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UNIVERSITÉS ALGÉRIENNES Comment ramener le lion par la barbiche

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  • UNIVERSITÉS ALGÉRIENNES Comment ramener le lion par la barbiche

    Demandez à un ministre de vous présenter son département et voilà que des tonnes de chiffres se mettent à pleuvoir sur votre tête.

    C'est devenu un art, chez nos premiers responsables, que de se cacher derrière des chiffres qui, parfois sont ridicules et, souvent, ne signifient absolument rien. Peut-être est-ce à force d'avoir servi la boulimie des chiffres de leurs supérieurs qu'ils en ont pris les habitudes ou peut-être parce qu'ils croient réellement qu'un chiffre à lui seul peut signifier grand-chose? Dans les deux cas, cela n'arrange pas les affaires du pays.

    Imaginez que vous êtes journaliste et que vous interrogez un ministre. Disons, par exemple, celui de l'enseignement supérieur, pour avoir des nouvelles de l'Université algérienne. Vous verrez que l'on vous répondra que les efforts déployés ont apporté leurs fruits. Que l'Algérie dispose de 91 établissements universitaires dont 39 universités, 17 centres universitaires, 18 écoles nationales supérieures, 10 écoles préparatoires, etc.

    L'argent du peuple

    Que cette année l'Université algérienne accueillera 1.314.000 étudiants, qu'un peu plus de 86% des nouveaux inscrits ont choisi le système LMD, que les postes pédagogiques existent en nombre suffisant, que les laboratoires existants sont au nombre de 1200 à peu près alors que celui des projets avoisine les 5000. Voilà donc ce qu'on appelle, chez nous, une présentation d'un secteur. Voilà la manière dont nos responsables ont toujours présenté les choses aux citoyens, oubliant que dans tout ce qui vient d'être dit, le premier responsable du département n'a aucun mérite. Oui, aucun mérite car c'est avec l'argent du peuple que l'on a construit (bien que mal construit) ces établissements. Si vous demandez à savoir ce qu'a fait le ministère pour que l'Université algérienne soit à un bon niveau mondial? Et c'est là, vous supposez, le rôle d'un ministère de l'Enseignement supérieur, alors on se pressera de vous souligner avec force que les classements des universités ne sont pas sérieux, que c'est du bidon et que, à la limite, cela peut être assimilé à un complot contre notre jeune université. Si, malgré tout, vous insistez, alors on vous étalera des arguments terribles auxquels rien, ni personne, ne peut résister. Après tout, vous dira-t-on en bombant le torse, nous occupons avec fierté la 2360ème place au classement mondial. «C'est déjà, vous précisera-t-on, un exploit, lorsque l'on sait que les Etats-Unis d'Amérique en possèdent, à eux seuls, plus de 5000!» Vous êtes KO. vous n'en revenez pas. Vous vous demanderez alors, en silence, de qui est-ce qu'on se moque là mais, par politesse, vous ne le dites pas.

    Jeune université

    Voyant que vous êtes groggy, votre interlocuteur rajoute, avec sourire et tendresse, qu'il ne faut pas demander à une jeune université de rivaliser avec les plus grandes.

    Voilà, vous êtes maintenant de retour et vous ne savez pas quoi dire. Vous avez envie de hurler mais il vous est impossible de laisser échapper un seul mot. Vous vous demandez si, au fond, la 2360e place n'est pas excellente. Si, vu que notre université est si jeune, on pourrait même faire une fête, à l'occasion du 50e anniversaire de l'Indépendance, pour honorer cette haute performance que d'avoir décroché la 2360e place. Vous allez vous mettre à pousser des youyous stridents pour que le monde entende votre exploit et apprenne votre mérite. 2360e, c'est comme si vous rameniez le lion par la barbiche, c'est comme si vous rameniez des sirènes de oued Chlef ou de la Seybouse... Cela se fête bonnes gens! Oui, cela se fête exactement comme lors d'un certain soir de la Coupe d'Afrique des Nations certains n'avaient pas trouvé mieux que de fêter la défaite de l'Equipe nationale contre lEgypte avec 4 buts. Cela va dans le même sens de la performance à valoriser.

    Lorsque vous aurez perdu votre voix avec tous les youyous et que vous retrouverez votre calme, vous comprendrez pourquoi beaucoup de secteurs se sont écroulés dans notre pays. Vous saisirez, dans toute sa laideur, l'absence d'ambition qui a caractérisé nos responsables et qui a fini par ruiner le pays. Et, alors même que vous persisterez à croire que ce sont d'abord les responsables de l'Ecole algérienne qui l'ont décapitée, vous ne trouverez plus cela bizarre car, maintenant, vous savez le pourquoi du comment.

    Vous aurez compris maintenant pourquoi on se contente de donner des chiffres, rien que des chiffres, toujours des chiffres. Vous aurez alors saisi le secret qui fait que, ici et nulle part ailleurs dans le monde, la performance de l'université se mesure au nombre de murs construits et au nombre de places pédagogiques bâties. Que derrière ces murs on s'évertue à occuper les gens une vie durant, que après ces murs la plupart des sortants ne savent même pas écrire un CV, de cela personne ne tient compte. Que des laboratoires à l'intérieur des universités, il n'y ait que le nom et que, parfois, pour obtenir une lamelle de microscope ou pour trouver un clevenger, il faut galérer des années durant, cela non plus n'intéresse personne. Que à l'intérieur de ces murs, des thèses peuvent être copiées, nul ne s'en préoccupe. Que... et que... et que.. il ne se trouve personne pour s'en occuper car le regard est braqué sur les chiffres, rien que les chiffres.

    Drôle de situation où la bêtise prend la forme d'intelligence et où la nullité est applaudie en tant qu'excellence. Drôle de période où l'on apprend ensemble, avec la bénédiction sociale, de détourner le regard de l'essentiel pour ne se focaliser que sur le futile, l'inutile et le superficiel. Drôle de comportement que celui qui consiste à danser et à pousser des cris de joie sur son propre corps. Et drôle de discours que celui qui, lorsqu'on demande à parler de l'université, nous débite des chiffres à propos du bâtiment...

    Réductionniste à l'extrême, certains ont limité le champ de l'université à ses seuls murs. Normal dirait-on, du moment que d'autres avaient réduit la politique à une partie de belote et la responsabilité à une sphère d'échange de locutions laudatives.

    SOURCE : L'EXPRESSION
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