Salam, Bonsoir,
Syrie : «la médiation Brahimi n’arrive pas à enclencher une quelconque dynamique diplomatique»
Lakhdar Brahimi a rencontré Bachar el-Assad ce lundi 24 décembre 2012 à Damas. REUTERS/Sana
Par RFI
L'émissaire international pour la Syrie Lakhdar Brahimi a annoncé avoir rencontré le président Bachar al-Assad ce lundi 24 décembre à Damas, au lendemain de son arrivée dans un pays ravagé par 21 mois de violences meurtrières, pour tenter une nouvelle médiation. Agnès Levallois, politologue, spécialiste de la Syrie et du monde arabe contemporain, répond aux questions de Nicolas Brousse.
RFI : Beaucoup d’observateurs n’attendent pas grand chose de ce déplacement de Lakhdar Brahimi. Vous en faites partie ?
Agnès Levallois : Oui malheureusement, si je puis dire, j’en fais partie. Il me semble que les positions sont extrêmement éloignées entre les protagonistes de cette situation et que la médiation, menée par Lakhdar Brahimi depuis quelques mois maintenant, n’arrive absolument pas à enclencher une quelconque dynamique diplomatique qui permettrait de voir une possibilité d’amorce de dialogue entre le gouvernement de Bachar el-Assad et l’opposition.
Lakhdar Brahimi qui lui-même a reconnu ce matin qu’il y a eu certes échanges de vue avec le président Bachar el-Assad mais que « les conditions sont difficiles ». On peut apprécier l’euphémisme.
Oui, on voit bien le propos d’un diplomate. Ce qui est clair, c’est que chacune des deux parties aujourd’hui ne veut pas que l’autre gagne. Pour le gouvernement de Bachar el-Assad, il est hors de question d’accepter la victoire de l’opposition sur le terrain, alors que l’on sait que le gouvernement a perdu aujourd’hui le contrôle de pans entiers de ce territoire. Et l’opposition ne veut absolument pas entendre parler d’un début de négociations avec ce régime, estimant que celui-ci avait franchi toutes les lignes rouges possibles et inimaginables et que, dans ce contexte, il était donc impossible de négocier quoi que ce soit.
On est véritablement dans une impasse. Seules les armes sur le terrain permettent de se dire à un moment ou à un autre que c’est untel qui est en train de regagner ou de gagner une position, une position qui peut éventuellement être reprise quelque temps après par l’autre partie. Ce sont simplement les armes qui parlent aujourd’hui.
Une déclaration retient l’attention ce matin, c’est celle du ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov. Il estime que « si le régime syrien utilisait les armes chimiques, ce serait un suicide politique ». On sait que la Russie, avec la Chine, est plutôt un des derniers alliés du régime de Bachar el-Assad. Faut-il voir dans cette mise en garde les prémices d’une inflexion de la Russie ?
Je ne crois pas. En revanche, Moscou se rend compte aujourd’hui que ce régime est fini et que ce régime ne pourra pas se remettre de la situation actuelle. Donc ça peut encore prendre un certain nombre de semaines, de mois éventuellement, mais je crois que Moscou s’est rendu compte en tous les cas que ce régime de Bachar el-Assad ne pourrait pas survivre à la violence qui existe aujourd’hui sur le terrain. Et en même temps, il en tire les conséquences en disant qu’effectivement, ce serait un suicide politique si Bachar el-Assad utilisait ses armes chimiques.
Mais je ne crois pas, malheureusement là encore, que la position de la Russie soit en train de bouger. La Russie s’est vraiment enfermée dans cette position de soutien au régime de Bachar el-Assad, pas tant d’ailleurs pour défendre ce régime que parce que ça révèle un certain nombre de points sur lesquels les Russes ne veulent pas revenir. La Russie aujourd’hui se considère comme une puissance internationale et elle estime qu’elle veut faire entendre sa voix contre les Occidentaux. On a peut-être négligé, au début de ce conflit avec la Syrie, la possibilité que pouvait représenter un vrai dialogue avec les Russes. Aujourd’hui, il est un petit peu tard, même si on sait qu’actuellement Moscou et Washington peuvent essayer de négocier ou de parler en tous les cas de ce dossier syrien pour tenter de trouver une solution.
Ce qui veut dire que, même si le régime syrien utilisait les armes chimiques, on ne peut pas s’attendre à une intervention internationale comme il y a eu en Libye. Il y aura toujours ce veto russe ?
Il y aura toujours ce veto, il me semble. Sauf si effectivement le gouvernement de Bachar el-Assad utilisait les armes chimiques. Cela pourrait alors peut-être remettre en question la position des Russes parce que là, ce serait quelque chose d’inacceptable quand même pour les Russes. Peut-être que ce serait le seul moyen de faire bouger la position russe, mais à mon avis le gouvernement de Bachar el-Assad ne prendra pas ce risque d’utiliser ces armes chimiques en sachant que ça sera sûrement la fin à ce moment-là du soutien de Moscou. Ou alors ce sera utilisé si vraiment ce régime sait qu’il est perdu et ira vraiment jusqu’au bout en utilisant la stratégie de la terre brûlée.
Il y a d’ailleurs déjà eu des accusations d’utilisation d’armes chimiques, à Homs notamment. Le problème, c’est de savoir si c’est vrai. Est-ce qu’on arrivera véritablement à le savoir ? Est-ce très difficile pour les journalistes de travailler sur la Syrie?
Soit (le journaliste) vient parce qu’il a un visa du gouvernement syrien, et donc il verra certains aspects de la situation, soit il rentre dans les zones libérées avec l’aide de l’Armée libre de Syrie, et ne verra qu’un côté de ce conflit. Donc la grande difficulté pour les journalistes, mais également pour les observateurs, les analystes, c’est d’arriver à avoir une image la plus complète possible de la situation.
On est vraiment dans une situation où la guerre des images est également importante. Il y a aussi une guerre psychologique à partir de ces images, et chacune des deux parties bien évidemment joue sur ce registre en estimant que c’est lui qui détient la vérité, que c’est lui qui sait exactement ce qu’il en est réellement sur le terrain. Il convient donc aussi d’être extrêmement prudent dans l’analyse que l’on peut faire de la situation parce que, effectivement, on n’a pas toutes les données en main.
Néanmoins, si l’utilisation d’armes chimiques devait être faite, on aura bien évidemment des moyens de le savoir avec tous les satellites et tous les moyens de la technologie moderne. D’autant plus que les Américains sont très attentifs à cette question, tout comme Israël pour qui l’utilisation d’armes chimiques pourrait avoir des incidences sur son territoire.
Pour l’instant, il n’y a pas véritablement d’utilisation de ces armes et heureusement. Mais s’il y avait la moindre tentative d’utilisation, je pense qu’on le saurait très vite. Et il pourrait y avoir, à ce moment-là, une vraie réaction de la communauté internationale.
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Salam, merci...
Syrie : «la médiation Brahimi n’arrive pas à enclencher une quelconque dynamique diplomatique»
Lakhdar Brahimi a rencontré Bachar el-Assad ce lundi 24 décembre 2012 à Damas. REUTERS/Sana
Par RFI
L'émissaire international pour la Syrie Lakhdar Brahimi a annoncé avoir rencontré le président Bachar al-Assad ce lundi 24 décembre à Damas, au lendemain de son arrivée dans un pays ravagé par 21 mois de violences meurtrières, pour tenter une nouvelle médiation. Agnès Levallois, politologue, spécialiste de la Syrie et du monde arabe contemporain, répond aux questions de Nicolas Brousse.
RFI : Beaucoup d’observateurs n’attendent pas grand chose de ce déplacement de Lakhdar Brahimi. Vous en faites partie ?
Agnès Levallois : Oui malheureusement, si je puis dire, j’en fais partie. Il me semble que les positions sont extrêmement éloignées entre les protagonistes de cette situation et que la médiation, menée par Lakhdar Brahimi depuis quelques mois maintenant, n’arrive absolument pas à enclencher une quelconque dynamique diplomatique qui permettrait de voir une possibilité d’amorce de dialogue entre le gouvernement de Bachar el-Assad et l’opposition.
Lakhdar Brahimi qui lui-même a reconnu ce matin qu’il y a eu certes échanges de vue avec le président Bachar el-Assad mais que « les conditions sont difficiles ». On peut apprécier l’euphémisme.
Oui, on voit bien le propos d’un diplomate. Ce qui est clair, c’est que chacune des deux parties aujourd’hui ne veut pas que l’autre gagne. Pour le gouvernement de Bachar el-Assad, il est hors de question d’accepter la victoire de l’opposition sur le terrain, alors que l’on sait que le gouvernement a perdu aujourd’hui le contrôle de pans entiers de ce territoire. Et l’opposition ne veut absolument pas entendre parler d’un début de négociations avec ce régime, estimant que celui-ci avait franchi toutes les lignes rouges possibles et inimaginables et que, dans ce contexte, il était donc impossible de négocier quoi que ce soit.
On est véritablement dans une impasse. Seules les armes sur le terrain permettent de se dire à un moment ou à un autre que c’est untel qui est en train de regagner ou de gagner une position, une position qui peut éventuellement être reprise quelque temps après par l’autre partie. Ce sont simplement les armes qui parlent aujourd’hui.
Une déclaration retient l’attention ce matin, c’est celle du ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov. Il estime que « si le régime syrien utilisait les armes chimiques, ce serait un suicide politique ». On sait que la Russie, avec la Chine, est plutôt un des derniers alliés du régime de Bachar el-Assad. Faut-il voir dans cette mise en garde les prémices d’une inflexion de la Russie ?
Je ne crois pas. En revanche, Moscou se rend compte aujourd’hui que ce régime est fini et que ce régime ne pourra pas se remettre de la situation actuelle. Donc ça peut encore prendre un certain nombre de semaines, de mois éventuellement, mais je crois que Moscou s’est rendu compte en tous les cas que ce régime de Bachar el-Assad ne pourrait pas survivre à la violence qui existe aujourd’hui sur le terrain. Et en même temps, il en tire les conséquences en disant qu’effectivement, ce serait un suicide politique si Bachar el-Assad utilisait ses armes chimiques.
Mais je ne crois pas, malheureusement là encore, que la position de la Russie soit en train de bouger. La Russie s’est vraiment enfermée dans cette position de soutien au régime de Bachar el-Assad, pas tant d’ailleurs pour défendre ce régime que parce que ça révèle un certain nombre de points sur lesquels les Russes ne veulent pas revenir. La Russie aujourd’hui se considère comme une puissance internationale et elle estime qu’elle veut faire entendre sa voix contre les Occidentaux. On a peut-être négligé, au début de ce conflit avec la Syrie, la possibilité que pouvait représenter un vrai dialogue avec les Russes. Aujourd’hui, il est un petit peu tard, même si on sait qu’actuellement Moscou et Washington peuvent essayer de négocier ou de parler en tous les cas de ce dossier syrien pour tenter de trouver une solution.
Ce qui veut dire que, même si le régime syrien utilisait les armes chimiques, on ne peut pas s’attendre à une intervention internationale comme il y a eu en Libye. Il y aura toujours ce veto russe ?
Il y aura toujours ce veto, il me semble. Sauf si effectivement le gouvernement de Bachar el-Assad utilisait les armes chimiques. Cela pourrait alors peut-être remettre en question la position des Russes parce que là, ce serait quelque chose d’inacceptable quand même pour les Russes. Peut-être que ce serait le seul moyen de faire bouger la position russe, mais à mon avis le gouvernement de Bachar el-Assad ne prendra pas ce risque d’utiliser ces armes chimiques en sachant que ça sera sûrement la fin à ce moment-là du soutien de Moscou. Ou alors ce sera utilisé si vraiment ce régime sait qu’il est perdu et ira vraiment jusqu’au bout en utilisant la stratégie de la terre brûlée.
Il y a d’ailleurs déjà eu des accusations d’utilisation d’armes chimiques, à Homs notamment. Le problème, c’est de savoir si c’est vrai. Est-ce qu’on arrivera véritablement à le savoir ? Est-ce très difficile pour les journalistes de travailler sur la Syrie?
Soit (le journaliste) vient parce qu’il a un visa du gouvernement syrien, et donc il verra certains aspects de la situation, soit il rentre dans les zones libérées avec l’aide de l’Armée libre de Syrie, et ne verra qu’un côté de ce conflit. Donc la grande difficulté pour les journalistes, mais également pour les observateurs, les analystes, c’est d’arriver à avoir une image la plus complète possible de la situation.
On est vraiment dans une situation où la guerre des images est également importante. Il y a aussi une guerre psychologique à partir de ces images, et chacune des deux parties bien évidemment joue sur ce registre en estimant que c’est lui qui détient la vérité, que c’est lui qui sait exactement ce qu’il en est réellement sur le terrain. Il convient donc aussi d’être extrêmement prudent dans l’analyse que l’on peut faire de la situation parce que, effectivement, on n’a pas toutes les données en main.
Néanmoins, si l’utilisation d’armes chimiques devait être faite, on aura bien évidemment des moyens de le savoir avec tous les satellites et tous les moyens de la technologie moderne. D’autant plus que les Américains sont très attentifs à cette question, tout comme Israël pour qui l’utilisation d’armes chimiques pourrait avoir des incidences sur son territoire.
Pour l’instant, il n’y a pas véritablement d’utilisation de ces armes et heureusement. Mais s’il y avait la moindre tentative d’utilisation, je pense qu’on le saurait très vite. Et il pourrait y avoir, à ce moment-là, une vraie réaction de la communauté internationale.
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