Entretien avec Amar Tou, ministre des Transports
TSA
Les Algériens se plaignent de l’anarchie qui règne dans le secteur privé du transport urbain…
S’il y avait anarchie, les gens ne rentreraient pas chez eux et passeraient la nuit à attendre du transport. Mais il y a, peut‑être, le besoin d’une meilleure organisation en ce qui concerne le temps d’attente et de départ de la station. De nombreux transporteurs refusent de quitter la station avant de faire le plein de voyageurs. Des règles ne sont donc parfois pas respectées. Il arrive aussi que des connivences voient le jour entre celui qui gère la gare ou la station et le transporteur. Il y a également, parfois, des comportements individuels qui dérangent. On doit corriger cela et peut‑être sévir d’avantage pour que chacun respecte les règles.
Comment en est‑on arrivé là ?
Pour comprendre la situation d’aujourd’hui, il faut rappeler qu’à la fin des années 1980, l’Algérie n’avait pas les moyens financiers pour acquérir des bus pour le parc public. On avait alors fait appel au privé pour investir dans le transport. Après, il y a eu le désordre des années 1990. Même les stations devant être gérées par l’administration ont été abandonnées à cause du manque de sécurité. Devant ce vide, les syndicats des transporteurs se sont vus obligés de prendre en charge la gestion des stations.
Quand on a essayé de mettre de l’ordre, ça n’a pas été facile. On n’avait pas cette impudence de prendre le bâton et d’exclure les gens. On a donc adopté une démarche progressive. Il y a eu les différents textes de transport terrestre et urbain et ceci s’est fait de manière timide parce qu’on sortait d’une situation difficile où les transporteurs avaient apporté leur contribution pour gérer le transport. Comme les choses se faisaient progressivement, d’autres habitudes se sont créées chez les transporteurs qui ont essayé par tous les moyens de se recycler pour garder les mêmes avantages.
Que faites‑vous concrètement pour améliorer les transports urbains ?
Le secteur des transports urbains est le plus difficile à gérer. Pour commencer, il faut éviter de toucher de manière brutale à des habitudes qui se sont installées depuis très longtemps. L’organisation des transports s’appuie sur la construction des gares routières, des stations urbaines et l’aménagement des aires de stationnement. Nous sommes en train de réceptionner des gares routières dans les chefs‑lieux de wilaya. Il y a aussi les parkings. À Alger, cinq sont en cours de réalisation sur les sept programmés à Dar El Beida, Zéralda, Birkhadem. Si on n’a pas ces appuis, on ne peut rien faire.
Nous commençons à mettre en place, progressivement, une autorité d’organisation des transports urbains pour les neuf grandes villes du pays. Les textes sont sortis. L’autorité organisatrice en France est financée par les entreprises ayant plus de neuf employés. En Algérie, c’est l’État qui va la soutenir en attendant qu’il y ait suffisamment d’entreprises qui puissent payer et contribuer.
Qu’en est‑il du renouvellement des véhicules de transport en commun, dont beaucoup sont vétustes ?
On a commencé par faire un recensement exhaustif de tous les véhicules en Algérie pour connaître leur nombre et leur âge. Quand on a essayé de traduire cela en chiffres, on s’est rendu compte que le renouvellement des véhicules âgés de plus de quinze ans allait coûter beaucoup d’argent à l’Algérie. N’ayant pas d’industrie automobile, cela voulait tout simplement dire offrir des cadeaux à l’industrie française, italienne ou autre. On parle de milliards de dollars. L’Algérie est actuellement en négociations avec l’allemand Mercedes pour produire localement des bus.
Outre l’absence d’une industrie, quand on parle de vétusté de véhicule, on parle de contrôle technique. Il y a des tricheries chez nous comme ailleurs. Mais il faut bien faire confiance aux agences de contrôle technique. Le bus ne circule pas s’il n’y a pas d’autorisations techniques.
Les accidents de la route tuent chaque année des milliers de personnes en Algérie. Quand le permis à points entrera‑t‑il en vigueur ?
Nous avons l’espoir de faire aboutir le projet d’ici la fin de l’année. Avec le permis à points, les infractions que commettrait un conducteur devraient être enregistrées dans un fichier central national. Or, le fichier national sur les infractions [routières], comme celui de la carte nationale, celui de la carte électorale, celui de la carte grise, celui du permis de conduire, n’a toujours pas été mis en place [au niveau du ministère de l’Intérieur]. En attendant, il y aura d’abord le permis à points pédagogique qui ne sera pas retiré au contrevenant quand il aura consommé tous ses points. Le ministère de l'Intérieur dispose maintenant, de l’intranet, qui relie les différentes communes et daïras du pays. On a donc la possibilité d’enregistrer et de communiquer les infractions.
Le conducteur passera au niveau de la commission administrative de retrait de permis qui traite la nature des infractions et décide des sanctions. Celle‑ci décidera de la sanction en fonction des points perdus. Elle pourra lui dire : « monsieur, vous conduisez comme un chauffard et c’est pour cela que la sanction qu’on vous infligera sera lourde ». Dans le cas le contraire, on allègera la sanction.
Avez‑vous prévu d’autres mesures pour lutter contre le terrorisme routier, sachant que le nouveau code de la route a été pratiquement gelé depuis les émeutes de janvier 2011 ?
Les jeunes se sont même mis à narguer les policiers avec leurs téléphones. En fait, il y eu a eu une sorte d’orientation pour aller doucement. Ce n’est pas le ministère des Transports qui fait appliquer le code de la route. En 2010, nous avons réduit de 947 le nombre de morts. Les vies humaines qu’on a gagnées en 2010, on les a perdues en 2011. Quand on a constaté cela, on a organisé des rencontres avec le ministère de l’Intérieur, la police, la gendarmerie en 2011. Il a bien fallu se rendre à l’évidence : la sensibilisation seule ne paie pas et il fallait peut‑être trouver un équilibre entre la répression et la sensibilisation.
A suivre ...
TSA
Les Algériens se plaignent de l’anarchie qui règne dans le secteur privé du transport urbain…
S’il y avait anarchie, les gens ne rentreraient pas chez eux et passeraient la nuit à attendre du transport. Mais il y a, peut‑être, le besoin d’une meilleure organisation en ce qui concerne le temps d’attente et de départ de la station. De nombreux transporteurs refusent de quitter la station avant de faire le plein de voyageurs. Des règles ne sont donc parfois pas respectées. Il arrive aussi que des connivences voient le jour entre celui qui gère la gare ou la station et le transporteur. Il y a également, parfois, des comportements individuels qui dérangent. On doit corriger cela et peut‑être sévir d’avantage pour que chacun respecte les règles.
Comment en est‑on arrivé là ?
Pour comprendre la situation d’aujourd’hui, il faut rappeler qu’à la fin des années 1980, l’Algérie n’avait pas les moyens financiers pour acquérir des bus pour le parc public. On avait alors fait appel au privé pour investir dans le transport. Après, il y a eu le désordre des années 1990. Même les stations devant être gérées par l’administration ont été abandonnées à cause du manque de sécurité. Devant ce vide, les syndicats des transporteurs se sont vus obligés de prendre en charge la gestion des stations.
Quand on a essayé de mettre de l’ordre, ça n’a pas été facile. On n’avait pas cette impudence de prendre le bâton et d’exclure les gens. On a donc adopté une démarche progressive. Il y a eu les différents textes de transport terrestre et urbain et ceci s’est fait de manière timide parce qu’on sortait d’une situation difficile où les transporteurs avaient apporté leur contribution pour gérer le transport. Comme les choses se faisaient progressivement, d’autres habitudes se sont créées chez les transporteurs qui ont essayé par tous les moyens de se recycler pour garder les mêmes avantages.
Que faites‑vous concrètement pour améliorer les transports urbains ?
Le secteur des transports urbains est le plus difficile à gérer. Pour commencer, il faut éviter de toucher de manière brutale à des habitudes qui se sont installées depuis très longtemps. L’organisation des transports s’appuie sur la construction des gares routières, des stations urbaines et l’aménagement des aires de stationnement. Nous sommes en train de réceptionner des gares routières dans les chefs‑lieux de wilaya. Il y a aussi les parkings. À Alger, cinq sont en cours de réalisation sur les sept programmés à Dar El Beida, Zéralda, Birkhadem. Si on n’a pas ces appuis, on ne peut rien faire.
Nous commençons à mettre en place, progressivement, une autorité d’organisation des transports urbains pour les neuf grandes villes du pays. Les textes sont sortis. L’autorité organisatrice en France est financée par les entreprises ayant plus de neuf employés. En Algérie, c’est l’État qui va la soutenir en attendant qu’il y ait suffisamment d’entreprises qui puissent payer et contribuer.
Qu’en est‑il du renouvellement des véhicules de transport en commun, dont beaucoup sont vétustes ?
On a commencé par faire un recensement exhaustif de tous les véhicules en Algérie pour connaître leur nombre et leur âge. Quand on a essayé de traduire cela en chiffres, on s’est rendu compte que le renouvellement des véhicules âgés de plus de quinze ans allait coûter beaucoup d’argent à l’Algérie. N’ayant pas d’industrie automobile, cela voulait tout simplement dire offrir des cadeaux à l’industrie française, italienne ou autre. On parle de milliards de dollars. L’Algérie est actuellement en négociations avec l’allemand Mercedes pour produire localement des bus.
Outre l’absence d’une industrie, quand on parle de vétusté de véhicule, on parle de contrôle technique. Il y a des tricheries chez nous comme ailleurs. Mais il faut bien faire confiance aux agences de contrôle technique. Le bus ne circule pas s’il n’y a pas d’autorisations techniques.
Les accidents de la route tuent chaque année des milliers de personnes en Algérie. Quand le permis à points entrera‑t‑il en vigueur ?
Nous avons l’espoir de faire aboutir le projet d’ici la fin de l’année. Avec le permis à points, les infractions que commettrait un conducteur devraient être enregistrées dans un fichier central national. Or, le fichier national sur les infractions [routières], comme celui de la carte nationale, celui de la carte électorale, celui de la carte grise, celui du permis de conduire, n’a toujours pas été mis en place [au niveau du ministère de l’Intérieur]. En attendant, il y aura d’abord le permis à points pédagogique qui ne sera pas retiré au contrevenant quand il aura consommé tous ses points. Le ministère de l'Intérieur dispose maintenant, de l’intranet, qui relie les différentes communes et daïras du pays. On a donc la possibilité d’enregistrer et de communiquer les infractions.
Le conducteur passera au niveau de la commission administrative de retrait de permis qui traite la nature des infractions et décide des sanctions. Celle‑ci décidera de la sanction en fonction des points perdus. Elle pourra lui dire : « monsieur, vous conduisez comme un chauffard et c’est pour cela que la sanction qu’on vous infligera sera lourde ». Dans le cas le contraire, on allègera la sanction.
Avez‑vous prévu d’autres mesures pour lutter contre le terrorisme routier, sachant que le nouveau code de la route a été pratiquement gelé depuis les émeutes de janvier 2011 ?
Les jeunes se sont même mis à narguer les policiers avec leurs téléphones. En fait, il y eu a eu une sorte d’orientation pour aller doucement. Ce n’est pas le ministère des Transports qui fait appliquer le code de la route. En 2010, nous avons réduit de 947 le nombre de morts. Les vies humaines qu’on a gagnées en 2010, on les a perdues en 2011. Quand on a constaté cela, on a organisé des rencontres avec le ministère de l’Intérieur, la police, la gendarmerie en 2011. Il a bien fallu se rendre à l’évidence : la sensibilisation seule ne paie pas et il fallait peut‑être trouver un équilibre entre la répression et la sensibilisation.
A suivre ...
Commentaire