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Moulin à huile traditionel à Sefiane, comme il y a 2000 ans

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  • Moulin à huile traditionel à Sefiane, comme il y a 2000 ans

    L’abricot est à N'gaous ce que l’olivier est à la Kabylie. Mais à peine 20 minutes de N'gaous, Sefiane, une petite commune de 7000 âmes, se veut une “Kabylie des Aurès”, avec la réouverture de ses anciens moulins à huile et les vergers d’oliviers dont le nombre se compte par milliers et va vers le million.

    L’oléiculture, pas nouvelle dans la région car elle existe depuis la Numidie, des traces matérielles en attestent, enregistre un retour en force, grâce à la présence de l’arbre rustique à la longévité fort étonnante, l’olivier. Un nombre important d’oléiculteurs, dont le nombre dépasse tous les pronostics, existe également, pour une simple et unique raison : cet emblème de la fécondité et de la paix qu’est l’olivier semble être dans son élément dans la presque oasis de N'gaous et toute sa région (Thinibaouine, Texlente, Ouled Sidi Slimane, etc.). Plusieurs propriétaires se sont dotés de moulins modernes pour la presse d’huile, d’autres sont restés fidèles aux traditions et aux pratiques de jadis. Parmi ces maîtres (car ils le sont), Krimil Ali Ben Mohamed Ben Baji, connu des grands et des petits dans toute la région.
    À l’approche du moulin, un mélange d’odeur de feu de bois  de chêne et d’huile d’olive chatouille agréablement les narines. “Quel plaisir de vous voir mes enfants”, nous dit gentiment le sexagénaire, qui quitte pour quelques minutes son lieu de travail dans une atmosphère clair-obscur.
    Hospitalité auressienne exige, il ordonne une pause à ses fils et petits-fils qui l’aident dans ce rude labeur. “C’est le moment pour siroter un café à l’armoise, mais aussi laisser la bête se reposer, elle est fatiguée tout comme nous”, dit-il. Le moulin proprement dit est de dimension moyenne, actionné par une bête (mulet) dit moulin-manège. Le travail se fait en tournant la molette sur une pierre fixe, aux mouvements alternatifs verticaux, succédant aux mouvements circulaires. “Il suffit de donner à la pierre mobile une forme ronde et de la monter sur un pivot”, nous explique le plus jeune des Krimil. L’ancêtre nous raconte, en sirotant son café : “J’ai hérité ce modeste moulin de mon père décédé dans les années 1960. J’avais à peine 12 ans à cette époque-là, et à cet âge, je ne pouvais aucunement assumer le modeste legs. Il fallait attendre jusqu’au début des années 1980. Et depuis, je n’ai pas cessé une seule saison de faire tourner le moulin pour presser l’huile et faire couler la richesse de Dieu le Tout-Puissant.”

    Un savoir-faire ancestral

    Et de poursuivre : “Nous avons connu des hauts et des bas, pauvreté et richesse. La récolte de la saison passée était généreuse, nous avons travaillé des mois durant ; cette année, la récolte est très modeste mais le moulin tourne quand même. C’est la baraka des ancêtres, même si le prix du litre d’huile d’olive dégringole, alors qu’il est notre seul revenu.” L’ancien nous disait que pendant les belles saisons, lorsque le fruit est abondant (l’olive), le lieu reste ouvert de jour comme de nuit et les clients, qui viennent de villages ou villes lointaines, trouvent gîte et couvert. Ils viennent de partout, ils font des centaines de kilomètres, laissant le moulin rapide, tarifs compétitifs, etc. Ils préfèrent oncle Krimil ! Et pourquoi donc ? La réponse vient du bon sens paysan, d’un client qui attend depuis 2 jours la livraison de son huile, après avoir déposé sa marchandise (3 q d’olive), il nous explique, non sans humour : “Vous savez, l’huile des appareils électriques et mécaniques a le même goût que “djedj trissiti” (poulet industriel), tandis que celle du moulin traditionnel prend son temps. Et nous aussi.” Le propriétaire des lieux fait un geste de la tête pour approuver les propos de notre interlocuteur et fidèle client.
    Il nous présente ensuite certaines personnes qui ont connu son père quand il était au moulin, ils n’ont jamais changé de partenaire et qui continuent de venir à chaque récolte. Le tout-petit et le dernier des Krimil hèle sont grand-père pour rentrer au moulin et régler quelques petits soucis. Régler la meule pour un meilleur broyage, préparer les scourtins pour les remplir une autre fois des pâtes des grumeaux, les entasser et commencer une nouvelles presse. Tout est fait avec aisance et adresse déconcertantes. Quand on demande à l’aïeul s’il reçoit une aide quelconque de la part de la commune ou d’autre secteur, il sourit, mais ne peut empêcher de laisser paraître une profonde amertume, qui se résume en un mot : rien.

    Cela ne semble pas trop l’inquiéter, par contre son souci majeur et qui semble le préoccuper constamment, c’est de voir un jour ses descendants abandonner ce métier. Mais il a un grand espoir en le cadet qu’il appelle pour nous le présenter fièrement.
    Un autre café et de la galette chaude pour tous, et ce n’est pas de refus. Dehors, il fait froid et le moulin prend l’allure d’un gîte.

    Par : Rachid Hamatou- Liberté
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