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5 août 34 : exhumation d’un pogrom constantinois

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  • 5 août 34 : exhumation d’un pogrom constantinois

    Un entrefilet paru dans un journal algérien (1-le QO du 1 er Aout) nous apprend qu’en ce samedi 5 août, Constantine célébrera un pogrom datant de 72 années. Voilà qui est bien dans l’air du temps puisque aucune précaution langagière n’a interdit à ce confrère de prendre la bonne mesure des mots pour l’évoquer et encore moins de resituer dans leur contexte historique les faits.

    En relayant les assertions d’une association de quartier dont l’obédience intégriste transparaît dans les citations, l’article en vient presque à faire l’apologie de vieil événement qui ne le méritait pas. Celui d’une affligeante manipulation coloniale qui déboucha sur des affrontements et une mise à sac. Il est vrai que le travail des historiens sur le sujet demeure lacunaire alors qu’il est admis que cette colère, supposée confessionnelle, fut avant tout une réaction d’opprimés comme il en a existé ailleurs dans de semblables conditions. Ainsi dans la dramaturgie politique, dont les codes sont depuis longtemps fixés par l’Occident, le conflit israélo-arabe est sciemment articulé sur l’idée fausse d’une haine islamo-juive que l’on voulut séculaire et que l’on accrédita comme l’essence même de cet «Orient» instable et menaçant. Le crime global que perpétue l’Etat hébreu impassiblement «arrogant et dominateur», pour reprendre la formule gaullienne de 1967, va dans le sens de tous les préjugés et réactive des ressentiments primaires. De surcroît l’aveuglement sioniste a toujours fait le lit des lectures délirantes des avatars de l’histoire.

    Les évènements du 5 août 1934 que connut Constantine furent-ils exclusivement une «chasse du Youpin par le bicot» comme l’écrivit grossièrement la presse raciste de l’époque ? C’est avec de tels raccourcis que l’on est finalement parvenu à falsifier l’histoire, alors que l’on savait que cette flambée de violence communautaire avait pour explication le complot de mouvement sioniste en Palestine et la duplicité des puissances mandataires qu’étaient la France et l’Angleterre. A cela s’ajoute l’insoutenable condition de colonisés exclus des droits les plus élémentaires. La profanation d’une mosquée par un énergumène de confession juive qui marqua le début d’un saccage ne peut s’interpréter qu’à travers un ensemble de données politiques et notamment le prisme grossissant des surenchères moyen-orientales et les courants anti-sémites qui régentaient la société européenne. Le recul historique conforte précisément la lucidité des hommes de foi de l’époque qui se démarquèrent de cette curée contraire aux valeurs de tolérance. Dans le même temps ils dénoncèrent la capacité de nuisance de l’administration coloniale qui instrumenta l’émotion collective. En vain.

    D’ailleurs c’est dans cette même ville que se commit, trente années plus tard (mai 1956), un pogrom à l’envers au cours duquel la communauté juive orchestra une terrible chasse à l’Arabe grâce à une milice armée et avec l’appui de la logistique de l’armée française. Comme quoi ce Maghreb n’a jamais échappé aux influences de cet Orient, même s’il n’a subi que des dommages collatéraux. C’est donc là-bas qu’essaima un fondamentalisme judaïque caractérisé par le mépris et l’agressivité conquérante. Et c’est toujours dans cet «ailleurs» dont nous nous revendiquons qu’émergea un intégrisme islamique qui se voulait et se veut comme une contre-réponse légitime à cette nation théocratique. Plus que par le passé, n’est-il pas aujourd’hui le seul modèle de riposte ? La rue arabe en se reconnaissant dans la combativité des Hezbollah et des Hamas jette du même coup l’opprobre sur ses dirigeants déserteurs au moment où tous les sionistes du monde font cause commune dans cette «croisade sans croix». Ne sommes-nous pas donc bien loin de la vision «déconfessionnalisée » de la question palestinienne pour laquelle Sadate et Arafat œuvrèrent et mirent en perspective ? En 1977 et en 1993 eux seuls eurent l’audace de mettre Israël en danger de paix, sauf qu’aucun des dirigeants n’eut le courage, après leur disparition, de sommer l’Etat hébreu de coexister. Quoique les deux démarches fussent à tous points différents, elles furent par contre lourdes de conséquences dans l’imaginaire arabe.

    En somme, de Sadate à Arafat, les masses arabes subirent deux cyclones psychologiques qui finirent par balayer de vieilles certitudes qu’on disait bien établies. C’est que le «regard» arabe et la pensée officielle l’ayant sous-tendu durant un tiers de siècle ont contribué à infantiliser la réflexion. De tous ces handicaps l’on ne sort pas facilement indemne. Chez le vis-à-vis, c'est-à-dire chez cet ennemi intime, la judéité des colons sionistes était vécue comme un messianisme jusqu’à faire de l’idéologie de l’Etat un instrument de sa «résurrection» et sa grandeur. Autant dire que le «regard» israélien était à son tour trouble.

    Ainsi face à la «conscience malheureuse» cultivée par le sionisme afin de maintenir sous influence la culpabilité de l’Occident, les Arabes de leur côté ont intériorisé une sorte de «conscience de l’humiliation». Le transfert du sentiment d’injustice se fera sur la spiritualité de l’autre afin de le diaboliser. Islamité et judéité seront instrumentalisées des deux côtés jusqu’à des limites irréductibles.

    Après quatre revers militaires, Sadate a choisi la violence psychologique qui lui coûtera certes la vie mais décillera les yeux des Arabes. A la Knesset, en novembre 1977, il dira ceci : «J’ai choisi de rompre avec tous les précédents de toutes les traditions des pays en guerre (…) nous avions pour habitude de refuser de vous rencontrer. Nous avions coutume de vous décrire comme le «soi-disant» Israël.» Bien plus tard, Arafat éliminera à son tour les guillemets qui niaient cet Etat usurpateur avec la conviction que cette paix de raison aura pour contrepartie la terre.

    Pari à moitié perdu dès l’instant où le sionisme, réhabilité par l’Occident, est redevenu le supplétif d’une superpuissance sans antidote dans un monde unipolaire. La rue arabe à nouveau anéantie par l’humiliation ne pouvait que s’en remettre à ceux qui tentent de laver ses affronts. Combattants de Dieu ou de tous les diables, elle s’en est fait des alliés quitte à ce que anti-sémites et philosémites se liguent pour crier à l’unisson que dans chaque musulman sommeille un terroriste. Cette rue-là sait qu’il n’en est rien et qu’elle n’est pas entrée en guerre sainte mais en résistance contre des oppresseurs.

    Comme jadis dans ce Constantine du 5 août 1934, ce n’était pas le juif qui fut traqué mais seulement les injurieuses atteintes à sa spiritualité.

    Par Le Soir

    (1) Lire Le Quotidien d’Oran du 1er août, page Constantine.

  • #2
    L'article en question dont fait part le rédacteur de l'article qui l'a amené à réagir est celui-ci paru dans le Quotidien d'Oran le 1 Aout 2006.

    ===
    Constantine se souvient du 5 août 1934

    Dans le cadre des préparatifs de la commémoration du 72ème anniversaire des événements du 5 août 1934, date du soulèvement des habitants de Constantine «contre les crimes des juifs», l’association El-Jazzarine, «mère des civilisations», a organisé hier au centre culturel et islamique Ahmed Hammani une conférence de presse.

    Cet événement, qui sera célébré samedi prochain, le 5 août, au centre culturel et islamique Ahmed Hammani, permettra aux habitants de la ville, témoins de ces événements, de raconter ces derniers tels qu’ils les ont vécus, et de présenter des témoignages sur les profanations des lieux sacrés des musulmans par les juifs. Des historiens ainsi que des universitaires vont également contribuer à faire la lumière sur ces événements tragiques.

    Une minute de silence est prévue dans l’après-midi devant la mosquée de Sidi Lakhdar, l’endroit d’où a été déclenché le soulèvement populaire.

    A l’origine de ces évènements, un juif a uriné au vu et au su des habitants constantinois de la cité El-Jazzarine sur la mosquée de Sidi Lakhdar, située au niveau de cette même cité. Cet acte, considéré comme un sacrilège de ce lieu sacré, poussera les musulmans à se soulever massivement, surtout après un deuxième acte du genre commis par ce même juif, accompagné d’un groupe de ses compatriotes.

    La révolte des Constantinois ne se limitera pas à la cité El-Jazzarine et Ercif, mais se répandra à travers toute la ville, qui fut le théâtre d’accrochages intenses entre les habitants autochtones, munis d’armes blanches, et les juifs qui détenaient des armes à feu. Plusieurs personnes ont été tuées lors de ces évènements, dont le nombre le plus élevé a été enregistré dans les rangs des juifs.

    Rappeler cet événement était une occasion pour les membres de l’association et ceux du comité d’organisation de dénoncer énergiquement le massacre de près de 60 libanais à Qana par l’armée israélienne, un énième acte criminel commis par l’Etat sioniste.

    S.Benabdelkader -QO

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