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In Amenas: Le rôle ambigu des sociétés de sécurité

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  • In Amenas: Le rôle ambigu des sociétés de sécurité

    Depuis le début des années 90 et la période trouble qui s’en est suivie, la sécurité est un marché lucratif en Algérie mais dont l’évaluation exacte n’a fait l’objet d’aucunes statistiques publiques. La multiplication des sociétés privées de sécurité spécialisées dans la protection des biens, le gardiennage, le transport de fond et d’équipement spéciaux et/ou sensibles sont régis en effet par un décret exécutif datant de 1993. A l’époque, l’Algérie, quasiment coupée du monde extérieur et faisant face à de très graves problèmes économiques était déchirée par un conflit marqué par l’apparition d’une guérilla. Ce texte de loi a été promulgué au début de la période de troubles à l’ordre et à la paix civile qu’a connu le pays entre 1992 à 2002. Ce qui a poussé certains commentateurs à s’interroger sur les liens réels ou supposés entre ses promoteurs et la dégradation sécuritaire, assez grave, à l’époque. Mais ceci relève du domaine des conjectures, voire des théories du complot. Ce qui n’est pas l’objet de cette étude.

    Quatre sociétés étrangères se partagent en situation de quasi-monopole le marché de la sécurité des installations pétrolières et gazières en Algérie. Deux sont britanniques : Control Risks et Stirling ; les deux autres sont françaises : GEOS et Amarante. Les quatre sociétés détiennent un large domaine de compétence et d’expertise en matière de consulting allant de la sécurité à la gestion des coups d’Etat en passant par l’espionnage industriel et économique, la veille stratégique, l’infiltration, le contre-espionnage, le marquage de cibles potentielles, l’approche, la collecte d’information militaire et l’évaluation politico-sécuritaire. A côté de ses géants, des dizaines de sociétés de gardiennage dirigées par d’anciens officiers de l’armée et de la gendarmerie algériennes opèrent en sous-traitance pour Sonatrach et ses filiales. L’octroi des marchés se fait le plus souvent de gré à gré et suivant des procédures peu transparentes. La gestion de ces sociétés est opaque et le peu qu’on en sait provient des très rares mouvements de protestation des agents de sécurité, dont les salaires sont divisés par deux par rapport à ceux pratiqués par les sociétés dépendant d’opérateurs publiques.

    La prise d’otages du site gazier d’In Aménas dans le Sud-est de l’Algérie (16-20 janvier 2013) constitue sans aucun doute l’une des plus graves atteintes de la sécurité nationale algérienne depuis l’indépendance du pays de la France en juillet 1962. Outre le volet militaire de la prise d’otages et de l’assaut consécutif des forces spéciales de l’armée algérienne, l’affaire semble entourée de zones d’ombres et implique gravement les sociétés étrangères chargées du consulting en matière de sécurité pour les géants petroliers British Petroleum et Statoil ou des sous-traitants comme CIC Catering. Des informations de presse ont fait état du recours de BP à un sous-traitant algérien dirigé par un proche d’un chef terroriste. Le fait est que ces sociétés de consulting utilisent les informations fournies par tous ceux qui sont hostiles au Gouvernement algérien pour élaborer leur rapport d’évaluation des risques pays. Cela inclut bien évidemment les éléments impliqués dans des actions de terrorisme.

    a société française GEOS dont le bureau est à Hydra sur les hauteurs d’Alger est dirigée par le Général de corps d’armée Jean Heinrich, président de son directoire après avoir dirigé le service Action de la DGSE et fondé la DRM (Direction du renseignement militaire). GEOS recrute d’anciens parachutistes et d’ex-légionnaires pour ses activités en Algérie. Elle y concurrence directement sa rivale Amarante. Celle-ci est co-dirigée par Pierre Antoine Lorenzi, un ancien cadre du ministère français de la Défense et Alexandre Hollander, un ancien officier supérieur des forces spéciales françaises et du renseignement. Mais ces sociétés présentes en Algérie ne sont pas les seules à faire appel à d’anciens militaires des forces spéciales pour y travailler : des banques comme la Société Générale sont connus pour employer d’anciens commandos-parachutistes comme cadres gérant ses succursales en Algérie. Leur mission de prédilection est l’intelligence économique et industrielle.

    Leurs rivales britanniques dans les domaines sont plus actives et plus richement dotées. Control Risks dispose d’un large réseau sur les cinq continents et est connue pour sa gestion des situations sécuritaires complexes en milieu hostile. Elle a même été soupçonnée d’avoir mené des coups d’Etat dans certains pays pour le compte de multinationales y détenant d’importants intérêts. Stirling emploie des anciens SAS et SBS, l’élite des forces spéciales britanniques. Ses activités sont très diversifiées et peuvent inclure des opérations spéciales clandestines.

    Certains en Algérie ont voulu exploiter l’affaire d’In Aménas où un commando multinational à dominante tunisienne, et dirigée par un Algérien a pu profiter d’une longue série de failles sécuritaires pour prendre le contrôle d’une des infrastructures les plus stratégique du pays pour plaider la cause des sociétés privées algériennes de sécurité. En vérité, cette démarche ne constitue pas tant le remède que le mal puisque c’est à cause des multinationales que purent se mettre en place ces sociétés. Non seulement ces dernières sont opaques mais leurs politiques de recrutement sont pour le moins inefficaces (népotisme et passe-droit) tandis que leur gestion financière les confinent aux limites de l’illégalité. Ceux qui plaident une telle cause ne font que servir certains intérêts. Des ex-officiers supérieurs de l’armée algérienne se sont engouffrés dans la brèche ouverte par l’intrusion de sociétés étrangères dans le domaine. Il s’agit d’un partage de rente. Ou plus exactement d’un repartage de rente monopolisée par un cartel étranger grâce auquel ils ont pu avoir des concessions, et ce au détriment de la sécurité nationale de l’Algérie.

    Ceci étant, et malgré les déclaration officielle du Gouvernement laissant entendre que le pays ne sous-traitera jamais la sécurité des installations énergétiques à des opérateurs étrangers, la volonté des multinationales a prédominé à ce sujet et permis d’y introduire indirectement des sociétés dont le but avoué ne correspond pas toujours aux buts cachés. Il aura fallu attendre la très grave affaire de Tiguentourine pour l’opinion publique en Algérie commence à s’en rendre compte. Le système a atteint ses limites et s’avère inopérant. La situation est assez grave pour se permettre la perpétuation d’un système imposé par des multinationales alors qu’en Tunisie, en Libye et au Sahel, des camps d’entraînement forment et envoie au « Djihad néocapitaliste » des centaines de terroristes servant de chair à canon bien commode aux maîtres de la géostratégie et du remodelage géopolitique.


    Strategika 51
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