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Pourquoi la France est-elle entrée en guerre au Mali ?

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  • Pourquoi la France est-elle entrée en guerre au Mali ?

    Source Libération 14/01/2013 Par Thomas Hofnung

    Au troisième jour de l’opération «Serval», les avions de l’armée française ont multiplié, hier, leurs raids dans le centre, mais aussi dans le nord du Mali contre les groupes islamistes. Tout en assurant ne pas chercher à reconquérir la zone contrôlée par les radicaux depuis près d’un an, Paris espère les affaiblir de manière durable.

    Depuis le coup d’Etat à Bamako contre l’ancien président malien Amadou Toumani Touré, en mars 2012, et la prise de contrôle du Nord-Mali par des groupes jihadistes et terroristes, Paris tentait, sans grand succès, de mobiliser la communauté internationale en faveur d’une intervention militaire conduite par les pays africains de la région, avec le soutien des Occidentaux. Les intérêts et les ressortissants français sont explicitement visés par les terroristes d’Al-Qaeda au Maghreb islamique (Aqmi) depuis plusieurs années dans le Sahel. Paris redoutait alors la transformation de ce vaste territoire désertique en un sanctuaire à partir duquel Aqmi et ses alliés pourraient préparer des attentats antifrançais en Afrique de l’Ouest, mais aussi dans l’Hexagone.

    La présence française dans la région est un héritage du passé colonial : plusieurs milliers de ressortissants y résident. Huit d’entre eux ont été pris en otage depuis 2010. La France dispose également d’intérêts économiques non négligeables en Afrique de l’Ouest. Le plus stratégique d’entre eux est l’uranium du Niger, exploité par Areva, qui alimente un tiers des centrales nucléaires d’EDF. Quand, en milieu de semaine dernière, les groupes islamistes ont lancé une offensive d’envergure dans le centre du Mali, menaçant de descendre jusqu’à la capitale, Bamako, l’Elysée a ordonné à l’armée de passer à l’action pour les en empêcher, avec le feu vert du président malien par intérim, Dioncounda Traoré, et du Conseil de sécurité des Nations unies.
    Quels sont les buts de l’opération ?

    Le ministre de la Défense, Jean-Yves Le Drian, en a mentionné initialement trois : stopper l’offensive des groupes radicaux, empêcher l’effondrement total des institutions du Mali et protéger les ressortissants français et européens présents sur place. Le premier a été, en grande partie, atteint. En recourant aux hélicoptères des forces spéciales prépositionnées dans la zone et aux Mirage basés au Tchad voisin, Paris a enrayé la progression des groupes islamistes, permettant aux troupes maliennes de lancer une contre-offensive sur la localité de Konna (centre). Dans le même temps, plusieurs centaines de soldats français, venus de Côte-d’Ivoire et du Tchad, ont été dépêchées à Bamako. Officiellement pour la protection des ressortissants. Mais, dans les faits, ils assurent aussi celle du président par intérim, toujours sous la menace des ex-putschistes du capitaine Sanogo.

    Depuis hier, l’opération est entrée dans une nouvelle phase : Paris cherche à détruire les bases arrières des islamistes. Quatre Rafale ont ainsi frappé des positions tenues par les jihadistes près de Gao. Des raids ont également eu lieu sur un autre de leurs bastions, à Kidal, à 1 500 km au nord de Bamako. En attendant que la force africaine se déploie, et pour faciliter sa future mission, la France a décidé d’affaiblir massivement le potentiel des groupes radicaux. Les chefs des trois composantes de la nébuleuse islamiste - Ansar ed-Dine, Aqmi et le Mouvement pour l’unicité et le jihad en Afrique de l’Ouest (Mujao) - sont particulièrement visés par ces attaques aériennes. Abdel Krim, un lieutenant du chef d’Ansar ed-Dine, Iyad ag-Ghaly, a ainsi été tué dans un raid pendant le week-end. «Les bombardements vont continuer et même s’intensifier», dit-on au ministère de la Défense.
    Avec quels moyens la France intervient-elle ?

    Depuis le début de l’opération, Paris a largement sollicité ses troupes prépositionnées sur le continent africain. Premiers à entrer en action, les hélicoptères des forces spéciales basées au Burkina Faso sont intervenus dans le centre du Mali, à Konna, vendredi soir, pour aider à repousser les islamistes de la localité, avant de lancer une contre-offensive. Dans les combats, un pilote a été tué. Touché à l’artère fémorale par un tir d’arme légère, le lieutenant Damien Boiteux est décédé pendant son évacuation vers l’hôpital de Mopti. Simultanément, l’armée française a recouru à ses Mirage, habituellement au nombre de cinq, stationnés au Tchad dans le cadre de l’opération «Epervier». Hier, quatre Rafale ont rejoint la zone pour renforcer des capacités aériennes susceptibles d’infliger de lourdes pertes.

    Même si cela coûte cher, la France a les moyens de mener cette guerre asymétrique, sur une zone d’intervention circonscrite, contre un adversaire équipé surtout d’armes légères. L’opération «Serval» n’est en rien comparable à «Harmattan», celle menée en Libye et pour laquelle l’armée française avait mobilisé une large partie de ses capacités durant huit mois de combats. Paris n’en a pas moins accueilli très favorablement les propositions d’aide formulées par les Britanniques et les Américains. Les premiers mettent à disposition deux avions de transport, tandis que les seconds devraient fournir des renseignements précieux, grâce à leurs drones déployés dans le Sahel, et des avions ravitailleurs, que la France possède en nombre limité. «Tout ce qui nous est proposé est bon à prendre», résume un haut gradé.
    L’intervention risque-t-elle de durer ?

    Parallèlement aux frappes aériennes, et alors que l’opération au Mali fait l’objet d’un large consensus en France et à l’étranger, Paris veut saisir cette occasion pour accélérer le déploiement programmé d’une force multinationale africaine, censée reconquérir le nord du Mali, ainsi que celui des instructeurs européens chargés de reconstituer une armée malienne digne de ce nom.

    L’ex-puissance coloniale n’entend pas demeurer trop longtemps en première ligne au Mali. De fait, depuis le début des frappes françaises, plusieurs pays africains (le Togo, la Côte-d’Ivoire, le Bénin, etc.) ont annoncé l’envoi imminent de bataillons sur place. L’implication militaire de Paris sur le terrain semble avoir décidé un certain nombre de pays de la région. Mais il faudra encore plusieurs semaines avant qu’ils ne soient opérationnels sur le terrain.

    De même, la question du financement de l’opération n’a pas encore été réglée. Une conférence des donateurs pourrait se tenir début février. En attendant, il paraît vraisemblable que Paris déploie des unités le long de la ligne de démarcation afin de prévenir toute nouvelle tentative d’infiltration des groupes islamistes vers le sud. «Maintenant que nous sommes à pied d’œuvre sur le terrain, il serait stupide de plier aussitôt bagage, note un fin connaisseur du dossier. Nous sommes là pour rester un bon moment.» Chasser à coups de bombes et de missiles les islamistes des principales villes du Nord (Gao, Tombouctou et Kidal) paraît jouable. Mais le vrai défi sera celui du jour d’après, face à des adversaires très mobiles.
    Ce que vous faites de bien et de mal, vous le faites à vous
    Mahomet
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