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  • Quand Damas vacille

    Témoignage de Damas, plongée dans le quotidien de la guerre

    Le Monde.fr | 28.11.2012 à 19h41
    Par Hélène Sallon

    Un habitant de Damas, la capitale syrienne, a accepté de raconter au Monde – sous couvert de l'anonymat pour des raisons de sécurité –, le quotidien des habitants de la ville. Fin observateur du soulèvement syrien, il nous livre un témoignage précieux, mais difficile à recouper, du fait de l'impossibilité faite aux médias, et au Monde en l'occurrence, de couvrir le conflit dans la capitale syrienne.

    Longtemps épargnée par les combats entre la rébellion et les forces du régime de Bachar Al-Assad, Damas, la capitale, a peu à peu basculé dans la crise syrienne. "On entend des bombardements tout le temps. Des murs de fumée s'abattent sur la ville. Certaines populations ou quartiers continuent à vivre normalement, mais le quotidien a changé. Il y a une grande présence militaire. Il commence à y avoir des pénuries, notamment de gaz, de mazout ou d'essence, et les prix ont augmenté de 40 %", raconte cet habitant. Il y a quelques mois encore, seule la présence de dizaines de milliers de réfugiés venus du reste du pays – entre un demi-million et un million, selon cet habitant – donnait aux Damascènes la mesure de la guerre dans laquelle était plongé leur pays. Une vision qui, rappelant l'arrivée massive de réfugiés irakiens dans la ville à partir de 2004, a participé de la réticence de la capitale à soutenir le soulèvement.




    Face au grignotage progressif des quartiers périphériques par les rebelles et l'ouverture de nouveaux fronts lors de l'opération "Volcan de Damas", du 13 au 22 juillet, le régime a répondu par un verrouillement sécuritaire de la ville et des bombardements quasi-quotidiens sur les quartiers passés dans le giron de l'opposition. "Jusqu'en juillet, l'idée était de ne pas utiliser les mêmes moyens à Damas. Puis le régime a fait la même chose qu'à l'extérieur. Il multiplie les mesures de sécurité de façon démesurée, comme notamment le déploiement de chars dans l'ensemble des banlieues de Damas, raconte cet habitant. Les espaces périphériques sont devenus des lieux de bombardement systématique. Le régime y coupe parfois l'électricité et l'eau en guise de punition collective. Seul l'hypercentre de Damas [l'équivalent des sept premiers arrondissements parisiens] n'est pas concerné par ces bombardements."

    En dépit de l'étroit quadrillage du régime, le centre-ville et certains quartiers périphériques sont la cible d'attentats, certains revendiqués par des groupes rebelles. Damas est plongée dans le quotidien de la guerre. "Les gens s'accommodent des attentats, ils sortent désormais même si ils entendent des tirs lourds. Les écoles tentent de fonctionner normalement, même si les élèves ou les professeurs ne peuvent parfois pas venir", raconte l'habitant de Damas.

    DAMAS QUADRILLÉE SÉCURITAIREMENT

    Cette menace croissante de la rébellion et la poussée de la ligne de front aux portes mêmes de la ville ont précipité le régime dans une spirale sécuritaire. Le centre-ville est désormais coupé du reste du pays par des barrages routiers, avec des dispositifs militaires pouvant comprendre des tanks et des snipers, comme place des Abbassides, au nord-ouest, ou à Al-Midane, au sud. "Les tanks circulent dans la ville comme dans la périphérie. Les gens des banlieues proches continuent à venir dans le centre-ville. Mais on sait le matin s'ils ont coupé les routes vers la périphérie, car le centre-ville est fluide", raconte l'habitant. "Avec les embouteillages, il faut deux heures pour aller en banlieue, désormais, poursuit-il. Il n'est plus possible d'y aller depuis la ville à partir de 20 heures. Les barrières hors de la ville sont devenues dangereuses, surtout pour les jeunes de 20 à 35 ans dont le livret militaire est contrôlé. Il y a des disparitions."

    Dans le centre même, les grands axes sont constellés de points de contrôle, tous les cent mètres environ. Ces points de contrôle, érigés chacun par quatre à huit hommes en armes, des chabihas ou des membres des comités populaires, étaient d'abord sommaires, selon cet habitant, avant d'être solidifiés et de devenir permanents. "Depuis le début du mouvement, le nombre des chabihas n'a cessé d'augmenter, estime-t-il. Certains quartiers populaires, comme le quartier de Mezzé 86, à dominante alaouite, sont devenus des zones de recrutement de chabihas." Certaines rues du centre ont été fermées avec des murs de deux mètres, délimitant des zones désormais interdites, comme le quartier résidentiel de Malki, où vit le président Assad. "Ces murs constituent des protections contre les attentats, mais il y a des rumeurs sur la constitution de bastions par le régime, pour mener l'ultime résistance", rapporte cet habitant.

    "Tout déplacement dans le centre prend deux fois plus de temps. On commence à réfléchir avant d'envisager une excursion, car aller à trois endroits différents peut prendre entre deux heures et demie et quatre heures", poursuit-il. "Le soir, la population masculine craint les disparitions. Dès 20 ou 21 heures, il n'y a plus personne dans les rues. On ne trouve plus de taxi. Dans les cafés et les bars, la population se masculinise. Les gens préfèrent faire des soirées chez eux ou dans les environs proches. Il est désormais tout à fait ordinaire de rester dormir chez les gens, alors que ça ne se faisait pas vraiment avant", rapporte l'habitant.

    LA CONQUÊTE DES ESPRITS

    L'image d'une capitale réfractaire à la contestation a fait long feu. "La ville est représentative de ce qui se passe dans le pays, avec une extrême minorité tenant un discours éradicateur, où les rebelles sont présentés comme des bandits financés par l'étranger, rapporte l'habitant de Damas. Mais la très grande majorité partage le sentiment que le régime est allé beaucoup trop loin en utilisant des armes lourdes contre la population. Il y a une rupture de confiance, les gens ne veulent pas que ce pouvoir reste en place, mais il y a aussi la peur du lendemain et de la rébellion qui, on le voit bien, n'est pas l'avant-garde de l'humanité, et multiplie les dérapages. Il y a en outre une méfiance et un mépris traditionnels de la population urbaine pour les campagnes, dont sont majoritairement issus les rebelles."

    Damas s'effrite. Une partie a pris les armes qu'a commencé à distribuer le régime pour la constitution de milices locales dans les quartiers. "Dans la vieille ville, où le régime craint particulièrement l'infiltration des rebelles, des milices se sont constituées sur des bases communautaires locales, à l'instar des Arméniens, qui y ont pris beaucoup de poids", explique le Damascène. D'autres quartiers sont gagnés par des mouvements d'opposition civile. "Dès novembre 2011, de multiples signes d'opposition larvée sont apparus dans la ville : graffitis, distribution de flyers aux portes dans certains quartiers pour appeler à des manifestations ponctuelles, discussions entre personnes, collecte et soutien pour les martyrs, forums de discussion informels...", raconte l'habitant.

    La bataille pour la conquête des esprits bat son plein. Dans le quartier de Shaghour Barany, proche de la vieille ville, de nombreux slogans de l'opposition sont tagués sur les murs, des actes qui peuvent valoir à leur auteur trois mois de prison, indique le témoin. "C'est avant tout un combat de visibilité. Il y a une bataille pour la conquête de l'espace public, en écrivant des mots d'abord. A Ababiya, par exemple, dans la banlieue sud-est de la ville [Hajar Aswad], il y a des mouvements de troupes dans un sens et dans l'autre, où chaque camp prend le temps de taguer des mots d'ordre révolutionnaires d'une part et, d'autre part, d'effacer cette présence. Un dialogue s'établit ainsi dans un contexte de guerre proche", témoigne l'habitant.

    LE BESOIN DE PAROLE, LA SUBTILITÉ DES MOTS

    Toutefois, le basculement, explique-t-il, est d'abord individuel avant d'être éventuellement récupéré par des groupes. "La sensibilisation des uns et des autres se fait par des discussions sur l'après, ce qu'il faut faire maintenant. Les gens ne parlent pas librement dans la rue mais, dans l'intimité, tout le monde parle, ce qui n'arrivait pas avant. Il y a des lieux comme le coiffeur, le marchand où les gens éprouvent le besoin de discuter, de parole. Ce besoin est tellement partagé que plus personne ne peut se taire, même les partisans du régime", raconte l'habitant de Damas. La subitilité des mots dit tout du positionnement de chacun et du basculement progressif de certains dans l'opposition : de "gang" à "opposition" puis "rebelle" et "lutte armée", jusqu'à finalement employer le terme d'"armée libre".

    La peur a disparu, la parole s'est déliée jusqu'à ce que s'impose, explique-t-il, un certain "goût du défi dans la parole comme dans les micromanifestations. Certains n'hésitent plus à exprimer leurs critiques en famille ou dans des discussions publiques, comme au travail". Tous ou presque ont désormais rompu la loi du silence. Les partisans de l'opposition organisent des forums de discussion chez des particuliers, sur les réseaux sociaux. Au-delà des mots, raconte-t-il, "certains apportent de l'aide aux réfugiés en collectant de la nourriture ou distribuent des médicaments. D'autres disparaissent du jour au lendemain, entrent dans la clandestinité et prennent les armes". Une posture encore rare au sein de la population damascène, vécue comme un ultime choix et rendue difficile par la difficulté d'accès des combattants de la rébellion. "C'est souvent le cas, explique-t-il, des plus jeunes, les 20-30 ans, qui y voient une forme d'héroïsme révolutionnaire."

    "Le mouvement d'opposition va continuer et s'amplifier, estime-t-il. Les événements de juillet ont été déterminants dans l'aggravation de la paranoïa et d'un certain comportement extrême du régime, qui ne tolère plus rien. Des pratiques jadis exceptionnelles sont devenues systématiques. A la moindre chose qui ne plaît pas, il y a des arrestations de tous les participants et des témoins. Les gens ne peuvent plus légitimer ce qui se passe sous leurs yeux." Chaque famille ou presque compte des membres arrêtés, torturés ou ayant disparu. "Quand quelqu'un est jugé problématique, ils l'attrapent avec tous les gens de son entourage. Non pas pour obtenir des informations, mais pour punir et compléter les fiches d'information sur les autres. Le temps d'enfermement et la catégorie de torture utilisés servent à envoyer un message", rapporte l'habitant. Le régime fait pression sur les familles des hommes passés à la rébellion, en brûlant leurs maisons, explique-t-il. Et la rébellion fait elle aussi pression sur la population pour qu'elle choisisse son camp.

  • #2
    Il y'a 3 mois encore le ministre syrien de l'information refusait ce mot guerre "civile" et selon lui ce qui se passe en Syrie ressemble à ce qui se passe dans les banlieux de Paris ou Londres, 2 "terros" qui sèment des troubles et le monde entier croit à une guerre civile. D'ailleurs sa télévision n'a jamais rapporté un seul avion abattu...et pourtant ils sont plus d'une centaine maintenant...

    Pas à la tique ..

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    • #3
      @ bel-court
      Damas encore debout !!!
      Politiquement le voisin de la Syrie : Israël vacille ...

      N aura plus de poids , coincé politiquement , en face d elle un état souverain ( reconnu officiellement )
      A qui sait comprendre , peu de mots suffisent

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