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Chauffeur de taxi à Alger , une profession livrée à elle même

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  • Chauffeur de taxi à Alger , une profession livrée à elle même

    Une atmosphère insupportable à la station de taxis inter-wilayas du square Port Saïd à Alger. Des odeurs nauséabondes montent au nez et prennent à la gorge les usagers. Des immondices de toutes sortes jonchent le sol en mauvais état et s’amoncellent aux différents coins de la station.

    Insalubrité et manque d’hygiène


    «Absence totale d’hygiène», s’écrient des voyageurs. «Il n’y a pas de toilettes publiques», dit un chauffeur de taxi. Des gouttes de sueur perlent sur les visages bronzés par le soleil. Une procession de voitures jaunes occupe toute la superficie de la station jusqu’à l’obstruer. La plupart sont dans un état qui laisse à désirer. «Nous avons jusqu’à 500 taxis rien qu’à cette station. Il est vraiment rare que nous fassions un aller-retour le même jour. Il nous arrive souvent de passer la nuit ici. Dans le parking, en plein air… avec les délinquants et les personnes sans domicile fixe», confie le chauffeur de taxi. Ce dernier assure la liaison Alger-Relizane. «Nous avons des enfants à nourrir», dit-il comme pour justifier sa longue attente, au milieu des mauvaises odeurs, par une chaleur torride. Les voyageurs arrivent au compte-gouttes. Un jeune exhibe son billet d’avion. «Comment cela, vous ne partirez pas tout de suite ?» demande-t-il, dans un sursaut de colère. «De toutes les façons, rien ne m’oblige à attendre avec vous sous cette chaleur brûlante. J’ai mon billet d’avion», poursuit-il. «Nous travaillions mieux pendant les années du terrorisme. Il n’y avait pas autant de bus qu’aujourd’hui», affirme un chauffeur de taxi. Ce dernier arrive à peine à se tenir sur ses jambes. Non loin de lui, un de ses camarades somnole. Un autre cherche à se mettre à l’ombre. «Notre travail n’est pas une sinécure», dit-il. Un homme, aux cheveux longs, invite des voyageurs qui sont de transit par la station à prendre un taxi. «C’est moins cher par rapport à l’avion et plus confortable par rapport au bus. L’ambiance est conviviale… Vous pouvez vous arrêter là où vous voulez et manger ensemble comme en famille», lance-t-il. Cet homme est chargé de remettre de l’ordre dans la station. «A chacun son tour. Il n’est pas question qu’un taxi qui arrive le dernier passe le premier. Sinon, ce sera l’anarchie», dit-il. Voilà qui explique la bonne organisation des voitures jaunes. Les mauvaises odeurs persistent. L’air est pollué.

    L’Union nationale algérienne des chauffeurs de taxi (UNACT) qui siège au niveau de la station rejette la responsabilité de la dégradation des lieux sur les autorités publiques : «Plusieurs fois, nous avons soulevé ce problème aux autorités locales, surtout en ce qui concerne les toilettes publiques. En vain.
    Ni toilettes ni ramassage des ordures. Les agents de l’entreprise de nettoiement Netcom passent rarement prendre quelques sachets noirs», indique M. Aziouz Boukirou, premier vice-président de l’UNACT. «C’est nous-mêmes qui nous occupons de la propreté des lieux. Nous faisons venir des agents de nettoiement deux à trois fois par semaine et nous les payons nous-mêmes.
    Le résultat reste toutefois médiocre en raison de l’absence d’une véritable prise en charge de l’Etat», poursuit-il.

    Absence des autorités publiques

    Interrogé sur le mauvais état des voitures jaunes, M. Aziouz Boukirou évoque un problème de paiement des impôts. «Ils refusent de nous octroyer des crédits pour l’achat de nouveaux véhicules, sous prétexte que nous ne payons pas les impôts.» Le représentant de l’UNACT revient à l’origine du problème : «Jusqu’en 1992, nous payions un prix forfaitaire de 920 DA le trimestre. Ce qui nous arrangeait tous. Après cela, à la grande surprise des chauffeurs de taxi, les pouvoirs publics ont décidé de revoir à la hausse ce prix, en fonction du chiffre d’affaires de tout un chacun, pensant que nous engrangions de gros bénéfices. Ce qui n’est pas du tout vrai. Ils oublient que nous sommes des prestataires de services et non des commerçants». Les chauffeurs de taxi ont décidé alors de ne pas se conformer à la nouvelle loi. Ils ont toutefois proposé un prix forfaitaire de 10 000 DA l’année. Cette proposition a été rejetée par lesservices des impôts. «Le clandestin ! Notre grand ennemi est le chauffeur de taxi clandestin !» crient à tue-tête deux autres chauffeurs de taxi arrivés au siège de l’UNACT. «Pas ici dans la station puisque nous ne les laissons pas entrer mais à la sortie de l’aéroport où ils sont près de 140. Notre délégué syndical à l’aéroport ne cesse de s’en plaindre», précise l’un d’eux. «Le même problème se pose à la gare routière d’Alger (Carroubier) et dans toute la ville», ajoute l’autre. «Il y a des complicités à l’aéroport. Sinon, ces derniers n’auraient jamais accès à l’intérieur. Ils n’ont pas le droit de stationner», accuse le premier, non sans exprimer son étonnement devant le comportement de certaines personnes qui prennent le risque de prendre un taxi clandestin. «Je me demande comment ces personnes font confiance à des inconnus, alors qu’elles risquent d’être agressées, volées, détournées du chemin de leur direction et même être tuées. Avec nous, rien de tout cela n’est permis. La moindre chose perdue est signalée à l’UNACT qui se charge de la récupérer», prévient-il.

    Le clandestin, l’ennemi du chauffeur de taxi

    M. Aziouz Boukirou montre les numéros affichés sur les portières avant de chaque taxi. «C’est cela que nous appelons la licence des moudjahidine. Nous la payons 1 000 DA le mois. C’est l’identification du taxi. Ce numéro est affiché à l’UNACT et aussi au commissariat central de police. Le voyageur qui perd quelque chose n’a qu’à venir à l’UNACT et nous donner le numéro du taxi qu’il a pris. Après quoi, nous nous chargeons de trouver le chauffeur et de récupérer l’objet perdu. Les chauffeurs indélicats n’ont aucune chance de garder longtemps les objets perdus puisque nous finissons toujours par les retrouver… Ce n’est pas le cas avec les clandestins qui peuvent se permettre des actes ignobles sans être inquiétés», souligne-t-il. La présence de ces clandestins risque aussi de ternir l’image de toute la profession, mettent en garde des chauffeurs de taxi. «Imaginez-vous qu’un clandestin ramène un engin explosif à bord de son véhicule et le dépose dans la gare routière du Carroubier. Cette bombe explose. Qui va être incriminé ? Bien évidemment, les chauffeurs de taxi légaux. Même chose pour les cas de vol et d’agressions physiques. Cela porte atteinte à toute la profession de chauffeur de taxi.»
    M. Boukirou se rappelle «le bon vieux temps» où il y avait un service de police qui ne s’occupait que des taxis. «Les clandestins étaient interdits partout à Alger sauf dans les endroits où les taxis ne pouvaient pas accéder. Aujourd’hui, tout est centralisé au niveau du commissariat central et les agents de l’ordre ne font pas leur travail. Nous voilà livrés à nous-mêmes.»

    Les clandestins ne se cachent pas.

    A la station des taxis collectifs de la place du 1er Mai, ils agitent les clés de leur voiture sans se soucier de la présence des policiers. Des clients arrivent et prennent place. «Il faut bien prendre un clandestin quand on n’a pas le choix. Il y a des cas d’urgence. Les taxis qui passent affichent tous complet. Il n’est pas évident d’attendre davantage sous ce soleil», affirment des citoyens. «Nous n’avons rien à craindre ici à Alger. Ce n’est pas comme sur les grandes lignes», disent d’autres. Pour certains clandestins, ce travail au noir n’est pas un choix. «Ils ne veulent pas me donner l’autorisation d’exploitation à la direction des transports de la wilaya d’Alger pour que je puisse travailler légalement. Ils prétendent qu’il y a trop de taxis à Alger. Pourtant, quand ils le veulent, ils le font… avec leurs connaissances», dit-il. Autre revendication exprimée par l’UNACT, la restitution des 191 stations de taxis de la wilaya d’Alger. «Il n’en reste pas grand-chose. Il est temps de les restituer», demande M. Aziouz Boukirou.

    Par La Tribune
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