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Troubles du langage Le bégaiement, un véritable handicap social

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  • Troubles du langage Le bégaiement, un véritable handicap social

    Les sons se répètent en cascade, les syllabes se prolongent, les mots se télescopent, la parole est bloquée puis expulsée… le bégaiement est le synonyme d’une malédiction que doit subir, quotidiennement, la personne qui bègue. Pénible sur le plan physique, car il fatigue. Mais pénible, aussi, sur le plan psychologique, car il a de lourdes répercussions sur la relation avec l’autre. «Le bégaiement me gâche la vie. Je n’ai aucune confiance en moi. Je parle très peu même quand je suis en famille. Je suis très renfermé sur moi-même et quand je suis dans un lieu public ou quand je suis obligé de parler à des inconnus cela me demande un gros effort. J’ai tout le temps peur des regards des autres. Hélas, je souffre même sur le plan sentimental. Je n’ai jamais osé aborder une fille à cause de ce maudit problème», confie tristement Mouad, 29 ans. Le bégaiement se manifeste habituellement au cours de l’enfance et se remarque plus chez les jeunes garçons que chez les jeunes filles. En fait, il y a quatre fois plus de garçons que de filles qui bégaient et le problème se présente au moment où l’enfant commence à s’exprimer verbalement.
    C’est normal d’entendre un enfant dire : «Je veux... je veux... je veux... un biscuit». Si ce problème disparait spontanément quelques années plus tard chez la majorité des cas, chez certains, il persiste. Toutefois, le bégaiement reste à ce jour une maladie mystérieuse. «Il n’existe actuellement aucune certitude sur l’étiologie de ce trouble. Beaucoup d’hypothèses ont été avancées, allant des malformations organiques (chacune des étapes permettant un langage articulé est commandée par le système nerveux central) à l’origine psychologique (difficultés psycho-affectives de la petite enfance en rapport avec le système familial et maturationnel de l’enfant) en passant par l’hérédité (prédisposition génétique au bégaiement avec un terrain favorable qui va le déclencher ou non.)
    La tendance actuelle favorise l’hypothèse de facteurs multiples en différenciant des facteurs favorisants liés à l’enfant ou liés à son environnement, des facteurs déclenchants et des mécanismes de chronicisation», indique Salima Chaoui Aziz, orthophoniste. Les problèmes de communication qu’engendre le bégaiement sont généralement traumatisants pour les personnes qui en souffrent. Ceci explique pourquoi les personnes bègues sont aussi souvent mal à l’aise en société. Ce mal-être se manifeste par une tendance à bégayer plus fortement en cas de situation de stress ou à éviter le contact visuel avec l’interlocuteur. Il se peut aussi que les personnes souffrant de bégaiement évitent d’utiliser certains mots qui leur posent des difficultés ou se taisent littéralement. Heureusement, un traitement rééducatif existe. «La parole est constituée d’air sonorisé au niveau des cordes vocales, transformé en sons distinctifs par les résonateurs (pharynx, nez, bouche), et les articulateurs (langue, lèvres, mâchoires, voile du palais). Tous ces éléments sont abordés à travers différents exercices afin de leur faire prendre conscience de ce qui se passe quand tout va bien et comment il faut intervenir quand la communication devient difficile. Des exercices sont proposés concernant l’articulation, le débit, la respiration, la voix... D’autres visent plus particulièrement le contrôle du niveau de tension dans la parole (bégaiement inverse) ou de façon plus générale par la relaxation.
    L’écoute est également abordée lors des séances rééducatives. C’est un aspect important : l’auto-écoute étant généralement perturbée chez les personnes qui bégaient», explique Salima Chaoui. Et d’ajouter : «Durant le traitement, on aborde également les aspects émotionnels en prenant en compte les sentiments réactionnels au bégaiement comme la honte, frustration, perte de l’estime de soi... Pour sortir du bégaiement, il est important que le patient modifie le regard qu’il porte sur son trouble et sur lui-même, et une partie de la prise en charge consiste à intervenir sur ces pensées et ressentis négatifs. Certains thérapeutes utilisent des pratiques inspirées des thérapies cognitives et comportementales pour favoriser la restauration de l’estime de soi. D’autres thérapeutes recourent à des techniques d’inspiration psychothérapeutiques ou à un travail en partenariat avec une psychothérapeute pour permettre une meilleure gestion émotionnelle».
    Explications : Salima Chaoui Aziz, orthophoniste

    «C’est à partir de l’âge de quatre ans que l’on confirme le diagnostic»

    ❶ Est-ce que le bégaiement est inné ou peut apparaître soudainement à l’âge adulte ?
    Dans 70% des cas, le bégaiement apparaît au moment de l’apprentissage du langage oral. On tente de le différencier d’un bégaiement physiologique qui est une phase de bafouillage qui survient aux alentours de trois ans, quand le langage s’organise et que l’enfant établit ses premiers contacts hors du milieu familial. Cette période de bégaiement régresse puis disparaît dès que l’enfant dispose des moyens d’expression suffisants pour organiser son langage. On tente également, par la prévention, d’éviter l’installation des mécanismes de chronicisation. C’est à partir de quatre ans, lorsque ces phénomènes persistent, que l’on confirme le diagnostic. Le bégaiement n’apparaît que très rarement à l’âge adulte. Il survient généralement lors de la prise de neuroleptiques, de trauma psychologique ou lors d’un trouble neurologique. Il se résorbe généralement très rapidement.
    ❷ Peut-on traiter le bégaiement ?
    Oui, un traitement est possible, mais il n’est efficace que s’il aboutit aux résultats attendus. Ceux-ci font l’objet d’un échange entre la personne bègue et le thérapeute (orthophoniste et/ou phoniatre). Le patient détermine ses objectifs qui doivent être réalistes et réalisables. Le thérapeute, quant à lui, explique les différents axes de la prise en charge ainsi que l’aide qu’il peut apporter.
    En ce qui concerne le bégaiement, les objectifs portent à la fois sur l’amélioration de la parole et l’attitude de la personne face à son bégaiement en tenant compte de l’interaction entre action, pensée et émotions. Des évaluations régulières incitent la personne bègue à préciser ce qu’elle a acquis, ce qu’il lui reste à acquérir, comment elle va s’y prendre et ce qu’elle attend du thérapeute pour y parvenir.
    ❸ Selon vous, à quel stade le bégaiement est le plus difficile ? Pendant l’enfance, l’adolescence ou à l’âge adulte ?
    En ce qui concerne le traitement thérapeutique, plus tôt les patients consultent un orthophoniste, plus tôt elles peuvent établir le projet thérapeutique en corrélation avec la problématique diagnostiquée (bégaiement physiologique qui nécessite un travail de prévention avec un bégaiement fixé qui nécessitera un travail plus technique). La précocité du travail permettra donc de soulager plus vite les difficultés langagières du patient et le travail rééducationnel devrait être moins long. Cependant, nous constatons que chez les petits enfants, «le transfert des techniques de rééducation» est plus difficilement applicable que chez un adulte qui comprend mieux ce qu’il doit gérer lorsqu’il se retrouve en situation de communication avec un pair.
    À l’inverse, la rééducation avec un adulte peut nécessiter davantage de séances, les mauvaises habitudes phonatoires étant intégrées et difficilement immuables. En ce qui concerne la souffrance liée à la pathologie, quel que soit l’âge, nous observons des difficultés comportementales et/ou psycho-affectives non plus déclenchantes d’un bégaiement, mais occasionnées par ce dernier. Il s’agit d’une symptomatologie secondaire et associée au bégaiement. Le rire moqueur des autres enfants, le passage physiologique et psychologique compliqué des jeunes lors de l’adolescence et la communication entravée dans le monde du travail chez les adultes génèrent de gros troubles sur le plan de l’estime de soi. Une réorientation en psychothérapie est souvent associée au travail orthophonique. L’équipe multidisciplinaire étant importante quant à la bonne conduite de la prise en charge.
    ❹ Y a-t-il une langue qui favorise le bégaiement plus qu’une autre ?
    Non, il n’y a aucune langue qui favorise le bégaiement plus qu’une autre. Le bégaiement est un trouble fonctionnel de l’expression verbale qui affecte le rythme de la parole. Il s’inscrit dans le cadre d’une pathologie de la communication qui n’a rien à voir avec les langues.
    Un quotidien difficile

    Afin d’échapper aux regards moqueurs des autres et à la honte, certains bègues mettent très tôt en place des stratégies pour dissimuler coûte que coûte leur bégaiement. Or ce conditionnement se révèle pour la personne bègue épuisant psychologiquement, car il impose un contrôle permanent.
    Normalement, la parole est un comportement complètement spontané, elle ne doit pas être une opération mentale lourde. Mais chez les personnes qui souffrent de ce problème de langage, rien n’est simple. Tout est toujours fabriqué, contrôlé. Ce qui peut se traduire par des signes visibles, comme des problèmes de respiration ou des manifestations neuro-végétatives, avec des rougeurs, des tremblements. D’autres préfèrent à cette parole viciée la solitude ou l’isolement. En effet, le bégaiement débouche souvent sur un syndrome dépressif, pouvant parfois aller jusqu’à des idées suicidaires.

    Publié le : 8 Janvier 2013 - Hajjar El Haiti, LE MATIN ma
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