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"L'APPRENTISSAGE" de Nadia Khouri-Dagher- Plus qu'un livre en ligne

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  • "L'APPRENTISSAGE" de Nadia Khouri-Dagher- Plus qu'un livre en ligne

    "L'APPRENTISSAGE" de Nadia Khouri-Dagher
    100 mots pour dire comment la France adopte ses enfants de migrants

    je poste son résumé:

    Nadia Khouri-Dagher - Reporter
    Monde arabe - Pays du Sud - Multiculturalisme
    Carte de presse n°95964
    [email protected]

    Nadia Khouri-Dagher est née en Egypte dans une famille d'origine libanaise. Chassée par le nationalisme nassérien comme d'autres familles d'origine étrangère, sa famille se réfugie dans les années 60 au Liban, avant d'émigrer en France quelques années plus tard.

    Diplômée de l'ESSEC, docteur en économie du développement, anthropologue, Nadia Khouri-Dagher est partie à 21 ans vivre en Afrique, au Ghana, et a été dix ans chercheur en sciences sociales, étudiant et travaillant au Ghana, en Egypte, et en Tunisie. De 1982 à 1986, chercheur associée à l'IRD (Institut de Recherche pour le Développement), elle a effectué une enquête anthropologique sur la survie quotidienne des familles dans un bidonville du Caire: Mansheyet Nasser.

    Elle est aujourd'hui grand reporter spécialisée sur le monde arabe et les pays du Sud, a parcouru une quarantaine de pays, et parle six langues.

    Elle collabore à des médias tels que: Le Monde Diplomatique, Le Monde2, Libération, Le Nouvel Observateur, Jeune Afrique, RFI, TV5, etc… et ses articles ont été repris dans la presse internationale: El Pais, Le Soir (Belgique), Publico, Süddeutsche Zeitung, Al Ahram, El Watan, etc…

    En 2002, elle a co-fondé le premier mensuel pour les femmes du Maghreb en France: YASMINA.

    Elle est l'auteur notamment de Bleu marine (sur la Tunisie, La Nef/L'Harmattan, 1992 - 300 ex.acquis par le Ministère de la Culture Tunisien pour ses bibliothèques), Un pays pauvre-Voyage au Mali (L'Harmattan, 1996, rééd. 1999 - Sélectionné pour le Grand Prix du Développement de l'UNICEF et le Prix Tropiques de l'Agence Française de Développement), et Beyrouth au cœur (L'Harmattan, 1999, rééd. 2002 - Extraits et critiques médias sur www.************/Beyrouth), ainsi de plusieurs contributions à des revues scientifiques et des ouvrages collectifs, scientifiques ou littéraires.
    Pourquoi elle a mis son livre en ligne?....elle se justifie comme suite:
    ''J'ai choisi de publier mon dernier livre sur Internet en même temps que de l'éditer en version papier, qui sera disponible à l'automne 2006.''.....

  • #2
    Algerie

    A

    ALGERIE

    Pour Fatima Beddiaf


    Je ne connais pas l'Algérie mais je l'aime. Je l'aime par sa musique, je l'aime par ses gens rencontrés ici, je l'aime par sa cuisine et son goût de recevoir qui sont les mêmes que chez moi, je l'aime pour ses paysages de mer et de montagne mêlées qui me parlent aussi du Liban, je l'aime parce que Les Noces de Camus sont sans doute le texte littéraire que j'aime le plus au monde, celui j'ai lu le plus lentement de ma vie, ne voulant pas faire cesser l'extraordinaire euphorie de lecture qui m'a saisie dès les premières lignes, faisant durer le plaisir plusieurs mois, plusieurs années même car je suis restée longtemps sans finir le texte, exprès, ode à une Méditerranée passionnément aimée dans laquelle je reconnais chaque couleur chaque sensation chaque ombre par le soleil portée.

    J'aime l'Algérie parce que "Alger, Alger" chantée par Lili Boniche* m'a fait pleurer la première fois que je l'ai entendue et me bouleverse à chaque nouvelle écoute, cri d'amour à son pays d'un enfant déraciné, j'aime l'Algérie pour sa musique chaâbi qui ne ressemble pas à mes musiques familières du Moyen-Orient, musique typiquement algéroise dont j'aime les rythmes les rimes le sens des paroles chantées, j'aime l'Algérie pour les chansons émouvantes d'une Souad Massi, jeune femme moderne qui chante sa vie, ses joies et ses peines dont beaucoup viennent de ce que vit son pays, qui mêle le rock l'Algérie et l'esprit des chansons de Paris, j'aime l'Algérie pour le raï qui est une musique qui m'a touchée étrangement la première fois que j'en ai entendue, c'était dans un bar de Tanger il y a quinze ans de cela, "Minuit" de Khaled passait et je me suis arrêtée de parler, toute tendue vers l'écoute, accordéon festif et triste à la fois, voix populaire, musique poétique et rugueuse que j'aimai immédiatement, j'aime l'Algérie pour tous les Algériens et Algériennes que j'ai rencontrés en France, amicaux, chaleureux, ouverts, généreux, fraternels avec la Libanaise que je suis, cousins que nous sommes et que je nous sens totalement, j'aime l'Algérie pour Enrico Macias, oui Enrico Macias que les intellos ici jugent ringard sauf ceux qui sont nés là-bas mais ils ne le confessent pas, j'aime la nostalgie d'un homme qui comme des millions d'autres et comme moi-même aussi a perdu son pays et en rêve la nuit, et le jour sans doute aussi, je me sens en empathie totale avec tous les algériens juifs que je préfère appeler ainsi plutôt que Juifs d'Algérie qui sonne très fasciste et très raciste aussi car pour moi, et dans leur for intérieur surtout si on leur demandait, ces millions de "Juifs d'Algérie", "Juifs du Maroc", ou "Juifs de Tunisie" se sentent avant tout algériens, marocains, tunisiens, et juifs aussi, comme une autre appartenance, mais pas aussi centrale, c'est sûr, que leur appartenance à leur pays natal, et même ancestral, car on l'oublie souvent les juifs étaient souvent dans ces pays-là bien avant les Arabes, dès la destruction du temple de Jérusalem il y a plus de 2000 ans, et d'autres depuis la Reconquista il y a plus de cinq siècles, donc bien avant les colons français italiens ou maltais, mais tout cela l'idéologie coloniale, faite de catégorisation de hiérarchie et d'exclusion ne l'a jamais compris, elle a séparé les gens donc les peuples par la religion alors que ce qui compte partout depuis la nuit des temps c'est l'attachement à une terre, c'est-à-dire à des parfums des senteurs des couleurs des fleurs des arbres une plage un café, images et souvenirs communs partagés, et c'est exactement ce que dans son texte magnifique décrit Camus, que certains pourraient appeler colon français mais que moi j'appelle Algérien car il l'était bel et bien de tout son cœur et par toutes ses pores, comme un animal du pays.

    J'écoute de la musique chaâbi en cette matinée parisienne, pour la première fois Le Monde a consacré un article à un artiste algérien de chaâbi qui se produit bientôt, je pense aux millions de lecteurs, algériens ou français de passeport mais tous également algériens de cœur, qui ont été heureux de lire cet article, la musique qu'ils aiment qu'ils connaissent par cœur qui a bercé leur enfance, dont on parle enfin dans un journal en France, j'écoute cette musique et je sais que quand j'irai en Algérie je m'y sentirai chez moi. Et énonçant ceci je réalise que je m'y sentirai chez moi parce que l'Algérie appartient au monde arabe, car comprendre la langue chantée dans les chansons populaires, la langue parlée par les gens tous les jours dans la rue, me fait prendre conscience que nous avons une culture commune, à commencer par cette langue, la langue parlée tous les jours, que je comprends, et qui me touche. De nombreux Algériens ne sont pas arabes, mais l'identité arabe de l'Algérie la rend proche de moi, comme une évidence. Ces chansons chaâbi me font comprendre, mieux que mille livres d'histoire des civilisations, ce qu'est l'unité du monde arabe, son homogénéité, sa force.

    "Alger, Alger" passe sur ma platine maintenant, et les paroles parlent au cœur de tous les exilés du monde, et, parce qu'elles sont chantées en francarabe, mélange d'arabe et de français, nous parlent surtout à nous, venus d'Algérie du Maroc de Tunisie d'Egypte de Syrie du Liban, anciennes colonies possessions protections d'une France alors impériale, arabes français berbères expatriés rapatriés déracinés enracinés émigrés immigrés juifs musulmans chrétiens athées:

    "J'aime toutes les villes, un peu plus Paris, la ken ma chey comme l'Algérie, comme elle est belle, wou nhebba bel hbel"

    Lili Boniche, nous sommes de la même famille.

    * Lili Boniche était l'une des plus grandes stars musicales dans l'Algérie des années 40. Exilé en France, il continua de chanter dans les cabarets et d'enregistrer. Il était algérien et juif, comme de nombreux musiciens et chanteuses au Maghreb à l'époque, qui était multiconfessionnel. "Alger, Alger" par Lili Boniche: in "L'Algérie en musiques", 3CDs, Créon music - www.creonmusic.com

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    • #3
      Bab El Oued

      B

      BAB EL OUED

      Pour Huguette Candotti-Besson




      Jean-Pierre Elkabbach, Robert Hossein, Gisèle Halimi, Elie Chouraqui, Serge Moati, Albert Memmi,…: "ouf ! nous ne serons pas seuls!", avons-nous pensé dès notre arrivée, "il y a tant de Libanais ici, connus de tous, passant à la télé!"

      Car pour nous, l'association d'un prénom européen et d'un nom de famille arabe - alors que chez les musulmans le prénom est forcément arabe - ne pouvait être que le signe de l'appartenance à cette communauté de chrétiens du Moyen-Orient dont nous faisions partie. C'est donc en France que nous avons découvert les juifs d'Afrique du Nord, nos cousins, nos frères.

      "Vous êtes de là-bas?": ma mère, sans doute autant à cause de notre nom de famille qu'à cause de son physique et de son tempérament méditerranéen, affable et gaie, et surtout de sa fabuleuse tchatche, dirait-on aujourd'hui, si typique de "là-bas", se faisait souvent poser la question, par une commerçante à Paris, une amie rencontrée à la gym, un parent d'élève croisé à une réunion. "Là-bas": jamais, dans cette fin des années 60, le mot Algérie n'était prononcé d'emblée dans une conversation. A l'école, l'une de mes profs de français nous avait fait lire "Elise ou la vraie vie", l'histoire d'un amour entre une Française et un Algérien, en France, et je n'avais rien trouvé d'étonnant au récit, j'ignorais tout de la guerre d'Algérie, dont personne ne parlait.

      "Oui", avait fini par répondre ma mère au bout de quelques mois, sans doute parce que c'était plus court que de raconter sa biographie mouvementée, mais sans doute aussi, amusée, et heureuse, d'être assimilée à un groupe dès son arrivée, de ne pas se sentir isolée, d'être identifiée en somme comme appartenant à une certaine communauté: celle des Français "venus de là-bas". En outre, elle ne mentait pas: elle venait "de là-bas" – et nous avons vite découvert qu'entre ce "là-bas" – l'Afrique du Nord – et le nôtre - le Moyen-Orient - il y avait bien des points communs, si bien que pour ma mère, et pour nous, "là-bas" avait fini par englober toute la rive Sud de la Méditerranée – ce dont je peux vous dire, après de nombreuses lectures savantes en anthropologie, histoire, et sociologie, que c'est strictement exact.

      Nos voisins du premier étage, dans l'immeuble, les Pierotti, étaient justement "de là-bas", et ce n'est pas un hasard s'ils devinrent très vite nos premiers amis. Juliette Pierotti et son mari Maurice étaient nés et avaient vécu jusqu'en 1962 à Alger, où Maurice était pâtissier, et leurs enfants étaient nés certains là-bas certains ici. Juliette et Maurice étaient gais comme nous avions toujours vu les gens l'être au Liban, et leur famille était comme les nôtres: parents, enfants, grands-parents, et même arrière grand-mère, étaient souvent réunis en de grandes tablées du dimanche que nous partagions souvent, chez les uns ou les autres, ou en de grands pique-nique au printemps. Plus que de l'amitié, je sentais qu'ils nous témoignaient de l'affection, cette expression particulière que prend l'amitié chez nous en Orient, peut-être parce qu'elle se traduisait par des gestes - bises sonores, accolades, rires en cascades – que je voyais peu d'autres familles françaises nous témoigner – mais j'ai appris depuis qu'en France l'affection est moins démonstrative. Et Juliette et ma mère en vinrent vite très vite à se tutoyer, comme on le fait chez nous entre amis, alors qu'entre mamans dans l'immeuble, le vouvoiement était de rigueur.

      Les Pierotti comme mes parents avaient en commun des souvenirs de jours heureux et ensoleillés auxquels les avaient arrachés les tribulations de l'Histoire. Par ce passé commun, ils avaient aussi en commun, me dis-je aujourd'hui, une certaine distance par rapport à la société d'Ile-de-France où ils vivaient désormais, dépourvue de cette chaleur et de cette convivialité méditerranéennes dans laquelle ils avaient baigné toute leur vie.

      Au fil des conversations avec Juliette Pierotti, et avec d'autres familles pied-noir comme nous apprîmes qu'on les appelait - et je compris immédiatement, avec ce sobriquet, le léger mépris et la distance que les Français de métropole mettaient avec ceux venus d'Afrique du Nord – rencontrées au fil du temps, ma mère finit par connaître le nom des quartiers d'Alger, des avenues principales, Bab el Oued, Casbah, Place du Gouvernement, et des salons de thé réputés, ce qui lui était d'un grand secours lorsqu'elle devait converser avec un commerçant "de là-bas". "Nous sommes des juifs errants", disait-elle souvent, manière elliptique de parler de la douleur des discriminations sourdes mais réelles subies par les chrétiens en Egypte après l'Indépendance, de la blessure de l'arrachement à un pays adoré et à des souvenirs dorés, et des efforts incessants, ensuite, pour s'adapter et se faire accepter des sociétés où il fallait s'intégrer.

      Car j'ai oublié de le dire: les Pierotti étaient d'origine juive, et cela aussi créait un lien entre nous, car finalement nous avions vécu la même histoire, chassés après les Indépendances à cause d'une religion différente, familles ayant quitté des pays où elles étaient parfois installées depuis un siècle ou plus parfois, occidentaux par l'esprit la culture l'éducation scolaire les références littéraires musicales ou de pensée, francophones parfaitement et même plus – passionnément - mais arabes intimement, pour les gestes de tous les jours, la cuisine toujours en quantité et préservée dans l'exil, couscous aux pois chiches chez eux pois chiches en hommos chez nous, les plats qu'on mange avec les doigts, leurs langues d'oiseau notre kebbé, la délicieuse séparation hommes/femmes dans les réunions de nos smalas, qui permet de papoter en liberté, et aux jeunes filles et aux garçons de grandir, l'amour des enfants que l'on vénère et que l'on gâte trop parfois, l'autorité des mères, le machisme séducteur des hommes, et tant d'autres choses encore, toute une culture commune en somme.

      Finalement, nous n'avions pas eu tort de considérer ces gens originaires d'Afrique du Nord, comme des nôtres. Aujourd'hui, il m'arrive aussi, comme à ma mère, que l'on me prenne pour une tunisienne ou marocaine juive – à Paris, Rabat ou Tunis - et comme ma mère autrefois, parfois je ne déments pas. Mais je ne me sens pas juive errante, comme ma mère le disait en son début d'exil: car dans errante je lis le mépris des sédentaires pour les peuples migrants, le mépris d'un peuple pour un autre différent, je lis perdue et sans repères - ce que ma mère vivait peut-être en son début d'exil. Moi je me sens voyageuse, curieuse, cosmopolite, et polyglotte – ce qui est une manière plus positive, et plus proche de mon vécu, d'exprimer cette même réalité de migrante. Et je me sens à mon tour, comme ma mère jadis avec Juliette Pierotti – leur amitié a 40 ans aujourd'hui – étonnamment proche des hommes et des femmes, qu'ils viennent d'Afrique du Nord, d'Amérique du Sud, d'Europe de l'Est, ou d'ailleurs, qu'ils vivent en France ou ailleurs, qui ont des histoires familiales de migrations forcées et de discriminations sourdes, mais aussi d'exils librement choisis et de pays sans contrainte adoptés. Avec des hommes et des femmes qui dans leur vie ont voyagé. Et non, comme disent les sédentaires, erré.

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      • #4
        le lien vers le livre

        le lien vers le livre, c'est par ici

        Bonne lecture.

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