Pour sa première visite officielle dans un pays du Maghreb depuis son élection, le nouveau président de la République française a choisi l’Algérie. Un choix lourd de sens. Il s’agit de la cinquième visite d’un chef d’État français depuis l’indépendance du pays. Il y a cette fois-ci la volonté réelle de relancer la coopération entre les deux pays, en tournant la page d’une histoire mouvementée entre deux pays qui entretiennent une relation passionnelle.
François Hollande souhaite incarner ce tournant historique. Il a lui-même développé un rapport particulier à l’Algérie. Outre le fait qu’il soit né en 1954, l’année du déclenchement de la guerre d’Algérie, l’actuel président français s’est construit sur le plan idéologique et politique contre un modèle paternel, tenant de l’« Algérie française » : « ses idées, à l’opposé des miennes, m’obligèrent à construire ma pensée, à affûter mes arguments (…) Il professait des convictions qui heurtaient celles qui naissaient dans mon esprit » (Changer de destin, publié en février 2012). Un regard critique sur la « question algérienne », qu’il applique également à sa famille politique. Ainsi, dans Devoirs de vérité (2006), il considère que la SFIO – ancêtre de l’actuel Parti socialiste – « a perdu son âme dans la guerre d’Algérie ».
Le rapport à l’Algérie n’est pas purement intellectuel, mais aussi charnel. Il s’est matérialisé lorsqu’en 1978, le jeune élève de l’ENA qu’il est alors est envoyé en stage à l’ambassade de France à Alger, pour huit mois. Une expérience humaine qui a marqué l’actuel président français.
Cette relation construite avec le temps explique l’un des (rares) actes forts qui ont marqué son début de mandat : la reconnaissance de la répression du 17 octobre 1961. François Hollande a en effet rompu le silence officiel autour de ce jour où une manifestation d’indépendantistes algériens – qui défilaient en dépit d’un couvre-feu – avait été réprimée dans le sang par la police, dirigée alors par le préfet de l’époque Maurice Papon. Selon les historiens, plusieurs centaines de personnes trouvèrent la mort, mais les autorités avaient jusque-là toujours gardé le silence. Un silence rompu par François Hollande, à travers un communiqué laconique : « la République reconnaît avec lucidité ces faits ». Loin d’être consensuelle, cette décision s’est heurtée au déni de la droite française. Il n’empêche, elle a permis de préparer au mieux la visite de François Hollande en Algérie, les mercredi 19 et jeudi 20 décembre. Un voyage qui ne saurait se résumer pour autant à ce contexte affectif, tant les dossiers commerciaux (contrats dans l’Énergie, le BTP, l’industrie automobile…), régionaux (intervention au Mali, notamment), bilatéraux (question des visas et de l’immigration) seront à l’ordre du jour de cette rencontre au sommet.
Les hydrocarbures constituent la première source de richesse pour l’Algérie. Il s’agit d’un pays rentier qui s’est placé dans un rapport de dépendance vis-à-vis des marchés des hydrocarbures, c’est-à-dire des fluctuations de leur prix. Pis, la manne financière tirée de leur exportation n’a pas encore permis à l’Algérie de développer d’autres pans compétitifs de son économie (services, industrie hors hydrocarbures, commerce…). L’agriculture, notamment, est peu mise en valeur, ce qui conduit le pays à une situation de dépendance alimentaire. L’Algérie a donc besoin de repenser son économie. Elle doit aussi impérativement combattre la corruption qui mine son administration et réduire l’influence de son armée dont dépend fortement la stabilité du FLN, pour accepter le jeu démocratique. Les réformes engagées, ou à venir, dans le pays sont nombreuses, les résultats encore peu visibles; et beaucoup reste à faire pour retrouver une sécurité économique et une stabilité sociale.
Malgré ses richesses naturelles et son potentiel humain, l’Algérie connaît une crise politico-sociale larvée. Du reste, l’Algérie n’a pas fait exception et n’a pas échappé à l’onde de choc de la révolution tunisienne. De violentes émeutes ont éclaté dans l’ensemble du pays et de nombreux Algériens se sont immolés par le feu. Pourtant, cette tension est rapidement retombée et le régime en place n’a pas vacillé. Le président Bouteflika et son gouvernement ont su maîtriser le soulèvement en marche. Suivant en cela les préceptes de Machiavel, ils ont habilement manié et combiné les instruments répressifs et le levier financier issu de la manne pétrolière pour acheter une paix sociale apparente. Il n’empêche, le peuple algérien mérite mieux que ce statu quo généralisé et reprendra tôt ou tard son destin en main.
l’Économiste maghrebin
François Hollande souhaite incarner ce tournant historique. Il a lui-même développé un rapport particulier à l’Algérie. Outre le fait qu’il soit né en 1954, l’année du déclenchement de la guerre d’Algérie, l’actuel président français s’est construit sur le plan idéologique et politique contre un modèle paternel, tenant de l’« Algérie française » : « ses idées, à l’opposé des miennes, m’obligèrent à construire ma pensée, à affûter mes arguments (…) Il professait des convictions qui heurtaient celles qui naissaient dans mon esprit » (Changer de destin, publié en février 2012). Un regard critique sur la « question algérienne », qu’il applique également à sa famille politique. Ainsi, dans Devoirs de vérité (2006), il considère que la SFIO – ancêtre de l’actuel Parti socialiste – « a perdu son âme dans la guerre d’Algérie ».
Le rapport à l’Algérie n’est pas purement intellectuel, mais aussi charnel. Il s’est matérialisé lorsqu’en 1978, le jeune élève de l’ENA qu’il est alors est envoyé en stage à l’ambassade de France à Alger, pour huit mois. Une expérience humaine qui a marqué l’actuel président français.
Cette relation construite avec le temps explique l’un des (rares) actes forts qui ont marqué son début de mandat : la reconnaissance de la répression du 17 octobre 1961. François Hollande a en effet rompu le silence officiel autour de ce jour où une manifestation d’indépendantistes algériens – qui défilaient en dépit d’un couvre-feu – avait été réprimée dans le sang par la police, dirigée alors par le préfet de l’époque Maurice Papon. Selon les historiens, plusieurs centaines de personnes trouvèrent la mort, mais les autorités avaient jusque-là toujours gardé le silence. Un silence rompu par François Hollande, à travers un communiqué laconique : « la République reconnaît avec lucidité ces faits ». Loin d’être consensuelle, cette décision s’est heurtée au déni de la droite française. Il n’empêche, elle a permis de préparer au mieux la visite de François Hollande en Algérie, les mercredi 19 et jeudi 20 décembre. Un voyage qui ne saurait se résumer pour autant à ce contexte affectif, tant les dossiers commerciaux (contrats dans l’Énergie, le BTP, l’industrie automobile…), régionaux (intervention au Mali, notamment), bilatéraux (question des visas et de l’immigration) seront à l’ordre du jour de cette rencontre au sommet.
Les hydrocarbures constituent la première source de richesse pour l’Algérie. Il s’agit d’un pays rentier qui s’est placé dans un rapport de dépendance vis-à-vis des marchés des hydrocarbures, c’est-à-dire des fluctuations de leur prix. Pis, la manne financière tirée de leur exportation n’a pas encore permis à l’Algérie de développer d’autres pans compétitifs de son économie (services, industrie hors hydrocarbures, commerce…). L’agriculture, notamment, est peu mise en valeur, ce qui conduit le pays à une situation de dépendance alimentaire. L’Algérie a donc besoin de repenser son économie. Elle doit aussi impérativement combattre la corruption qui mine son administration et réduire l’influence de son armée dont dépend fortement la stabilité du FLN, pour accepter le jeu démocratique. Les réformes engagées, ou à venir, dans le pays sont nombreuses, les résultats encore peu visibles; et beaucoup reste à faire pour retrouver une sécurité économique et une stabilité sociale.
Malgré ses richesses naturelles et son potentiel humain, l’Algérie connaît une crise politico-sociale larvée. Du reste, l’Algérie n’a pas fait exception et n’a pas échappé à l’onde de choc de la révolution tunisienne. De violentes émeutes ont éclaté dans l’ensemble du pays et de nombreux Algériens se sont immolés par le feu. Pourtant, cette tension est rapidement retombée et le régime en place n’a pas vacillé. Le président Bouteflika et son gouvernement ont su maîtriser le soulèvement en marche. Suivant en cela les préceptes de Machiavel, ils ont habilement manié et combiné les instruments répressifs et le levier financier issu de la manne pétrolière pour acheter une paix sociale apparente. Il n’empêche, le peuple algérien mérite mieux que ce statu quo généralisé et reprendra tôt ou tard son destin en main.
l’Économiste maghrebin
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