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Les manifestations du 11 décembre 1960:Un tournant décisif dans la lutte de libération nationale

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  • Les manifestations du 11 décembre 1960:Un tournant décisif dans la lutte de libération nationale

    Les manifestations du 11 décembre 1960 demeurent l’un des événements les plus marquants de la guerre de libération nationale. Ce jour-là, les Algériens sont sortis, spontanément pour réaffirmer le principe de l'autodétermination du peuple algérien contre la politique du général de Gaulle.
    Ils scandaient : «Vive l’Algérie» ; «Algérie algérienne» ; «Algérie musulmane», «Vive Ferhat Abbas».

    Parties du quartier de Belcourt (Alger), ces manifestations ont gagné plusieurs régions d’Algérie (Alger, Oran, Constantine, Annaba, Sidi Bel Abbès, Chlef, Blida, Béjaïa, Tipasa…).
    Toute la population a pris part à cette très grande démonstration du peuple algérien.

    Farid Magraoui, qui avait 10 ans, et Saléha Ouatiki, âgée d’à peine 12 ans, des enfants ayant accompagné les adultes pour crier leur refus du colonialisme, ont été arrachés à la vie par des rafales de mitraillettes Ils criaient comme les adultes «Tahia Djazaïr (Vive l’Algérie)» «Algérie algérienne». Ce sont en tout cent trois martyrs et des centaines de blessés qui seront dénombrés parmi les manifestants sauvagement réprimés par les forces coloniales. Au temps où les maquis étaient affaiblis, ces manifestations sont venues raviver la flamme de la révolution et démontrer au monde entier le soutien du peuple algérien au FLN et à son gouvernement, le GPRA.

    Une semaine après, l'ONU fut convaincue de la nécessité d'inscrire à l'ordre du jour de ses travaux la question algérienne en faveur de laquelle la commission politique de l'Assemblée générale a voté la fameuse résolution reconnaissant au peuple algérien son droit «à la libre détermination et à l’indépendance».

    Des d’acteurs ayant pris part à ces manifestations en témoignent :
    Nadir Saïdi : « Une mobilisation extraordinaire »

    Témoin oculaire des événements du 11 décembre 1960, Nadir Saïdi, que nous avons rencontré au siège de l’ONM à El Madania, avait à l’époque 20 ans. Commerçant de son état, il tenait un dépôt de vente en gros de bananes, situé dans une cave sous le cercle sportif actuel du CRB, il raconte comment est partie l’étincelle qui a allumé les manifestations. « En ce temps là, une certaine séparation de fait était en vigueur entre le quartier arabe, situé entre le cinéma le Musset et El-Akiba, et le quartier des Européens, à Belouizdad. » Il révèle que les deux communautés entretenaient des rivalités, faisant qu’aucune des deux ne s’aventurait chez l’autre. Les musulmans se limitaient à aller aux Halles, où il y avait le marché des fruits et légumes. Le soir venu, ils se regroupaient devant le bar, et c’est là que profitent des colons pour les embêter.
    « Un jour, deux dockers algériens remontaient de Bab-Dzira drapés de fouta, qui leur servait pour transporter chez eux des denrées alimentaires. Arrivés à hauteur du Monoprix, les deux dockers sont appréhendés par deux individus qui se font passer pour des policiers en civil. Après des palabres, en français que je ne comprenais pas, ils ont voulu les conduire du côté du marché des Allumettes, où il y avait des zouaves. Les passants curieux s’arrêtaient et regardaient la scène des dockers conduits de force. Six agents de la « territoriale », une police créée dans la foulée du putsch des généraux français, dont un Arabe, qui s’appelait Chergui, de passage, interviennent et procèdent à l’interpellation et des dockers et des Français, qui après vérification, se sont avérés de faux policiers. On embarque tout le monde pour les présenter devant le capitaine, qui était devant Sidi M’hamed ». Notre interlocuteur n’en revient pas : « C’était la première fois qu’on vu une telle mobilisation. Il y avait tellement de monde qu’on était contraint de fermer la boutique. Les gens scandaient : « L’Algérie algérienne », et « Yahya Abbas (Ferhat Abbas », et d’autres ». En les faisant passer par notre quartier, où ils étaient déjà indésirables, les deux faux policiers ont été roués de coups, bien qu’encadrés par les agents. Je me rappelle aussi le comportement exemplaire de Chergui, qui disait aux jeunes « Partez, on a peur pour vous. » »
    Cet ancien habitant de la cité Nador (Salembier), se souvient encore qu’après avoir quitté les lieux et être rentré chez lui, il devisait tranquillement avec son oncle, quand il entendit des youyous. Le mouvement de protestation avait atteint Clos Salembier durant la nuit.

    Pour exprimer sa colère, la population a saccagé le Monoprix et le magasin de vente de chaussures. « C’était la goutte qui a fait déborder le vase, et les gens étaient décidés à se sacrifier », dit M. Saïdi qui relève que «les militants du FLN ont demandé aux manifestants de ne rien prendre », à tel point que l’argent traînait pas terre sans que personne n’osait y toucher. « Affirmer que cette manifestation a été déclenchée sur ordre de quelqu’un, personnellement je ne pourrais vous le dire », témoigne-t-il.
    « La nuit venue, tout le monde parlait de ce qui s’est passé à Belcourt. Telle une traînée de poudre, la contestation a atteint d’autres quartiers. En reprenant les mêmes slogans, nous sommes sortis à la placette de Salembier. On exhibait le drapeau national, sous forme d’étoile et de croissant que les femmes ont confectionné, A Diar el Mahçoul. Elles en fabriquaient et les jetaient avec du sucre aux manifestants pour leur donner des forces. « Il y avait une situation de victoire que je ne pourrais vous décrire ».
    « A ce moment-là, à la placette du hammam, les Algériens ont pris d’assaut le parc de véhicules, appartenant à un Français, pris des camions et commencé à défiler avec. Le capitaine est descendu, vers 22h30, pour essayer de nous calmer, il nous disait : « Moi aussi, j’ai ceci », exhibant son casque, sur lequel il y avait aussi une étoile et un croissant. Les policiers ont essayé de nous disperser avec des gaz lacrymogènes. Les manifestations ont gagné en intensité lorsque la station service a pris feu, et cela a duré jusqu'au matin. Même si cela s’est propagé à El Harrach, au Lotissement Michel, l’essentiel est que le mouvement a démarré de Belouizdad. Le lendemain, on a voulu descendre vers Ruisseau, mais les militaires ont dressé des barrages, au lieu où a été érigé le monument aux martyrs. Les renforts de militaires sont arrivés par camions et ont interpellés une quarantaine de manifestants, qui n’ont été relâchés qu’après des négociations pour l’arrêt des manifestations », se rappelle-t-il, non sans conclure sur l’impact de ces trois jours de manifestations qui ont, certes fait des morts parmi les Algériens, mais ont donné une aura à la révolution algérienne.
    Ahmed Assam : « La rue était en ébullition »

    « Des événements du 11 décembre, je garde encore de vagues souvenirs, sauf que lycéen à l’époque, je me souviens qu’en sortant du lycée à Belcourt, nous avons remarqué que la rue était en ébullition, quelque chose d’anormal venait de se produire. D’habitude c’était calme, et chacun vaquait à ses occupations. Mais ce jour-là, une foule immense se dirigeait vers la rue principale. Une fois sur les lieux, nous nous sommes joints aux manifestants, en agitant nos cache-nez et criant : « Algérie musulmane », « Tahya el djazaïr », raconte-t-il.
    Djamel Belbey
    Ce n’est pas parce qu’on a des idées fondées sur la religion qu’on est terroriste, et ce n’est pas parce qu’on se prétend moderniste ou démocrate qu’on ne l’est pas. Mahiou FFS assassiné le 4/11/1994

  • #2
    En décembre 1960, de Gaulle a compris.

    La dernière visite du général de Gaulle en Algérie, en décembre 1960, a été une occasion, s’il en fallait encore une, aux Algériens de montrer leur attachement indéfectible à leur patrie. Ils estimaient, en fait, qu’il était hors de question de se départir de ce sentiment, bien que les forces coloniales ne guettent que la moindre faille pour les massacrer en toute impunité. Toutefois, à la différence des précédents discours, cette fois-ci le général de Gaulle a parlé d’une future Algérie algérienne qui serait étroitement liée à la France. Ainsi, tout l’enjeu se trouvait dans la formule qui serait choisie le moment venu.
    Si pour les ultras, l’Algérie devait être française tout en excluant les Algériens, de Gaulle a voulu les associer à la construction de leur pays, mais en liant leur sort à la France.

    Quant au peuple algérien, il ne voulait adhérer ni à l’une ni à l’autre, bien que leur sympathie penchait indubitablement du côté de la deuxième alternative. Ainsi, deux ans et demi après son retour aux responsabilités, le général a oscillé entre plusieurs positions avant d’en décider de se rendre lui-même en Algérie pour jauger les réactions des deux groupes hostiles, du moins sur la définition de la future Algérie, habitant la rive sud de la méditerranée, les pieds noirs et les Algériens.


    Accueil répulsif des pieds noirs.
    Le voyage présidentiel a commencé le 9 décembre à Ain Temouchent. L’accueil des pieds-noirs a été à l’image du climat pluvieux de ce jour-là. Accompagné de ses ministres, Louis Joxe, Louis Terrenoire et des généraux Olié et Ely, le général n’a pas eu peur d’affronter des excités opposés à sa politique. Il a même décidé de défendre crânement le projet qu’il voulait soumettre aux français de métropole, le 8 janvier 1961, sur l’autodétermination de l’Algérie. D’emblée, et avant même son arrivée en Algérie, les pieds-noirs avaient affiché leur opposition à sa visite. Par conséquent, la surveillance des aéro-clubs et des routes a été poussée à son seuil maximal. En tout cas, pour les proches du général, les activistes n’auraient jamais raté une telle opportunité pour porter un coup fatal à celui qu’ils considéraient comme le « bradeur de l’Empire ».

    D’ailleurs, des personnalités hautes placées savaient pertinemment que des militants du FAF (Front de l’Algérie française) et FNAF (Front national pour l’Algérie française) dont faisait partie Jean marie Le Pen et le colonel Thomazo, étaient prêts pour le grand coup. Voila comment Pierre Albert Lambert a relaté la préparation de ces militants et la vigilance des pros gaullistes : « Des perquisitions viennent d’être opérées à Alger après que la police eut intercepté un convoi de trois voitures qui, venant d’Oran bourrées d’armes, se dirigeaient sur Alger. Plusieurs dizaines de jeunes activistes ont disparu de leur domicile, a-t-on appris. »

    Toutefois, selon le même auteur, des colonels aussi étaient prêts à se mouiller. Ainsi, certains militaires, ultras et certains fonctionnaires ont scellé un accord tacite entre eux pour contrer la politique gaullienne. Car il est un secret de polichinelle que les tracts du FAF, pour appeler les pieds-noirs à manifester, ont été imprimés sur les ronéos du gouvernement général.
    Cependant, d’Ain Temouchent le 9 décembre à Batna le 13 décembre, des slogans hostiles à de Gaulle ont été proférés par les ultras. Pour rappel, le général a écourté son voyage de 24 heures. Toutefois, lors de ce voyage, bien que le général ait toujours été ponctuel à ses rendez-vous, à Béjaia il n’a pu commencer son discours qu’avec une heure de retard. La raison à cela était qu’à la sortie d’Akbou, les activistes ont répandu des clous dans la chaussée. Le cortège à été par conséquent contraint de s’arrêter pour réparer les roues crevées. Sur la place aussi, les militants ne cessaient pas de chanter la marseillaise pour couvrir la voix du général.


    Toutefois, le général de Gaulle a tiré les enseignements en ce sens que les ultras ne cherchaient qu’à casser toute dynamique pouvant aider les Algériens à s’émanciper. Mais cette fois-ci ces ultras ne pouvaient plus compter sur un poids de taille : la hiérarchie militaire penchait plutôt vers la politique gaullienne, bien qu’un nombre de colonels ait été prêt à croiser le fer avec le général. Pour ce dernier, Il lui restait une oreille attentive, celle des Algériens, pour peu qu’il entende lui aussi leur envie de sortir du joug colonial.


    Accueil mitigé des Algériens.
    En effet, du coté algérien, la détermination du peuple à recouvrer l’indépendance du pays n’a pas fluctué tellement. Car, sur ce sujet précis, la position du peuple et celle de ses dirigeants était en parfaite symbiose, et ce depuis le début de la guerre. A Alger, les dirigeants avaient souhaité que les cellules FLN soient mises en sourdine après la répression de la « bataille d’Alger », afin d’épargner les pertes superflues en vies humaines. En revanche, au CNRA (Conseil National de la Révolution Algérienne) de décembre 1959-janvier 1960, le GPRA avait donné l’ordre au conseil de la wilaya 4 de recréer l’organisation FLN à Alger centre. Car le moment était opportun à la reprise des activités. Incontestablement, l’année 1960 a connu la résurgence effective de l’action du FLN. Le point culminant a été atteint en décembre 1960.


    Bien que le général ait évité de visiter les deux principales villes, Alger et Oran, les Algériens ont investi la rue pour prouver aux ultras qu’ils défendraient à fond l’indépendance du pays quitte à y mourir. Dans ces deux grandes villes, il y avait même des filles qui ont bravé le risque de périr. Cet état d’esprit des Algériens a été résumé par un ancien maquisard, Chabane Nordine en écrivant : « En cet après-midi du vendredi 9 décembre 1960, brusquement, à la surprise de tous et à l’étonnement du général et de son entourage, ministres et chefs de l’armée, gaullistes ou non, un événement imprévu sans précédent et qui va avoir des conséquences immenses éclate sans crier gare…La sortie en masse dans les rues d’Alger, d’Oran, de Constantine et d’autres villes, faisant front contre les ultras de l’Algérie française et contre l’armée soutenant et exécutant le plan de De Gaulle, ni pour l’Algérie française, ni pour l’Algérie algérienne de De Gaulle, le peuple s’était réveillé pour trancher et dire le mot de la fin : le peuple manifestait pour l’indépendance totale, pour l’ouverture de négociations avec le GPRA. »


    Toutefois, bien que le général ait souhaité une nouvelle Algérie étroitement liée à la France, en cette fin de l’année 1960, force est de reconnaitre que sa politique était plus proche des Algériens que des pieds-noirs. En effet, depuis son premier discours du 9 décembre où il a appelé les Algériens « à prendre des responsabilités algériennes qui correspondent à son importance, à sa valeur », les Algériens de Cherchell, Blida, Tizi Ouzou, Béjaia, Telerghma et Batna ont accueilli le général avec des slogans tels que « Vive de Gaulle, Vive Ferhat Abbas, Négociation, Algérie indépendante, etc. » Ces manifestations revêtaient une importance capitale dans la mesure où leurs représentants ont été désormais considérés comme les dignes porte-drapeau du peuple algérien.

    En somme, de ces journées de décembre, deux conclusions peuvent être tirées. La première consiste à décrire le bilan des pertes en vie humaine. En effet, en se limitant aux sources françaises, celles-ci ont avancé les chiffres de 112 Algériens tués dont 84 à Alger. Quant aux blessés, ces derniers se comptaient par centaines.

    Il faut juste rappeler que lors de ces manifestations, les farouches opposants à la politique du général étaient bien sur les pieds-noirs. Pour Gilbert Meynier : « A s’en tenir aux seules évaluations françaises, plus de neuf dixièmes des cadavres étaient Algériens alors même que c’était les ultras qui défiaient la politique gaullienne. » Ainsi, a-t-il poursuivi, jusqu’au bout, la discrimination coloniale continuait à régner dans le sang. La seconde conclusion consiste à définir le poids de chaque tendance. Ces manifestations ont conforté de Gaulle quant à la représentativité du FLN à travers les villes qu’il a visitées. Peu de temps après, il a renoncé à son intention de créer une troisième force en s’appuyant sur des personnalités compromises avec le colonialisme. Ces manifestations ont donné à coup sur un soutien populaire conduisant in fine aux accords d’Evian du 18 mars 1962.

    Par Ait Benali Boubekeur,
    Ce n’est pas parce qu’on a des idées fondées sur la religion qu’on est terroriste, et ce n’est pas parce qu’on se prétend moderniste ou démocrate qu’on ne l’est pas. Mahiou FFS assassiné le 4/11/1994

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