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Abdelaziz Rahabi, ancien ministre de la Communication : «Le Mujao vise avant tout les intérêts de l’Algérie»

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  • Abdelaziz Rahabi, ancien ministre de la Communication : «Le Mujao vise avant tout les intérêts de l’Algérie»

    Ancien ministre et ambassadeur de l’Algérie dans plusieurs pays, M. Abdelaziz Rahabi analyse, dans cet entretien, la situation de plus en plus délétère au Mali, ainsi que le rôle de l’Algérie et les menaces dont elle est la cible.
    Entretien réalisé par Meriam Sadat

    Reporters : D’apparence, l’appréciation par la France et l’Algérie du dossier malien semble convergente. En réalité, les deux Etats ne sont pas d’accord sur le timing d’une intervention militaire pour déloger les groupes armés du nord du pays. Quels sont, au fond, les points de divergence entre les deux parties ?

    Abdelaziz Rahabi : Si on s’en tient à la dernière résolution du Conseil de sécurité, il y a effectivement une convergence, mais je pense qu’elle porte uniquement sur la nécessité de dissocier Ansar Dine et le MNLA du reste des mouvements qui activent dans la région. Ces deux groupes ont montré une réelle volonté, ratifiée d’ailleurs à Alger, de participer à une solution négociée de leurs différends avec le pouvoir central au Mali et de favoriser, ainsi, une solution politique. Pour le reste, l’Algérie et la France maintiennent leurs postions de départ, la première estime qu’il faut donner encore du temps au dialogue national inter-malien, auquel les Maliens eux-mêmes croient très peu, et la seconde considère que le temps travaille pour Al-Qaïda.

    Paris, qui a une position de puissance influente en Afrique de l’Ouest, compte sur ses alliés de la région pour pousser vers l’intervention. Alger, qui multiplie les sollicitations diplomatiques, semble plutôt compter sur Washington qui semble douter de la pertinence d’une opération militaire dans l’état actuel des choses. Jusqu’à quel point la diplomatie française peut-elle convaincre les Etats-Unis d’aller dans le sens d’une intervention rapide ?

    Je ne sais pas si cela correspond à la réalité de la position algérienne, mais je ne pense pas que l’Algérie puisse créer une brèche dans la position de fond des alliés occidentaux. Votre question correspond au fait qu’en Algérie, nous continuons à réfléchir comme du temps de la guerre froide : jouer l’Est contre l’Ouest au début des années soixante, et maintenant nous reproduisons le schéma en jouant les USA contre la France. C’est une vue de l’esprit, car les deux pays ont une totale convergence de vues au Sahel : ils considèrent cette situation comme une menace pour leur sécurité. La seule nuance entre eux concerne les implications institutionnelles internes dans chacun des deux pays. Ainsi, aux USA, une intervention de leur armée, quelle qu’en soit la forme, est soumise à une complexe et longue procédure de validation du choix par les élus du peuple américain.

    Des observateurs estiment que le grand souhait de Paris est de voir l’Algérie s’impliquer militairement dans le Nord-Mali, étant le seul pays disposant de moyens fiables. Il y a trois jours encore, le ministre des Affaires étrangères malien affirmait que l’Algérie participerait à une intervention militaire au Nord-Mali. Jusqu’à quel point peut-on accorder du crédit à cette thèse ?

    Je ne vois pas comment l’Algérie pourrait intervenir militairement au nord du Mali, elle n’a pas de mandat du Conseil de sécurité pour le faire et n’a pas répondu aux sollicitions en vue de l’élargissement aux armées des pays non-membres de la Cédéao. Tous ceux qui vont intervenir, de la Cédéao en passant par les USA et la France, n’ont pas de frontières avec le Nord-Mali. Par ailleurs, sur le plan de la forme, il faut se méfier de ce discours qui présente l’Algérie comme la puissance militaire de la région pour mieux l’impliquer dans cette opération. Les Occidentaux l’ont fait avec l’Irak contre l’Iran et avec le Pakistan contre l’Afghanistan. Pour ma part, je suis très sceptique sur les satisfecit qu’Américains, Anglais et Français délivrent régulièrement à l’Algérie sur son savoir-faire dans la lutte contre le terrorisme international. Cela fait, à l’évidence, plaisir à nos dirigeants, mais nous expose davantage au terrorisme, car nous risquons de donner le sentiment que nous le faisons par procuration, un peu comme le Pakistan avec les conséquences que tout le monde connaît.

    La récente visite de Romano Prodi aux pays de la Cédéao semble être celle de vouloir calmer l’ardeur des pays de la région à lancer vite une opération au Nord-Mali. Est-ce Paris qui pousse vers ça ou cela procède-t-il d’une volonté interne des pays africains ?

    Même si la France a ses propres raisons et un poids indéniable dans cette région, il ne faut pas négliger le fait que Romano Prodi agit dans le cadre d’un mandat onusien qui fixe un délai à l’option politique et un agenda clair pour l’opération militaire qui sera exécutée par des armées africaines. Il y a eu unanimité au sein du Conseil de sécurité comme il en existe si peu sur les questions d’interventions armées, et cette couverture de l’ONU accorde à tous ceux qui souhaiteraient le faire la possibilité d’y participer. Ceci rend les choses aisées non seulement pour la France, mais pour toutes les puissances occidentales.

    La visite de Hollande en Algérie a-t-elle contribué à une meilleure régulation de la relation Algérie-France sur la question du Maghreb et de la supposée préférence française pour le Maroc ?

    Incontestablement. Le président français a réussi à délivrer des gestes et des mots qui participent à un esprit d’apaisement dans les relations bilatérales, mais cela ne change rien à la qualité des relations franco-marocaines. Le Maroc reste l’allié historique de la France qui le soutient dans ses prétentions au Sahara occidental et l’Algérie son partenaire le plus important dans la région. Les relations entre les Etats ne sont pas seulement déterminées par le commerce ou par la sympathie qu’un dirigeant peut avoir pour tel ou tel pays, et celles entre Alger et Paris sont plus anciennes, plus denses et plus complexes.

    Quelle lecture faites-vous de la nomination d’un général français à la tête de la mission de formation et d’encadrement de l’armée malienne ?

    Ce sont des situations courantes en Afrique où les Etats sont demandeurs de tout type d’assistance particulièrement dans des situations comme celle que vit le Mali actuellement.

    Le 22 décembre dernier, Ansar Dine et le MNLA ont signé un accord à Alger en vue de nouvelles négociations avec Bamako. Quelle pertinence accordez-vous à cet accord et pourquoi Bamako semble réticente à son égard ?

    C’est un signal très fort en direction du gouvernement malien, mais qui, malheureusement, n’a pas eu l’écho attendu ni à Bamako ni dans les pays de la Cédéao. Probablement pour deux raisons. La première est que beaucoup d’observateurs s’accordent à dire que ces deux groupes ne sont pas en mesure d’influer militairement sur le terrain, alors qu’Aqmi gagne du terrain, y compris dans leurs propres fiefs du Nord. La seconde raison est qu’aussi bien le Mali que la Cédéao sont déjà dans une perspective de règlement militaire de la crise parce qu’ils considèrent que le temps profite à Aqmi qui consolide ses positions et dispose pour la première fois de son histoire d’un territoire sous son autorité.

    Des vidéos sur nos otages sont postées depuis hier sur le net. Quelle lecture doit-on faire de leur publication maintenant, ainsi que des informations selon lesquelles le Mujao a étendu ses positions jusqu’à très près des frontières algériennes ?

    Le Mujao, de formation très récente d’ailleurs, se distingue par le fait qu’il vise avant tout les intérêts de l’Algérie, car ses actions successives à Tindouf, Tamanrasset, Ouargla et enfin l’enlèvement de nos diplomates à Gao renseignent clairement sur l’orientation des commanditaires de ces opérations. Je n’exclus pas que le Mujao serve directement une stratégie de déstabilisation directe de l’Algérie selon un agenda qui a pris prétexte de la crise malienne ou que celle-ci est venue servir.

    2012 a été pour la diplomatie algérienne l’année du «stress malien». 2013, comment sera-t-elle au regard des données disponibles ?

    Je pense que ceux qui décident de l’orientation de la politique étrangère ont fait, au moins, une double erreur d’appréciation dans le dossier malien. La première est d’avoir privilégié dans notre politique africaine un cadre multilatéral de coopération comme le Nepad, qui a montré toute l’étendue de son inutilité dès la première crise régionale en Afrique. La seconde est celle de n’avoir pas expliqué pour mieux impliquer tous les acteurs politiques en Algérie, comme les partis, la société civile, les médias et les universités dans la compréhension d’une situation aussi complexe. La diplomatie est, chez nous, du domaine exclusif du chef de l’Etat et cela n’a pas manqué de brider notre appareil diplomatique qui est servi, pourtant, par d’excellents diplomates qui ont fait leurs preuves dans la gestion de la crise politique et sécuritaire des années 1990.
    Cette période est, à mon sens, la plus délicate de l’Algérie indépendante, parce qu’il s’agissait de mettre la diplomatie au service d’un problème interne grave et avec presque pas de moyens.

    reporters.dz
    The truth is incontrovertible, malice may attack it, ignorance may deride it, but in the end; there it is.” Winston Churchill
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