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L’étau se resserre sur l’enseignement de tamazight en Algérie

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  • L’étau se resserre sur l’enseignement de tamazight en Algérie

    Dix-huit ans après son introduction laborieuse dans les programmes du système éducatif, l’enseignement de la langue tamazight rétrécit à vue d’œil en Algérie.

    Un constat qui ne doit pas étonner vu qu’à propos de la question identitaire et linguistique dans le pays, le politique a toujours pris le pas sur le scientifique et le droit. Un véritable déni que d’aucuns ont cru arrivé à sa fin après la confirmation de la constance de la revendication dans les sociétés nord-africaines et les sacrifices de plusieurs générations de militants assoiffées de vérité et de justice.

    Une réparation historique qui n’a pas eu lieu en fin de compte et qui mérite de ce fait d’être appréhendée sous d’autres angles pour ne plus retomber dans le piège de solutions politiques infécondes. Un constat générique suffit pour avoir le topo de la position de l’enseignement de la langue tamazight en Algérie.

    Lors d’un colloque international sur l’aménagement linguistique de tamazight, organisé mars dernier à l’Université Mouloud-Mammeri de Tizi Ouzou, les participants ont conclu, chiffres à l’appui, que 90% des élèves sont concentrés en Kabylie. Ils étaient unanimes à déclarer que son enseignement connaît une «régression» notable à l’échelle des régions concernées et que sur les 16 wilayas retenues dans ce cadre en 1995 pour son introduction à l’école, il n’en reste que 5 wilayas (Tizi Ouzou, Béjaïa, Bouira, Boumerdès et Oum El Bouaghi) qui dispensent aux élèves des cours de tamazight.

    Un praticien de cette langue a révélé récemment que le ministère de l’Éducation nationale, en arrêtant la date d’organisation d’un concours de recrutement (Juillet 2012) d’enseignants primaire, moyen et secondaire pour l’année scolaire en cours, le déséquilibre qu’il y avait pour les postes budgétés et «n’a pas pu s’empêcher de publier l’état des postes à promouvoir pour l’enseignement primaire pour les wilayas de Batna, Béjaïa, Tizi Ouzou et Bordj Bou Arréridj» : Arabe : 77,37 %, Français : 21,87 % et Tamazight : 0,75 % ( ?!).

    Dans ce sens, un collectif autonome pour la défense et la promotion de l’enseignement de tamazight a été mis sur place il y a quelques semaines afin d’alerter l’opinion, notamment sur l’état de cet enseignement. «Décidément, les responsables administratifs chargés de l’éducation et de la formation en Algérie ne finissent pas avec leurs pratiques discriminatoires et méprisantes envers la langue tamazight», note le collectif qui renvoie à deux cas de ségrégation linguistique. Il y a d’abord le cas «particulier» du directeur de l’éducation de Bouira (DE) qui «n’a même pas daigné exprimer la demande en postes budgétaires pour la langue tamazight, de ce fait, aucun concours de recrutement des enseignants n’est organisé depuis deux ans dans cette wilaya malgré la demande pressante des parents et des élèves», rappelant à ce titre que Benbouzid, l’ex- ministre de l’Éducation nationale, avait déclaré lors de sa visite à Bouira en juin dernier, que «les postes pour tamazight sont systématiquement ouverts à condition qu’ils soient demandés par les directions de l’éducation».

    Le DE de cette wilaya aurait affirmé, lors d’un point de presse, que «pour le cas de tamazight, celle-ci ayant un caractère facultatif, il n’était pas possible de l’inscrire lors de ce concours ouvert pour les matières qui en ont un caractère obligatoire». Le collectif cite aussi l’exemple du proviseur du lycée Sahoui-Aldjia d’Azazga (Tizi Ouzou) qui «n’a pas trouvé mieux pour satisfaire le vœu d’un ou deux parents dont les enfants ont obtenu de très mauvaises notes dans le 1er devoir de tamazight que de passer en tournée dans toutes les classes de 1er AS, et tenez-vous, en pleine composition de tamazight, pour leur annoncer que les mauvaises notes ne seront pas prises en compte et que seules les bonnes notes seront comptabilisées».

    Auparavant, le même collectif a fait état de «la volonté du pouvoir de mettre fin à l’enseignement de tamazight introduit dans le système éducatif algérien en 1995 (qui) ne semble faire aucun doute». Les déclarations populistes lancées de temps à autre, comme celle émanant du directeur de l’éducation de Tizi Ouzou affirmant que «la généralisation de tamazight d’ici 2014», «sont vite réfutées par la réalité du terrain». Il relève que depuis 1995 aucun bilan n’a été fait pour permettre une évaluation objective de l’enseignement de la langue tamazight et qu’ au contraire cette langue demeure toujours au stade de l’enseignement expérimental ; au lieu de voir l’enseignement de tamazight se généraliser progressivement à travers le territoire algérien tel que promis en 1995, c’est sa suppression dans plusieurs wilayas,Ghardaïa, Illizi, Biskra, Alger et Oran, qui est relevée et que le caractère facultatif de cet enseignement, admis d’une manière provisoire au départ, demeure toujours en vigueur et constitue une brèche pour de nombreux responsables (ennemis de tamazight) pour accorder des dispenses à certains apprenants et exiger des autorisations parentales pour d’autres.

    Un statut de langue «tierce»

    Au printemps 2011, un groupe de députés a élaboré une proposition de loi portant sur l’obligation de l’enseignement du tamazight dans les établissements scolaires en Algérie, après avoir fait le constat que «l’enseignement du tamazight ne cesse de régresser. De seize wilayas quand il a commencé, il en est à exister très imparfaitement seulement dans 9 wilayas. Cela est dû avant tout au caractère facultatif de cette matière. Le 20 avril de chaque année est une occasion de réanimer un combat démocratique ancien», déclarait Ali Brahimi, député de Bouira et délégué des élus algériens signataires de cette proposition de loi. Sur le même sujet, Kamal Bouamara, enseignant à l’Université de Béjaïa a, dans un entretien publié début janvier, a affirmé que «beaucoup reste à faire, malgré sa relative réhabilitation dans le secteur de l’enseignement public.

    Au niveau du MEN, les problèmes à résoudre sont déjà connus. D’abord, il faut commencer par éclaircir ce statut d’”enseignement facultatif” sans plus tarder. Certains enseignants et inspecteurs de cette langue estiment que la règlementation en vigueur n’en parle même pas. Mais si certains administrateurs des écoles et des académies relevant de ce ministère, à l’instar de ceux de Bouira, trouvent des prétextes fallacieux, comme les autorisations dites paternelles ou toutes autres “dispenses” par le biais desquelles ils “dispensent” les élèves de ne pas suivre cet enseignement, c’est qu’il y a bien ambiguïté dans les différentes circulaires qui émanent du ministère de tutelle». Comme il a insisté sur le déblocage des postes budgétaires pour cet enseignement, (car) «si le MEN n’accorde pas plus d’importance à cet enseignement, s’il n’en fait pas l’une de ses priorités, en lui octroyant plus de postes budgétaires chaque année, du moins là où les conditions sont réunies (demande sociale, disponibilité des enseignants, …), il ne sera pas généralisé d’ici quelques décennies», soutient-il, soulignant d’autre part que le plus gros problème dans ce secteur est son statut de «langue tierce», puisqu’on commence à la dispenser au primaire à partir de la quatrième année, c’est-à-dire après l’arabe et le français qui sont enseignés respectivement en première année (voire au préscolaire) et en deuxième ou en troisième année, selon le vœu du ministre en poste.

    «Il s’agit là d’une décision politico-idéologique de l’Etat algérien dont les conséquences pour les amazighophones sont très lourdes de sens : on agit comme si tamazight est une langue étrangère pour les Amazighophones et, mieux encore, plus étrangère que le français. Le pouvoir en place doit se rendre à l’évidence que la langue première des amaziphophones est le tamazight», rappelle-t-il. De son côté, le professeur Tigziri Noura, directrice du Laboratoire aménagement et enseignement de la langue amazighe de l’Université Mouloud- Mammeri, avait défendu lors du même colloque l’idée que «nous ne devons pas mettre tamazight sur le même pied d’égalité que les autres langues enseignées depuis des années en Algérie.

    Sa promotion nécessite d’énormes moyens». Les intervenants et les chercheurs qui ont pris part au colloque avaient aussi relevé que malgré les travaux de recherches réalisés dans le domaine de l’enseignement de la langue tamazight et autres filières, «il n’existe pas de politique d’aménagement linguistique de tamazight ni de groupe de réflexion dans les deux départements de Tizi Ouzou et de Béjaïa (…) pis, il n’y a même pas de consensus sur les néologies et les terminologies de spécialité utilisées dans les cours en langue amazighe».

    Autant dire qu’il n’y a pas d’avenir pour l’enseignement de la langue amazighe dans ces conditions.

    Par La Tribune
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