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Les Ombres et l’échappée belle, Salima Mimoune

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  • Les Ombres et l’échappée belle, Salima Mimoune

    ative de Taher (wilaya de Jijel), l’auteure de ce premier roman -paru aux éditions L’Harmattan (France) et à paraître en Algérie dans le courant de l’année 2013- traite avec beaucoup d’affection pour ses personnages, de l’échec, et explore le champ des possibles, dans un contexte où tout est à faire, rien n’est encore perdu.

    Liberté : «Les Ombres et l’échappée belle» est d’abord une histoire d’amour entre Maria et Chakib. Deux êtres qui ont essayé de se construire loin l’un de l’autre, mais échouent et se retrouvent, ce qui leur permet de faire le point

    • Salima Mimoune : Chakib, Maria, un homme, une femme, deux Algériens bercés durant leur enfance et leur adolescence, et bien plus tard, par la musique des instruments et celle des mots, ce qui les a fort heureusement empêchés de sombrer aujourd’hui dans l’amertume ou dans l’aigreur… ils se sont connus sur les bancs de l’université algérienne, à une époque où celle-ci était un merveilleux espace d’échanges où pouvaient se confronter de manière pacifique toutes les idéologies, où l’on pouvait débattre sereinement de questions politiques, philosophiques ou autres, où les rapports entre filles et garçons étaient fondés beaucoup plus sur leurs aspirations communes que sur leur complémentarité biologique. La découverte d’idéaux communs, le rêve d’une Algérie ouverte aux valeurs universelles, ayant sa place dans le concert des nations avancées, crée entre eux des liens qui se sont peu à peu transformés en relation amoureuse. À la fin de leurs études, les aléas de la vie les séparent. Chacun a essayé de construire la sienne. Mais il était évident que les mutations intervenues dans la société dans les années quatre-vingts allaient changer la donne et modifier profondément tout un pan de la société, d’où leur mal de vivre et le besoin pour chacun de rompre avec «sa» ville. Ils le font pour fuir «une société malade de ses tabous et infectée par ceux des autres», «pour fuir un quotidien où on ne sait jamais où se cache la vérité et où se dandine le bluff ». Chakib veut «échapper à de mortelles habitudes de penser», Maria recherche «un petit coin de parapluie contre une averse d’interdits».

    Ce roman parle de l’échec, mais il est aussi question de l’incapacité de vivre pleinement sa vie dans un environnement hostile…

    • On peut parler d’échec au vu, entre autres, du bilan catastrophique de la gestion de nos entreprises économiques ou administratives, de la corruption qui les caractérise, du népotisme qui supplante les critères de compétence dans le choix des cadres, du machisme, de l’arrivisme, ou sur un autre sujet, au vu du niveau scolaire de nos enfants. On peut tout particulièrement parler d’échec quand on mesure combien la manipulation de la religion à des fins de politico-politiciennes a restreint les libertés individuelles des uns et des autres. Ce n’est donc pas l’échec de Chakib et Maria puisque l’amour renaît spontanément quand ils se retrouvent, par le plus grand des hasards, presque trente ans après leur séparation, dans une auberge accrochée aux flans du Djurdjura. ‘’Les Ombres et L’Echappée belle’’ est aussi une histoire de retrouvailles. C’est l’échec d’une société otage de calculs politiciens qui s’acharnent à tuer l’esprit d’initiative et à effacer les individualités qui risquent de faire de l’ombre à ceux qui se présentent comme des modèles mais aussi comme les seuls détendeurs de vérité. Et si les mariages respectifs de Chakib et Maria ont échoué, c’est parce que leur partenaire était imprégné de cette mentalité liberticide. La restriction de libertés empêche tout individu de s’épanouir et le pousse à vivre entre la frustration et l’ostracisme. Frustration quand on réfrène ses pulsions et qu’on feint de se soumettre à l’« ordre établi » ; ostracisme si on les assume et on les exprime publiquement, contrevenant ainsi à cet ordre.

    L’humour traverse souvent votre écriture. Pourquoi ?

    • L’humour est une espèce de jeu intellectuel ; il est stimulant. Quand je raconte les démêlés de certains de mes personnages, il s’impose de lui-même. Cela permet de « décomplexer » des réalités amères, certaines situations comiques ou tragi-comiques, qu’il nous arrive parfois de vivre ou d’observer au quotidien. C’est un mode de discours particulier. Voltaire, «le prince de l’ironie», s’en servait comme d’une arme contre ses adversaires ; Fellag, lui, s’en sert pour amuser et éveiller. L’humour est une disposition d’esprit et tout un jeu de subtilités ; on en a ou on n’en a pas. Quand on en a, il passe presque spontanément dans le discours. Quand on n’en a pas, on ne peut pas en fabriquer. Je ne me suis pas forcée à le faire, cela est venu tout seul.

    On peut qualifier «Les Ombres et L’Echappée belle» de roman social…

    • L’humain est au cœur du propos, avec ses difficultés économiques, sociétales, son aspiration à la liberté, son besoin de rêve...

    Votre personnage principal est un homme. Qu’est ce que cela fait d’être dans la peau d’un homme ?

    • «Se mettre dans la peau» d’un personnage masculin ouvre la porte à plus de droits et de privilèges et fait automatiquement sauter les verrous d’une société qui a tendance à reléguer la femme au rang de ménagère ou de génitrice. Cela m’a quelque part donné la liberté de mouvement nécessaire pour échapper à ce que je redoutais, une écriture lisse et sans relief.

    «Les Ombres et l’échappée belle» est votre premier roman. Comment écrit-on un premier roman ?

    • J’ai toujours ressenti le besoin de m’exprimer à travers un art ou un autre ; l’écriture a été le premier moyen à ma portée. Sans aller jusqu’à la prétention de vouloir transmettre un message, j’ai cherché à traduire le malaise que je ressentais personnellement ou autour de moi ; j’ai voulu exposer les rêves qui m’entourent et de ceux qui m’entourent. J’ai laissé mon projet mûrir, un peu comme le fruit dont il faut attendre qu’il soit mûr pour le cueillir. Écrire demande énormément de temps et de travail. J’écrivais de temps à autre quelques papiers que je rangeais ; je prenais souvent des notes que je classais car je savais que j’y reviendrai. Puis un jour j’ai décidé de me fixer des horaires réguliers et une discipline de fer. Bien entendu, cela ne s’est pas toujours passé comme je l’entendais, il y eut des périodes où je travaillais régulièrement, d’autres où je délaissais mon manuscrit. Heureusement d’ailleurs, car quand je m’y remettais, j’avais pris de la distance.

    Sara Kharfi- Liberté
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