée. Le choix de me réfugier près de ce village était dicté par le fait que cette localité était occupée par l’ennemi ; on n’y soupçonnerait pas ma présence.

    Bol de lait chaud

    Au lever du jour, j’aperçus les soldats ennemis en position sur les crêtes. C’était probablement une opération de ratissage déclenchée suite à l’accrochage survenu la veille. Vers la fin de l’après-midi, le calme régnait autour de moi ; c’était sans doute la fin du ratissage. Une fois la nuit tombée, je recommençais à me traîner par terre pour rejoindre le lieu du rendez-vous. Au prix de grands efforts, je parvins enfin à la maison du rendez-vous. Je frappais à la porte et un homme très méfiant sortit pour me poser plusieurs questions du genre : qui suis-je, qu’est-ce que je cherchais, d’où je venais, etc. Au terme de mille et une explications, je fus introduit à l’intérieur. On m’installa devant la cheminée flamboyante pour sécher mes vêtements mouillés et pleins de boue.

    C’était pour moi la meilleure offrande après le froid glacial de ces derniers jours. Quoique j’étais accoutumé à ce genre de situation pour être resté mouillé de jour comme de nuit tout au long de l’hiver. On m’offrit un bol de lait chaud avant de me conduire dans une chaumière remplie de foin, où m’attendait Si Saadi. Nous y avons pris un dîner copieux avant de continuer notre route vers la «boîte» du Secteur I. Arrivés au refuge, nous fumes contraints de nous diriger vers Aït Mislain, un village en ruines dont la population avait été évacuée depuis déjà plus d’une année. J’y restais quelques jours, le temps de me remettre de mes blessures ; faute de moyens, je n’avais reçu aucun soin médical. Dans ce secteur, la situation était aussi critique que le reste de la Zone IV que j’avais parcourue.

    Parmi les responsables que j’y ai rencontrés figurait Si Mohand Ouramdane, de son vrai nom Hachour Mohand Ouramdane, qui venait d’être désigné à la tête de la Région I. Il me cherchait justement pour me remettre ma nomination en qualité de sergent-chef liaisons et renseignement dans le Secteur II de Boghni Boumahni.

    Salah Ouzrourou (officier de l’ALN), EL Watan
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