Par Mohamed Tahar Bensaada | le 19 janvier, 2013 - 14:19
« Qui ose se frotter à l’Algérie risque de se faire piquer» (Ibrahim Boubacar Keita, ancien premier ministre malien)
Plusieurs faits bizarres ont été passés sous silence par les médias mainstream. Cela vaut le coup d’y revenir pour mieux éclairer les enjeux qu’on cherche à nous cacher.
Comme il était prévisible, le dénouement dramatique de la prise d’otages qui a eu lieu sur le site gazier de In Amenas suite à l’assaut sanglant des forces spéciales algériennes contre le groupe terroriste a fait réagir chancelleries et médias occidentaux qui ne pouvaient pas rater pareille occasion pour asséner leurs contre-vérités dans ce qui apparaît d’ores et déjà comme une véritable guerre psychologique contre l’Algérie. Malgré le matraquage médiatique de ces dernières 48 heures, plusieurs zones d’ombre continuent d’entourer cette opération. Raison de plus pour rester vigilants quand il s’agit de se pencher sur une affaire qui n’a pas fini de nous révéler tous ses dessous de cartes. Plusieurs faits bizarres ont été passés sous silence par les médias mainstream. Cela vaut le coup d’y revenir pour mieux éclairer les enjeux qu’on cherche à nous cacher.
D’abord, la première chose qui frappe dans l’attaque terroriste qui a visé la base-vie de In Amenas, c’est son caractère spectaculaire. Un groupe terroriste multinational de 32 personnes d’origines diverses (Algérie, Libye, Egypte, Tunisie, Mauritanie, Niger, France, Canada) entré de la Libye voisine. Plusieurs centaines d’otages dans un site énergétique aussi stratégique situé dans une région aussi surveillée. En dix années de sale guerre durant la décennie noire, aucun incident comparable n’a été signalé dans ces régions pétrolières et gazières du sud algérien qui constituent le poumon économique de l’Algérie puisqu’elles lui assurent l’essentiel de ses recettes en devises.
Dans cette opération spectaculaire, on ne peut pas exclure l’hypothèse d’une manipulation d’un des services secrets qui se livrent une guerre spéciale sans merci dans la région. Comme d’habitude, les accusations les plus contradictoires circulent sur la toile alimentées par les nombreux amateurs de complot. Mais faute d’indices probants et qu’on ne risque pas d’avoir dans le climat d’intoxication médiatique actuel, le mieux serait de chercher à démêler l’écheveau de cette affaire en nous concentrant sur la question essentielle : Quels sont les dividendes géopolitiques que pourraient engranger les différents protagonistes engagés dans une guerre qui a commencé bien avant l’intervention française au Mali ?
Premier élément bizarre dans cette histoire. La France intervient au Mali et déclare la guerre aux groupes islamistes, y compris au groupe Ansar Dine qui n’a jamais perpétré d’actions terroristes ni sur le sol malien ni ailleurs. Et que fait le groupe dissident d’Aqmi dirigé par Mokhtar Belmokhtar ? Il s’attaque à l’Algérie, c’est-à-dire au seul pays de la région qui a toujours exprimé son opposition à la guerre depuis que la France a commencé à s’y préparer avec ses larbins africains au risque d’apparaître comme le « parrain » d’Ansar Dine comme tendent à le faire accroire des sites spécialisés dans la propagande anti-algérienne. Aucune action n’a été enregistrée contre les nombreux Etats supplétifs de la France dans la région du Sahel et de l’Afrique de l’ouest qui ont décidé d’envoyer leurs bataillons au Mali et qui sont pourtant mille fois plus vulnérables que l’Algérie face à ce genre d’actions terroristes.
Bien entendu, le fait que Mokhtar Belmokhtar se soit prêté au jeu de la négociation en vue de sa reddition aux services de sécurité algériens, opération de reddition avortée il y a quelques années, ne manque pas de susciter la suspicion de certains analystes qui y voient un agent double. D’autres poussent le ridicule jusqu’à insinuer un coup tordu des services algériens sans se donner la peine d’expliquer dans ce cas l’essentiel à savoir le refus par l’Algérie de la « coopération » proposée par l’Otan. Pourquoi prendre la peine de monter une telle opération si on refuse par ailleurs ce qui est supposé en être le gain diplomatique par excellence ? En fait, dans toute guerre spéciale, les trahisons et retournements sont légion, c’est une raison supplémentaire pour éviter de sombrer dans les récits policiers, au risque de passer à côté de l’analyse des enjeux géopolitiques et stratégiques qui seuls devraient nous importer.
Second élément bizarre. L’attaque terroriste a eu lieu dans une base gérée conjointement par trois compagnies algérienne (Sonatrach) britannique (BP) et norvégienne(Statoil). Comment le groupe terroriste qui prétendait s’attaquer à l’intervention française au Mali comptait-il faire pression sur la France en s’attaquant à des groupes pétroliers qui sont de fait les principaux concurrents de la société française Total en Algérie ?
Mais le plus effarant dans la réaction des chancelleries et de certains médias occidentaux, c’est leurs réactions après l’assaut meurtrier des forces spéciales algériennes. Si Washington a rappelé qu’Alger ne l’a pas consulté sans plus de commentaire, le premier ministre britannique, David Cameron, s’est permis de critiquer la gestion de la crise par les autorités algériennes. Ces dernières auraient décidé d’intervenir trop vite sans demander l’avis des puissances concernées. Quelle audace de la part de ces puissances de demander à l’Algérie de négocier avec des terroristes qui ont piégé les corps de leurs otages et menacé de tout faire sauter alors que la France est intervenue au Mali au risque de mette en danger la vie des otages européens et algériens retenus par Aqmi et le Mujao !
Certes, si les dirigeants algériens qui ont pris la lourde responsabilité de donner l’ordre de l’assaut avaient la moindre chance de sauver la vie des otages par la négociation avec les ravisseurs et qu’ils ne l’avaient pas saisie, ils auraient commis une faute morale et politique impardonnable. Mais quand on sait le risque qu’ils couraient en se mettant à dos les Etats occidentaux dont les ressortissants risquaient de perdre la vie au cours de l’assaut, on se doute bien qu’ils étaient quasi-certains que toute autre solution que l’assaut aurait été plus coûteuse sur les plans humain, politique, diplomatique et économique.
Le cynisme des médias et des pseudo-spécialistes convoqués pour l’occasion n’a plus de bornes quand la dénonciation de la « brutalité » des forces spéciales algériennes provient de ceux-là mêmes qui trouvaient toujours des prétextes aux « bavures » des forces de l’Otan en Afghanistan et en Irak, qui n’hésitaient pas, rappelons-le, à bombarder des mariages, des funérailles et autres attroupements pacifiques. Saluons au passage la position courageuse de Robert Fisk qui a rappelé » dans sa chronique dans le quotidien The Independant que les médias occidentaux n’auraient pas réagi de cette façon si parmi les otages tués, il n’y avait pas des blonds aux yeux bleus mais seulement des Algériens !
Au-delà de la dimension humaine de ce drame qui a coûté la vie à tant d’innocents et au-delà du rôle joué par les services français et algériens, posons-nous la question qui importe le plus aujourd’hui : que recherchent les principaux protagonistes de cette crise ?
Pour les Français, le seul enjeu d’importance, qui vaut la peine que la diplomatie française fasse profil bas et feigne une posture « compréhensive » à l’égard de l’assaut de l’armée algérienne, est clair : entraîner l’Algérie dans leur sale guerre tant ils savent qu’ils ne pourront mener jusqu’au bout la bataille qu’ils livrent actuellement au Mali sans la collaboration de l’armée algérienne. Se faisant l’écho de chercheurs et d’experts-bidon comme d’habitude, le quotidien Libération a essayé de donner un semblant de justification logique au soi-disant « rapprochement franco-algérien » sur le dossier malien. La volte-face d’Ansar Dine qui a trahi la parole donnée à Alger en lançant ses forces vers le sud malien aurait fini par convaincre le président Bouteflika de changer son fusil d’épaule et de permettre aux avions de combat français de survoler l’espace aérien algérien.
Mais ce retournement algérien serait le prélude à un changement de stratégie envers les groupes islamistes qui ne serait ni plus ni moins qu’un retour vers la ligne d’éradication suivie dans les années 90 par l’état-major de l’armée algérienne. Pour William Lawrence : « Le déferlement surprise de combattants islamistes vers le sud du Mali en fin de semaine dernière a achevé de vaincre les réticences algériennes. Acculé, Bouteflika n’a pas pu s’opposer au survol du territoire par les avions français et à fermer la frontière avec le Mali, quitte à déplaire à une population sensible à toute manifestation d’un éventuel «néocolonialisme» de la France. La prise d’otages, inédite par son ampleur, devrait forcer Alger à revoir sa stratégie face aux islamistes.»
« Qui ose se frotter à l’Algérie risque de se faire piquer» (Ibrahim Boubacar Keita, ancien premier ministre malien)
Plusieurs faits bizarres ont été passés sous silence par les médias mainstream. Cela vaut le coup d’y revenir pour mieux éclairer les enjeux qu’on cherche à nous cacher.
Comme il était prévisible, le dénouement dramatique de la prise d’otages qui a eu lieu sur le site gazier de In Amenas suite à l’assaut sanglant des forces spéciales algériennes contre le groupe terroriste a fait réagir chancelleries et médias occidentaux qui ne pouvaient pas rater pareille occasion pour asséner leurs contre-vérités dans ce qui apparaît d’ores et déjà comme une véritable guerre psychologique contre l’Algérie. Malgré le matraquage médiatique de ces dernières 48 heures, plusieurs zones d’ombre continuent d’entourer cette opération. Raison de plus pour rester vigilants quand il s’agit de se pencher sur une affaire qui n’a pas fini de nous révéler tous ses dessous de cartes. Plusieurs faits bizarres ont été passés sous silence par les médias mainstream. Cela vaut le coup d’y revenir pour mieux éclairer les enjeux qu’on cherche à nous cacher.
D’abord, la première chose qui frappe dans l’attaque terroriste qui a visé la base-vie de In Amenas, c’est son caractère spectaculaire. Un groupe terroriste multinational de 32 personnes d’origines diverses (Algérie, Libye, Egypte, Tunisie, Mauritanie, Niger, France, Canada) entré de la Libye voisine. Plusieurs centaines d’otages dans un site énergétique aussi stratégique situé dans une région aussi surveillée. En dix années de sale guerre durant la décennie noire, aucun incident comparable n’a été signalé dans ces régions pétrolières et gazières du sud algérien qui constituent le poumon économique de l’Algérie puisqu’elles lui assurent l’essentiel de ses recettes en devises.
Dans cette opération spectaculaire, on ne peut pas exclure l’hypothèse d’une manipulation d’un des services secrets qui se livrent une guerre spéciale sans merci dans la région. Comme d’habitude, les accusations les plus contradictoires circulent sur la toile alimentées par les nombreux amateurs de complot. Mais faute d’indices probants et qu’on ne risque pas d’avoir dans le climat d’intoxication médiatique actuel, le mieux serait de chercher à démêler l’écheveau de cette affaire en nous concentrant sur la question essentielle : Quels sont les dividendes géopolitiques que pourraient engranger les différents protagonistes engagés dans une guerre qui a commencé bien avant l’intervention française au Mali ?
Premier élément bizarre dans cette histoire. La France intervient au Mali et déclare la guerre aux groupes islamistes, y compris au groupe Ansar Dine qui n’a jamais perpétré d’actions terroristes ni sur le sol malien ni ailleurs. Et que fait le groupe dissident d’Aqmi dirigé par Mokhtar Belmokhtar ? Il s’attaque à l’Algérie, c’est-à-dire au seul pays de la région qui a toujours exprimé son opposition à la guerre depuis que la France a commencé à s’y préparer avec ses larbins africains au risque d’apparaître comme le « parrain » d’Ansar Dine comme tendent à le faire accroire des sites spécialisés dans la propagande anti-algérienne. Aucune action n’a été enregistrée contre les nombreux Etats supplétifs de la France dans la région du Sahel et de l’Afrique de l’ouest qui ont décidé d’envoyer leurs bataillons au Mali et qui sont pourtant mille fois plus vulnérables que l’Algérie face à ce genre d’actions terroristes.
Bien entendu, le fait que Mokhtar Belmokhtar se soit prêté au jeu de la négociation en vue de sa reddition aux services de sécurité algériens, opération de reddition avortée il y a quelques années, ne manque pas de susciter la suspicion de certains analystes qui y voient un agent double. D’autres poussent le ridicule jusqu’à insinuer un coup tordu des services algériens sans se donner la peine d’expliquer dans ce cas l’essentiel à savoir le refus par l’Algérie de la « coopération » proposée par l’Otan. Pourquoi prendre la peine de monter une telle opération si on refuse par ailleurs ce qui est supposé en être le gain diplomatique par excellence ? En fait, dans toute guerre spéciale, les trahisons et retournements sont légion, c’est une raison supplémentaire pour éviter de sombrer dans les récits policiers, au risque de passer à côté de l’analyse des enjeux géopolitiques et stratégiques qui seuls devraient nous importer.
Second élément bizarre. L’attaque terroriste a eu lieu dans une base gérée conjointement par trois compagnies algérienne (Sonatrach) britannique (BP) et norvégienne(Statoil). Comment le groupe terroriste qui prétendait s’attaquer à l’intervention française au Mali comptait-il faire pression sur la France en s’attaquant à des groupes pétroliers qui sont de fait les principaux concurrents de la société française Total en Algérie ?
Mais le plus effarant dans la réaction des chancelleries et de certains médias occidentaux, c’est leurs réactions après l’assaut meurtrier des forces spéciales algériennes. Si Washington a rappelé qu’Alger ne l’a pas consulté sans plus de commentaire, le premier ministre britannique, David Cameron, s’est permis de critiquer la gestion de la crise par les autorités algériennes. Ces dernières auraient décidé d’intervenir trop vite sans demander l’avis des puissances concernées. Quelle audace de la part de ces puissances de demander à l’Algérie de négocier avec des terroristes qui ont piégé les corps de leurs otages et menacé de tout faire sauter alors que la France est intervenue au Mali au risque de mette en danger la vie des otages européens et algériens retenus par Aqmi et le Mujao !
Certes, si les dirigeants algériens qui ont pris la lourde responsabilité de donner l’ordre de l’assaut avaient la moindre chance de sauver la vie des otages par la négociation avec les ravisseurs et qu’ils ne l’avaient pas saisie, ils auraient commis une faute morale et politique impardonnable. Mais quand on sait le risque qu’ils couraient en se mettant à dos les Etats occidentaux dont les ressortissants risquaient de perdre la vie au cours de l’assaut, on se doute bien qu’ils étaient quasi-certains que toute autre solution que l’assaut aurait été plus coûteuse sur les plans humain, politique, diplomatique et économique.
Le cynisme des médias et des pseudo-spécialistes convoqués pour l’occasion n’a plus de bornes quand la dénonciation de la « brutalité » des forces spéciales algériennes provient de ceux-là mêmes qui trouvaient toujours des prétextes aux « bavures » des forces de l’Otan en Afghanistan et en Irak, qui n’hésitaient pas, rappelons-le, à bombarder des mariages, des funérailles et autres attroupements pacifiques. Saluons au passage la position courageuse de Robert Fisk qui a rappelé » dans sa chronique dans le quotidien The Independant que les médias occidentaux n’auraient pas réagi de cette façon si parmi les otages tués, il n’y avait pas des blonds aux yeux bleus mais seulement des Algériens !
Au-delà de la dimension humaine de ce drame qui a coûté la vie à tant d’innocents et au-delà du rôle joué par les services français et algériens, posons-nous la question qui importe le plus aujourd’hui : que recherchent les principaux protagonistes de cette crise ?
Pour les Français, le seul enjeu d’importance, qui vaut la peine que la diplomatie française fasse profil bas et feigne une posture « compréhensive » à l’égard de l’assaut de l’armée algérienne, est clair : entraîner l’Algérie dans leur sale guerre tant ils savent qu’ils ne pourront mener jusqu’au bout la bataille qu’ils livrent actuellement au Mali sans la collaboration de l’armée algérienne. Se faisant l’écho de chercheurs et d’experts-bidon comme d’habitude, le quotidien Libération a essayé de donner un semblant de justification logique au soi-disant « rapprochement franco-algérien » sur le dossier malien. La volte-face d’Ansar Dine qui a trahi la parole donnée à Alger en lançant ses forces vers le sud malien aurait fini par convaincre le président Bouteflika de changer son fusil d’épaule et de permettre aux avions de combat français de survoler l’espace aérien algérien.
Mais ce retournement algérien serait le prélude à un changement de stratégie envers les groupes islamistes qui ne serait ni plus ni moins qu’un retour vers la ligne d’éradication suivie dans les années 90 par l’état-major de l’armée algérienne. Pour William Lawrence : « Le déferlement surprise de combattants islamistes vers le sud du Mali en fin de semaine dernière a achevé de vaincre les réticences algériennes. Acculé, Bouteflika n’a pas pu s’opposer au survol du territoire par les avions français et à fermer la frontière avec le Mali, quitte à déplaire à une population sensible à toute manifestation d’un éventuel «néocolonialisme» de la France. La prise d’otages, inédite par son ampleur, devrait forcer Alger à revoir sa stratégie face aux islamistes.»
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