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Les chefs d’Ansar Dine veulent créer un «Afghanistan de proximité»

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  • Les chefs d’Ansar Dine veulent créer un «Afghanistan de proximité»

    Richard Labévière, journaliste, rédacteur en chef de la revue de l’Institut des hautes études de défense nationale (IHEDN)

    Écrit par Administrator


    «Reporters» : Alors que des négociations étaient en cours et que l’action diplomatique n’avait pas atteint toutes ses limites, qu’est-ce qui a bien pu précipiter les choses et provoquer cette attaque ?

    Richard Labévière : La négociation vaut toujours mieux que la guerre et l’Algérie a raison de la privilégier. Mais, cette détermination n’a visiblement pas suffi. Les chefs d’Ansar Dine et d’autres responsables touareg sont restés intransigeants sur le séparatisme de l’Azawad et la référence à la charia comme fondement d’une future entité du Nord-Mali. Ils ont pris la responsabilité de rompre le processus pour reprendre le sentier de la guerre et prendre de vitesse le processus d’une force d’intervention de l’Afrique de l’Ouest bénéficiant de soutiens logistiques occidentaux. Leurs dernières opérations armées en direction du sud visaient la prise de Bamako et cherchaient à opérer des jonctions opérationnelles consolidées en direction des activistes de la secte islamiste Boko Haram et des djihadistes somaliens.

    Cette perspective aurait créé un «Afghanistan de proximité», sanctuaire d’un djihadisme armé qui menace, à terme, tous les Etats de la région, dont l’Algérie.

    Selon vous, le moment est-il vraiment propice pour cette intervention ?

    Il a fallu répondre à l’urgence. L’intervention française ne souffre d’aucune velléité d’ingérence et de néo-colonialisme. Elle s’est faite à la demande expresse des autorités de Bamako après une déclaration du président du Conseil de sécurité des Nations unies soutenue unanimement par ses 15 Etats-membres. Sur le plan intérieur, elle est cautionnée par l’ensemble de la classe politique française. Sur le plan international, elle enregistre également de nombreux soutiens, même si la question est loin d’être réglée durablement. Celle-ci passe, bien évidemment, par une restauration pleine et entière de la souveraineté du Mali et par l’émergence d’un grand Sahara, dont l’Algérie – et c’est une évidence géopolitique – sera la cheville ouvrière.

    Quels peuvent être les différents scénarios possibles à présent ? Allons-nous assister à une victoire éclair ou alors à un enlisement dans la durée ?

    «Au-delà de la légalité internationale et du consensus national, dans ce genre d’opération, c’est toujours les jours d’après qui importent le plus…», avertit un officier supérieur français en ajoutant que «le risque est grand de se retrouver dans la situation des Israéliens après leur retrait du Liban-Sud en mai 2000 : les groupes armés réinvestissent aussitôt l’espace et se proclament vainqueurs !». En effet, une victoire militaire tactique et ponctuelle peut vite se transformer en fiasco stratégique et politique «si l’on ne va pas jusqu’au bout pour terminer le travail», ajoute un officier du COS (Commandement des opérations spéciales). La difficulté est triple. Premièrement, les voisins africains du Mali tardent à bouger.

    La force des 3 000 hommes de l’Afrique de l’Ouest a du mal à se constituer pour être opérationnelle avant la fin 2013, ce qui fait dire à plusieurs responsables politiques africains que «la guerre onusienne du Mali n’aura pas lieu». Il est, par conséquent, illusoire d’attendre une relève rapide, sous drapeau des Nations unies, de l’Union africaine et de la Cédéao (Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest). Et pourtant, c’est aux Africains eux-mêmes de prendre les choses en main ! Deuxièmement, l’hypothèse d’un engagement durable «pour aller jusqu’au bout» contre les factions islamo-affairistes du Sahel aura un coût économique élevé. Qui va l’assumer ? En troisième lieu, même si la tentative de libération de l’otage français en Somalie n’était pas concomitante avec l’intervention malienne, celle-ci ne manquera pas de faire monter les prix des ressortissants français toujours aux mains d’Al-Qaïda (Aqmi au Maghreb islamique) et Ansar Dine. Cette conséquence aura un coût médiatique et politique qu’il ne faut pas sous-estimer aussi dans le cadre de la gestion des otages algériens. Enfin, sur le plan politique, nous ne sommes pas dans le contexte ivoirien qui avait l’avantage de présenter une alternative.

    Au Mali, nous n’avons pas dans le jeu de «joker Ouattara». Comme en Mauritanie, au Niger et au Burkina, certaines élites politiques et militaires participent souvent aux trafics de drogue, d’armes et d’êtres humains qui constituent la principale menace des «Etats faillis» de toute la région sahélienne. En effet, au-delà d’une opération militaire onéreuse et d’une intervention hypothétique des Nations unies, une réponse durable à la menace terroriste sahélienne passe pourtant par une restauration effective des appareils d’Etat des côtes du Sénégal à celle de Somalie. Et ceci coûte aussi très cher…


    Alors que Washington et Londres ont déjà apporté leur soutien à cette action militaire, l’Algérie, qui subira, à coup sûr, les frais de cette guerre, et à sa suite tous «les pays du champ» se sont gardés de toute déclaration, pour l’heure, comment interprétez-vous cette position ?


    Disposant de la seule armée opérationnelle de la zone, l’Algérie observe un silence prudent. A ce stade, elle a raison, mais à terme et d’une manière ou d’une autre, il faudra s’attaquer au problème. Ses services connaissent parfaitement l’ennemi et ses capacités de sanctuarisation : «c’est le même type de situation qu’en Colombie. Cela fait 30 ans que les Américains interviennent militairement contre les Farc et les trafiquants de drogue sans que l’on voit le bout du tunnel», m’expliquait il y a quelques jours un responsable algérien de mes amis, estimant qu’une «bonne réponse à long terme n’est pas forcément militaire». C’est la voix de la sagesse…

    Toujours sur un plan régional, quel impact sur le dossier du Sahara occidental pourrait avoir cette guerre au Sahel ?

    Depuis longtemps, la communauté internationale, par le biais de l’ONU, aurait dû apporter une réponse satisfaisante aux revendications historiques et légitimes du peuple sahraoui. A force de désespérer cette population, elle prend le risque que certains de ses membres ne rejoignent les bandes de trafiquants de drogue et d’armes de la zone sahélienne. La construction d’une nouvelle stabilité au Sahara passe, bien évidemment, par un règlement satisfaisant de la question nationale sahraouie.
    *Cet entretien a été réalisé avant la réaction officielle algérienne qui affirme que l’appel des autorités maliennes à une intervention militaire française est une décision souveraine.

    REPORTERS.DZ
    The truth is incontrovertible, malice may attack it, ignorance may deride it, but in the end; there it is.” Winston Churchill
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