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Apartheid à la française

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  • Apartheid à la française

    Bonjour, y-a t-il un apartheid à la française plus visible pour les peuples noir d'Afrique et leurs enfants ? Réponse de François Durpaire.
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    Dans France blanche, colère noire, l’universitaire François Durpaire part en guerre contre un système ségrégationniste qui ne dit pas son nom. Interview.

    François Durpaire enseigne l’histoire nord-américaine à l’université Paris-I-Panthéon-Sorbonne et dirige depuis 2006 l’Institut des diasporas noires francophones (IDNF). À la lumière de ses recherches sur les liens entre les États-Unis et les espaces africains et caribéens, il ausculte sans complaisance la France d’aujourd’hui et explique comment les discriminations à l’égard des Français de couleur noire compromettent la continuité citoyenne.

    Émergence d’une « identité » noire, parfois plus construite qu’héritée, dérive communautaire, racisme institutionnalisé et apathie des politiques… « La France est-elle en train de se scinder en deux sociétés, noire et blanche, séparées et inégales ? » s’interroge-t-il dans son dernier livre France blanche, colère noire. « En nous parlant des Noirs, il nous parle de la France, et de la manière dont nous pouvons y vivre ensemble », écrit dans la préface Stéphane Pocrain, 33 ans, ex-porte-parole des Verts, de la génération antillaise née en France continentale, qui précise que « la question noire ne concerne pas que les Noirs ». Et Roger Toumson, guadeloupéen, membre du Haut Conseil de la francophonie, d’affirmer : « Cet ouvrage n’est pas un réquisitoire partisan, sans nuance. Plutôt un ardent plaidoyer pour une citoyenneté incolore. »

    Jeune Afrique : C’est quoi être noir en France aujourd’hui ?

    François Durpaire : Que l’on soit de parents soninkés ou étudiant antillais venu faire ses études en métropole, c’est découvrir, à l’occasion d’un entretien d’embauche ou d’une visite d’appartement, que votre couleur est un handicap dans la société française. C’est ça être noir. Ni plus ni moins.

    Dans votre livre, vous évoquez ce racisme à la française, institutionnalisé, mais que tout le monde refuse de voir…

    Lutter contre le racisme, c’est difficile, car ça passe par l’éducation et le changement des mentalités. En revanche, on peut lutter contre les discriminations, notamment dans le travail. À l’embauche, le système du « testing » est efficace. Ensuite, le seul moyen de lutter contre le fameux plafond de verre à l’intérieur de l’entreprise, sans parler de quotas, c’est de mesurer la présence ou l’absence des groupes qui subissent une discrimination : handicapés, femmes, populations pénalisées à cause de leur patronyme ou de leur couleur de peau. Cette méthode est caricaturée en France mais il s’agit juste de se donner les moyens de mesurer le degré d’intégration ou d’exclusion de ces groupes.

    Vous dénoncez aussi les contrôles d’identité car ils « détruisent le lien social ».

    Les émeutes urbaines de l’hiver dernier sont parties d’un incident avec la police. C’est le même déclencheur que les émeutes de 1964-1968 - notamment à Watts - qui ont fait évoluer les États-Unis vers une politique d’intégration de la diversité au sein de la police.

    En France, un des mépris principaux faits à nos compatriotes français d’origine africaine, ce sont les contrôles d’identité sur la voie publique. Au ?sens étymologique, identité veut dire « être identique à ». Donc, symboliquement, contrôler l’« identité » d’un jeune d’origine africaine, c’est le soupçonner de ne pas être identique aux autres citoyens en vertu de sa couleur de peau.

    Ce rejet quotidien ne peut qu’avoir des conséquences dramatiques. On ne peut pas demander à des jeunes de s’identifier à un groupe dont on les exclut quotidiennement.

    Vous parlez d’« apartheid » sociologique pour évoquer la France actuelle…

    Oui, et cet apartheid se creuse, sur le plan urbain et scolaire. La situation est pire qu’il y a vingt ans. Les filières d’éducation sont ségrégées. La mixité n’existe plus. Tous les mercredis, après mon cours d’histoire à la Sorbonne, où quasiment tous les étudiants sont des Français blancs, je croise des étudiants en AES (administration économique et sociale) : ce sont des Antillais, des jeunes d’origine africaine ou maghrébine.

    Cette ségrégation s’est mise en place dans un système pourtant républicain et démocratique. La société et les responsables politiques doivent prendre le problème à bras-le-corps de façon urgentissime, et pas seulement quand des voitures brûlent. Faut-il attendre d’autres émeutes pour réagir ?

    Que pensez-vous de la rhétorique sarkozienne qui met sans arrêt le feu aux poudres ?

    Il faut d’abord en finir avec le terme d’intégration. Les jeunes dont parle monsieur Sarkozy en leur demandant de « respecter le pays d’accueil » se trouvent dans leur pays d’origine ! Leurs parents et grands-parents étaient déjà français pour nombre d’entre eux et subissaient les discriminations qu’eux-mêmes subissent encore aujourd’hui à cause de la couleur de leur peau. Ce ne sont pas les jeunes de banlieue qui ont un problème d’identité, mais certains Français blancs qui s’approprient l’identité nationale. Nicolas Sarkozy n’est pas plus chez lui en France que n’importe quel jeune qui y est né !

    Pourquoi avez-vous créé l’Institut des diasporas noires francophones (IDNF) ?

    L’histoire de l’Afrique existe, mais pas celle des Africains en France, des Africains de France et des Antillais. La recherche sur ces thèmes n’est pas institutionnalisée, contrairement aux « Caribean Studies » en Grande-Bretagne et aux « Black Studies » aux États-Unis. Il n’y a pas de département d’histoire des minorités en France, au nom de l’unité nationale. L’IDNF* est un réseau de chercheurs qui travaillent sur ces thématiques de la diversité. Le but est de faire émerger des pans de notre histoire jusqu’ici invisibles. Nous souhaitons mettre en ligne les travaux de recherche de manière libre et gratuite, susciter une production internationale et offrir une visibilité à cette francophonie qui est la plus dynamique aujourd’hui. Les universités françaises, eurocentrées, ne laissent pas la place à la diversité, du coup, les Africains francophones émigrent dans les universités américaines. La richesse de la francophonie aujourd’hui, ce sont les taximen maliens à New York, les Haïtiens de Toronto…

    C’est une honte pour la France que des Guadeloupéens et des Martiniquais choisissent la nationalité canadienne car ils se sentent mieux accueillis dans ce pays que dans le leur.

    * Site de l'Institut des diasporas noires francophones : http://www.idnf.org

    PROPOS RECUEILLIS PAR OLIVIA MARSAUD
    30 juillet 2006 Jeune Afrique
    Si vous ne trouvez pas une prière qui vous convienne, inventez-la.” Saint Augustin
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