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La vie après la retraite

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  • La vie après la retraite

    Un autocar rempli de touristes stationne devant la Place des pigeons à Casablanca et un groupe d’une vingtaine de personnes qui descendent : des couples de nationalité anglaise qui visitent le Maroc pour la première fois. Particularité du groupe : ils ont tous plus de 60 ans et pourtant leur âge ne les a pas empêchés de goûter aux plaisirs que leur offre encore la vie. «C’est à la retraite que nous avons décidé de commencer à vivre. En effet, maintenant que les enfants ont grandi et que nous avons mis assez d’argent de côté, nous pouvons nous permettre de voyager dans le monde entier et le Maroc est loin d’être notre dernière destination», se réjouit Madeleine, 70 ans. Pour autant, les voyages ne sont pas les seuls plaisirs que s’offrent les personnes âgées d’outre-mer. Madeleine confie qu’elle n’a commencé à goûter à la vraie vie de couple que lorsqu’elle et son mari ont pris leur retraite. «Avant l’âge de 60 ans, nous nous consacrons plus au travail et à la vie de famille, ce n’est qu’après la retraite que nous avons pu profiter de nos moments ensemble. Alors nous croquons la vie à pleines dents», ajoute-t-elle, avant de s’éloigner avec son mari, en se tenant par la main.
    Une image qu’on ne verra jamais chez nous. Une société où le «hchouma» est le mot d’ordre et une vie qui est loin de ressembler à celle que vivent nos retraités, qui passent leur temps entre les cafés, les jeux de cartes et la maison. En effet, contrairement aux Occidentaux, la majorité de nos retraités vivent dans une routine pleine de passivité, ce qui finit par impacter leur santé mentale et physique. «Mon père était un homme plein d’énergie et toujours en bonne santé et de bonne humeur. Après sa retraite, il a complètement changé, on aurait dit un autre homme. Fini l’homme actif qui aimait voyager et se faire plaisir, aujourd’hui, c’est un homme abattu qui passe le plus clair de son temps confiné à la maison. Résultat : il s’ennuie, déprime et sa santé physique en a pris un sacré coup», confie tristement Hassan.
    Même tristesse ressentie dans la voix de Firdaous. «J’ai de la peine pour mes parents. Ils s’ennuient tellement à la maison. Ils ne pratiquent aucun sport, ni aucune autre activité. Je ne sais pas quoi faire pour les sortir de leur solitude et leur passivité, surtout que je ne vis pas dans la même ville qu’eux», indique-t-elle. Côté parents, eux aussi se sentent piégés dans leur routine et ne savent plus comment s’en sortir.
    «J’étais heureux de prendre ma retraite après 35 ans de bons et loyaux services dans l’administration. Je rêvais d’une chose : me reposer et profiter de mes enfants. Cependant, j’étais loin d’imaginer que ma vie serait aussi ennuyeuse.
    Mes enfants se sont tous mariés et ont quitté le domicile, je me retrouve alors seul avec ma femme, ne sachant pas quoi faire de nos journées. Les seuls moments de bonheur sont ceux où les enfants viennent nous rendre visite avec leurs petits qui mettent de l’ambiance à la maison. Mais une fois partis, nous nous retrouvons encore seuls, ma femme et moi, et la routine s’installe rapidement», raconte hajj Boubker, 65 ans, qui même s’il est conscient que la passivité est l’une des causes principales de sa déprime, hésite à se trouver un petit travail qui l’aiderait à sortir de sa routine. «Je suis vieux pour travailler, d’ailleurs je suis tout le temps fatigué. Je ne pourrais pas tenir dans un travail. Et puis, il faut laisser leur chance aux jeunes, notre temps est révolu», insiste-t-il. La situation est d’autant plus compliquée que la plupart de ces «vieux» couples n’ont jamais appris à communiquer. Les femmes ayant pris l’habitude de se murer dans le silence et de ne pas divulguer leurs sentiments ont de plus en plus du mal à se retenir à force d’âge. «Je ne reconnais plus ma femme.
    Depuis que j’ai pris la retraite, elle a complètement changé. Elle a toujours été une femme brave et calme, qui a le sens du sacrifice et qui ne me désobéissait jamais. Notre vie était paisible et nous formions un couple exemplaire. Aujourd’hui, elle est devenue grincheuse et têtue. Chaque jour est une épreuve difficile et notre vie est devenue un enfer. Je ne comprends pas ce qui lui arrive», souligne Abderrahmane. Tous les Marocains n’envisagent pas une retraite routinière heureusement. En effet, un certain nombre de «pré-retraités» ont d’ores et déjà établi leurs plans et envisagent l’avenir avec enthousiasme. C’est le cas de Thami, 54 ans, divorcé. «Il est hors de question que je reste à la maison après ma retraite, cela pourrait me tuer», s’exclame-t-il. «J’envisage de partir à l’étranger et de m’engager au sein d’une organisation humanitaire internationale. Cela me permettra de rester en activité, de voyager et de rencontrer diverses populations», poursuit-il.
    Nos personnes âgées selon Fatima El Kettani, psychologue
    «Les retraités marocains souffrent, pour la majorité d’entre eux, d’un manque financier, émotionnel et psychique»

    Je pense que la différence entre comment on vit notre retraite par rapport aux étrangers vient de la façon dont on vit notre couple. En effet, les Occidentaux construisent leur vie sur leur couple et le nourrissent d’amour, d’affinité et d’amitié, alors que pour nous, ce sont les enfants qui constituent le socle de notre vie. En d’autres termes, les Marocains ne cherchent pas à consolider leur couple et ne pensent pas à construire une relation basée sur la tendresse et l’amitié. Au contraire, ils se consacrent à leurs enfants qui deviennent leur seule raison de vivre. Alors quand arrive l’heure de la retraite, qui coïncide généralement avec le moment où les enfants quittent le cocon familial, le couple se retrouve seul et se rend compte qu’il ne se connait pas très bien. D’où un quotidien rempli de problèmes, de tension, de nervosité et d’éloignement. Je pense que les couples doivent penser à vivre pour eux, construire leur vie commune et préparer le moment où ils vont rester en tête à tête à la maison, bien avant le moment fatidique de la retraite.
    D’un autre côté, les retraités marocains souffrent de manque d’activité. Rares sont ceux qui ont un loisir et pensent à le développer en métier pendant la retraite. Pourtant, ceci pourrait leur éviter la passivité, l’ennui, mais aussi leur garantir un revenu qui pourra les aider à mieux vivre cette période de leur vie. En résumé, je pense que les retraités marocains souffrent, pour la majorité d’entre eux, d’un manque financier, émotionnel et psychique.


    Au secours, mon mari est à la retraite !

    Alors que certains hommes sont heureux de prendre leur retraite et d’avoir assez de temps pour s’occuper de leurs foyers, les femmes se plaignent de l’ingérence de leurs maris dans les affaires ménagères. «Depuis qu’il a pris sa retraite, il est devenu insupportable. Il se mêle de tout et de rien, y compris la cuisine, lui qui ne sait même pas cuire un œuf. J’essaie de le convaincre de se trouver une activité régulière hors de la maison, en vain», se lamente hajja Aziza. Même son de cloche chez sa voisine, hajja Fatima. «Il n’y a pas pire qu’un homme à la maison. Depuis qu’il a pris sa retraite, mon mari tourne en rond comme un fauve dans une cage. Rien ne le satisfait et il passe son temps à râler sur tout le monde, moi, les enfants… les seuls moments de répit, c’est quand il fait la sieste. Je pense sincèrement qu’ils doivent annuler les retraites des hommes, leur place est au travail pas à la maison», s’insurge-t-elle.

    Publié le : 23 Novembre 2012 - Hafsa Sakhi, LE MATIN MA
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